LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 16 mars 2010), que Mme X..., engagée par la société Schering aux droits de laquelle vient la société Bayer santé le 18 avril 2006 en qualité de déléguée médicale, a été licenciée pour faute grave, par lettre du 2 juin 2008 ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :
1°/ que la lettre de licenciement a distinctement et successivement 1°) rappelé qu'en introduction à l'entretien préalable, «nous sommes revenus sur votre mise à pied à titre conservatoire … justifiée par la gravité des faits que nous avons découverts ce jour concernant votre déclaratif d'activité, comme» ne pas avoir rencontré le 18 mars 2008 le Dr Y..., le 21 mars le Dr Z..., et le 27 mars le Dr A... 2°) énoncé, en gras, que pour «raison principale la fausse visite, nous prononçons votre licenciement pour faute grave» ; qu'en ayant énoncé que la lettre de licenciement visait pour seuls manquements de ne pas avoir rencontré ces praticiens les 18, 21 et 27 mars 2008, la cour d'appel a confondu ce qui dans la lettre constituait clairement le rappel de faits évoqués au début de l'entretien préalable, avec le motif de licenciement énoncé plus large mais matériellement vérifiable, violant ainsi le principe de l'interdiction faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
2°/ que le grief énoncé dans la lettre licenciement fixe seul les termes du litige et doit être examiné par le juge même s'il n'a été évoqué que partiellement lors de l'entretien préalable ; que la lettre licenciement ayant 1°) rappelé qu'en introduction à l'entretien préalable, «nous sommes revenus sur votre mise à pied à titre conservatoire … justifiée par la gravité des faits que nous avons découvert ce jour concernant votre déclaratif d'activité, comme» ne pas avoir rencontré le 18 mars 2008 le Dr Y..., le 21 mars le Dr Z..., et le 27 mars le Dr A... 2°) énoncé que pour «la fausse visite, nous sommes contraints de devoir prononcer votre licenciement pour faute grave», le juge ne pouvait se borner à vérifier si la salariée avait rencontré ces praticiens les 18, 21 et 27 mars 2008, et devait apprécier si le grief de « fausse visite » était constitué, au regard des éléments de fait et de droit invoqués par l'employeur dans le cadre du débat judiciaire, comportant notamment ce que la convention collective et le contrat de travail entendaient par «visite», et vérifier si les rencontres litigieuses constituaient de véritables ou fausses visites ; qu'en ayant fixé les termes du litige au regard de quelques faits évoqués au début de l'entretien préalable rappelés dans la lettre de licenciement et non au regard du motif de «fausse visite» expressément énoncé dans la lettre de licenciement comme motif de rupture, plus large mais matériellement vérifiable, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
Mais attendu qu'hors toute dénaturation, et sans méconnaître les termes du litige fixés par la lettre de licenciement, la cour d'appel a estimé, par une appréciation souveraine des éléments de preuve que les faits reprochés à la salariée n'étaient pas établis ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bayer healthcare aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Bayer healthcare et la condamne à payer la somme de 2 500 euros à Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils pour la société Bayer healthcare
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement de Mme X... était sans cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs que la lettre de licenciement lui rappelait qu' «en introduction à l'entretien préalable, nous sommes revenus sur votre mise à pied à titre conservatoire…justifiée par la gravité des faits que nous avons découvert ce jour concernant votre déclaratif d'activité, comme : » - le 18 mars 2008, vous déclarez avoir rencontré le Dr Y... et le Dr B... ; pourtant le Dr Y... a indiqué à votre responsable qu'elle était absente (…) ; - le 21 mars 2008, vous déclarez avoir vu le Dr Catherine Z... ; pourtant ce médecin a indiqué à votre responsable qu'elle ne consultait pas ce jour (…) ; - le 27 mars 2008 vous déclarez le Dr A... qui avait indiqué avoir quitté le service en novembre 2007 ; que « face à ces déclarations d'activité quelque