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11/10/2011 | FRANCE | N°10-19643

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 octobre 2011, 10-19643


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 23 avril 2010), que le 18 septembre 2002, M. X... a accepté un devis de la société Chantiers navals Bernard pour la construction et la livraison d'un navire de pêche, la livraison devant intervenir après onze mois de construction à partir de la date de signature du contrat et versement du premier acompte ; qu'une charte d'affrètement coque nue a été signée entre la copropriété du navire Austral, arma

teur, venant aux droits de M. X..., et la société Austral, affréteur ; q...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 23 avril 2010), que le 18 septembre 2002, M. X... a accepté un devis de la société Chantiers navals Bernard pour la construction et la livraison d'un navire de pêche, la livraison devant intervenir après onze mois de construction à partir de la date de signature du contrat et versement du premier acompte ; qu'une charte d'affrètement coque nue a été signée entre la copropriété du navire Austral, armateur, venant aux droits de M. X..., et la société Austral, affréteur ; qu'un procès-verbal de désaccord et de recette non acceptée est intervenu le 21 avril 2004 ; qu'à la suite de l'obtention du permis de navigation et du certificat de franc bord délivrés le 16 août 2004, la recette du navire est intervenue entre les parties le 17 août 2004 avec réserves ; que la copropriété du navire Austral et la société Austral ont assigné la société Chantiers navals Bernard en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que la société Austral et la copropriété du navire Austral font grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement intervenu entre la société Austral et la société Chantiers navals Bernard avec l'intervention de la société Axa France IARD en ce qu'il a rejeté toutes les demandes d'indemnisation de la société Austral et l'ensemble des demandes de la copropriété du navire Austral, alors, selon le moyen :
1°/ que s'agissant du retard dans la livraison, l'article 6 du contrat de construction du fileyeur prévoyait des cas limitatifs de prorogation de délais de livraison pour certains retards, la société Chantiers navals Bernard ayant l'obligation «d'aviser l'armateur de ces retards et de leurs conséquences dans les meilleurs délais» ; que, ainsi que le soutenaient les conclusions d'appel, «les Chantiers navals Bernard (n'avaient) jamais notifié à l'armement l'existence d'un quelconque retard et de ses conséquences éventuelles» ; qu'en retenant néanmoins qu'il y avait eu prorogation du délai de livraison dès lors qu'il y avait eu retard dans les encaissements des termes et des paiements, des modifications demandées par l'armateur et des livraisons tardives de matériels commandés par M. X..., sans rechercher, comme cela lui était demandé, si la société Chantiers navals Bernard avait avisé l'armateur de ces retards et de leurs conséquences, la cour d'appel a manqué de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
2°/ que s'agissant du retard dans la livraison, l'article 6 du contrat de construction du fileyeur prévoyait des cas limitatifs de prorogation de délais de livraison pour certains retards, en particulier pour ceux dus à une modification demandée par l'armateur ; qu'une telle modification s'entend d'une modification établie conventionnellement par écrit ainsi que l'exige l'article 5 de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 relative au statut des navires et autres bâtiments de mers, à peine de nullité desdites modifications ; qu'en disant qu'il y avait eu prorogation du délai de livraison dès lors qu'il y aurait eu modifications demandées par l'armateur sans constater que ces supposées modifications auraient été établies par écrit, la cour d'appel a violé ensemble l'article 1134 du code civil et l'article 5 de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que l'article 6 du contrat bilatéral du 18 septembre 2002 précisait différents cas pouvant proroger le délai de livraison, tels que le retard d'encaissement des termes de paiement, le retard causé par des modifications ou décisions demandées par l'armateur et le retard causé par l'installation des organes et appareils venant de fournisseurs négligents imposés par l'armateur ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que cet article ne