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04/10/2011 | FRANCE | N°10-24154

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 04 octobre 2011, 10-24154


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 1er juillet 2010), qu'en 1998, la société Luxos, spécialisée dans la fabrication de produits alimentaires, a, sous la maîtrise d'oeuvre de M. X..., architecte, assuré auprès de la société GAN, fait réaliser des travaux d'extension de son unité de fabrication en créant un bâtiment de 2100 m² ; que le lot carrelages-faïences a été confié à la société RCM, assurée auprès de la société La Lutèce puis de la société L'Auxiliaire ; que la sociét

é RCM a sous-traité la fabrication du mortier à M. Y... ; que des désordres consistant...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 1er juillet 2010), qu'en 1998, la société Luxos, spécialisée dans la fabrication de produits alimentaires, a, sous la maîtrise d'oeuvre de M. X..., architecte, assuré auprès de la société GAN, fait réaliser des travaux d'extension de son unité de fabrication en créant un bâtiment de 2100 m² ; que le lot carrelages-faïences a été confié à la société RCM, assurée auprès de la société La Lutèce puis de la société L'Auxiliaire ; que la société RCM a sous-traité la fabrication du mortier à M. Y... ; que des désordres consistant en un décollement et bris des carreaux étant apparus, une expertise a été ordonnée ; qu'après expertise, la société Luxos a assigné les intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs ;

Sur le deuxième moyen :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que pour mettre hors de cause M. X... et la société GAN, l'arrêt retient que l'architecte n'était tenu qu'à une mission de direction du chantier et non à la surveillance lot par lot de celui-ci, qu'il a en l'espèce rédigé le cahier des clauses techniques particulières conformément à la destination de l'ouvrage et qu'il ne peut dès lors être tenu pour responsable du sous dosage du ciment de mortier et du choix des carreaux contraire à ses préconisations ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'architecte n'avait pas commis une faute dans l'exercice de sa mission concernant le choix et la coordination des entreprises, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les autres moyens dont aucun ne serait de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a mis hors de cause M. X... et son assureur la société GAN Eurocourtage IARD, l'arrêt rendu le 1er juillet 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée ;

Condamne M. X... et la société GAN Eurocourtage IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils pour la société Luxos et M. Z..., ès qualités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que l'ouvrage n'avait pas fait l'objet d'une réception tacite, d'avoir mis hors de cause le maître d'oeuvre M. X... et son assureur la société Gan Eurocourtage Iard, et d'avoir débouté la société Luxos de sa demande contre la société l'Auxiliaire, assureur décennal de l'entrepreneur la société RCM ;

Aux motifs que la réception était l'acte par lequel le maître d'ouvrage déclarait accepter l'ouvrage avec ou sans réserves ; qu'elle pouvait résulter de la volonté non équivoque du maître d'ouvrage de prendre possession des lieux que des réserves aient été faites ou pas ; qu'il résultait du document intitulé « réception de travaux » du lot carrelage du 4 août 1999, signé le 5 août 1999 par le maître de l'ouvrage, le maître d'oeuvre et la société RCM, que des réserves avaient été faites sur l'ensemble du carrelage, à savoir « carrelage qui présente de gros problèmes de résistance, peut être dû au mortier de pose, qui ne parait pas avoir fait sa prise normale, le travail n'est pas réceptionnable en l'état » ; qu'il résultait du rapport de l'expert que la prise de possession des lieux par la société Luxos s'était faite au fur et à mesure de la livraison des matériels destinés à l'exploitation, notamment la livraison d'un four de plusieurs tonnes entre le 1er et 15 mai 1999 ; qu'il ne pouvait cependant en être déduit que la simple prise de possession des lieux par la livraison de certains matériels était un élément suffisant pour caractériser une réception non équivoque d'un ouvrage ; qu'en effet, l'importance des réserves faites le 4 août 1999, qui portaient sur la totalité du carrelage, soit sur 1 200 m², ne permettait pas de dire que le maître de l'ouvrage, en entreposant quelques machines sur une surface limitée, avait eu la volonté non équivoque d'accepter celui-ci, même avec des réserves ;

Alors que la constatation de désordres, pour affecter la volonté non équivoque du maître d'ouvrage de prendre possession des lieux, doit avoir été formulée au moment de la prise de possession des lieux ; qu'en ayant infirmé le jugement, qui avait constaté la réception tacite de l'ouvrage résultant de la prise de possession non équivoque des lieux entre le 1er et le 15 mai 1999, en se fondant sur la constatation de désordres faite le 4 août 1999, soit, peu important leur ampleur, près de trois mois plus tard, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir mis hors de cause M. X... et son assureur la société Gan Eurocourtage Iard ;