peu incohérentes et contradictoires, nous avons aujourd'hui de réelles suspicions de fausses visites à votre encontre. De plus, vous conviendrez qu'il ne s'agît pas de faits isolés. Ils sont véritablement constitutifs de fausses visites » ; « avec pour raison principale la fausse visite, nous sommes contraints de devoir prononcer votre licenciement pour faute grave » ; que pour dire que les visites étaient fausses, la société Bayer Santé s'appuyait tant sur la convention collective prévoyant que « seules sont considérées comme effectives les visites ayant donné lieu à une entrevue personnelle avec le médecin, les autres étant considérées comme nulles » que sur le contrat de travail précisant qu'elle avait pour fonction « de présenter ou de rappeler les produits … aux membres du corps médical … pour ce faire elle devra - exposer les propriétés thérapeutiques ou diagnostiques de produits présentés - en mettre en valeur les composants - en détailler les présentations, contre-indications, précautions d'emplois, interactions médicamenteuses connues et la posologie -, en faire ressortir les avantages et indications … ces fonctions seront réalisées lors des visites effectuées du corps médical … » ; que la société Bayer soutenait qu'à défaut d'entrevue personnelle avec le médecin concerné et d'un exposé à ce dernier d'un argumentaire conforme, les visites étaient fausses ; qu'elle oubliait la lettre de licenciement d'où il résultait que les seuls manquements visés étaient de ne pas avoir rencontré le 18 mars 2008 le Dr Y..., le 21 mars 2008 le Dr Z..., et le 27 mars 2008 le Dr A... ; que la notion « qualitative» de rencontre n'étant pas comprise dans les termes de ce courrier, elle n'avait pas à être examinée ;
Alors 1°) que la lettre licenciement a distinctement et successivement 1°) rappelé qu'en introduction à l'entretien préalable, «nous sommes revenus sur votre mise à pied à titre conservatoire…justifiée par la gravité des faits que nous avons découverts ce jour concernant votre déclaratif d'activité, comme» ne pas avoir rencontré le 18 mars 2008 le Dr Y..., le 21 mars le Dr Z..., et le 27 mars le Dr A... 2°) énoncé, en gras, que pour «raison principale la fausse visite, nous … prononçons votre licenciement pour faute grave» ; qu'en ayant énoncé que la lettre de licenciement visait pour seuls manquements de ne pas avoir rencontré ces praticiens les 18, 21 et 27 mars 2008, la cour d'appel a confondu ce qui dans la lettre constituait clairement le rappel de faits évoqués au début de l'entretien préalable, avec le motif de licenciement énoncé plus large mais matériellement vérifiable, violant ainsi le principe de l'interdiction faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
Alors 2°) que le grief énoncé dans la lettre licenciement fixe seul les termes du litige et doit être examiné par le juge même s'il n'a été évoqué que partiellement lors de l'entretien préalable ; que la lettre licenciement ayant 1°) rappelé qu'en introduction à l'entretien préalable, «nous sommes revenus sur votre mise à pied à titre conservatoire…justifiée par la gravité des faits que nous avons découvert ce jour concernant votre déclaratif d'activité, comme» ne pas avoir rencontré le 18 mars 2008 le Dr Y..., le 21 mars le Dr Z..., et le 27 mars le Dr A... 2°) énoncé que pour «la fausse visite, nous sommes contraints de devoir prononcer votre licenciement pour faute grave», le juge ne pouvait se borner à vérifier si la salariée avait rencontré ces praticiens les 18, 21 et 27 mars 2008, et devait apprécier si le grief de « fausse visite » était constitué, au regard des éléments de fait et de droit invoqués par l'employeur dans le cadre du débat judiciaire, comportant notamment ce que la convention collective et le contrat de travail entendaient par « visite », et vérifier si les rencontres litigieuses constituaient de véritables ou fausses visites ; qu'en ayant fixé les termes du litige au regard de quelques faits évoqués au début de l'entretien préalable rappelés dans la lettre de licenciement et non au regard du motif de « fausse visite » expressément énoncé dans la lettre de licenciement comme motif de rupture, plus large mais matériellement vérifiable, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail.