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28/09/2011 | FRANCE | N°10-30020;10-30021

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 septembre 2011, 10-30020 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° N 10-30. 020 et P 10-30. 021 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société VG Goossens Beauvais, faisant partie avec la société VG Goossens du groupe Van Genechten, assurait dans deux unités distinctes la fabrication de boîtes et emballages pliants cartonnés destinés au commerce et de machines à emballer destinées à la même cliente ; qu'elle formait avec la société Goossens une unité économique et sociale ; qu'en septembre 2005, la société VG Goossens

Beauvais a décidé de réduire ses effectifs et a établi un plan de sauvegarde...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° N 10-30. 020 et P 10-30. 021 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société VG Goossens Beauvais, faisant partie avec la société VG Goossens du groupe Van Genechten, assurait dans deux unités distinctes la fabrication de boîtes et emballages pliants cartonnés destinés au commerce et de machines à emballer destinées à la même cliente ; qu'elle formait avec la société Goossens une unité économique et sociale ; qu'en septembre 2005, la société VG Goossens Beauvais a décidé de réduire ses effectifs et a établi un plan de sauvegarde de l'emploi soumis aux représentants du personnel ; qu'elle a notifié des licenciements pour motif économique en février et mars 2006, avant d'être placée sur sa déclaration en liquidation judiciaire le 25 avril 2006, le liquidateur judiciaire établissant un nouveau plan de sauvegarde de l'emploi puis licenciant tout le personnel encore en fonction les 19 mai et 24 juillet 2006 ; que par la suite, le juge commissaire a autorisé le 16 janvier 2007 la cession d'éléments d'actifs à la société VG Goossens ; que 91 salariés licenciés ont saisi le conseil de prud'hommes pour contester leurs licenciements, en soutenant au principal que les ruptures étaient intervenues en violation de l'article L. 1224-1 du code du travail ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société VG Goossens fait grief aux arrêts de mettre hors de cause le liquidateur judiciaire de la société VG Goossens Beauvais et de la condamner au paiement de dommages-intérêts et d'indemnités de rupture aux salariés licenciés, ainsi qu'au paiement de dommages-intérêts aux syndicats s'étant joints à leurs demandes alors, selon le moyen :
1°/ que l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail implique le transfert d'une entité économique autonome constituée par un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif propre ; qu'au cas particulier, il ressort des considérations de l'arrêt attaqué que l'ensemble des éléments nécessaires à l'activité de fabrication de boites et emballages pliants était constitué d'éléments incorporels (cession de clientèle, cession ou concession de licences de brevets de fabrication) ou corporels (rachat de matériels) ; que dans un deuxième temps cependant, la cour d'appel admet que la société VG Goossens « disposait personnellement sur ses différents sites de l'ensemble des matériels d'exploitation nécessaires à cette activité » et « n'avait nul besoin de procéder au rachat des matériels (machines notamment) existant au sein de la société Goossens Beauvais » ; qu'en statuant de la sorte, par des considérations qui ne sont pas compatibles, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et n'a pas caractérisé l'existence d'une entité économique autonome, violant ainsi l'article L. 1224-1 du code du travail ;
2°/ que l'activité de cartonnage comportant une série de tâches constituées de pré-presse, découpe à plat, finition, impression, collage et logistique, aucune de ces diverses tâches prise séparément n'était autonome et ne pouvait caractériser à elle seule l'existence d'une entité économique autonome au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'il s'ensuit que viole ce texte l'arrêt attaqué qui retient qu'en décidant d'abandonner les opérations d'impression et de collage et de conserver les activités de découpe, de finition et de logistique, la société Goossens Beauvais SA aurait cédé une entité économique autonome ;
3°/ que le conseil de prud'hommes de Beauvais, dont la cour d'appel a expressément repris à son compte la motivation, a considéré qu'il résultait de l'ensemble des opérations de réorganisation que la société Goossens Beauvais SA – qui avait une activité principale de cartonnage (80 %) et une activité accessoire de mécanisation (20 %)- intervenait désormais « en qualité de sous-traitant de la société VG Goossens tant au regard de l'activité principale de cartonnage que de celle de mécanisation » ; qu'ayant ainsi constaté qu'à l'issue de la réorganisation, la société Goossens Beauvais SA avait poursuivi l'intégralité de ses activités, peu important que ce fût en qualité de sous-traitant plutôt qu'en tant que prestataire direct, viole l'article L. 1224-1 du code du travail l'arrêt attaqué qui retient que cette réorganisation a emporté cession des entités économiques autonomes existant au sein de la société Goossens Beauvais SA ;
4°/ que la cession d'une clientèle déterminée ne caractérise pas nécessairement en soi la cession d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif propre ; qu'il s'ensuit que se prononce par des motifs inopérants et viole l'article L. 1224-1 du code du travail l'arrêt attaqué qui retient que la cession de clientèle de l'activité de cartonnage de la société Goossens Beauvais SA à la société VG Goosssens avait entraîné la cession de cette activité elle-même, bien que ladite activité ait été poursuivie par la société Goossens Beauvais SA, comme l'ont constaté les juges du fond, dans le cadre d'une convention de sous-traitance conclue avec la société VG Goossens ;
