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27/09/2011 | FRANCE | N°10-13640

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 septembre 2011, 10-13640


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 décembre 2009) que M. X..., engagé par la RATP le 22 août 1994, a été déclaré inapte à titre définitif à son emploi, le 22 décembre 1998 ; que, reclassé au poste d'assistant logistique, il bénéficiait d'une indemnité mensuelle pour frais kilométriques calculée en fonction de la distance parcourue entre son domicile et le lieu de travail ; qu'il a été révoqué, par lettre du 6 avril 2006, pour avoir perçu des indemnités kilométriqu

es indues ;
Attendu que la RATP fait grief à l'arrêt de la condamner à rembourser l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 décembre 2009) que M. X..., engagé par la RATP le 22 août 1994, a été déclaré inapte à titre définitif à son emploi, le 22 décembre 1998 ; que, reclassé au poste d'assistant logistique, il bénéficiait d'une indemnité mensuelle pour frais kilométriques calculée en fonction de la distance parcourue entre son domicile et le lieu de travail ; qu'il a été révoqué, par lettre du 6 avril 2006, pour avoir perçu des indemnités kilométriques indues ;
Attendu que la RATP fait grief à l'arrêt de la condamner à rembourser les frais de péage routier engagés par le salarié et de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :
1°/ que la RATP a révoqué M. X... pour faute grave, parce qu'il est apparu après enquête, et sur l'aveu répété de celui-ci, qu'il avait fait de fausses déclarations relatives aux indemnités kilométriques dont il avait demandé le remboursement et au véhicule qu'il utilisait pour ses déplacements; que la cour a retenu que M. X... avait décidé "certains soirs d'occuper le logement loué par sa mère à Paris 13ème pour lui éviter certains trajets", qu'il avait négligé de communiquer à son employeur la copie de ses cartes grises successives et qu'il "s'est engagé à rembourser le trop perçu revendiqué par la RATP" ; qu'il en résultait que la sanction prise par cette dernière reposait sur des faits incontestés, à savoir la soustraction à l'employeur, par l'agent, de sommes indues, sur le fondement de déclarations fausses ; qu'en décidant dès lors qu'il n'y avait ni faute grave ni cause réelle et sérieuse à la révocation prononcée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ que les juges du fond doivent, même de façon sommaire, analyser l'ensemble des documents versés aux débats ; que la RATP s'était notamment fondée, pour établir la réalité des griefs retenus, sur les propres aveux de M. X..., réitérés en quatre circonstances, lors de son audition du 5 février 2006, dans une lettre qu'il a spontanément écrite ce même jour, lors de l'entretien du 3 mars 2006 préalable à la sanction et lors de l'audience du 15 mars 2006, la cour ayant pris acte de ce qu'il s'engageait à rembourser les sommes indument perçues ; que pour rejeter ces aveux, la cour s'est bornée à retenir qu'ils avaient été "obtenus" au cour d'un interrogatoire" ; qu'en se déterminant ainsi, sans avoir analysé, même de façon sommaire, les documents qui lui étaient soumis, en particulier la propre lettre de M. X... et les comptes rendus des entretiens, signés par ce dernier et la déléguée syndicale chargée de l'assister, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que la faute grave est celle qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ; que pour exclure cette faute et toute cause réelle et sérieuse à la sanction prise, la cour a retenu que M. X... était handicapé et que son absence de réalisation de tous les trajets dont il a demandé le remboursement s'expliquaient par une situation de nécessité, en raison de sa grande fatigue ; qu'en se déterminant ainsi, alors que les déclarations de remboursement reprochées, non conformes à la réalité des déplacements de M. X..., ainsi qu'il l'a reconnu lui-même par son offre de remboursement, rendaient impossible son maintien dans l'entreprise et constituaient une faute grave, la cour a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
4°/ que la caractérisation légale de la faute grave n'est pas conditionnée par une intention frauduleuse ou maligne du salarié ; que pour écarter l'existence d'une telle faute, la cour a retenu que M. X... n'avait pas entendu "dissimuler" à son employeur l'adresse de son pied-à-terre à Paris, qu'il n'avait eu aucune "intention frauduleuse" et que la RATP n'apportait pas la preuve "d'un détournement intentionnel susceptible de caractériser une faute grave"; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Mais attendu d'abord que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de faits et de preuve qui lui étaient présentés, a estimé que les "aveux" invoqués par l'employeur avaient été obtenus dans des conditions telles qu'ils ne pouvaient valoir éléments de preuve des faits reprochés au salarié ;
Et attendu ensuite que, relevant que M. X..., salarié handicapé, ne s'était abstenu que certains soirs, du fait d'une grande fatigue, de regagner son domicile pour rester chez sa mère habitant à Paris dont il n'avait pas dissimulé l'adresse à son employeur et que ce n'est que par négligence qu'il n'avait pas signalé ses changements de véhicule intervenus à deux reprises en quelques semaines, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les pièces qu'elle décidait d'écarter, a pu décider que les agissements reprochés ne constituaient pas une faute grave et a estimé qu'ils n'étaient pas assez sérieux pour justifier son licenciement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la RATP aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la RATP à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils pour la Régie autonome des transports parisiens (RATP).
