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21/09/2011 | FRANCE | N°10-14726

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 septembre 2011, 10-14726


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône d'un litige l'opposant à son employeur la société Saint-Jean industries à la suite du licenciement dont il a fait l'objet ; que la société a adressé au président de cette juridiction le 2 novembre 2009, par acte remis au secrétariat-greffe, une demande de renvoi pour cause de suspicion légitime en raison de la présence d'un salarié de la société y exerçant les fonctions de conseiller ; que par lettre simp

le du 4 novembre 2009, le président du conseil de prud'hommes a répon...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône d'un litige l'opposant à son employeur la société Saint-Jean industries à la suite du licenciement dont il a fait l'objet ; que la société a adressé au président de cette juridiction le 2 novembre 2009, par acte remis au secrétariat-greffe, une demande de renvoi pour cause de suspicion légitime en raison de la présence d'un salarié de la société y exerçant les fonctions de conseiller ; que par lettre simple du 4 novembre 2009, le président du conseil de prud'hommes a répondu à la société qu'il estimait la demande non fondée ; que la cour d'appel de Lyon, par arrêt rendu le 21 janvier 2010, a confirmé cette " décision " ;
Sur la quatrième branche du moyen unique :
Vu l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que pour débouter la société Saint-Jean industries de sa demande de renvoi pour cause de suspicion légitime du conseil de prud'hommes, l'arrêt retient, d'une part, que le président de ce conseil ne jouit d'aucune autorité hiérarchique sur les membres de la section de jugement, d'autre part, qu'il a pris des dispositions pour que le conseiller prud'homme, membre de cette formation et salarié de la société requérante, ne siège pas lors de l'examen du litige au fond ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le président du conseil de prud'hommes avait engagé contre la société une procédure pénale par citation directe du chef d'entrave au libre exercice du droit syndical et qu'un salarié de la société requérante, titulaire du mandat de conseiller prud'homme, avait établi une attestation au profit de son collègue contestant son licenciement, éléments de nature à faire naître un doute sur l'impartialité du conseil de prud'hommes, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, pour qu'il soit procédé conformément aux dispositions de l'article 359 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 21 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par Mme Mazars, conseiller doyen en ayant délibéré, conformément à l'article 452 du code de procédure civile, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Saint Jean industries.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé la décision du Président du Conseil des Prud'hommes de VILLEFRANCHE SUR SAONE en date du 4 novembre 2009 en ce qu'il avait « débouté la société SAINT JEAN INDUSTRIE de sa requête en suspicion légitime dirigée contre la section Industrie du Conseil des Prud'hommes de VILLEFRANCHE SUR SAONE » ;
AUX MOTIFS QUE « à la suite de l'action engagée à l'initiative de M X... devant cette juridiction à son encontre, la SAS SAINT JEAN INDUSTRIES a saisi le 2 novembre 2009 le Président du conseil des prud'hommes de Villefranche sur Saône d'une requête tendant au renvoi du litige l'opposant à ce salarié devant une autre juridiction pour cause de suspicion légitime ; le 4 novembre 2009, le président de cette juridiction a informé la SAS Saint Jean Industries que ladite requête en suspicion légitime dirigée contre l'ensemble de la juridiction prud'homale était mal fondée et qu'au visa de l'article 358 du code de procédure civile il était procédé au renvoi de l'affaire Abdelkader X... c/ SAS SAINT JEAN INDUSTRIES devant une formation de la section industrie ne comportant pas M Y... comme conseiller à l'audience du 22 mars 2010 à 15 h, ladite décision devant tenir lieu de convocation des parties ; Le 21 décembre 2009, l'affaire, à la suite de démarches entreprises par le conseil de la SAS Saint Jean Industries auprès du Premier Président, a été transmise à la Cour à l'effet qu'il soit statué sur le bien fondé de la décision ainsi intervenue en application des dispositions de l'article 359 du code de procédure civile ; vu les réquisitions en date du 11 janvier 2010 de Mme l'avocat général à laquelle la procédure a été communiquée ; Vu l'audience tenue en chambre du conseil le 14 janvier 2010 ; l'article 359 du code de procédure civile dispose que : " Si le président s'oppose à cette demande, il transmet l'affaire, avec les motifs de son refus, au président de la juridiction immédiatement supérieure ; Cette juridiction statue dans le mois, en chambre du conseil, le ministère public entendu, et sans qu'il soit nécessaire d'appeler les parties. Copie de la décision est adressée par le secrétaire aux parties et au président de la juridiction dont le dessaisissement est demandé " ; La requête en suspicion légitime ayant été déclarée mal fondée, il incombe à la Cour à laquelle les pièces de la procédure ont été transmises nonobstant le visa erroné fait dans la décision attaquée à l'article 358 du code de procédure civile, de statuer en application