5°/ que c'est seulement après autorisation par ordonnance du 16 janvier 2007 du juge commissaire, suivant les réquisitions du Ministère public du 28 novembre 2006, que les brevets de fabrication de la société Goossens Beauvais SA ont été cédés à la société VG Goossens ; que, dans le cadre de sa réorganisation, la société Goossens Beauvais SA avait seulement consenti une licence d'exploitation de ces brevets à la société VG Goossens, ce qui lui permettait de poursuivre ses activités de cartonnage dans le cadre d'une convention de sous-traitance, comme l'ont admis les juges du fond ; qu'il s'ensuit que viole l'article L. 1224-1 du code du travail l'arrêt attaqué qui déduit l'existence d'une cession de l'entité économique de cartonnage de la société Goossens Beauvais SA à la société VG Goossens, d'une « cession ou concession de licence de brevets de fabrication » ;
6°/ qu'une contradiction de motifs est équivalente à un défaut de motifs ; que se contredit dans ses explication, en violation de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui retient que l'activité de mécanisation ne pouvait être dissociée de l'activité de cartonnage de la société Goossens Beauvais SA tout en constatant par ailleurs que ladite activité de mécanisation était « constitutive au sein de la société Goossens Beauvais d'une entité économique autonome dotée de moyens propres d'exploitation (en matériel et personnel) » ;
7°/ qu'au titre de leur obligation de motivation, les juges du fond sont tenus de s'expliquer sur les moyens des conclusions des parties ; que, dans ses conclusions, la société VG Goossens faisait valoir que les machines de remplissage conçues et produites par la branche mécanisation de la société Goossens Beauvais SA fonctionnaient de façon indépendante selon l'utilisation qu'en faisait le client et que ces machines pouvaient être utilisées avec des cartons imprimés et découpés par des concurrents des sociétés Goossens Beauvais SA et de VG Goossens ; qu'il s'ensuit que viole l'article 455 du code de procédure civile l'arrêt attaqué qui retient que, ne pouvant fonctionner qu'à partir des produits-boîtes et emballages pliants-fournis à titre exclusif par les sociétés du groupe Van Genechten, l'activité de mécanisation ne pouvait être dissociée de l'activité principal de cartonnage-packaging ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté qu'à l'occasion de la réorganisation du groupe intervenue à l'époque des licenciements, l'ensemble des moyens d'exploitation nécessaires à la poursuite des activités de fabrication de boîtes et d'emballages pliants et de production de machines à emballer, jusqu'alors utilisés par la société VG Goossens Beauvais, en particulier, la clientèle, les licences de brevets, le savoir-faire et du matériel, avaient été repris par la société VG Goossens et que le maintien de fabrications dans les unités de la société VG Goossens Beauvais pendant quelques mois était artificiel ; qu'elle a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que l'entité économique autonome exploitée par la société VG Goossens Beauvais avait été transférée à la société VG Goossens ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 1224-1 du code du travail ;
Attendu que si le salarié licencié à l'occasion du transfert de l'entité économique dont il relève peut exiger du cessionnaire qu'il l'indemnise des conséquences de la perte de son emploi, c'est à la condition que celui-ci ait refusé la poursuite du contrat de travail en cours au jour du transfert ;
Attendu que, pour condamner la société VG Goossens au paiement de dommages-intérêts et d'indemnités de rupture, en qualité de cessionnaire de l'entité économique, la cour d'appel a retenu que, bien qu'elle soit devenue de plein droit l'employeur des salariés licenciés, cette société ne leur avait pas proposé la poursuite de leur contrat de travail avant l'expiration de la période de préavis et qu'elle devait être considérée comme responsable de la rupture illégitime des relations de travail et tenue d'en réparer les conséquences ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les salariés avaient vainement demandé au cessionnaire la poursuite de leur contrat de travail ou si celui-ci avait exprimé l'intention de ne pas les reprendre à son service, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'ils déboutent les salariés de demandes en paiement de sommes au titre du premier plan de sauvegarde de l'emploi et en ce qu'ils confirment la disposition du jugement déclarant les licenciements économiques sans effet, au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail, les arrêts rendus le 3 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits aux pourvois n° s N 10-30. 020 et P 10-30. 021 par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société VG Goossens.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les licenciements prononcés à l'encontre de tous les salariés non cadres concernés par la procédure étaient sans effet en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail, d'AVOIR mis hors de cause les organes de la procédure collective de la Société GOOSSENS BEAUVAIS SA, d'AVOIR condamné la Société VG GOOSSENS à payer aux défendeurs au pourvoi diverses sommes à titre de dommages et intérêts, d'indemnité CRP et d'indemnité conventionnelle selon le cas, d'AVOIR condamné la Société VG GOOSSENS à payer à la Fédération FILPAC et au Syndicat CGT de la société GOOSSENS BEAUVAIS, chacun, une somme à titre de réparation du préjudice subi, d'AVOIR ordonné la réouverture des débats sur la demande en remboursement des sommes avancées par le CGEA et celles dont les salariés doivent remboursement ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« il convient d'ordonner la jonction des instances d'appel enregistrées au greffe sous les numéros 09/ 01058 et 09/ 01461 ; que les sociétés VG GOOSSENS SA et GOOSSENS BEAUVAIS SA constituent les filiales françaises (détenues à 99 %) du groupe de dimension européenne VAN GENECHTEN qui exerce son activité économique principalement (à hauteur de 80 % de l'activité totale du groupe) dans le domaine de la fabrication de boites pliantes à destination de grandes marques de l'agroalimentaire et de produits de grande consommation et accessoirement (à hauteur de 20 %) dans celui de la fabrication de cartes à jouer (Carta Mundi) ; que les sociétés VG GOOSSENS et GOOSSENS BEAUVAIS appartiennent l'une et l'autre au secteur principal d'activité du groupe VAN GENECHTEN (fabrication de boites d'emballage pliantes), la première employant environ 400 salariés répartis sur trois sites (Marcq-en-Baroeul, Angoulême, Meyzieu), la seconde, employant (en 2005) 187 salariés sur deux sites distincts (Allonnes, siège de la société et site de production de boites pliantes ; Warluis, site occupant une vingtaine de salariés dédié à l'activité spécifique de mécanisation, activité consistant dans la conception, la fabrication et la maintenance de machines de remplissage conçues pour les clients et utilisées par ceux-ci dans leurs propres locaux) ; qu'en raison de leurs liens étroits dans les domaines économique et social et en terme de direction (métier commun, mise en commun de certains services, direction pour partie unique, application de normes collectives communes, permutabilité d'une large partie du personnel) l'existence d'une unité économique et sociale entre les sociétés VG GOOSSENS et GOOSSENS BEAUVAIS a au demeurant été reconnue par voie conventionnelle en septembre 2005 ; que, toutefois, à la même époque (septembre 2005), suite à une décision de réorganisation des entités françaises arrêtée au niveau du groupe, la SA GOOSSENS BEAUVAIS a engagé une procédure de licenciement collectif portant sur 98 suppressions d'emplois, procédure qui a donné lieu à la consultation du comité d'entreprise au titre des livres IV et III du code du travail et à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi, les salariés ayant été individuellement licenciés en février et mars 2006 ; qu'enfin dès le 25 avril 2006, la SA GOOSSENS BEAUVAIS s'est déclarée en cessation des paiements et par jugement du même jour le tribunal de commerce de Beauvais a prononcé sa liquidation judiciaire et désigné Maître Y... en qualité de mandataire liquidateur, la poursuite de l'activité " mécanisation " étant momentanément autorisée jusqu'au 25 juillet suivant dans l'espoir d'une cession de cette activité ou unité de production spécifique ; qu'à défaut d'autre repreneur, la cession au profit de la SA VG GOOSSENS des éléments d'exploitation de l'activité mécanisation (brevets, machines et outillages) a filialement été autorisée par ordonnance du juge commissaire du 16 janvier 2007 ; que dès le 10 mai 2006, le mandataire liquidateur de la SA GOOSSENS BEAUVAIS a engagé la procédure d'information consultation du comité d'entreprise (livre IV et III du code du travail) sur le projet de licenciement collectif de l'ensemble du personnel (97 salariés) et sur le plan de sauvegarde de l'emploi, puis a procédé à la notification des licenciements économiques individuels à partir du 19 mai 2006, les salariés protégés étant pour leur part licenciés après que l'autorisation de procéder à leur licenciement ait été délivrée par l'inspecteur du travail le 24 juillet 2006 ; que le 2 février 2007, 91 salariés (dont 12 cadres), licenciés dans le cadre du premier ou du second licenciement collectif ont saisi le conseil de prud'hommes de Beauvais d'une contestation de leurs licenciements en invoquant à titre principal la nullité ou l'absence d'effet des licenciements pour motif économique prononcés à raison du transfert à VG GOOSSENS de l'entité économique autonome constituée par GOOSSENS BEAUVAIS et du transfert consécutif de plein droit de leurs contrats individuels de travail à la SA VG GOOSSENS par application des dispositions de l'article L. 122-12 (L. 1224-1 nouveau) du code du travail, les demandeurs invoquant par ailleurs deux autres moyens subsidiaires, le premier tiré de l'insuffisance des mesures contenues dans les plans de sauvegarde de l'emploi, le second pris de l'absence de cause économique réelle et sérieuse de licenciement ; que statuant par deux jugements en date du 28 janvier 2009, l'un concernant les salariés demandeurs à la présente instance et l'autre douze salariés cadres, le conseil de prud'hommes a accueilli le moyen principal tiré de l'application en l'espèce des dispositions de l'article L. 1224-1 nouveau du code du travail, après avoir exactement relevé en substance que l'opération de réorganisation des deux entités françaises du groupe VAN GENECHTEN, les sociétés VG GOOSSENS et GOOSSENS BEAUVAIS, avait en réalité emporté transfert à la première des entités économiques autonomes constituées par les activités principale et accessoire de la seconde, en sorte que les contrats de travail des salariés attachés à ces activités se sont trouvés transférés de plein droit à la société VG GOOSSENS, avec pour effet de priver d'effet les licenciements économiques prononcés en février-mars 2006 ou à compter du 19 mai 2006 dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société GOOSSENS BEAUVAIS ; qu'il est constant en effet que l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail (devenu L. 1224-1), tel qu'interprété au regard des directives européennes, a vocation à s'appliquer de plein droit en cas de transfert d'une entité économique autonome, constituée par un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif propre ; que les conditions d'application de ce texte sont donc réunies lorsqu'une entité économique autonome, constituée par un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels d'exploitation, se trouve transférée d'une entreprise à une autre qui en poursuit l'exploitation ; qu'il est également constant que les licenciements pour motif économique prononcés concomitamment ou à l'occasion du transfert d'une entité économique autonome emportant application de l'article L. 1224-1 nouveau du code du travail se trouvent dépourvus d'effet et que les salariés attachés à cette entité peuvent demander réparation du préjudice que leur causent ces licenciements privés d'effet au cédant, qui les a licenciés, et/ ou au cessionnaire, si ce dernier a refusé de les garder à son service ou ne leur a pas proposé avant l'expiration du préavis la poursuite de leur contrat de travail ; qu'il ressort en l'espèce des éléments, pièces et documents concordants du dossier que l'opération de réorganisation des deux filiales françaises du groupe VAN GENECHTEN, les sociétés VG GOOSSENS et GOOSSENS BEAUVAIS, a eu pour effet de transférer à la société VG GOOSSENS les activités économiques déployées par la société GOOSSENS BEAUVAIS, aussi bien, à titre principal, dans le domaine de la fabrication de boîtes pliantes (packaging) à destination de grandes marques ou de produits de