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28/09/2011 | FRANCE | N°10-18375

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 septembre 2011, 10-18375


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 3121-5 du code du travail ;
Attendu que, si l'attribution d'un logement à titre gratuit peut constituer une modalité de rémunération de l'astreinte, cette modalité doit être prévue par une disposition claire et précise ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 1er avril 1998 par l'Association pour l'aide au logement des personnes âgées (APALPA) en qualité de responsable chargée de la surveillance de la résidence pour personnes âgées

d'Auneuil ; qu'elle a été licenciée pour motif économique à la suite de son refus ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 3121-5 du code du travail ;
Attendu que, si l'attribution d'un logement à titre gratuit peut constituer une modalité de rémunération de l'astreinte, cette modalité doit être prévue par une disposition claire et précise ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 1er avril 1998 par l'Association pour l'aide au logement des personnes âgées (APALPA) en qualité de responsable chargée de la surveillance de la résidence pour personnes âgées d'Auneuil ; qu'elle a été licenciée pour motif économique à la suite de son refus de modification du contrat de travail ; que contestant cette mesure, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaire au titre des astreintes, l'arrêt retient que la salariée a droit à une indemnisation qui a été suffisante compte tenu des avantages financiers et en nature consentis à l'intéressée qui, outre le bénéfice de la gratuité de son logement et des charges afférentes, a été rémunérée sur la base de 35 heures alors que son temps effectif de travail hebdomadaire était de 19 heures, tout en bénéficiant des primes de nuit prévue par la convention collective du 31 octobre 1951 ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater l'existence d'une disposition conventionnelle ou contractuelle prévoyant précisément la rémunération de l'astreinte par l'octroi d'un logement de fonction, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu que, conformément à l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation sur le second moyen ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande en paiement de la somme de 242 322,15 euros en compensation des heures d'astreinte effectuées, et de sa demande subsidiaire en paiement de la somme de 55 252,94 euros à titre d'indemnisation de la permanence, l'arrêt rendu le 30 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne l'Association pour l'aide au logement des personnes agées aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Association pour l'aide au logement des personnes agées à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de Madame X... tendant à obtenir le paiement de la somme de 242.322, 15 euros en compensation des heures d'astreinte effectuées ;
AUX MOTIFS QU'après avoir exactement rappelé la définition légale de l'astreinte et les modalités particulières de son indemnisation, les premiers juges ont à bon droit considéré que Mme X..., qui pendant ses temps de présence à son domicile familial (logement de fonction) pouvaient vaquer à ses obligations personnelles, relevait du régime de l'astreinte et ne pouvait par conséquent prétendre à une rémunération correspondant à du temps de travail effectif par application du droit commun, mais seulement à une indemnisation qui en l'espèce a été exactement jugée suffisante compte tenu des avantages financiers et en nature consentis à l'intéressée qui, outre le bénéfice de la gratuité de son logement et des charges afférentes, a été rémunérée sur la base des heures alors que son temps effectif de travail hebdomadaire était de 19 heures, tout en bénéficiant des primes de nuit prévue par la convention collective du 31 octobre 1951 ;
Et AUX MOTIFS adoptés QU'en application de l'article L 212-4 bis du Code du travail, la période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ; il convient de bien distinguer cette astreinte d'une permanence qui se déroule sur le lieu de travail, même si elle comporte des temps d'attente, et qui s'analyse juridiquement en du temps de travail effectif ; en l'espèce, Madame X..., en dehors de son temps de travail effectif, et sauf les jours ou les créneaux où elle est de repos, était tenue d'être à son domicile (logement de fonction), pour effectuer, en cas de besoin, une intervention ; pendant ce temps, elle pouvait vaquer à ses obligations personnelles, étant précisé que le logement était celui de la famille ; il ressort de la fiche d'interventions du Service Départemental d'Incendie et de Secours versée aux débats que les temps d'intervention étaient très rares ; en conséquence, Madame X... effectuait bien des heures d'astreinte et non des heures de permanence considérées comme du travail