LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Maël X...,
- M. Kévin Y...,
- M. Awen Z...,
- M. Hoël A...,
- M. Ewan B...,
- M. Youenn B...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 13 juillet 2010, qui, pour dégradation ou détérioration de biens d'utilité publique, les a condamnés, chacun, à deux mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 111-4, 322-1, alinéas 2 et suivants, du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, de l'adage " specialia generalibus derogant ", défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré de jeunes militants bretons (MM. X..., Y..., Ewan B..., Youenn B..., Z... et A..., les demandeurs) coupables de dégradations volontaires de biens publics ou appartenant à une personne publique et les a condamnés à la peine de deux mois d'emprisonnement assortie du sursis ;
" aux motifs que l'appréciation de la gravité ou de la légèreté du dommage visé par les articles 322-1 et suivants du code pénal était une question de fait qui pouvait s'apprécier, s'agissant de dégradations, en fonction du coût de la restauration de celles-ci ; qu'en tout état de cause, considérer qu'une dégradation aurait été légère parce que non irréversible serait revenu à ajouter à la loi un élément dont elle ne disposait pas ; qu'en l'espèce, indépendamment de l'appréciation des réparations civiles sollicitées, il fallait considérer que la nature des dégâts causés n'était pas légère en termes de coût et il fallait constater que la revendication du caractère politique de ce délit était seulement ridicule, de sorte que la déclaration de culpabilité serait confirmée ;
" alors que le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins sur les façades de bâtiments ou de véhicules est punissable d'une peine d'amende lorsqu'il n'en est résulté qu'un dommage léger, celle-ci étant augmentée si le bien appartient à une personne publique ; qu'en l'espèce, le fait de porter des tags sur un bâtiment public et sur des rames appartenant à la SNCF, à l'aide d'une peinture aérosol et de coaltar, qui sont des produits délébiles, relève de l'incrimination spéciale pour éviter la peine d'emprisonnement prévue pour les dégradations entraînant de graves dommages et écarter la contravention de cinquième classe instituée à l'article R. 635-1 du même code ; qu'en déclarant que le caractère réversible ou irréversible de la dégradation aurait été un ajout à la loi, la cour d'appel a méconnu le principe d'interprétation stricte de la loi pénale qui impose de retenir la loi spéciale, lorsque celle-ci est en concours avec une loi générale " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 322-1 et suivants du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré de jeunes militants bretons (MM. X..., Y..., Ewan B..., Youenn B..., Z... et A..., les demandeurs) coupables de dégradations volontaires de biens publics ou appartenant à une personne publique et les a condamnés à la peine de deux mois d'emprisonnement assortie du sursis ;
" aux motifs que, présents et assistés devant la cour, les prévenus maintenaient leur système défense, tant sur les arguments juridiques que sur leurs mobiles, soutenu par un discours relevant d'une conception rudimentaire du débat démocratique ;
" alors que la cour d'appel ne pouvait délaisser les conclusions régulièrement déposées devant elle, par lesquelles les jeunes militants revendiquaient leur mobile politique, c'est-à-dire la réunification de la Bretagne, et sollicitaient une dispense de peine en se référant à un arrêt de la chambre criminelle du 28 septembre 1970 ayant retenu cette qualification, parce que l'inscription était, " par son libellé, objectivement politique " ;
Attendu que la dispense de peine étant une simple faculté laissée à l'appréciation du juge, le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1382 du code civil, des articles 322-1, alinéas 1 et suivants du code pénal, 2, 3 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir condamné de jeunes militants bretons (MM. X..., Y..., Ewan B..., Youenn B..., Z... et A..., les demandeurs) du chef de dégradations volontaires de biens publics ou appartenant à une personne publique, a déclaré recevables les constitutions de partie civile de la SNCF et de la région Pays de la Loire et a condamné les prévenus à leur verser respectivement la somme de 3 659, 72 euros et celle de 16 527, 44 euros en réparation de leur préjudice ;
" aux motifs qu'à supposer que les parties civiles fussent couvertes par une assurance, en l'absence d'un recours subrogatoire de leur assureur devant la juridiction répressive, cette couverture éventuelle ne pouvait dispenser les auteurs des dommages de réparer ceux-ci ;
" alors que, si les parties civiles ont qualité pour obtenir, auprès des auteurs, réparation de l'entier préjudice causé par l'infraction, le montant des dommages-intérêts prononcé par le juge répressif ne peut excéder le quantum du dommage et doit prendre en compte les indemnités d'ores et déjà versées au titre du contrat d'assurance souscrit par les victimes ; que la cour d'appel ne pouvait refuser de vérifier auprès des parties civiles l'existence d'une telle assurance et le versement corrélatif de la garantie, puis ériger en postulat qu'en tout état de cause cette couverture éventuelle ne pouvait dispenser les auteurs des dommages de réparer ceux-ci " ;
Attendu que l'indemnisation de la victime par son assureur, lequel ne dispose devant la juridiction répressive d'aucun recours subrogatoire contre le responsable du dommage, ne dispense pas ce dernier de réparer le préjudice résultant de l'infraction dont il a été déclaré coupable ; que la cour d'appel, qui a souverainement apprécié le préjudice subi par les parties civiles, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 1 500 euros la somme que MM. X..., Y..., Z..., A..., Ewan B... et Youenn B..., devront payer solidairement à la région Pays de la Loire au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Castel conseiller rapporteur, Mme Chanet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;