sanctionnait pas le défaut d'avis des retards et de leurs conséquences par la déchéance du droit pour le constructeur naval d'obtenir une prorogation du délai de livraison, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, que l'article 5 de la loi du 3 janvier 1967 relative au statut des navires et autres bâtiments de mer ne concerne pas les prorogations du délai de livraison mais le paiement de travaux supplémentaires et ne saurait être étendu au-delà de ses termes ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Austral et la copropriété du navire Austral aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Chantiers navals Bernard la somme globale de 2 500 euros et à la société Axa France IARD la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils pour la société Austral et la copropriété du Navire Austral
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris intervenu entre la Société AUSTRAL et la Société CHANTIERS NAVALS BERNARD avec l'intervention de la Compagnie AXA FRANCE IARD en ce qu'il a débouté la SARL AUSTRAL de toutes ses demandes d'indemnisation et d'AVOIR débouté la Copropriété du navire AUSTRAL de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE « La copropriété du navire AUSTRAL et la Société AUSTRAL recherchent la responsabilité de la Société CHANTIERS NAVALS BERNARD à titre principal sur le fondement délictuel au motif que le contrat de construction d'origine ne liait que Monsieur X... à la Société CHANTIERS NAVALS BERNARD et à titre subsidiaire sur le fondement contractuel; que selon le contrat bilatéral du 18 septembre 2002 signé entre Monsieur X... et la Société CHANTIERS NAVALS BERNARD portant sur la fourniture d'un fileyeur de 23 m, il résulte de l'article 6 que " la propriété du navire sera transférée à l'armateur au fur et à mesure du paiement des termes prévus (…) Ce transfert de propriété ne peut en aucun cas être considéré comme libérant les parties des obligations contractuelles assumées du fait du présent contrat; il ne pourra avoir lieu qu'après parfait paiement des termes à la livraison prévue. Dès cet instant, la totale responsabilité du navire appartiendra à l'armateur"; qu'or en cours d'exécution du contrat, deux sociétés ont été créées à savoir la Société AUSTRAL le 20 décembre 2002 et la Société SOFIPECHE ROYAN AUSTRAL le 2 décembre 2002; que le 30 novembre 2003 une convention de copropriété portant sur le navire AUSTRAL a été conclue entre la Société AUSTRAL et la Société SOFIPECHE; que le terme "navire" utilisé dans cette convention est défini comme suit: "navire signifie le "AUSTRAL" un navire qui sera immatriculé sous pavillon français dès son acquisition par la copropriété en vertu du contrat d'acquisition du navire figurant en annexe 3; que la Cour constate que cette annexe 3 n'est pas produite mais elle relève que la définition ci-dessus rappelée admet que le navire n'est pas encore la propriété de la copropriété; que d'autre part il ressort du procès verbal de tentative de recette du 21 avril 2004 que la contrat s'est poursuivi avec la copropriété du navire AUSTRAL puisque ces documents font référence uniquement à la Société AUSTRAL laquelle est la gérante de la copropriété et non plus à Monsieur X... en tant que personne physique; qu'il ressort de ces éléments qu'il existe bien un lien contractuel entre le Copropriété du navire AUSTRAL laquelle a été créée en cours de chantier avant toute recette et tout transfert de propriété et la Société CHANTIERS NAVALS BERNARD; qu'en conséquence la responsabilité de la Société CHANTIERS NAVALS BERNARD doit être recherchée sur le fondement contractuel; que la Copropriété du navire AUSTRAL reproche à la Société CHANTIERS NAVALS BERNARD un retard dans la livraison ayant entraîné pour elle une perte de loyers et un non respect des spécifications techniques du navire ayant pour conséquence également une perte de loyers et elle demande en outre la mise en conformité du navire avec les spécifications contractuelles à savoir un navire de pêche type polyvalent destiné aux métiers de trémail , filets et bolinche; que la Société AUSTRAL, affréteur du navire en vertu d'une charte partie d'affrètement coque nue, demande quant à elle sur le fondement délictuel l'indemnisation de la perte d'exploitation subie du fait de la non livraison du navire à la date du 6 octobre 2003, l'indemnisation de la perte d'exploitation subie du fait de l'immobilisation du navire en raison de la reprise