effectif ; l'indemnisation de l'astreinte est obligatoire, indépendamment des heures d'intervention, et une compensation est donc indispensable ; il ressort du contrat de travail que Madame X... bénéficie d'avantages en nature tels que la gratuité de son logement et des charges afférentes ; en outre, elle est rémunérée aux 35 heures alors que son temps de travail effectif est évalué à 19 heures hebdomadaire ; enfin, l'employeur lui fait bénéficier des indemnités de nuit de la Convention Collective FEHAP ; en conséquence, l'astreinte est suffisamment rémunérée et Madame X... sera déboutée de sa demande d'heures supplémentaires et de repos compensateur, sauf à réserver le paiement des astreintes effectuées pendant les repos quotidiens, hebdomadaires et dominicaux ;
ALORS QUE si l'attribution d'un logement à titre gratuit peut constituer une modalité de rémunération de l'astreinte, cette modalité doit être prévue par une disposition claire et précise ; que pour rejeter la demande de Madame X..., la Cour d'appel a relevé que la salariée bénéficiait d'avantages en nature tels que la gratuité de son logement et des charges afférentes ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans qu'il résulte de ses constatations que l'attribution du logement comme modalité de rémunération de l'astreinte était expressément prévue par une disposition claire et précise, la Cour d'appel a violé l'article L 3121-5 du Code Civil (anciennement L. 212- 4 bis) et de l'article 1134 du Code civil ;
Et ALORS QUE toute heure d'astreinte doit également donner lieu à rémunération ; que pour rejeter la demande de Madame X..., la Cour d'appel a relevé que la salariée, outre le bénéfice de la gratuité de son logement et des charges afférentes, a été rémunérée sur la base de 35 heures alors que son temps effectif de travail hebdomadaire était de 19 heures, tout en bénéficiant des primes de nuit prévue par la convention collective du 31 octobre 1951 ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans qu'il résulte de ses constatations que la salarié avait perçu une rémunération correspondant à l'intégralité des heures d'astreinte qu'elle avait effectuées, la Cour d'appel a violé l'article L 3121-5 du Code Civil (anciennement L. 212- 4 bis) et de l'article 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Madame X... présentée à titre subsidiaire et tendant à obtenir le paiement de la somme de 55.252, 94 euros à titre d'indemnisation de la permanence ;
AUX MOTIFS QUE concernant la convention collective des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cures et de gardes à but non (dite F.E.H.A.P.) du 31 octobre 1951, dont l'application est revendiquée à titre subsidiaire pour la rémunération des permanences à domicile et à l'appui de la demande de rappel de rémunération présentée au titre de la prime conventionnelle dite de "contrainte particulière", il est constant que ce texte conventionnel, dont l'arrêté d'extension a été annulé, ne s'applique pas de façon obligatoire au sein de l'A.P.A.L.P.A. qui ne l'a pas signé et n'est pas adhérente à une organisation syndicale signataire ; toutefois les parties s'accordent sur son application volontaire au sein de l'association, tout en s'opposant sur le caractère total ou partiel de cette application volontaire ; s'il est établi en l'espèce que les bulletins de salaire délivrés à la salariée et à ses collègues font mention de cette convention collective, cette mention ne vaut toutefois que comme simple présomption d'application des dispositions conventionnelles considérées, susceptible d'être renversée par la preuve contraire, l'employeur étant notamment recevable à démontrer que s'il a entendu faire volontairement application de certaines dispositions de la convention collective, il n'a en revanche jamais eu la volonté de l'appliquer dans son intégralité ; en l'espèce, s'il est établi qu'il n'a été fait application que des seules dispositions de la convention F.E.H.A.P. du 31 octobre 1951 relatives au classement fonctionnel et à la détermination du salaire de base, à l'indemnité de nuit et à la prime d'ancienneté, ces éléments de fait ne sont pas à eux seuls de nature à démontrer la volonté qu'aurait manifesté l'employeur de n'appliquer que de façon partielle et limitée la convention collective considérée, alors que d'autres éléments du dossier plaident manifestement en sens contraire ; ainsi dans un courrier en date du 24 novembre 1998, la direction indique "que la convention collective qui est appliquée à l'ensemble du personnel est celle de 1951 sur la proposition de l'inspecteur du travail en date du 28 septembre 1988", sans qu'il soit fait référence au caractère limité ou partiel de l'application de cette convention ; de la même manière, au travers de notes de service et d'information diffusées aux mois de juillet 2003 et mai et juin 2004, la direction fait état de la convention du 31 octobre 1951 en se l'appropriant sous le vocable "notre convention", là encore sans la moindre indication ou réserve permettant d'en déduire une volonté d'application partielle et limitée ; les contrats de travail versés aux débats, établis antérieurement à la dénonciation par l'employeur de la convention collective du 31 octobre 1951, font état de cette convention collective comme régissant le statut collectif du personnel, là encore sans la moindre référence au caractère partiel de son application ; à défaut d'être utilement contredits par de quelconques pièces ou documents en sens contraire, ces éléments, ajoutés au fait que la convention collective considérée a été dénoncée par l'employeur là encore sans référence à l'application partielle qui en aurait été faite, permettent de tenir pour non établie la volonté de l'employeur de n'appliquer que partiellement la convention collective du 31 octobre 1951 mentionnée sur les bulletins de salaire de Mme X... ; le jugement déféré sera par conséquent infirmé en ce qu'il a déclaré non applicables à la salariée les dispositions conventionnelles autres que celles appliquées par l'employeur et rejeté pour cette considération les demandes de l'intéressée relatives entre autres à la rémunération des permanences à domicile dans les conditions prévues par les dispositions de la convention collective du 31 octobre 1951 ;
Et AUX MOTIFS QUE toutefois, les dispositions conventionnelles instituent concernant les permanences un régime d'heures d'équivalence qui depuis la loi numéro 2000 - 37 le 19 janvier 2000 ne peut être institué que par décret dans des professions et pour des emplois déterminés, sauf pour les équivalences conventionnelles résultant d'accords de réduction du temps de travail conclu sur le fondement de la loi du 13 juin 1998 ; il n'existe aucun décret instituant un régime d'équivalence au sein des établissements et services accueillant des personnes âgées, étant observé surabondamment que le décret 2001 - 1384 du 31 décembre 2001, qui n'incluait pas dans son champ d'application les établissements et services accueillants des personnes âgées, a été annulé, avec effet rétroactif, par arrêt du conseil d'État du 28 avril 2006 ; la salariée ne peut donc revendiquer, concernant la rémunération de ses permanences, le bénéfice du régime d'équivalence instituée par la convention collective du 31 octobre 1951 ; ayant déjà été indemnisée sur la base du droit commun régissant les astreintes, comme indiqué précédemment, Mme X... ne peut donc prétendre à l'indemnisation de ses périodes de permanence par application des dispositions spécifiques de la convention collective nationale du 31 octobre 1951 ;
ALORS QUE Madame X... n'a pas été remplie de ses droits sur la base du droit commun régissant les astreintes ; que pour rejeter la demande de Madame X... fondée sur l'application de la convention collective, la Cour d'appel a relevé qu'ayant « déjà été indemnisée sur la base du droit commun régissant les astreintes, comme indiqué précédemment, Mme X... ne peut donc prétendre à l'indemnisation de ses périodes de permanence par application des dispositions spécifiques de la convention collective nationale du 3 1 octobre 1951 » ; que dès lors, la cassation à intervenir sur le premier moyen emportera cassation par voie de conséquence du second moyen et ce, en application de l'article 624 du Code de Procédure Civile ;
ALORS en outre QU'en statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que l'employeur appliquait volontairement l'ensemble de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, ce dont il résultait qu'étaient applicables les dispositions de ce texte concernant la rémunération des heures de permanence à domicile, la Cour d'appel a violé l'article L 3121-7 du Code du Travail (anciennement L 212-4 bis) et les articles 05.07.3.1 à 05.07.3.4 de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 ;
ALORS encore QUE le régime d'équivalence prévu à l'article L 3121-9 du Code du Travail (anciennement L 212-4) constitue un mode particulier de comptabilisation du travail effectif tandis que les articles 05.07.3.1 à 05.07.3.4 de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 ne s'appliquent pas aux périodes de travail effectif ; que la Cour d'appel a écarté les dispositions de la convention collective aux motifs que le régime d'heures d'équivalence ne peut être institué que par décret dans des professions et pour des emplois déterminés et qu'aucun décret n'existe en l'espèce ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article L 3121-9 du Code du Travail (anciennement L 212-4) et les articles 05.07.3.1 à 05.07.3.4 de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-18375
Date de la décision : 28/09/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 30 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 sep. 2011, pourvoi n°10-18375


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.18375
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