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR. condamné la RATP à verser à M. Thierry X..., avec intérêts de droit, les sommes de 1.630,10 € à titre de remboursement de frais de péage de 2000 à 2005 et de 30.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
AUX MOTIFS OUE la RATP fait grief à M. X... de lui avoir déclaré le 18 septembre 2000 être domicilié à Mont-Saint-Père Aisne , à 111 km de son lieu de travail, puis, le 25 mai 2005, avoir acquis un véhicule de 9 CV sans l'informer ensuite qu'il bénéficiait depuis le 24 février 2005 d'une nouvelle adresse à Paris et qu'il avait acquis un véhicule de 6 CV le 29 juin 2005 ; qu'elle se prévaut d'aveux de M. X... le 5 février 2006 à l'enquêteur de la RATP, M. Y..., et de son engagement à rembourser les sommes indûment perçues 8.477 € , aveux réitérés à plusieurs reprises ; qu'elle fait valoir que M. X... était alors assisté de Mme Z..., déléguée syndicale, et que l'enquête interne, qui n'est pas un entretien préalable à une sanction, a seulement pour objet de faire la lumière sur les faits avant l'engagement éventuel d'une procédure disciplinaire qui s'est en l'occurrence poursuivie régulièrement ; que cependant, pour prouver la faute grave, la RATP n'invoque que les aveux de M. X..., sans rapporter la preuve que ce salarié handicapé ait déménagé de son domicile familial dans l'Aisne et qu'il n'avait plus à utiliser son véhicule pour les trajets de son domicile à son travail ; que le fait qu'il ait décidé certains soirs d'occuper le logement loué par sa mère à Paris pour lui éviter certains trajets ne caractérise en soi ni manquement contractuel, ni fraude ; que M. X... explique sa situation comme une nécessité en cas de grande fatigue, consécutivement à son accident de circulation d'août 2003 et son accident cérébral de 2004 qu'il n'a pas dissimulé l'adresse de ce pied-à-terre puisqu'il en a donné l'adresse à la COTOREP ; que la RATP, qui justifie lui avoir proposé un logement à Paris en février 2000, ne fait état ensuite que de propositions tardives août et novembre 2005, puis mars 2006, en cours de procédure ; que, s'agissant de la non-validation du changement de puissance de son véhicule, M. X... a changé deux fois de véhicule en quelques semaines et mis en vente le dernier ; que son intention frauduleuse n'est pas établie ; qu'il a seulement été négligent à donner copie de ses cartes grises successives ; que l'obtention d'aveux, après enquête contradictoire auprès d'une concierge et interrogatoire d'un salarié en état de faiblesse par un enquêteur de l'employeur ne permettent pas de prouver un détournement intentionnel susceptible de caractériser une faute grave ; que la RATP ne prouve pas que la déléguée syndicale, présente lors de l'interrogatoire du salarié, a eu à l'assister ; que M. X... s'est engagé à rembourser le trop perçu revendiqué par la RATP ; que celle-ci ne produit pas le procès-verbal de la réunion du conseil de discipline ayant émis un avis sur la décision à prendre, avis qui n'est donc pas caractérisé ; que la lettre de révocation ne précise pas la teneur de cet avis ; qu'en de telles circonstances, la révocation de M. X... pour "abus de confiance" ne procède pas d'une cause réelle et sérieuse ; que ce dernier a perdu son emploi dans des conditions vexatoires, alors que son handicap rendait sa réinsertion professionnelle difficile ; qu'il subit un préjudice moral important, comme le révèlent les conséquences de sa révocation sur sa santé mentale, et un préjudice financier puisqu'il n'a pas retrouvé de travail ; que ces éléments seront réparés par la somme de 30.000 € ; que M. X... justifie par des factures de badge de la SANEF des frais de péage engagés de 2002 à 2005 pour un montant de 1.630,10 €, dont il doit être remboursé ;