de malfaçons et de mise en conformité, l'indemnisation du défaut de polyvalence du navire ainsi que l'indemnisation de préjudices accessoires et de différents frais et agios; sur le retard de livraison du navire, que le devis accepté du 18 septembre 2002 prévoyait au chapitre CONDITION DE LIVRAISON: 12 mois à compter de la signature et suivant notre contrat bilatéral ci-joint; il comportait en outre un planning de construction; que le contrat bilatéral du 18 septembre 2002 disposait dans son article 6: DELAI DE LIVRAISON que le navire serait livré à flot au port de PORT LOUIS dans la semaine 38/2003, 11 mois de construction à partir de la date de la signature du contrat et des conditions de §4; que cet article précisait différents cas pouvant proroger le délai de livraison tel que: - retard de déblocage du financement ou encaissement des termes de paiement; retard dans la réception par le constructeur des renseignements et plans approuvés par le Bureau Véritas ou l'armateur; retard causé par des modifications ou décisions demandées par l'armateur; retard causé par l'installation des organes ou appareils venant de sous-traitants ou fournisseurs négligences imposés par l'armateur; retard lié à des cas de force majeure; que l'article 4-1 visé à l'article 6 concerne les termes et modalités de paiement ; qu'enfin l'article 12 stipule que le contrat entrait en vigueur lorsque les conditions suivantes étaient réalisées à savoir la signature du contrat par les deux parties, le paiement du premier terme et l'agrément du Ministère des Finances et l'obtention du financement total ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que le point de départ du délai de construction était notamment lié au paiement du premier terme ; qu'il n'est pas contesté par la Copropriété du navire AUSTRAL que ce paiement n'est intervenu que le 6 novembre 2002 ; que dans ces conditions, il apparaît que le planning initialement prévu ne pouvait plus être respecté ; que de même, il n'est pas sérieusement contesté par la Copropriété que les paiements des différents acomptes ne sont pas toujours intervenus dans les délais, l'existence d'un délai de 20 jours ne pouvant s'analyser comme le délai dans lequel le paiement pouvait valablement intervenir mais comme une franchise de calcul des intérêts de retard ; que d'autre part il ressort du premier compte-rendu de construction du navire du 10 décembre 2002 que lors de la réunion de chantier qui s'est déroulée en présence de Monsieur X... pour le compte de la Société SOFIPECHE exploitée par la Société AUSTRAL, la Société CHANTIERS NAVALS BERNARD a fourni les plans des formes à Monsieur X... et qu'un certain nombre de demandes de modification a été formé par ce dernier ; que ces demandes de modifications et de reprise des plans ont nécessairement entraîné un retard supplémentaire dans la construction du navire ; qu'enfin il résulte des pièces produites aux débats que les matériels directement commandés par l'armement X... ont été livrés tardivement puisque les livraisons se sont déroulées entre le 10 octobre 2003 et le 10 mars 2004 ; que dans ces conditions il ne peut être reproché à la Société CHANTIERS NAVALS BERNARD un non respect des délais de livraison du navire jusqu'au 21 avril 2004 ; qu'en ce qui concerne la période du 21 avril 2004 au 17 août 2004, il apparaît clairement à la lecture des différents courriers produits aux débats que le retard de mise en service était dû à l'insuffisance du permis de mise en exploitation (PME) ; qu'or il convient de rappeler que la demande de PME est faite par l'armateur, Monsieur X... à l'origine, et que le permis obtenu par celui-ci antérieurement à la commande du navire auprès de la société CHANTIERS NAVALS BERNARD ne permettait pas la construction d'un navire tel que Monsieur X... l'avait commandé ; que dans ces conditions le retard ne peut être imputé à la Société CHANTIERS NAVALS BERNARD ; qu'il y a lieu de débouter la Copropriété du navire AUSTRAL et la Société AUSTRAL de leurs demandes en indemnisation de leurs préjudices résultant du retard dans la livraison du navire ; sur la non-conformité du navire, que l'examen du devis n° 131005D du 18 septembre 2002 signé par les parties concerne la construction et livraison d'un navire de pêche de type polyvalent fileyeur ; qu'il est par ailleurs mentionné que la version bolincheur a été abandonnée ; que cette mention est corroborée par la mention page 2 au chapitre 1.3 Dossier