LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 1er décembre 2009) que M. X..., engagé en mars 1979 par la société Imprimerie Chatelleraudaise en qualité de compositeur typographe, a été licencié le 29 juillet 2006 pour motif économique ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :
1°/ que la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ne constitue pas en soi une cause économique de licenciement, seule la réorganisation consécutive à la nécessité de sauvegarder la compétitivité constituant une telle cause ; qu'en admettant que la suppression de poste de M. X... puisse être justifiée par la nécessité de sauvegarder la compétitivité économique de l'entreprise quand aucune réorganisation n'était avérée ni même invoquée, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du code du travail alors en vigueur, devenu L. 1233-3 du code du travail ;
2°/ que le licenciement d'un salarié pour motif économique n'a de cause réelle et sérieuse que si l'employeur a recherché les possibilités de reclassement et s'est trouvé dans l'impossibilité de reclasser le salarié concerné ; qu'en se bornant à dire qu'aucun poste n'était disponible sans aucunement rechercher si l'employeur avait néanmoins recherché d'éventuelles possibilités de reclassement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 321-1 du code du travail ;
3°/ que l'employeur doit exécuter de bonne foi son obligation de reclassement ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que quelques mois avant la mise en oeuvre de la procédure de licenciement de M. X..., l'imprimerie châtelleraudaise avait confié à un salarié embauché à cet effet les fonctions de chef d'atelier qui devaient initialement être réparties entre les salariés en poste ; qu'en jugeant le licenciement de M. X... fondé sur une cause réelle et sérieuse quand, en procédant de la sorte, l'employeur s'était délibérément et frauduleusement affranchi des règles relatives au licenciement pour motif économique, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 321-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord que la cour d'appel a fait ressortir, par motifs propres et adoptés, que les difficultés économiques de l'entreprise, décrites dans la lettre de licenciement, justifiaient la suppression de l'emploi du salarié ;
Attendu, ensuite, qu'après avoir constaté que l'intéressé ne disposait pas des compétences techniques nécessaires pour assurer, quelques mois auparavant, le remplacement du chef d'atelier, la cour d'appel a retenu qu'il n'existait aucune possibilité de reclassement dans l'entreprise, au regard de ses faibles effectifs, et que celle-ci n'appartenait à aucun groupe ; qu'elle a pu en déduire que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de reclassement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour inobservation des règles relatives à la fixation de l'ordre des licenciements alors, selon le moyen, que si l'employeur peut privilégier un critère à condition de les prendre tous en considération ; qu'en jugeant que l'employeur avait respecté les règles relatives à la fixation de l'ordre des licenciements, sans aucunement exiger de lui qu'il justifie avoir pris l'ensemble des critères légaux en considération, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1-1 du code du travail, devenu L. 1233-5 du code du travail ;
Mais attendu que, relevant que le choix de l'ordre des licenciements ne pouvait se faire qu'entre l'appelant et une autre salariée qui avait plus d'ancienneté que lui, avait le même âge que lui mais vivait seule alors que l'épouse de l'appelant avait un emploi, et qu'elle avait une qualification de conducteur offset lui permettant de remplacer l'un ou l'autre de ses collègues, la cour d'appel a vérifié que l'employeur avait pris en considération l'ensemble des critères légaux; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Alain X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
AUX MOTIFS QUE la lettre de rupture du 29 Juillet 2006 était libellée comme suit : "Nous nous voyons malheureusement aujourd'hui conduits à vous notifier notre décision de vous licencier pour le motif économique suivant. Notre chiffre d'affaires est en recul important depuis le début de l'exercice (moins 11% par rapport à l'exercice précédent). Mai et Juin ont été particulièrement mauvais (moins 28% environ par rapport à l'exercice précédent). Sur le plan des résultats, ces chiffres nous conduisent à des pertes. La morosité de la conjoncture ne nous laisse pas entrevoir, passés les mois creux d'été, une amélioration que nous attendons en vain depuis plusieurs mois. Parallèlement, l'évolution des techniques diminue les travaux de votre emploi. Cette situation nous contraint