LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu , selon l'arrêt attaqué (Lyon, 16 septembre 2010), que la société Chacoy, propriétaire de locaux à usage industriel donnés à bail à la société Elektrosta , a confié des travaux de réfection de la toiture à la société Delta étanchéité qui a sous-traité ceux-ci à la société CEB ; qu'au cours de ces travaux, la société CEB, en découpant des plaques de fibro-ciment, a provoqué, le 13 novembre 2008, l'émission d'un nuage de poussière d'amiante qui s'est répandu dans les ateliers de production de la société locataire ; que celle-ci a assigné sa bailleresse ainsi que la société Delta Etanchéité et la société CEB en réparation de son préjudice ;
Attendu que la société Elektrosta, M. X... et M. Y..., ès-qualités, font grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme le montant de l'indemnisation, alors, selon le moyen :
1°/ que tout document technique établi de façon non contradictoire, tel notamment un rapport d'expertise amiable, peut valoir à titre de preuve dès lors qu'il a été régulièrement versé aux débats et soumis à la libre discussion des parties ; qu'en décidant cependant en l'espèce que le rapport de M. Z... produit par la société Elektrosta n'avait aucun caractère contradictoire et se trouvait donc inopposable aux intimés, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que par courrier du 25 novembre 2008, la direction départementale du travail a expressément indiqué à la société Elektrosta que «concernant les modalités de reprise de votre activité, celle-ci n'est pas envisageable dans les locaux contaminés tant qu'il ne sera pas procédé préalablement à leur nettoyage par une entreprise spécialisée et à l'évacuation des déchets» ; qu'il a ainsi été indiqué à la société Elektrosta qu'il lui était interdit de reprendre l'exploitation de son activité dans l'atelier contaminé par l'amiante sans nettoyage préalable ; qu'en décidant cependant que ce courrier «fixait seulement le cadre juridique et les modalités régissant les travaux relatifs à l'amiante sans prononcer d'interdiction», la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ que la société Elektrosta faisait valoir dans ses conclusions qu'en présence des membres de la délégation unique du personnel et de la déléguée syndicale – dont les attestations étaient produites –, M. A..., ingénieur spécialisé dans la prévention auprès de la DIRECCTE, avait procédé à l'examen des lieux après le sinistre et conclu à l'impossibilité pour la société Elektrosta de poursuivre l'exploitation de son activité sans nettoyage préalable et évacuation des déchets ; qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant des conclusions de la société Elektrosta, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que la société Elektrosta faisait valoir dans ses conclusions que le juge chargé du contrôle des opérations d'expertise judiciaire avait dispensé l'expert judiciaire de la réalisation de nouveaux prélèvements en estimant suffisantes les constatations et explications fournies par la lettre de la direction départementale du travail du 25 novembre 2008 ; qu'en laissant également sans réponse ce moyen déterminant des conclusions de la société Elektrosta , la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat s'agissant de la protection de leur santé ; que la mise en oeuvre de cette obligation est gouvernée par le principe de précaution ; que cette obligation générale lui impose de prendre toutes les mesures et précautions pour protéger leur santé physique et mentale, indépendamment des mesures expressément rendues obligatoires par les textes relatifs à la sécurité des travailleurs ; qu'en l'espèce, compte tenu de la présence non contestée de poussière d'amiante dans son atelier de production – peu important que le taux d'amiante soit inférieur au seuil légal au-delà duquel le code du travail impose des travaux de confinement ou de retrait d'amiante –, la société Elektrosta n'a fait qu'exécuter son obligation de sécurité envers ses salariés, d'abord en suspendant l'exploitation de son activité, puis en déménageant celle-ci dans d'autres locaux ; qu'en retenant pourtant que ces décisions relevaient d'un simple choix de la société Elektrosta et non de son devoir en tant qu'employeur d'assurer la sécurité et la santé de ses salariés, et étaient en conséquence dépourvues de lien de causalité avec le sinistre survenu, la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail ;
6°/ que le principe de la réparation intégrale du préjudice implique de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; qu'en décidant que le préjudice d'exploitation subi par la société Elektrosta consécutivement au sinistre du 13 novembre 2008 se limitait à une indisponibilité de son atelier de production pendant une période de quinze jours nécessaire à la vérification du taux d'amiante et au nettoyage des locaux, tout en constatant que les opérations d'expertise judiciaire prescrites par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon du 4 décembre 2008 s'étaient poursuivies jusqu'au 22 décembre 2009, jour des derniers prélèvements, ce dont il résultait que la société Elektrosta avait été dans l'impossibilité matérielle de réintégrer les locaux loués jusqu'à cette date, la cour d'appel a violé derechef l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu, sans dénaturation et abstraction faite d'un motif surabondant tiré de l'inopposabilité du rapport d'expertise de M. Z... dont elle a néanmoins apprécié la valeur probante, que malgré la présence d'un taux d'amiante inférieur au taux légal relevé par le laboratoire Carso auquel elle avait appel, la société Elektrosta avait mis en oeuvre une procédure de fermeture du site et engagé des frais coûteux de déménagement qui étaient à l'origine du préjudice qu'elle invoquait, la cour d'appel, qui n'était tenue ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a apprécié souverainement l'importance du préjudice subi par la société Elektrosta du fait de l'incident du 13 novembre 2008 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Chacoy, ci-après annexé :
Attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à un moyen que ses constatations sur la non-garantie du sinistre du 13 novembre 2008 rendait inopérant, a, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que rendait nécessaire l' ambiguïté des termes de la clause du bail par laquelle les parties avaient renoncé à tout recours entre elles, a souverainement retenu que ladite clause ne pouvait s'appliquer qu'aux sinistres relevant de la garantie de leur assureur respectif ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société CEB, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, l'absence de tout élément permettant de démontrer que la découpe de la toiture avait été décidée sur la seule initiative de la société CEB et sans l'assentiment de la société Delta étanchéité, la cour d'appel a pu retenir que les fautes respectives et conjuguées de la société Delta étanchéité et de la société CEB dans la survenance du sinistre engageaient également leur responsabilité envers la société Chacoy ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Elektrosta, M. X..., ès qualités d'administrateur judiciaire et M. Y..., ès qualités de mandataire judiciaire de cette société à payer la somme de 2 500 euros à la société Delta étanchéité et la somme de 2 500 euros à la société CEB ; condamne la société CEB à payer à la société Delta étanchéité la somme de 2 500 euros ; rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils pour la société Elektrosta, M. X..., ès qualités et M. Y..., ès qualités.