grande consommation, que dans le domaine accessoire de la mécanisation, activités constituant au sein de la société GOOSSENS BEAUVAIS deux entités économiques autonomes disposant d'éléments d'exploitation propres et de personnels spécialement dédiés ; qu'il est en effet établi que par l'effet des décisions arrêtées et imposées par la société VG GOOSSENS dans le cadre de choix stratégiques effectués au niveau du groupe VAN GENECHTEN (notamment transfert à VG GOOSSENS d'une partie des tâches de fabrication-impression et collage jusque-là effectuées par GOOSSENS BEAUVAIS) et au travers de diverses opérations juridiques ayant emporté transfert d'éléments incorporels (cession de clientèle, cession ou concession de licences de brevets de fabrication) ou corporel (rachat de matériel), c'est l'ensemble des éléments nécessaires à l'activité de fabrication de boites et emballages pliants qui se sont trouvés transférés de fait à la société VG GOOSSENS, laquelle a repris et poursuivi cette activité sur ses différents sites de production à Marcq-en-Baroeul, Angoulême, et Meyzieux, nonobstant le maintien artificiel et pour quelques mois (jusqu'au jugement de liquidation judiciaire de la SA GOOSSENS BEAUVAIS) de certaines tâches sur le site d'Allonnes de la société GOOSSENS BEAUVAIS, alors qu'auparavant cette dernière société assurait, à destination de sa propre clientèle et selon des brevets et un savoir faire lui appartenant, l'ensemble du processus de production de boîtes pliantes, à savoir la découpe, la finition, l'impression et le collage ; que la réorganisation des deux sociétés françaises, imposée par la SA VG GOOSSENS en exécution de choix stratégiques, a donc bien emporté transfert au profit de cette dernière de l'entité économique autonome constituée par l'activité de fabrication de boites et emballages pliants exercée par la société GOOSSENS BEAUVAIS, étant observé surabondamment que la SA VG GOOSSENS, qui disposait personnellement sur ses différents sites de l'ensemble des matériels d'exploitation nécessaires à cette activité, n'avait nul besoin de procéder au rachat des moyens matériels (machines notamment) existant au sein de la société GOOSSENS BEAUVAIS ; que la même solution doit être retenue concernant l'activité de mécanisation qui, destinée à une clientèle captive (les machines à emballer, mises à disposition de la clientèle sur leurs sites propres, conçues et brevetées par la société GOOSSENS BEAUVAIS dans son établissement de Warluis, ne pouvant fonctionner qu'à partir des produits-boites et emballages pliants-fournis à titre exclusif par les sociétés du groupe GOOSSENS), ne pouvait être dissociée de l'activité principale de cartonnage-packaging ; que là encore, par l'effet des décisions arrêtées par la SA VG GOOSSENS dans le cadre de la politique définie au niveau du groupe et par le biais des moyens juridiques mis en oeuvre (cession de clientèle, licences d'exploitation...), cette activité, constitutive au sein de la société GOOSSENS BEAUVAIS d'une entité économique autonome dotée de moyens propres d'exploitation (en matériel et personnel), s'est trouvée transférée de fait à la société VG GOOSSENS, transfert au demeurant officialisé dans le cadre de la procédure collective de la SA GOOSSENS BEAUVAIS par l'autorisation de cession des brevets et machines de cette entreprise à la SA VG GOOSSENS délivrée par le juge commissaire selon ordonnance du 16 janvier 2007, observation étant faite qu'en raison de sa nature spécifique, la reprise de ces actifs ou de cette unité de production ne pouvait intéresser que la SA VG GOOSSENS fournisseur exclusif en France des produits d'emballage seuls susceptibles d'être utilisés par les machines mises à la disposition de la clientèle ; qu'à défaut d'élément venant conforter l'allégation selon laquelle cette activité spécifique aurait été arrêtée par la SA VG GOOSSENS nonobstant le rachat par celle-ci des éléments corporels et incorporels évoqués ci-dessus, il convient de considérer que l'entité économique constituée par l'activité de " mécanisation " a bien également été transférée à la SA VG GOOSSENS et poursuivie par cette dernière dans des conditions emportant application des dispositions de l'article 1224-1 nouveau du code du travail ; qu'à la faveur de ces motifs et de ceux non contraires des premiers juges, expressément repris, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a estimé par application des principes ci-dessus rappelés que les licenciements pour motif économique prononcés par la SA GOOSSENS BEAUVAIS en février et mars 2006 et par le mandataire liquidateur à compter du mois de mai 2006 devaient être considérés comme privés d'effet et que les salariés étaient en droit de réclamer, à la société cessionnaire, VG GOOSSENS, la réparation du préjudice consécutif à ces licenciements dépourvus d'effet, dès lors que cette dernière société, devenue de plein droit leur employeur par l'effet des dispositions de l'article L. 1224-1 nouveau du code du travail, qui ne leur a pas proposé la poursuite de leur contrat individuel de travail avant l'expiration de la période de préavis, doit être considérée comme responsable de la rupture illégitime des relations de travail et tenue d'en réparer les conséquences » ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES QUE « la société GOOSSENS BEAUVAIS est-elle un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité qui poursuit un objectif propre ? que, pour ce faire, il convient d'examiner les trois éléments composant l'entité économique : l'activité, les personnes, les éléments corporels ou incorporels ; que la société GOOSSENS BEAUVAIS tout comme la société VG GOOSSENS est une filiale du Groupe belge VAN GENECHTEN ; que ce groupe exerce l'activité principale de fabrication de boîtes d'emballage, appelée packaging et l'activité secondaire (représentant 20 % du total de l'activité du groupe,) de fabrication de cartes à jouer MUNDI ; que l'activité packaging est destinée à l'emballage grande consommation des produits des sociétés de l'agro-alimentaire, l'emballage de luxe et la fabrication des machines d'emballage dite activité de mécanisation ; que la société beauvaisienne comprend 187 salariés et exerce principalement l'activité d'emballage grande consommation (clients NESTLE, YOPLAIT et KRONENBOURG) sur le site d'ALLONNE et accessoirement l'activité de mécanisation sur le site de WARLUIS (21 salariés affectés à cette activité) ; que l'activité d'emballage consiste en la fabrication de cartons imprimés prédécoupés aux couleurs et dimensions des produits à emballes des clients : sur le site principal d'ALLONNE, se trouvent ainsi les ateliers d'imprimerie, de découpe, de collage et de finition ; que l'activité de mécanisation consiste à installer chez le client les machines d'emballage avec un contrat d'exclusivité sur la fourniture des produits cartonnages ; que le site de WARLUIS est affecté à la conception et la réalisation de machines de conditionnement ; qu'il y a lieu de faire observer que la société VG GOOSSENS qui comprend environ 450 salariés exerce la même activité principale que la société beauvaisienne, c'est à dire l'activité de production d'emballage sur 3 sites en France ; que les sociétés soeurs exercent donc avant la restructuration la même activité principale, étant observé que la société GOOSSENS BEAUVAIS exerce en outre une activité spécifique, l'activité de mécanisation ; que, toutefois, cette dernière activité accessoire est dépendante de la première puisqu'elle utilise nécessairement les produits fabriqués par la société ; qu'en outre, les clients de ces deux activités sont les mêmes, l'activité mécanisation n'ayant pas de clients propres ; que les salariés de la société beauvaisienne sont principalement affectés à l'activité de production d'emballage ; qu'il en est de même des salariés de la société VG GOOSSENS ; que la société GOOSSENS BEAUVAIS a pour dirigeants : Philippe X... (Président du Conseil d'Administration), Frédéric X... (Directeur Général et Administrateur), Jozef Z... (Directeur Général Délégué) et Damien A... (Directeur Général Délégué) ; que la société VG GOOSSENS a également pour dirigeants et membres du Conseil d'Administration : Philippe X... (Président du Conseil d'Administration), Frédéric X... (Administrateur), Jozef Z... (Directeur Général Délégué et Administrateur) ; que la société GOOSSENS BEAUVAIS dispose de matériel et de machines de fabrication pour l'exercice de son activité ; qu'elle a ses propres clients : NESTLE, YOPLAIT et KRONENBOURG ; qu'elle est également détentrice de brevets relatifs au matériel destiné au conditionnement d'emballage loué aux clients (KRONENBOURG, contrat du 21 novembre 2001..) ; que cet élément incorporel est affecté à l'activité de mécanisation ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments non contestés que la SA GOOSSENS BEAUVAIS constituait bien une entité économique avant le projet de restructuration en date du 8 septembre 2005 ; que la société VG GOOSSENS a-t-elle repris l'activité, les personnes, les éléments corporels ou incorporels de la société GOOSSENS BEAUVAIS et dans l'affirmative, les a-t-elle conservés en vue de poursuivre un objectif propre lui assurant une autonomie ; que le projet de réorganisation de la société GOOSSENS BEAUVAIS en date du 8 septembre 2005 fait état de graves difficultés économiques de la société GOOSSENS BEAUVAIS, notamment de la dégradation de ses résultats (malgré le maintien de l'activité et des marges), un autofinancement insuffisant et un déséquilibre financier jugé insupportable ; qu'en revanche, l'activité de mécanisation est jugée rentable ; que les résultats d'exploitation de l'activité cartonnage du premier semestre 2005 enregistrent une forte dégradation (-342 K euro) ; que le projet fait valoir la forte compétitivité internationale, la délocalisation accélérée des secteurs non alimentaires et la pression de la grande distribution et des hard discounters ; que, partant de ces constats, le projet envisageait les mesures suivantes : l'arrêt de l'activité impression et collage, le maintien de l'activité découpe et finition avec un renforcement de l'activité logistique, le site d'ALLONNE pouvant servir de base logistique (stockage et expédition) pour des produits imprimés et transformés au sein des sites de VG GOOSSENS et d'autres filiales du Groupe, le maintien de l'activité de mécanisation ; que ce projet avait donc pour conséquence la suppression de 98 emplois ; que la procédure de consultation et d'information s'est ainsi déroulée entre le 15 septembre 2005 et le 16 janvier 2006 ; que le procès-verbal de la réunion du Comité d'entreprise en date du 27 octobre 2005 fait état de l'activité des deux sociétés soeurs :

VG GOOSSENS GOOSSENS BEAUVAIS

Chiffre d'affaires 2002 91993 2003 83361 2004 79001 2002 28749 2003 30617 2004 29244

Résultat net d'exploitation 2002 + 773 2003 – 265 2004-4549 2002-646 2003 + 184 2004 + 284

qu'il est mentionné que l'arrêt total de l'activité cartonnage (à BEAUVAIS) pourrait se traduire par la perte pour l'ensemble du groupe d'une partie des clients actuellement réalisés sur BEAUVAIS. Nous proposons l'arrêt de la KBA (machines pour l'impression/ collage des produits de grande consommation : cette machine avec son chiffre d'affaires serait transférée sur des autres sites du groupe ; que l'activité impression MULTIPACK serait maintenue sur le site (réalisée sur 2 machines existantes) ; qu'il est envisagé la création d'un pôle logistique ; que la société VG GOOSSENS prétend que toute l'activité cartonnage n'a pas été transférée, que seule l'activité cartonnage constituée de l'impression, la découpe, le collage et la finition aurait pu faire l'objet d'un transfert au sens de la définition tant légale que jurisprudentielle ; que l'activité de découpe, collage et finition ayant été maintenue sur le site de BEAUVAIS, elle en déduit l'impossibilité d'un transfert d'activité ; qu'or, il résulte d'une part du procès-verbal de délibération du Conseil d'administration de la société VG OOSSENS BEAUVAIS en date du 13 février 2006 qu'il est envisagé : la cession du portefeuille de clients de l'activité cartonnages, au profit de la société VG GOOSSENS, la mise à jour de la redevance due par la société en contrepartie de services rendus par le Groupe, 50. 000 € au lieu de 145. 000 €, la conclusion de nouvelles conventions secteur mécanisation selon lesquelles la société GOOSSENS BEAUVAIS s'engage à recourir exclusivement aux services du groupe moyennant redevance annuelle de 100. 