La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/10/2011 | FRANCE | N°10-17234

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 05 octobre 2011, 10-17234


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la SCI de Chevigny du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme Françoise X..., épouse Y... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 11 mars 2010), que le 12 octobre 1999, Mme Z... a vendu à la société civile immobilière de Chevigny (la société de Chevigny) un château, diverses dépendances et parcelles et la nue-propriété d'une parcelle CE 48 sur laquelle s'exerçait un droit de passage au profit de M. A..., titulaire d'un bail rural portant sur des parcelle

s de terre et des bâtiments d'exploitation et d'habitation attenants, consen...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la SCI de Chevigny du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme Françoise X..., épouse Y... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 11 mars 2010), que le 12 octobre 1999, Mme Z... a vendu à la société civile immobilière de Chevigny (la société de Chevigny) un château, diverses dépendances et parcelles et la nue-propriété d'une parcelle CE 48 sur laquelle s'exerçait un droit de passage au profit de M. A..., titulaire d'un bail rural portant sur des parcelles de terre et des bâtiments d'exploitation et d'habitation attenants, consenti le 27 mars 1987 et renouvelé le 6 décembre 1995 ; que par le même acte, elle a constitué un pacte de préférence au profit de cette société portant sur l'ensemble des parcelles dont elle restait propriétaire, y compris celles faisant l'objet du bail rural, sous réserve du droit de préemption du locataire, le non-respect de ce pacte de préférence étant sanctionné par une clause pénale ; que par un "compromis" du 3 mai 2005, les consorts X..., héritiers de Mme Z..., décédée en 2004, ont vendu à M. A... les biens faisant l'objet du bail rural ainsi que les autres biens libres, sans notifier au préalable une offre de vente à la société de Chevigny, qui s'est opposée à la régularisation de cette vente ; qu'après rejet par le tribunal paritaire des baux ruraux de sa demande d'extension du bail rural aux biens que Mme Z... avait gardé libres, M. A... a assigné les consorts X... pour faire déclarer la vente parfaite ; que la société de Chevigny est intervenue volontairement à la procédure pour obtenir l'annulation du "compromis" de vente intervenu en fraude de ses droits, la condamnation in solidum de M. A... et des consorts X... à des dommages-intérêts, la condamnation des consorts X... au versement de la clause pénale et l'interdiction de tout passage sur la parcelle CE 48 et la création d'un chemin d'accès à la ferme sur une autre parcelle ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société de Chevigny fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande indemnitaire à l'encontre du tiers acquéreur, M. A..., alors, selon le moyen, que le tiers acquéreur en violation des droits du bénéficiaire d'un pacte de préférence engage sa responsabilité envers ce dernier lorsque, ayant connaissance dudit pacte, il se rend complice de la violation de ses obligations par le promettant ; qu'en écartant toute demande indemnitaire dirigée à l'encontre de M. A... au motif qu'il n'était pas partie au pacte de préférence et qu'il n'avait en conséquence aucune obligation vis-à-vis de la SCI, sans rechercher si M. A... avait connaissance du pacte de préférence au jour où il avait signé le compromis de vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1165 et 1382 du code civil ;
Mais attendu que la société de Chevigny n'ayant pas soutenu dans ses conclusions que M. A... avait connaissance du pacte de préférence au jour où il avait signé la promesse de vente, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société de Chevigny en paiement par les consorts X... de la clause pénale insérée dans le pacte de préférence, l'arrêt retient que ces derniers ne pouvaient pas régulariser la vente tant qu'une décision de justice définitive n'avait pas statué sur la consistance des biens destinés à être vendus à M. A... et à la société de Chevigny, que celle-ci savait qu'ils n'entendaient vendre à M. A... que les parcelles soumises à bail et non celles qu'il ne louait pas, et qu'ils étaient fondés à invoquer le manque de concertation entre M A... et la société de Chevigny pour expliquer l'absence de régularisation des ventes ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'acte du 12 octobre 1999 prévoyait que le promettant s'engageait à verser au bénéficiaire une indemnité forfaitaire et définitive au cas où il céderait les biens objet du pacte de préférence en manquant à son obligation de faire une offre au bénéficiaire, la cour d'appel, qui avait constaté qu'un "compromis" de vente avait été signé le 3 mai 2005 entre les consorts X... et M. A..., portant notamment sur les parcelles non soumises au droit de préemption du preneur à bail rural, a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter la société de Chevigny de sa demande tendant à l'interdiction, sous astreinte, de l'usage de la parcelle cadastrée CE 48 à toute personne autre qu'elle-même et ses invités et à la création d'un autre chemin d'accès au travers de la parcelle cadastrée CE 49, l'arrêt retient que le tribunal a justement refusé d'interdire l'usage de la parcelle CE 48 au motif qu'il existait un droit de passage expressément prévu par le bail de M. A... ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société de Chevigny faisant valoir que la servitude consentie par l'acte de vente de 1999 était éteinte à la suite de la vente séparée des parcelles dépendant de l'exploitation de la propriété, pour partie au profit de la société de Chevigny, pour partie au profit de M. A..., la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de la société de Chevigny dirigée à l'encontre de M. A..., l'arrêt rendu le 11 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, sur le surplus, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges, autrement composée ;
Condamne les consorts X..., M. A... et la société de Chevigny aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour la société de Chevigny
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté le bénéficiaire d'un pacte de préférence (la SCI DE CHEVIGNY) de sa demande en condamnation des ayants droit du promettant (les consorts X...) au paiement de la somme de 30.489 € correspondant au montant fixé par la clause pénale insérée dans le pacte de préférence ;
AUX MOTIFS QUE c'était à tort que le tribunal avait alloué une indemnité de 30.489 € à la SCI de CHEVIGNY au titre de la clause pénale figurant dans le pacte de préférence inséré dans l'acte du 12 octobre 1999 (page 6 – indemnité forfaitaire et définitive de 200.000 F) en considérant que les consorts X... étaient tenus de respecter les engagements pris par leur auteur et qu'ils auraient dû au moins notifier la vente envisagée pour les parcelles non soumises à bail ; qu'il était en effet impossible pour les consorts X... et leur notaire de régulariser quelque vente que ce soit sans qu'une décision de justice définitive n'intervienne sur la consistance des biens destinés à être vendus à M. A... et à la SCI DE CHEVIGNY ; que la SCI savait par ailleurs parfaitement comme en attestait le courrier adressé par son conseil à Me B... le 31 mai 2005 que les consorts X... n'entendaient vendre à Monsieur A... que les parcelles soumises à bail et non celles qu'il ne louait pas ; que les consorts X... étaient également fondés à invoquer le manque de concertation entre M A... et la SCI DE CHEVIGNY pour expliquer l'absence de régularisation des ventes précitées (arrêt page 16 § 2 à 5) :
1°) ALORS QUE la promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des parties sur la chose et sur le prix ; qu'en déboutant la SCI CHEVIGNY de sa demande en paiement d'une indemnité de 30.489 € au titre de la clause pénale insérée dans le pacte de préférence, aux motifs que les consorts X... ne pouvaient régulariser quelque vente que ce soit sans qu'une décision de justice définitive n'intervienne sur la consistance des biens destinés à être vendus à Monsieur A... et à la SCI CHEVIGNY et que cette dernière savait que les consorts X... n'entendaient vendre à Monsieur A... que les parcelles soumises à bail et non celles qu'il ne louait pas, tout en constatant par ailleurs qu'un compromis de vente avait été signé le 3 mai 2005 entre les consorts X... et Monsieur A..., portant notamment sur les parcelles non soumises au droit de préemption du preneur à bail rural, ce dont il résultait que les consorts X... avaient manqué à leur obligation de donner la préférence à la SCI DE CHEVIGNY pour la vente de tout ou partie du Domaine de Chevigny, sauf exercice des droits de préemption légaux, la cour d'appel a violé les articles 1589 et 1134 du Code civil ;
2°) ALORS QUE le pacte de préférence prévoyait que pour le cas où le promettant céderait les biens objets du pacte en manquant à son obligation de faire une offre au bénéficiaire, il s'engageait à lui verser une indemnité forfaitaire et définitive de 200.000 F (30.489 €) du jour où le manquement serait constaté ; qu'en déboutant la SCI DE CHEVIGNY de sa demande en paiement de cette indemnité aux motifs que les consorts X... ne pouvaient régulariser une quelconque vente avant qu'une décision de justice n'intervienne, que la SCI n'ignorait pas que les consorts X... n'entendaient pas vendre à Monsieur A... les parcelles non soumises à bail et que les consorts X... étaient fondés à invoquer le manque de concertation entre Monsieur A... et la SCI DE CHEVIGNY pour expliquer l'absence de régularisation de la vente, quand il ressortait de ses constatations que les consorts X... n'avaient pas émis d'offre au profit du bénéficiaire avant de signer le compromis de vente au profit de Monsieur A..., ce dont il résultait que le manquement était acquis et l'indemnité contractuelle due, indépendamment des raisons ultérieures pour lesquelles la vente n'était pas intervenue, des intentions réelles du promettant, et sans qu'il puisse être fait reproche au bénéficiaire de ne pas s'être concerté avec le tiers acquéreur, la cour d'appel a violé les articles 1589 et 1134 du Code civil ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