1°/ ALORS QUE la RATP a révoqué M. X... pour faute grave, parce qu'il est apparu après enquête, et sur l'aveu répété de celui-ci, qu'il avait fait de fausses déclarations relatives aux indemnités kilométriques dont il avait demandé le remboursement et au véhicule qu'il utilisait pour ses déplacements ; que la cour a retenu que M. X... avait décidé « certains soirs d'occuper le logement loué par sa mère à Paris 13ème pour lui éviter certains trajets », qu'il avait négligé de communiquer à son employeur la copie de ses cartes grises successives et qu'il « s'est engagé à rembourser le trop perçu revendiqué par la RATP » ; qu'il en résultait que la sanction prise par cette dernière reposait sur des faits incontestés, à savoir la soustraction à l'employeur, par l'agent, de sommes indues, sur le fondement de déclarations fausses ; qu'en décidant dès lors qu'il n'y avait ni faute grave ni cause réelle et sérieuse à la révocation prononcée, la cour, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail ;
2°/ ALORS qUE les juges du fond doivent, même de façon sommaire, analyser l'ensemble des documents versés aux débats ; que la RATP s'était notamment fondée, pour établir la réalité des griefs retenus, sur les propres aveux de M. X..., réitérés en quatre circonstances, lors de son audition du 5 février 2006, dans une lettre qu'il a spontanément écrite ce même jour, lors de l'entretien du 3 mars 2006 préalable à la sanction et lors de l'audience du 15 mars 2006. la cour ayant pris acte de ce qu'il s'engageait à rembourser les sommes indument perçues ; que pour rejeter ces aveux, la cour s'est bornée à retenir qu'ils avaient été « obtenus » au cours d'un « interrogatoire » ; qu'en se déterminant ainsi, sans avoir analysé, même de façon sommaire, les documents qui lui étaient soumis, en particulier la propre lettre de M. X... et les comptes rendus des entretiens, signés par ce dernier et la déléguée syndicale chargée de l'assister, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE la faute grave est celle qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ; que pour exclure cette faute et toute cause réelle et sérieuse à la sanction prise, la cour a retenu que M. X... était handicapé et que son absence de réalisation de tous les trajets dont il a demandé le remboursement s'expliquaient par une situation de nécessité, en raison de sa grande fatigue ; qu'en se déterminant ainsi, alors que les déclarations de remboursement reprochées, non conformes à la réalité des déplacements de M. X..., ainsi qu'il l'a reconnu lui-même par son offre de remboursement, rendaient impossible son maintien dans l'entreprise et constituaient une faute grave, la cour a violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail ;
4°/ ALORS QUE la caractérisation légale de la faute grave n'est pas conditionnée par une intention frauduleuse ou maligne du salarié ; que pour écarter l'existence d'une telle faute, la cour a retenu que M. X... n'avait pas entendu « dissimuler » à son employeur l'adresse de son pied-à-terre à Paris, qu'il n'avait eu aucune « intention frauduleuse » et que la RATP n'apportait pas la preuve « d'un détournement intentionnel susceptible de caractériser une faute grave » ; qu'en se déterminant ainsi, la cour a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-13640
Date de la décision : 27/09/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 décembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 sep. 2011, pourvoi n°10-13640


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.13640
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