Architecture Navale : « ce projet de navire type fileyeur sera étudié par notre propre bureau d'études » ; que le fait qu'au chapitre 2 il soit indiqué que ce navire de pêche sera conçu pour effectuer les métiers de : trémail-filets et bolinche ne permet pas d'en déduire que le navire commandé devait permettre la bolinche mais seulement que ce navire pourrait être adapté pour la bolinche ; qu'en outre rien dans le descriptif du chapitre 12 relatif à l'équipement de pêche ne permet de dire que l'accord des parties avait porté sur un équipement permettant la pêche à la bolinche ; qu'enfin le contrat bilatéral signé le même jour que le devis accepté ne fait référence qu'à la fourniture d'un fileyeur ; que le Copropriété du navire AUSTRAL ne rapporte pas la preuve que le navire livré ne serait pas conforme à la commande à savoir un fileyeur pouvant être adapté pour permettre la pêche à la bolinche ; qu'il y a lieu de débouter tant la Copropriété que la Société AUSTRAL de leurs demandes en réparation du préjudice résultant du fait que ce navire ne permet pas en l'état actuel de pratiquer la pêche à la bolinche ; sur les travaux de reprise, la Copropriété du navire AUSTRAL demande à la fois le coût de la mise en conformité du navire pour une pêche à la bolinche, le coût de la remise en état du navire suite à la levée des réserves, réparation des vices cachés et non-conformité ainsi que le coût de travaux réalisés au titre de diverses réparations, soit une somme totale de 215.443,20 € ; que la Société AUSTRAL demande quant à elle la perte d'exploitation subie du fait de l'immobilisation du navire pour réparations, le remboursement des frais et préjudices accessoires tels que frais de déplacement à hauteur de 24.319,14 € ainsi que des agios et intérêts intercalaires à hauteur de 12.778,34 € ; qu'il y a lieu de débouter tant la Copropriété que la Société AUSTRAL de leurs demandes respectives consécutives à la soi disant non-conformité du navire pour la pêche à la bolinche ; que d'autre part il appartient à la Copropriété du navire AUSTRAL de rapporter la preuve de l'existence de désordres affectant le navire ; qu'or la Cour constate que pour rapporter une telle preuve, la Copropriété ne verse aux débats qu'un document intitulé Rapport en date du 6/12/2004 émanant d'un cabinet d'expertise CEA rédigé par Monsieur Y... ; qu'il n'est donné aucune précision sur l'origine de ce document ni sur son caractère contradictoire à l'égard de l'ensemble des parties ; qu'en outre ce document prend en compte la fonction de pêche à la bolinche ; que de même il est fait état de travaux dont il n'est pas précisé si ceux-ci sont liés à un désordre relevant de la responsabilité contractuelle de la Société CHANTIERS NAVALS BERNARD ;
que dans ces conditions il y a lieu de débouter tant la Copropriété que la Société AUSTRAL de leurs demandes au titre des travaux de reprise non justifiés ; qu'il n'apparaît pas opportun d'ordonner une mesure d'expertise judiciaire en l'état ; qu'en conséquence il convient également de débouter la Société AUSTRAL de ses demandes portant sus ses frais accessoires ou encore sur des agios et intérêts intercalaires ; que de même aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre de la Société CHANTIERS NAVALS BERNARD, la demande en garantie de celle-ci à l'encontre de la Compagnie d'assurances AXA FRANCE est devenue sans objet »
ALORS QUE 1°) s'agissant du retard dans la livraison, l'article 6 du contrat de construction du fileyeur prévoyait des cas limitatifs de prorogation de délais de livraison pour certains retards, la Société CHANTIERS NAVALS BERNARD ayant l'obligation « d'aviser l'armateur de ces retards et de leurs conséquences dans les meilleurs délais » ; que, ainsi que le soutenaient les conclusions d'appel (p. 21 1. 2e point), « les CHANTIERS NAVAL BERNARD (n'avaient) jamais notifié à l'armement l'existence d'un quelconque retard et de ses conséquences éventuelles » ; qu'en retenant néanmoins qu'il y avait eu prorogation du délai de livraison dès lors qu'il y avait eu retard dans les encaissements des termes et des paiements, des modifications demandées par l'armateur et des livraisons tardives de matériels commandés par Monsieur X..., sans rechercher, comme cela lui était demandé, si la Société CHANTIERS NAVALS BERNARD avait avisé l'armateur de ces retards et de leurs conséquences, la Cour d'appel a manqué de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