:
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté le bénéficiaire d'un pacte de préférence (la SCI DE CHEVIGNY) de sa demande indemnitaire dirigée à l'encontre du tiers acquéreur (Monsieur A...) ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le premier juge avait très légitimement rejeté la demande dirigée contre M A... qui n'était pas partie au pacte de préférence (page 15 § 4) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Monsieur A... n'étant pas partie au pacte de préférence et même s'il en avait eu connaissance avant le compromis, n'avait aucune obligation vis-à-vis de la SCI, la demande serait rejetée à son égard (page 8 § 3) ;
ALORS QUE le tiers acquéreur en violation des droits du bénéficiaire d'un pacte de préférence engage sa responsabilité envers ce dernier lorsque, ayant connaissance dudit pacte, il se rend complice de la violation de ses obligations par le promettant ; qu'en écartant toute demande indemnitaire dirigée à l'encontre de Monsieur A... au motif qu'il n'était pas partie au pacte de préférence et qu'il n'avait en conséquence aucune obligation vis-à-vis de la SCI, sans rechercher si Monsieur A... avait connaissance du pacte de préférence au jour où il avait signé le compromis de vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1165 et 1382 du Code civil ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
:
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a débouté le propriétaire d'une parcelle cadastrée section CE 48 (la SCI DE CHEVIGNY) de sa demande tendant à l'interdiction, sous astreinte, de son usage à toute personne autre qu'elle-même et ses invités et à ce que soit ordonnée la création d'un autre chemin d'accès au travers de la parcelle section CE 49 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE s'agissant d'un droit de passage expressément prévu par le bail en sa page 3, c'était tout aussi justement que le tribunal avait refusé, comme le lui demandait la SCI, d'interdire sous astreinte l'usage de la parcelle cadastrée section CE 48 à toute personne autre qu'elle-même et ses invités, et d'ordonner la création d'un autre chemin d'accès au travers de la parcelle cadastrée section CE 49 (arrêt page 17 § 2) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE si le compromis mettait effectivement fin aux droits d'utilisation de la parcelle CE 48 consenti au fermier, c'était uniquement dans le cadre d'une vente globale des parcelles à celui-ci, ce qui n'était pas retenu ; que ce droit de passage était expressément prévu par le bail dans sa page 3 pour « le transport de matériaux et denrées lourdes à l'aide de véhicules appropriées », il ne pouvait être ordonné cette interdiction, ni même ordonné la création d'un chemin d'accès à la ferme au travers de la parcelle section CE 49 (jugement page 9 § 1 à 3) ;
1°) ALORS QUE la SCI DE CHEVIGNY faisait valoir que son titre de propriété du 12 octobre 1999, constitutif de servitude sur la parcelle CE 48, stipulait qu'en cas de vente séparée de l'une ou l'autre des parcelles dépendant actuellement de l'exploitation de la propriété restant appartenir à Melle Z... (fonds dominant), et dans la mesure où lesdites parcelles vendues pourraient avoir un accès direct sur un chemin public (vicinal ou autre), sans pour autant que cet accès entraîne des frais d'installation d'un chemin privatif pour parvenir jusqu'au chemin public, Melle Z... et/ou ses ayants droit et/ou ayants cause s'obligeaient à libérer la servitude créée sur la parcelle CE 48 ; qu'elle soutenait en conséquence que la servitude était éteinte puisque les parcelles dépendant de l'exploitation de la propriété avaient été vendues séparément, une partie au profit de la SCI DE CHEVIGNY, une partie au profit de Monsieur A... ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le propriétaire d'un fonds dominant ne peut conférer à son preneur à bail plus de droits qu'il n'en possède lui-même au titre de la servitude ; qu'en écartant la demande de la SCI DE CHEVIGNY aux motifs que le droit de passage était expressément prévu par le bail dans sa page 3 pour « le transport de matériaux et de denrées lourdes à l'aide de véhicules appropriées », sans rechercher si la servitude de passage dont bénéficiait Mademoiselle Z..., bailleresse, n'avait pas pris fin ensuite de la vente séparée des parcelles constituant le fonds dominant, conformément aux stipulations de l'acte du 12 octobre 1999 constitutif de servitude à son profit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 637, 1134 et 1709 du Code civil ;

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-17234
Date de la décision : 05/10/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 11 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 05 oct. 2011, pourvoi n°10-17234


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.17234
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award