000 € et la cession de brevets par cette dernière moyennant une redevance annuelle de 200. 000 € ; que, d'autre part, il résulte du procèsverbal du Conseil d'Administration tenu le même jour avec les mêmes dirigeants qu'il est rappelé que l'envoi des premières lettres de licenciement a été effectué 1er février 2006, que les activités de découpe, collage à plat et logistique se poursuivent dans des conditions normales, que les commandes des clients sont maintenant traitées directement par la société VG GOOSSENS et que la société GOOSSENS BEAUVAIS intervient en sous-traitance conformément au plan, que la mécanisation continue normalement son activité, en particulier vis à vis de YOPLAIT ainsi qu'une nouvelle commande vis à vis de HEINEKEN ; qu'il a été envisagé : la reprise de la clientèle de la société GOOSSENS BEAUVAIS par la société VG GOOSSENS, soit le rachat du portefeuille de clients de l'activité cartonnage précédemment exploitée par la société VG GOOSSENS BEAUVAIS, l'intervention en sous-traitance de la GOOSSENS BEAUVAIS pour les activités de découpe à plat et logistique au profit exclusif de la société VG GOOSSENS, la valorisation du portefeuille clients a été confiée au Directeur Général, la mise à jour des conventions redevances groupe, la refonte des conventions de l'activité mécanisation et la mise à disposition de la société VG GOOSSENS de l'ensemble du savoir faire moyennant à la fois une convention de prestations de services et un contrat de licence ; que l'expert a intégré les coûts de fonctionnement (dont les charges de personnel implicitement) dans l'estimation de la reprise de la clientèle ; que, s'agissant de l'activité de mécanisation, il convient de rappeler que la plupart des machines installées chez les clients appartiennent au Groupe ; que le 28 février 2006, deux contrats ont été passés entre la société beauvaisienne et la société VG GOOSSENS : un contrat de prestations de services ; que la société VG GOOSSENS s'engage à proposer sa clientèle et développer un service complet de location et/ ou de ventes de machines et de livraisons de découpes afin de permettre à la société GOOSSENS BEAUVAIS d'optimiser son activité de fabrication de machines, la société VG GOOSSENS prenant en charge la négociation des ventes et locations ; qu'en contrepartie, la société GOOSSENS BEAUVAIS s'engage à apporter son soutien technique exclusivement au profit de la société VG GOOSSENS ; que la société beauvaisienne s'engage à ne pas travailler pour des sociétés hors Groupe, en contrepartie ; que la société GOOSSENS BEAUVAIS perçoit une redevance annuelle de 25. 000 €, et un contrat de licence ; que la société GOOSSENS BEAUVAIS cède à la société VG GOOSSENS les brevets et savoir-faire en matière de fabrication de haute technicité dans le domaine de l'industrie de boîtes et découpes moyennant le versement d'une redevance annuelle minimale de 100. 000 € ; qu'en l'espèce, le portefeuille de clients constitue un élément essentiel de l'entité économique GOOSSENS BEAUVAIS ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'en réalité, les cessions et modifications contractuelles intervenues consistant en une cession de clientèle, de brevets et de savoir-faire ont entraîné une perte totale d'autonomie de la société GOOSSENS BEAUVAIS qui intervient désormais en qualité de sous-traitant de la société VG GOOSSENS tant au regard de l'activité principale de cartonnage que de celle de mécanisation dans la mesure où cette activité n'a pas de clientèle propre ; que, par voie de conséquence, la cession de clientèle accompagnée de la cession de brevets, de savoir faire, de convention de prestations de services a eu pour effet de transférer l'entité économique autonome beauvaisienne au profit de la société VG GOOSSENS » ;

ALORS, DE PREMIERE PART, QUE l'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail implique le transfert d'une entité économique autonome constituée par un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif propre ; qu'au cas particulier, il ressort des considérations de l'arrêt attaqué que l'ensemble des éléments nécessaires à l'activité de fabrication de boites et emballages pliants était constitué d'éléments incorporels (cession de clientèle, cession ou concession de licences de brevets de fabrication) ou corporels (rachat de matériels), arrêt, p. 15, al. 2 ; que dans un deuxième temps cependant, la cour d'appel admet que la Société VG GOOSSENS « disposait personnellement sur ses différents sites de l'ensemble des matériels d'exploitation nécessaires à cette activité » et « n'avait nul besoin de procéder au rachat des matériels (machines notamment) existant au sein de la Société GOOSSENS BEAUVAIS » Ibid. Loc. ; qu'en statuant de la sorte, par des considérations qui ne sont pas compatibles, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et n'a pas caractérisé l'existence d'une entité économique autonome, violant ainsi l'article L. 1224-1 du Code du travail ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE l'activité de cartonnage comportant une série de tâches constituées de pré-presse, découpe à plat, finition, impression, collage et logistique, aucune de ces diverses tâches prise séparément n'était autonome et ne pouvait caractériser à elle seule l'existence d'une entité économique autonome au sens de l'article L. 1224-1 du Code du travail ; qu'il s'ensuit que viole ce texte l'arrêt attaqué qui retient qu'en décidant d'abandonner les opérations d'impression et de collage et de conserver les activités de découpe, de finition et de logistique, la Société GOOSSENS BEAUVAIS SA aurait cédé une entité économique autonome ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le conseil de prud'hommes de BEAUVAIS, dont la cour d'appel a expressément repris à son compte la motivation, a considéré qu'il résultait de l'ensemble des opérations de réorganisation que la Société GOOSSENS BEAUVAIS SA – qui avait une activité principale de cartonnage (80 %) et une activité accessoire de mécanisation (20 %)- intervenait désormais « en qualité de sous-traitant de la société VG GOOSSENS tant au regard de l'activité principale de cartonnage que de celle de mécanisation » (jugement, p. 