aujourd'hui, pour sauvegarder la pérennité de l'entreprise, à supprimer votre poste " ; que l'appelant soutient en premier lieu que l'existence de difficultés économiques n'est pas établie à la date du licenciement et qu'elle est contredite par l'embauche quelques mois auparavant d'un remplaçant au chef d'atelier parti à la retraite, à laquelle selon lui l'employeur aurait pu substituer une réorganisation interne, lui-même se disant capable d'assurer les fonctions de chef d'atelier du fait de sa polyvalence ; que d'une part cependant, le premier juge a exactement considéré que la baisse du chiffre d'affaires connue à la date du licenciement et attestée par l'expert comptable rendait prévisible la perte de près de 17.000 € constatée à la clôture de l'exercice le 30 Septembre 2006 ; que ces difficultés n'ont pas été passagères puisqu'après une relative stabilisation au cours de l'exercice suivant la situation de la Société s'est de nouveau dégradée au point qu'elle a dû procéder à un autre licenciement pour motif économique ; que l'on est donc en présence d'une entreprise fragile, confrontée à une baisse d'activité dans un secteur concurrentiel et dans un bassin d'emploi sinistré, de sorte que la suppression d'un emploi pouvait être nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; que d'autre part, le remplacement du chef d'atelier est intervenu à une époque où la situation de l'entreprise apparaissait stable et saine, de sorte qu'il ne peut être reproché à l'employeur aucune légèreté blâmable, étant ajouté que le Conseil de Prud'hommes ajustement souligné que nonobstant sa polyvalence Monsieur X... n'avait pas les compétences nécessaires pour occuper un tel poste d'encadrement ; que l'appelant soutient ensuite que la Société IMPRIMERIE CHATELLERAUDAISE n'a pas satisfait à ses obligations d'adaptation et de reclassement résultant tant du Code du Travail que de la Convention Collective de l'imprimerie de labeur ; qu'il convient d'observer toutefois que Monsieur X..., qui ne donne aucune précision sur sa formation initiale sinon l'obtention d'un CAP mais qui avait été engagé comme compositeur typographe, indique lui-même avoir occupé divers postes dans l'entreprise tels que compositeur, monteur couleur, photograveur noir et monteur composeur, ce qui veut dire que son adaptation à ces postes et aux nouvelles technologies correspondantes a été assurée au moins "en interne", et qu'il a pu suivre des formations à son initiative, ce qui veut dire que l'employeur a accepté les absences qu'elles pouvaient entraîner ; qu'il ne peut donc être reproché à l'intimée d'avoir manqué à son obligation d'adaptation, qui ne peut être une obligation de formation à tous les postes de l'entreprise ; que l'on doit souligner par ailleurs que les dispositifs de formation et d'adaptation institués par les accords passés dans le cadre de la Convention Collective de l'imprimerie de labeur supposent tous l'intervention voire l'initiative d'institutions représentatives du personnel dont ne disposait pas la Société IMPRIMERIE CHATELLERAUDAISE en raison de son faible effectif ; que quant aux possibilités de reclassement, elles doivent s'apprécier au regard des postes disponibles dans l'entreprise et susceptibles d'être tenus par le salarié ; que le personnel de la Société était composé des deux dirigeants assurant notamment les fonctions commerciales et les tâches administratives, du chef d'atelier, de trois conducteurs offset et d'une salariée assurant le brochage et la finition, mais capable également de remplacer un conducteur offset ; qu'aucune embauche n'ayant eu lieu après le licenciement, force est de constater comme l'a fait le premier juge qu'il n'existait aucun poste disponible susceptible de permettre un reclassement interne, étant observé en outre que l'appelant ne revendique pas des compétences qui lui auraient permis d'occuper l'un des postes subsistants, sauf celui de chef d'atelier qui a été examiné plus haut, et qu'en tout état de cause l'employeur ne peut être tenu de modifier le contrat de travail d'un salarié pour permettre le reclassement d'un autre ; qu'enfin il n'est pas allégué que la Société IMPRIMERIE CHATELLERAUDAISE appartiendrait à un groupe, et des recherches de reclassement externe ne sont prévues par la Convention Collective qu'une fois le licenciement décidé, or Monsieur X... a adhéré à la convention de reclassement personnalisé ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, les premiers juges ont dit à bon droit que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse ; qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et l'appelant sera également débouté de sa demande au titre du non respect de l'obligation d'adaptation.
ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QU'aux termes de l'article L.321-1 du code du travail : « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi (…) consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques (…). Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent (…) ne peut être réalisé » ; qu'il est constant que le métier de l'imprimerie connaît des difficultés depuis quelques décennies en raison de l'évolution des techniques de reprographie et d'informatique accessibles aux entreprises et aux particuliers ; qu'il ne peut être fait abstraction de ce contexte général à l'occasion de l'examen du présent litige ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces produites et il n'est pas sérieusement contesté que l'emploi occupé par M. X... a été supprimé à la suite de son licenciement et qu'il n'a pas depuis été remplacé ; que celui-ci est intervenu alors que le chiffre d'affaires de l'entreprise était en baisse ; que celle-ci connaissait une réduction de ses marchés et que le bilan à la date du 30 septembre 2006 fait apparaître une perte de 16.836 euros hors incidence du licenciement, étant précisé que cette situation était parfaitement prévisible fin juin 2006 compte tenu des commandes en cours, de la fermeture en août et de la clôture de l'exercice en septembre ; que le contexte de difficultés économiques de l'entreprise et la suppression du poste étant acquis, Monsieur X... conteste le licenciement aux motifs qu'un chef d'atelier a été recruté six mois plus tôt et qu'il aurait pu, dans le cadre d'une restructuration, occuper ce poste ; que cependant, outre le fait que cette embauche est intervenue à la suite d'un départ à la retraite dans un contexte économique plus favorable, M, X... ne peut légitimement prétendre qu'il était apte à exercer la fonction de chef d'atelier qui correspond à une catégorie d'emploi différente et qui requiert des compétences à la fois techniques et de gestion et coordination d'une équipe auxquelles ses précédentes fonctions même exercées avec talent ne l'avaient pas préparé ; qu'enfin, l'examen des différents postes de l'entreprise qui n'occupe que sept personnes dont les dirigeants, excluait de remplir l'obligation de reclassement qui implique l'existence d'un poste disponible relevant de la même catégorie d'emploi que le salarié licencié ; qu'en en admettant même que M. X... après une formation ait pu exercer les fonctions de conducteur offset ou d'employé brochage et finition, il n'est nullement établi qu'un de ces postes ait été disponible au moment de son licenciement ni même depuis ; que dès lors il y a lieu de considérer que le licenciement de M. X... est bien intervenu pour une cause économique et il convient de le débouter de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
ALORS QUE la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ne constitue pas en soi une cause économique de licenciement, seule la réorganisation consécutive à la nécessité de sauvegarder la compétitivité constituant une telle cause ; qu'en admettant que la suppression de poste de Monsieur Alain X... puisse être justifiée par la nécessité de sauvegarder la compétitivité économique de l'entreprise quand aucune réorganisation n'était avérée ni même invoquée, la Cour d'appel a violé l'article L.321-1 du Code du travail alors en vigueur, devenu L.1233-3 du Code du travail.
ET ALORS QUE le licenciement d'un salarié pour motif économique n'a de cause réelle et sérieuse que si l'employeur a recherché les possibilités de reclassement et s'est trouvé dans l'impossibilité de reclasser le salarié concerné ; qu'en se bornant à dire qu'aucun poste n'était disponible sans aucunement rechercher si l'employeur avait néanmoins recherché d'éventuelles possibilités de reclassement, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L.321-1 du Code du travail.
ALORS enfin QUE l'employeur doit exécuter de bonne foi son obligation de reclassement ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que quelques mois avant la mise en oeuvre de la procédure de licenciement de Monsieur Alain X..., l'imprimerie châtelleraudaise avait confié à un salarié embauché à cet effet les fonctions de chef d'atelier qui devaient initialement être réparties entre les salariés en poste ; qu'en jugeant le licenciement de Monsieur Alain X... fondé sur une cause réelle et sérieuse quand, en procédant de la sorte, l'employeur s'était délibérément et frauduleusement affranchi des règles relatives au licenciement pour motif économique, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L.321-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Alain X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour inobservation des règles relatives à la fixation de l'ordre des licenciements.
AUX MOTIFS QUE l'employeur ayant lui-même indiqué avoir défini et appliqué des critères pour fixer l'ordre des licenciements, le Conseil de Prud'hommes ne pouvait dire que Monsieur X... était seul dans sa catégorie professionnelle ; que ceci étant, l'appelant admet que le choix ne pouvait se faire qu'entre lui et Madame Y..., employée au poste de brochage et finition ; que la Société IMPRIMERIE CHATELLERAUDAISE a indiqué avoir appliqué les critères légaux auxquels elle a ajouté celui des qualifications professionnelles utiles pour l'entreprise ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que Madame Y... avait plus d'ancienneté que l'appelant, ayant été embauchée en 1972 et lui en 1979, qu'elle avait le même âge que lui mais qu'elle vivait seule alors que l'épouse de Monsieur X... est fonctionnaire, et qu'elle avait une qualification de conducteur offset lui permettant de remplacer l'un ou l'autre de ses collègues ; que dans ces conditions, il apparaît que l'employeur a respecté les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, et le jugement doit également être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur X... de sa demande de ce chef.
ALORS QUE si l'employeur peut privilégier un critère à condition de les prendre tous en considération ; qu'en jugeant que l'employeur avait respecté les règles relatives à la fixation de l'ordre des licenciements, sans aucunement exiger de lui qu'il justifie avoir pris l'ensemble des critères légaux en considération, la Cour d'appel a violé l'article L.321-1-1 du Code du travail devenu L.1233-5 du Code du travail.