des dispositions susrappelées sur le mérite de ladite requête ; A l'appui de sa requête en suspicion légitime dirigée à l'encontre de la section industrie du conseil des prud'hommes de Villefranche sur Saône dont l'impartialité a été expressément mise en doute dans le litige l'opposant à M Abdekader X..., la SAS Saint Jean Industries a visé les deux faits suivants :- la délivrance le 2 décembre 2008 à l'initiative de M Christian Z... occupant " alternativement les fonctions de président et de vice président de la juridiction caladoise " d'une citation directe dirigée contre elle prise en la personne de son représentant légal es qualité de prévenu et de civilement responsable et contre son Président M Emile A... en qualité de prévenu pour entrave au libre exercice du droit syndical ; l'établissement à l'initiative de M Emile Y... salarié de la société SAINT JEAN INDUSTRIES et conseiller prud'hommes au sein de la section industrie du conseil de Villefranche sur Saône d'une attestation au profit de M X... dans le litige pendant devant celui-ci ; M Z... es qualité de président du conseil des prud'hommes de Villefranche sur Saône ne disposant d'aucune autorité hiérarchique sur les membres composant la section industrie, le fait pour celui-ci d'avoir pris l'initiative de faire délivrer une citation directe à l'encontre de la société Saint Jean Industrie et de son représentant légal n'est pas de nature à remettre en cause l'impartialité légitimement attendue de tout ou partie des membres composant cette formation de jugement ; II résulte par ailleurs de la décision querellée que le président du conseil des prud'hommes de Villefranche sur Saône a pris les dispositions qui s'imposaient pour que M Y... ne siège pas dans le litige opposant les parties lorsque l'affaire viendra au fond devant la section industrie à son audience du 22 mars 2010 à 15 h ; Le fait là encore que l'un des membres de ladite section ait pris l'initiative d'établir un témoignage en faveur de l'une des parties n'est pas de nature à remettre en cause l'impartialité des autres membres de la même section dès lors qu'il est acquis que celui-ci ne siégera pas au sein de la formation qui aura à connaître de l'affaire, M Y... ne disposant en effet d'aucune autorité lui permettant d'influer sur la liberté de décision des autres membres de ladite section ; II y a lieu en conséquence de confirmer la décision rendue par le Président du conseil des prud'hommes de Villefranche sur Saône en ce qu'ayant déclaré la requête en suspicion légitime mal fondée, il a confirmé que la section industrie du conseil des prud'hommes aurait bien à connaître du litige opposant M X... à la SAS SAINT JEAN INDUSTRIES » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « j'accuse réception de votre requête du 2 novembre 2009, Vous demandez le renvoi de l'affaire citée en référence devant un autre conseil de prud'hommes pour suspicion légitime et vous faites référence dans votre requête aux seules dispositions de l'article 341 du Nouveau Code de Procédure Civil ; Vous comprendrez dès lors mes difficultés à comprendre les véritables fondements juridiques de votre requête ; néanmoins je prends bonne note de votre mise en cause de l'indépendance et l'impartialité de l'ensemble de la section Industrie du conseil de Villefranche sur Saône considérant d'une part, de l'appartenance à la formation récriminée de M. Emile Y..., témoin dans l'affaire citée en référence et salarié représentant du personnel et mandaté CGT au sein de | votre entreprise, et d'autre part mon mandat du 6 octobre 2008 de " représenter l'Union Locale CGT devant le tribunal correctionnel, ainsi que devant la juridiction d'appel et de cassation et d'ester en justice en son nom devant ces juridictions " ; En premier lieu, je vous confirme, comme cela vous a été indique à la barre, que M. Emile Y... avait pourvu à son remplacement, le 2 novembre dernier dans l'affaire qui vous oppose à M. Abdelkader X..., comme cela a toujours été le cas lorsque votre entreprise a été citée par le passé devant notre juridiction. Notamment, dans les affaires inscrites sous les Registres Généraux : 07/ 00034 ; 07/ 00140 ; 07/ 00309 ; 08/ 00070 ; 08/ 00102 ; 09/ 00037 ; 09/ 00205, Pour mémoire, Monsieur Y... est conseiller Prud'homme depuis janvier 2006, Vous motivez ensuite votre demande en citant mon mandât de représentation de l'Union Locale CGT devant plusieurs juridictions et notamment devant le tribunal correctionnel de Villefranche sur Saône suite à la décision de l'Union Locale CGT de faire citer la société SAINT JEAN INDUSTRIES sur " des faits d'atteinte à la liberté syndicale et de discrimination syndicale,.. ". A ce sujet, je vous rappelle que ma fonction de Président Général du conseil de Prud'hommes de Villefranche sur Saône ne me donne aucun pouvoir " judiciaire ", ni hiérarchique sur les conseillers de la section industrie du conseil, pas plus que sur les conseillers des autres sections qui sont amenés à juger de vos affaires ; vous ne pouvez pas méconnaître, enfin, que le respect de l'exigence d'impartialité, imposé tant par les règles de droit interne que par l'article 6 1 de la Convention Européenne dts Droits de l'Homme et des libertés fondamentales est assuré, en matière prud'homale, par la composition même des conseils des prud'hommes, qui comprennent un nombre égal de salariés et d'employeurs élus, par la prohibition d'ordre public de tout mandât impératif, par la faculté de recourir à un juge départiteur extérieur aux membres élus et par la possibilité, selon les cas d'interjeter appel ou de former un pourvoi en cassation ; Par ces motifs Je considère mal fondé votre requête en suspicion légitime dirigée contre l'ensemble de la juridiction prud'homale de Villefranche sur Saône ; par contre, je vous informe que je renvoie l'affaire Abdelkader X... c/ SAS SAINT JEAN INDUSTRIES devant une formation de la section industrie de notre conseil ne comportant pas M. Y... comme conseiller soit à l'audience du 22 mars 2010 à 15 h 00. ; Cette décision est prise conformément aux dispositions de l'article 358 du Nouveau Code de Procédure Civile et tiendra lieu de convocation des parties » ;