ALORS QUE 2°) s'agissant du retard dans la livraison, l'article 6 du contrat de construction du fileyeur prévoyait des cas limitatifs de prorogation de délais de livraison pour certains retards, en particulier pour ceux dus à une modification demandée par l'armateur ; qu'une telle modification s'entend d'une modification établie conventionnellement par écrit ainsi que l'exige l'article 5 de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 relative au statut des navires et autres bâtiments de mers, à peine de nullité desdites modifications ; qu'en disant qu'il y avait eu prorogation du délai de livraison dès lors qu'il y aurait eu modifications demandées par l'armateur sans constater que ces supposées modifications auraient été établies par écrit, la Cour d'appel a violé ensemble l'article 1134 du Code civil et l'article 5 de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 ;
ALORS QUE 3°) l'article 4-1 du contrat de construction du fileyeur stipulant les termes et modalités de paiement prévoyait que les paiements – échelonnés en 5 termes – devraient « s'effectuer après les demandes d'acompte du chantier, soit par chèque ou virement bancaire (…et que) tout retard dans la réception par le constructeur des paiements excédent 20 jours à compter de la date des termes de paiement signés donne droit pour le constructeur à l'intérêt au taux de découvert bancaire en vigueur » et à l'article 6 que « l'armateur devra être avisé de ces retards et de leurs conséquences dans les meilleurs délais » ; qu'il s'évinçait nécessairement et sans interprétation possible de ces articles, qu'à défaut de notification de retard à l'armateur après la demande de paiement, un paiement fait dans le délai de 20 jours à compter de la demande de paiement ne pouvait être considéré comme tardif au sens de l'article 6 dudit contrat ; qu'en disant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil par refus d'application des termes du contrat ;
ALORS QUE 4°) il est constant qu'il était prévu que le délai de livraison expirait après 11 mois de construction à partir de la signature du contrat et de la date de paiement du premier terme (soit le 6 novembre 2002) ; qu'en conséquence la livraison aurait dû intervenir le 6 octobre 2003 ; que la livraison et la recette n'ont été effectuées que le 17 août 2004, soit plus de 10 mois après le délai accordé ; qu'en disant qu'il n'y avait pas eu de retard de livraison aux motifs inopérants que « le paiement n'étant intervenu que le 6 novembre 2002 (…) le planning initialement prévu ne pouvait plus être respecté », la Cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE 5°) l'article 6 du contrat de construction du fileyeur prévoyait des cas limitatifs de prorogation de délais de livraison pour certains retards ; que ces cas ne comportaient pas l'hypothèse d'une difficulté due à la différence entre le permis obtenu par Monsieur X... et le jaugeage du navire après construction ; qu'en disant que le retard dans le délai de livraison pour la période du 21 avril 2004 au 17 août 2004 ne pouvait être prise en compte aux motifs inopérants que c'était Monsieur X... qui avait demandé le permis antérieurement à la commande du navire et que « ce permis ne permettait pas la construction d'un navire tel que Monsieur X... l'a commandé », la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil par refus d'application du contrat ;
ALORS QUE 6°) il appartient au constructeur du navire qui a connaissance du Permis de Mise en Exploitation (PME) accordé au propriétaire du navire dont la construction est projetée de s'assurer que le navire dont la construction lui est demandée correspond bien au permis accordé ; qu'il est constant que Monsieur X... avait obtenu un permis fixant la limite de jauge « GT à 90 ums » ; que le contrat de construction prévoyait « jauge : non déterminée », le devis spécifiant « le service de la jauge de LORIENT n'effectuant plus de préjaugeage, le chantier ne peut confirmer la jauge définitive en tonneaux ou UMS Navire » ; que le navire construit au 21 avril 2004 présentait une jauge de 219,41 ums ; que dans ces circonstances le constructeur, professionnel en la matière, aurait dû avertir l'armateur au moment de l'élaboration du projet de construction de l'impossibilité de respecter la jauge de 90 ums au regard des spécifications du contrat ; qu'en rejetant ce moyen aux motifs inopérants que c'était Monsieur X... qui avait demandé le permis antérieurement à la commande du navire et que ce permis ne permettait pas la construction d'un navire tel que Monsieur X... l'avait commandé, la Cour d'appel a manqué de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
ALORS QUE 7°) ont été signés le même jour pour la construction du navire litigieux un contrat intitulé « Pour la fourniture d'un Fileyeur », faisant référence à la « spécification référencée n° 131005 D » et un devis «n° 131005 D » intitulé « Construction et livraison d'un navire de pêche Polyvalent Fileyeur » ; que le devis stipulait encore que « ce navire de pêche sera conçu pour effectuer les métiers de Trémail – filets et bolinche ; Navire de pêche construit avec deux ponts (pont principal et pont supérieur) et une coursive centrale intérieure » ; que cela s'évinçait encore de l'ensemble des factures émise par la Société CHANTIERS NAVALS BERNARD qui portaient la mention « Construction et livraison d'un navire de pêche type polyvalent fileyeur en PVRT d'une longueur de 23 mètres » ; qu'en disant néanmoins que le navire ne devait être que fileyeur et non polyvalent, la Cour d'appel a manifestement dénaturé la convention des parties en violation de l'article 1134 du Code civil ;