38) ; qu'ayant ainsi constaté qu'à l'issue de la réorganisation, la Société GOOSSENS BEAUVAIS SA avait poursuivi l'intégralité de ses activités, peu important que ce fût en qualité de sous-traitant plutôt qu'en tant que prestataire direct, viole l'article L. 1224-1 du Code du travail l'arrêt attaqué qui retient que cette réorganisation a emporté cession des entités économiques autonomes existant au sein de la Société GOOSSENS BEAUVAIS SA ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE la cession d'une clientèle déterminée ne caractérise pas nécessairement en soi la cession d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif propre ; qu'il s'ensuit que se prononce par des motifs inopérants et viole l'article L. 1224-1 du Code du travail l'arrêt attaqué qui retient que la cession de clientèle de l'activité de cartonnage de la Société GOOSSENS BEAUVAIS SA à la Société VG GOOSSSENS avait entraîné la cession de cette activité elle-même, bien que ladite activité ait été poursuivie par la Société GOOSSENS BEAUVAIS SA, comme l'ont constaté les juges du fond, dans le cadre d'une convention de sous-traitance conclue avec la Société VG GOOSSENS ;
ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE c'est seulement après autorisation par ordonnance du 16 janvier 2007 du juge commissaire, suivant les réquisitions du Ministère public du 28 novembre 2006, que les brevets de fabrication de la Société GOOSSENS BEAUVAIS SA ont été cédés à la Société VG GOOSSENS ; que, dans le cadre de sa réorganisation, la Société GOOSSENS BEAUVAIS SA avait seulement consenti une licence d'exploitation de ces brevets à la Société VG GOOSSENS, ce qui lui permettait de poursuivre ses activités de cartonnage dans le cadre d'une convention de sous-traitance, comme l'ont admis les juges du fond ; qu'il s'ensuit que viole l'article L. 1224-1 du Code du travail l'arrêt attaqué qui déduit l'existence d'une cession de l'entité économique de cartonnage de la Société GOOSSENS BEAUVAIS SA à la Société VG GOOSSENS, d'une « cession ou concession de licence de brevets de fabrication » (arrêt attaqué, p. 15) ;
ALORS, DE SIXIEME PART, QU'une contradiction de motifs est équivalente à un défaut de motifs ; que se contredit dans ses explication, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui retient que l'activité de mécanisation ne pouvait être dissociée de l'activité de cartonnage de la Société GOOSSENS BEAUVAIS SA tout en constatant par ailleurs que ladite activité de mécanisation était « constitutive au sein de la Société GOOSSENS BEAUVAIS d'une entité économique autonome dotée de moyens propres d'exploitation (en matériel et personnel) » ;
ALORS, DE SEPTIEME PART, QU'au titre de leur obligation de motivation, les juges du fond sont tenus de s'expliquer sur les moyens des conclusions des parties ; que, dans ses conclusions (p. 26), la Société VG GOOSSENS faisait valoir que les machines de remplissage conçues et produites par la branche mécanisation de la Société GOOSSENS BEAUVAIS SA fonctionnaient de façon indépendante selon l'utilisation qu'en faisait le client et que ces machines pouvaient être utilisées avec des cartons imprimés et découpés par des concurrents des sociétés GOOSSENS BEAUVAIS SA et de VG GOOSSENS ; qu'il s'ensuit que viole l'article 455 du Code de procédure civile l'arrêt attaqué qui retient que, ne pouvant fonctionner qu'à partir des produits – boites et emballages pliants – fournis à titre exclusif par les sociétés du groupe VAN GENECHTEN, l'activité de mécanisation ne pouvait être dissociée de l'activité principale de cartonnage-packaging.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les licenciements prononcés à l'encontre des salariés défendeurs au pourvoi, à l'exception de Messieurs Dominique B..., Mustapha C..., Jack D..., Philippe P..., René E..., José F..., Hervé G..., Jacques H..., Juan Manuel I..., Jean-Yves J..., Bernard K..., Brahim L... et Mesdames Marie-Noëlle M... et Sylvie N... étaient sans effet en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail, d'AVOIR mis hors de cause les organes de la procédure collective de la Société GOOSSENS BEAUVAIS SA, d'AVOIR condamné la Société VG GOOSSENS à payer aux défendeurs au pourvoi, à l'exception des salariés ci-dessus évoqués, diverses sommes à titre de dommages et intérêts, d'indemnité CRP et d'indemnité conventionnelle selon le cas, d'AVOIR condamné la Société VG GOOSSENS à payer à la Fédération FILPAC et au Syndicat CGT de la société GOOSSENS BEAUVAIS, chacun, une somme à titre de réparation du préjudice subi, d'AVOIR ordonné la réouverture des débats sur la demande en remboursement des sommes avancées par le CGEA et celles dont les salariés doivent remboursement ;
AUX MOTIFS QU'« il ressort en l'espèce des éléments, pièces et documents concordants du dossier que l'opération de réorganisation des deux filiales françaises du groupe VAN GENECHTEN, les sociétés VG GOOSSENS et GOOSSENS BEAUVAIS, a eu pour effet de transférer à la société VG GOOSSENS les activités économiques déployées par la société GOOSSENS BEAUVAIS, aussi bien, à titre principal, dans le domaine de la fabrication de boîtes pliantes (packaging) à destination de grandes marques ou de produits de grande consommation, que dans le domaine accessoire de la mécanisation, activités constituant au sein de la société GOOSSENS BEAUVAIS deux entités économiques autonomes disposant d'éléments d'exploitation propres et de personnels spécialement dédiés ; qu'il est en effet établi que par l'effet des décisions arrêtées et imposées par la société VG GOOSSENS dans le cadre de choix stratégiques effectués au niveau du groupe VAN GENECHTEN (notamment transfert à VG GOOSSENS d'une partie des tâches de fabrication-impression et collage jusque-là effectuées par GOOSSENS BEAUVAIS) et au travers de diverses opérations juridiques ayant emporté transfert d'éléments incorporels (cession de clientèle, cession ou concession de licences de brevets de fabrication) ou corporel (rachat de matériel), c'est l'ensemble des éléments nécessaires à l'activité de fabrication de boites et emballages pliants qui se sont trouvés transférés de fait à la société VG GOOSSENS, laquelle a repris et poursuivi cette activité sur ses différents sites de production