LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois Z 10-18.209, B 10-18.211 et D 10-18.213 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués que MM. X..., Y... et Z..., anciens salariés de la société Mines de Potasse d'Alsace (MDPA) ont saisi la juridiction prud'homale, en novembre 2004 et mars 2005 pour obtenir un rappel de rémunération au titre du temps de douche, outre les congés payés afférents, ainsi que la condamnation de leur ancien employeur au paiement de dommages-intérêts au titre du préjudice consécutif à la minoration de l'assiette de calcul de leurs pensions de vieillesse ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Vu les articles L. 3245-1 du code du travail et 2277 du code civil dans leur rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 ;
Attendu que pour condamner la société MDPA à payer à chacun des demandeurs la somme de 1 300 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt, après avoir constaté la prescription de la demande principale en paiement d'un rappel de rémunération au titre du temps de douche pour les périodes antérieures au 25 novembre 1999, s'agissant de M. Y..., et au 8 mars 2000, s'agissant de MM. X... et Z..., énonce que l'action en paiement de dommages-intérêts se prescrit par trente ans conformément à l'article 2262 ancien du code civil, prescription qui n'est pas acquise en l'espèce, de sorte que ce chef de demande est recevable ; que le défaut de paiement du temps de douche au salarié lui a nécessairement causé un préjudice en ce que l'assiette de calcul de ses pensions de retraite s'en est trouvé diminuée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que sous couvert d'une demande de dommages-intérêts pour minoration de l'assiette de calcul de leur pension de retraite, les salariés demandaient le paiement d'une créance de rappel de salaires qui était prescrite en application de l'article 2277 du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'en application de l'article 627 du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les pourvois incidents des salariés :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils ont condamné la société MDPA à payer à chacun des salariés la somme de 1 300 euros à titre de dommages-intérêts pour minoration de l'assiette de calcul de la pension de retraite, les arrêts rendus le 25 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute les salariés de leur demande en paiement de dommages-intérêts pour minoration de l'assiette de calcul de la pension de retraite ;
Condamne MM. X..., Y... et Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, avocat aux Conseils, pour la société Mines de Potasse d'Alsace.
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué, après avoir déclaré partiellement recevable la demande en paiement d'un rappel de salaire au titre du temps de douche pour la seule période du 8 mars 2000 au 30 juin 2004, d'avoir condamné, au titre de la période prescrite, la SA Mines de Potasse d'Alsace à payer à M. X... la somme de 1.300 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi pour défaut de paiement des temps de douche majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du jour de l'arrêt ;
AUX MOTIFS QUE Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription quinquennale des salaires il y a lieu de souligner au préalable que la présente instance ayant été engagée au mois de juillet 2004, soit avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, ce sont les règles anciennes en matière de prescription qui s'appliquent et ce en vertu de l'article 26 III de la loi du 17 juin 2008 ;
Qu'à cet égard, l'article 2277 ancien du Code civil dispose que les actions en paiement de salaires se prescrivent par cinq ans ;
Que cette prescription s'applique aux créances salariales déterminées ;
Que tel est le cas en l'espèce pour le rappel de salaires correspondant au temps de douche même si le règlement intérieur de la SA MDPA n'avait pas fixé ce temps de douche ;
Qu'en effet, il est constant que les salariés bénéficiaient d'un temps de douche d'un quart d'heure ;
Que le calcul du rappel de salaire dû à ce titre était donc parfaitement déterminable et ne dépendait pas d'éléments devant être fourni par l'employeur ;
Qu'en outre, ce calcul ne dépendait pas de l'établissement d'une liste des salariés concernés par l'employeur ;
Que de plus, force est de constater que le salarié a été parfaitement en mesure de former une demande en paiement déterminée sur la base d'un temps de douche d'un quart d'heures ;
Que d'autre part, aucune volonté de fraude de l'employeur, consistant à vouloir dissimuler le non-paiement du temps de douche, n'est prouvée ;
Que dès lors, la prescription quinquennale a commencé à courir au jour où le paiement du temps de douche est devenu exigible ;
Qu'il ressort de la déclaration introductive d'instance devant le Conseil de prud'hommes de Mulhouse en date du 8 mars 2005 que le salarié a quitté l'entreprise en juin 2004 ;
Que cette demande introductive d'instance a interrompu le délai de prescription ;
Que dès lors, le salarié est recevable à solliciter un rappel de salaire correspondant au temps de douche pour la période du 8 mars 2000 au 30 juin 2004 ;
Sur la demande en paiement de dommages et intérêts l'action en paiement de dommages et intérêts se prescrit par trente ans conformément à l'article 2262 ancien du Code civil, prescription qui n'est pas acquise en l'espèce, de sorte que ce chef de demande est recevable ;
Que le défaut de paiement du temps de douche au salarié lui a nécessairement causé un préjudice en ce que l'assiette de calcul de ses pensions de retraite s'en est trouvé diminuée ;
Que cependant la Cour n'a pas à suppléer à la carence du salarié dans l'administration de la preuve de l'étendue de son préjudice de sorte qu'il doit être débouté de sa demande d'expertise ;
Qu'au regard des pièces justificatives versées aux débats, il convient de condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 1.300 € qui répare intégralement le préjudice qu'il a subi ;
ALORS QUE l'acquisition de la prescription quinquennale pour le paiement d'une créance de salaires est exclusive de toute action en dommages-intérêts pour la période prescrite ;
D'où il résulte qu'en allouant au salarié des dommages et intérêts au titre du préjudice subi pour défaut de paiement des temps de douche, lorsque cette demande tendait en réalité à obtenir le paiement d'une créance salariale relative au temps de douche qui était prescrite, ainsi qu'elle le constatait d'ailleurs expressément, la Cour d'appel a manifestement violé l'article 2277 du Code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;
Moyen identique produit AUX POURVOIS INCIDENTS EVENTUELS par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils, pour MM. X..., Y... et Z....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté le salarié de sa demande d'expertise et de ses autres demandes à titre de dommage et intérêts ;
Aux motifs que le défaut de paiement du temps de douche au salarié lui avait nécessairement causé un préjudice en ce que l'assiette de calcul de ses pensions de retraite s'en était trouvée diminuée ; attendu cependant que la cour n'avait pas à suppléer à l'appelant dans l'administration de la preuve de l'étendue de son préjudice en ordonnant une expertise ;
Alors que le juge qui, saisi d'une demande de réparation et constatant l'existence du préjudice, ne peut refuser de l'évaluer et de l'indemniser ; que le salarié avait invoqué le préjudice résultant de la diminution de l'assiette des cotisations de retraite du fait du défaut de paiement des temps de douche ; que la cour d'appel, en n'ayant pas indemnisé ce chef de préjudice dont elle constatait l'existence, a violé le principe de réparation intégrale du préjudice et l'article 1147 du code civil.