ALORS QUE 8°) trois versions de construction ont été proposées affectées d'un indice (B, C et D) ; que seul l'indice B prévoyait l'abandon du «bolincheur » ; que le devis portait l'indice D « lecture de la spécification en commun BE, Chantier et armement » la version B n'étant pas retenue ; qu'il s'en évinçait dès lors que le contrat de construction qui, faisant également référence en son article 4 à la « spécification référencée n° 131005 D », portait nécessairement sur un navire polyvalent fileyeur ; qu'en appliquant néanmoins la version B selon laquelle le « bolincheur » était abandonné, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil par refus d'application du contrat ;
ALORS QUE 9°) la Cour d'appel a retenu qu'il était convenu entre les parties que le « navire commandé(…) pourrait être adapté pour la bolinche » ; qu'il était fait état dans les conclusions que la pêche à la bolinche ne pouvait être pratiquée dès lors que pour ce faire « il serait nécessaire d'arrêter le bateau plusieurs mois, de démolir le poste d'équipage pour positionner les supports de la grue puis de démolir le local sonar et une partie du local à poissons pour positionner les apparaux de pêche »; qu'un courrier des Affaires maritimes du 16 juillet 2007 établissait que le dossier de stabilité ne permettait pas son exploitation en version « bolincheur » ; que le rapport d'expertise de Monsieur Y... spécifiait encore s'agissant de la pêche à la bolinche, que « le navire ne peut être équipé de sa grue, les inserts et renforts nécessaires n'ayant pas été réalisés alors que la distribution hydraulique pour cette grue est bien présente » ; qu'en disant cependant que la Copropriété ne rapportait pas la preuve de ce que le navire livré ne serait pas conforme à la commande à savoir un fileyeur pouvant être adapté pour permettre la pêche à la bolinche, la Cour d'appel a manqué de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
ALORS QUE 10°) un rapport amiable ne peut être écarté à titre de preuve au seul motif qu'il n'est pas contradictoire, dès lors que ce rapport, qui n'est pas un rapport d'expertise judiciaire, a été régulièrement versé aux débats et donc susceptible d'être débattu contradictoirement ; qu'en écartant des éléments de preuve fournis par les exposantes le rapport de Monsieur Y..., rapport amiable, aux motifs « qu'il n'est donné aucune précision sur l'origine de ce document ni sur son caractère contradictoire à l'égard de l'ensemble des parties », la Cour d'appel a violé les articles 9, 15, 16 et 132 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE 11°) l'article 10 du contrat de construction prévoyait que « le navire désigné est garanti 12 mois » et que « cette garantie s'entend dans le cadre du service après-vente contre tout défaut de matière, défaut de construction, défaut d'installation ou de montage apparaissant dans les travaux effectués et en garde du constructeur et ses sous-traitants » ; que la recette du navire ayant été opérée le 17 août 2004, il a été constaté que le 24 octobre 2004, soit deux mois après la recette, le parc à filets s'était désolidarisé du pont ; qu'il est constant qu'aux termes du devis annexé au contrat le parc à filets a été réalisé par la Société CHANTIERS NAVALS BERNARD (v. art. 12-11 du devis) ; que la Société CHANTIERS NAVALS BERNARD en a été aussitôt informée ainsi qu'il ressort d'une télécopie du 29 octobre 2004 dans laquelle cette société écrivait « nous prenons les décisions ci-dessous afin de garantir provisoirement la consolidation du parc pour vous permettre de repartir en pêche le plus vite possible : bon de commande pour l'intervention de l'entreprise LALY (…) ; déplacement de notre expert AXA pour constater les dégâts survenus (…) ; prise en compte d'une étude du parc pour envisager d'autres accroches sur le pont (…) ; réalisation des renforts en atelier ; pose des renforts sur le bateau (…) » ; qu'en disant qu'il « n'est pas démontré que les dégâts subis en mer, le parc à filet, seraient la conséquence d'un défaut imputable à la Société CHANTIERS NAVALS BERNARD », la Cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les article 1134 et 1315 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-19643
Date de la décision : 11/10/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

DROIT MARITIME - Navire - Construction - Conclusion et modifications - Rédaction par écrit - Domaine d'application - Exclusion - Prorogations du délai de livraison du navire

DROIT MARITIME - Navire - Construction - Conclusion et modifications - Rédaction par écrit - Domaine d'application - Paiement de travaux supplémentaires

L'article 5 de la loi du 3 janvier 1967 relative au statut des navires et autres bâtiments de mer ne concerne pas les prorogations du délai de livraison mais le paiement de travaux supplémentaires et ne saurait être étendu au-delà de ses termes


Références :

article 5 de la loi du 3 janvier 1967, devenu article L. 51113-2 du code des transports

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 23 avril 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 oct. 2011, pourvoi n°10-19643, Bull. civ. 2011, IV, n° 154
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, IV, n° 154

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : Mme Bonhomme
Rapporteur ?: M. Lecaroz
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Odent et Poulet, SCP Tiffreau, Corlay et Marlange

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.19643
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