à Marcq-en-Baroeul, Angoulême, et Meyzieux, nonobstant le maintien artificiel et pour quelques mois (jusqu'au jugement de liquidation judiciaire de la SA GOOSSENS BEAUVAIS) de certaines tâches sur le site d'Allonnes de la société GOOSSENS BEAUVAIS, alors qu'auparavant cette dernière société assurait, à destination de sa propre clientèle et selon des brevets et un savoir faire lui appartenant, l'ensemble du processus de production de boîtes pliantes, à savoir la découpe, la finition, l'impression et le collage ; que la réorganisation des deux sociétés françaises, imposée par la SA VG GOOSSENS en exécution de choix stratégiques, a donc bien emporté transfert au profit de cette dernière de l'entité économique autonome constituée par l'activité de fabrication de boites et emballages pliants exercée par la société GOOSSENS BEAUVAIS, étant observé surabondamment que la SA VG GOOSSENS, qui disposait personnellement sur ses différents sites de l'ensemble des matériels d'exploitation nécessaires à cette activité, n'avait nul besoin de procéder au rachat des moyens matériels (machines notamment) existant au sein de la société GOOSSENS BEAUVAIS ; que la même solution doit être retenue concernant l'activité de mécanisation qui, destinée à une clientèle captive (les machines à emballer, mises à disposition de la clientèle sur leurs sites propres, conçues et brevetées par la société GOOSSENS BEAUVAIS dans son établissement de Warluis, ne pouvant fonctionner qu'à partir des produits-boites et emballages pliants-fournis à titre exclusif par les sociétés du groupe GOOSSENS), ne pouvait être dissociée de l'activité principale de cartonnage-packaging ; que là encore, par l'effet des décisions arrêtées par la SA VG GOOSSENS dans le cadre de la politique définie au niveau du groupe et par le biais des moyens juridiques mis en oeuvre (cession de clientèle, licences d'exploitation...), cette activité, constitutive au sein de la société GOOSSENS BEAUVAIS d'une entité économique autonome dotée de moyens propres d'exploitation (en matériel et personnel), s'est trouvée transférée de fait à la société VG GOOSSENS, transfert au demeurant officialisé dans le cadre de la procédure collective de la SA GOOSSENS BEAUVAIS par l'autorisation de cession des brevets et machines de cette entreprise à la SA VG GOOSSENS délivrée par le juge commissaire selon ordonnance du 16 janvier 2007, observation étant faite qu'en raison de sa nature spécifique, la reprise de ces actifs ou de cette unité de production ne pouvait intéresser que la SA VG GOOSSENS fournisseur exclusif en France des produits d'emballage seuls susceptibles d'être utilisés par les machines mises à la disposition de la clientèle ; qu'à défaut d'élément venant conforter l'allégation selon laquelle cette activité spécifique aurait été arrêtée par la SA VG GOOSSENS nonobstant le rachat par celle-ci des éléments corporels et incorporels évoqués ci-dessus, il convient de considérer que l'entité économique constituée par l'activité de " mécanisation " a bien également été transférée à la SA VG GOOSSENS et poursuivie par cette dernière dans des conditions emportant application des dispositions de l'article L. 1224-1 nouveau du code du travail ; qu'à la faveur de ces motifs et de ceux non contraires des premiers juges, expressément repris, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a estimé par application des principes ci-dessus rappelés que les licenciements pour motif économique prononcés par la SA GOOSSENS BEAUVAIS en février et mars 2006 et par le mandataire liquidateur à compter du mois de mai 2006 devaient être considérés comme privés d'effet et que les salariés étaient en droit de réclamer, à la société cessionnaire, VG GOOSSENS, la réparation du préjudice consécutif à ces licenciements dépourvus d'effet, dès lors que cette dernière société, devenue de plein droit leur employeur par l'effet des dispositions de l'article L. 1224-1 nouveau du code du travail, qui ne leur a pas proposé la poursuite de leur contrat individuel de travail avant l'expiration de la période de préavis, doit être considérée comme responsable de la rupture illégitime des relations de travail et tenue d'en réparer les conséquences » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en dehors de l'hypothèse où le cessionnaire lui ait proposé, avant la fin de son préavis, de poursuivre sans modification son contrat de travail, le salarié licencié à l'occasion du transfert de l'entité économique autonome dont il relève et dont le licenciement est ainsi dépourvu d'effet, peut, à son choix, demander au repreneur la poursuite du contrat de travail ou demander au cédant qui l'a licencié réparation du préjudice résultant de la rupture ; que, dans l'hypothèse où il devrait être admis qu'étaient dépourvus d'effet les licenciements prononcés par la Société GOOSSENS BEAUVAIS SA au motif que la réorganisation intervenue avait emporté cession d'entités économiques autonomes au profit de la Société VG GOSSENS, viole l'article 1224-1 du Code du travail l'arrêt attaqué qui retient que les salariés licenciés étaient en droit de demander réparation à la Société VG GOOSSENS du préjudice que leur causait leur licenciement, bien que cette société n'ait jamais refusé de poursuivre leur contrat de travail, au seul motif que la Société VG GOOSSENS n'avait pas pris l'initiative de leur proposer la poursuite de leur contrat individuel de travail avant l'expiration de la période de préavis ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE faute d'avoir constaté que les salariés de la Société GOOSSENS BEAUVAIS SA auraient demandé à la Société VG GOOSSENS la poursuite de leur contrat de travail et que la Société VG GOSSENS aurait refusé d'accéder à une telle demande, l'arrêt attaqué qui a condamné cette dernière société à réparer le préjudice subi par les intéressés du fait de leur licenciement, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-30020;10-30021
Date de la décision : 28/09/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 03 novembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 sep. 2011, pourvoi n°10-30020;10-30021


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.30020
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