LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens, réunis :
Vu les articles L. 227-6 du code de commerce, L. 1232-6 du code du travail, 1984 et 1998 du code civil ;
Attendu que si, selon le premier de ces textes, la société par actions simplifiée est représentée à l'égard des tiers par son président et, si ses statuts le prévoient, par un directeur général ou un directeur général délégué dont la nomination est soumise à publicité, cette règle n'exclut pas la possibilité, pour ces représentants légaux, de déléguer le pouvoir d'effectuer des actes déterminés tel que celui d'engager ou de licencier les salariés de l'entreprise ; que, par ailleurs, aucune disposition n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit ; qu'elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement ; qu'enfin, en cas de dépassement de pouvoir par le mandataire, le mandant est tenu de l'acte de celui-ci s'il l'a ratifié expressément ou tacitement, ce qui est le cas lorsqu'il en soutient la validité en justice ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui avait été engagé le 1er septembre 2005 en qualité de technico-commercial par la société Moguntia Est Epices, a été licencié le 2 mai 2007 pour motif économique par lettre signée "pour ordre de la direction" ; qu'il a contesté la mesure devant la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour déclarer nul le licenciement et condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt retient que la lettre de licenciement doit émaner soit du président de la société par actions simplifiée, soit de la personne autorisée par les statuts à recevoir délégation pour exercer le pouvoir de licencier détenu par le seul président et que tel n'est pas le cas d'une lettre signée "PO", et qu'en outre aucune preuve n'est rapportée que le signataire ait été délégué dans les pouvoirs des représentants légaux ou statutaires de la société ou, en tout cas, ait reçu délégation pour signer une lettre de licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils pour la société Moguntia Est épices
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré nul le licenciement prononcé à l'égard de Monsieur X... et d'AVOIR condamné la Société MOGUNTIA EST EPICES à lui payer des dommages-intérêts.
AUX MOTIFS QUE « I. Sur la contestation de la validité du licenciement :
L'article L. 1232-6 du code du travail dispose que lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.
Cette lettre de licenciement doit être signée.
L'absence de qualité à agir du signataire de la lettre constitue une irrégularité de fond qui rend nul le licenciement.
En l'espèce, la société Moguntia Est Epices a la forme d'une société par actions simplifiée (SAS) qui est représentée, en application de l'article L.227-6 du code de commerce par son Président et, si les statuts le prévoient par un ou plusieurs directeurs généraux ou directeurs généraux délégués.
Or, la lettre de licenciement du 2 mai 2007 est signée Moguntia Est Epice SAS, La Direction signature illisible P.O.
Il s'ensuit que le signataire de la lettre qui n'est ni Président, ni directeur général, n'avait pas qualité pour prononcer le licenciement.
D'autre part aucune preuve n'est rapportée que le signataire ait été délégué dans les pouvoirs des représentants légaux ou statutaires de la société Moguntia Est Epices, ou, en tout cas ait reçu délégation pour signer une lettre de licenciement.
Ce défaut de qualité entraîne la nullité du licenciement de M. X....
Dès lors que le salarié appelant a été victime de ce licenciement nul et qu'il ne réclame pas sa réintégration dans l'entreprise, il a droit à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L.1235-3 du code du travail (Cass. Soc. 27 juin 2000 – n° 98-43-439).
II. Sur les dommages intérêts :
M. X... sollicite à ce titre la somme de 25000 €. Il convient de faire droit à la demande, étant observé que si l'on se réfère à l'attestation ASSEDIC, ce montant est inférieur aux salaires des six derniers mois» (arrêt attaqué p. 6).
ALORS QU'il résultait des documents produits que Monsieur Ahmed Z..., Responsable administratif et financier de la Société MOGUNTIA EST ESPICES, titulaire d'une Délégation de Pouvoir du Président Directeur général, a régulièrement signé la lettre de licenciement comme les autres pièces se rapportant à la procédure de rupture pour un motif économique ; que la Cour d'appel a dénaturé les document soumis à son examen en violation de l'article 1134 du Code civil ;
QU'elle a également privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1232-6 du Code du travail et qu'elle a violé l'article 455 du Code de procédure civile et l'article 1134 du Code civil.
ET QU'en toute hypothèse, la Société MOGUNTIA EST EPICES a exprimé devant la Cour d'appel une volonté claire et non équivoque de ratifier la mesure prise par son préposé, son représentant légal ayant soutenu devant la Cour de COLMAR la validité et le bien fondé du licenciement ; que la même Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L 1232-6 du Code du travail, L 2276 du Code de commerce, 1984 et 1998 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré nul le licenciement prononcé à l'égard de Monsieur X... et d'AVOIR condamné la Société MOGUNTIA EST EPICES à lui payer des dommages-intérêts.
AUX MEMES MOTIFS QUE ceux précédemment cités, ALORS QUE le licenciement de Monsieur X... reposait sur un motif d'ordre économique et que la Cour d'appel a sanctionné la seule inobservation d'une règle de forme ; qu'elle ne pouvait, en raison de l'existence d'une cause réelle et sérieuse, octroyer à Monsieur X... une indemnité supérieure à un mois de salaire ; qu'en lui allouant des dommages-intérêts comme si la rupture ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a violé les articles L 1235-2 et L 1235-3 du Code du travail.