Aux motifs que l'architecte n'était tenu qu'à une mission de direction du chantier et non à la surveillance lot par lot de celui-ci ; qu'il avait rédigé le CCTP conformément à la destination de l'ouvrage ; qu'il ne pouvait dès lors être tenu pour responsable du sous dosage du ciment de mortier et du choix des carreaux contraire à ses préconisations ;

Alors que, 1°) au titre précisément de sa mission de direction de chantier, qui comporte notamment le choix des entreprises et leur coordination, la société Luxos a reproché au maître d'oeuvre d'avoir choisi la société RCM, soit une entreprise dont il connaissait l'insuffisance puisqu'elle ne possédait pas de malaxeur pour réaliser des travaux d'une aussi grande ampleur, ce qui avait conduit cette dernière à faire appel à un sous-traitant occulte sans opposition du maître d'oeuvre et sans répartition précise des tâches respectivement assurées par l'entrepreneur et le sous-traitant pour la fabrication et la pose du mortier (conclusions, p. 14 et 15) ; qu'en n'ayant pas recherché si l'architecte n'avait pas commis une faute dans l'exercice précis de sa mission concernant le choix et la coordination des entreprises, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Alors que, 2°) l'architecte maître d'oeuvre est tenu d'un devoir de conseil et à tout le moins de mise en garde en cas de changement des matériaux initialement prévus ; que la société Luxos lui a reproché sur ce point de s'être abstenu d'émettre des réserves sur l'utilisation de carrelages plus minces que prévus et de n'avoir pas surveillé plus sérieusement, dans ces conditions, leur pose sur une surface aussi grande (conclusions, p. 17, 2.3) ; qu'en s'étant bornée à retenir qu'il n'était pas responsable du choix des carreaux contraire à ses préconisations ni du dosage du ciment, sans avoir recherché s'il n'avait pas manqué à son devoir de conseil et de mise en garde, bien qu'il fût au courant de la qualité insuffisante du carrelage finalement choisi, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(Subsidiaire au premier moyen de cassation)

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit prescrite l'action intentée contre la société Generali assurances Iard ;

Aux motifs que la société Luxos avait assigné la société RCM en référé par acte du 10 décembre 1999, l'ordonnance ayant été prononcée le 21 janvier 2000 ; qu'une telle action constituait pour l'assuré la réalisation du sinistre ; qu'il appartenait à la société RCM d'assigner son assureur avant le 21 janvier 2002 pour interrompre la prescription ; que l'assureur n'avait été appelé en cause que le 22 janvier 2003 ;

Alors que, 1°) lorsque la créance de l'assuré dépend de la réalisation d'une condition, la prescription ne court qu'à compter de celle-ci ; que la responsabilité décennale prévaut et ne se cumule pas avec la responsabilité civile de droit commun ; qu'il en résulte que l'assurance de responsabilité civile ne peut être mise en oeuvre pour des désordres visés par l'article 1792 du code civil qu'à la condition que l'assurance décennale ne puisse être actionnée ; que cette condition ne s'est trouvée réalisée que par l'effet de l'arrêt infirmatif attaqué, ayant jugé que la garantie décennale n'était pas mobilisable en l'absence de réception tacite des ouvrages ; qu'en ayant considéré que la prescription avait commencé à courir à la date de l'ordonnance ayant désigné un expert pour évaluer les désordres relevant de la garantie décennale, la cour d'appel a violé les articles L. 114-1 du code des assurances et 2257 du code civil ;

Alors que, 2°) l'action directe du maître d'ouvrage contre l'assureur en responsabilité civile se prescrit dans le même délai que l'action de la victime contre le responsable ; que l'action de la société Luxos contre la société Generali assurances Iard se prescrivait donc dans le délai de l'action en responsabilité civile contractuelle de droit commun contre la société RCM, et non dans le délai biennal retenu par la cour d'appel ; que les conclusions de la société Luxos dirigées directement contre la société Generali assurances Iard, et tendant à sa condamnation in solidum avec l'assuré, qui constituaient une action directe de la victime, étaient donc recevables (violation des articles L. 114-1 et L. 124-3 du code des assurances.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-24154
Date de la décision : 04/10/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 01 juillet 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 04 oct. 2011, pourvoi n°10-24154


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Blanc et Rousseau, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Defrenois et Levis, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.24154
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