1. ALORS QUE le président d'une juridiction qui s'oppose à une demande de renvoi pour cause de suspicion légitime transmet l'affaire, avec les motifs de son refus, au président de la juridiction immédiatement supérieure ; qu'en l'espèce, la société SAINT JEAN INDUSTRIE a déposé une requête tendant au renvoi pour cause de suspicion légitime de l'action engagée par M. X... devant le Conseil des Prud'hommes de VILLEFRANCHE SUR SAONE ; que, par une décision du 4 novembre 2009, le Président dudit Conseil a déclaré cette demande mal fondée ; qu'en confirmant les motifs et le dispositif de cette décision, qui était nulle, la Cour d'appel a violé les articles 357, 358 et 359 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2. ET ALORS QUE la Cour d'appel a constaté qu'après avoir été rejetée par le Président du Conseil des Prud'hommes, la demande de renvoi avait été « transmise à la Cour », ce « à la suite de démarches entreprises par le conseil de la SAS Saint Jean Industries auprès du Premier Président » ; qu'il en résultait tout à la fois que la demande de renvoi était parvenue « à la Cour », et non au Premier Président de la Cour d'appel, et que le président du Conseil des Prud'hommes n'avait pas transmis à ce dernier la demande de renvoi, avec les motifs de son refus ; qu'en statuant dans ces conditions, sans exiger du Président du Conseil des Prud'hommes le respect de la procédure imposée par l'article 359 du Code de procédure civile, la Cour d'appel a violé ledit article ;
3. ET ALORS QU'il ne résulte ni de ses mentions de l'arrêt ni des pièces de la procédure, que la demanderesse à la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime ait été entendue ou appelée par la Cour d'appel statuant sur la demande de renvoi ; qu'elle n'a pas non plus été informée de la date à laquelle l'affaire serait examinée ; que la Cour d'appel a violé les articles 14 et 16 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6. 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. ET ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal impartial et indépendant ; que ne présente pas de telles garanties, le Conseil des Prud'hommes dont le Président, qui a « pris l'initiative » d'une action pénale pour faits de discrimination syndicale à l'encontre de l'une des parties (arrêt p. 3, § 4) et a été mandaté pour représenter son syndicat dans le cadre de ladite action, a, alors même que sa propre impartialité était mise en doute, rejeté lui-même la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime et « confirmé » sa propre décision ; que la garantie d'impartialité est d'autant moins assurée qu'au sein de ce même Conseil, l'un des membres de la section appelée à juger l'affaire, est salarié de l'une des parties, a attesté en sa défaveur dans ladite affaire, a assisté le salarié à l'origine cette action lors de l'entretien préalable à son licenciement, et a été désigné comme victime des faits à raison desquels le Président du Conseil des Prud'hommes a engagé l'action pénale susmentionnée ; qu'en rejetant la demande de l'exposante aux motifs que le Président d'un Conseil des Prud'hommes ne disposerait d'aucun pouvoir hiérarchique sur les membres de la section industrie appelée à trancher l'affaire et que le conseiller prud'homal dont l'impartialité était mise en doute ne siègerait pas dans la formation de jugement, la Cour d'appel a violé les articles 341, 356, 358, 359 du Code de procédure civile, les articles R. 1457-1, R1423-31, L. 1442-13 du Code du Travail, ensemble l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5. ALORS QUE la Cour d'appel a constaté l'exposante demandait un renvoi pour cause de suspicion légitime visant le Conseil des Prud'hommes de VILLEFRANCHE SUR SAONE dans son ensemble (arrêt p. 2, § 1) ; que le Président du Conseil des Prud'hommes avait considéré « mal fondée la requête en suspicion légitime en ce qu'elle était dirigée contre l'ensemble de la juridiction prud'homale de VILLEFRANCHE SUR SAONE » ; qu'en décidant, dans son dispositif, de « confirmer la décision attaquée en ce qu'elle avait débouté l'exposante de sa requête en suspicion légitime contre la section Industrie du Conseil des Prud'hommes de VILLEFRANCHE SUR SAONE », la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-14726
Date de la décision : 21/09/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 21 janvier 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 sep. 2011, pourvoi n°10-14726


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.14726
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