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris limitant à 70.000 euros la somme due par la SCI CHACOY à la société ELEKTROSTA à la suite du sinistre survenu le 13 novembre 2008 et condamnant réciproquement celle-ci à verser à celle-là la somme de 377.721,64 euros au titre des loyers échus depuis le 28 janvier 2009 ;
AUX MOTIFS QUE « la Cour est saisie tout comme l'a été le premier juge d'un conflit plus vaste opposant le bailleur et le preneur ; que toutefois il convient de circonscrire le débat dans les strictes limites de ce contentieux à savoir une demande d'un preneur qui soutient que son bailleur ne lui a pas procuré une jouissance paisible des lieux ; que le premier juge a relevé de manière pertinente que le sinistre du 13 novembre 2008 n'était pas garanti par l'assurance du bailleur ; que dès lors la SCI CHACOY ne peut pas contester la recevabilité de l'action du demandeur ; que pour appréhender le litige, il convient de rappeler quelques éléments précis qui pourraient être quelque peu oubliés dans le cadre des très abondantes écritures des parties, en particulier celles de la société ELEKTROSTA qui n'hésite pas à faire référence à une « mécanique administrativo-judiciaire déréglée capable de broyer les hommes » ; qu'en fait il convient de rappeler :
- que depuis plusieurs années, l'étanchéité de la toiture des locaux loués posait des problèmes,
- que la société ELEKTROSTA n'acquittait plus régulièrement son loyer depuis septembre 2008,
- que la SCI CHACOY a décidé d'engager des travaux qu'elle a confiés en sa seule qualité de maître de l'ouvrage à la société DELTA ETANCHEITE, laquelle a sous-traité les travaux à la société CEB,
- que ces travaux posaient un problème spécifique en ce que les plaques ETERNIT de la toiture incluaient de l'amiante, ce qu'aucune des parties ne pouvait ignorer,
- que ces travaux ont été engagés sans précaution et alors que la société ELEKTROSTA n'avait pas établi ni communiqué de dossier technique d'amiante aux intervenants,
- que la société CEB a cru bon pour effectuer des travaux de nettoyage d'un chêneau de couper à la scie les plaques ETERNIT sur une longueur de quinze mètres ce qui a aussitôt créé une poussière d'amiante qui est tombée dans l'atelier exploité par l'appelante ; que c'est l'origine de l'incident du 13 novembre 2008,
- que la société ELEKTROSTA a fait appel au laboratoire CARSOL pour mesurer le danger présenté par cette poussière ; que les résultats ont été clairs en ce que le taux d'amiante était inférieur au taux légal,
- que malgré ce résultat la société ELEKTROSTA a mis en oeuvre une procédure de fermeture du site et a engagé des frais coûteux de déménagement qui sont maintenant à l'origine du préjudice qu'elle invoque ;
Mais que la Cour tout comme le premier juge ne peut que constater que les prélèvements CARSOL n'induisaient pas un tel processus déstabilisateur pour une entreprise déjà en proie aux difficultés dues à la crise économique et dont il faut rappeler qu'elle n'acquittait pas ses loyers ; que pour tenter de justifier sa position la société ELEKTROSTA a sollicité une mesure d'expertise judiciaire dont les seuls éléments intéressant le litige ont été recueillis dans la précipitation sous la contrainte d'un arrêt de la Cour d'appel ; que tout comme l'a dit le premier juge dans des motifs pertinents qu'il convient de confirmer, les nouvelles analyses effectuées par le laboratoire ASCAL en décembre 2004 (lire 2009) et alors qu'un huissier était déjà intervenu sur les lieux le 25 novembre 2004 (lire 2009), l'ont été au mépris du principe du contradictoire et ne peuvent donc pas être retenues pour démentir celles réalisées à la demande de la société ELEKTROSTA juste après la survenance du sinistre, lesquelles n'ont jamais été contestées par les parties au cours de l'expertise ; que la société ELEKTROSTA, non satisfaite des résultats de l'analyse CARSOL, argue de l'intervention de la Direction départementale du Travail et en particulier d'un courrier de celleci en date du 25 novembre 2008 dont elle se prévaut pour soutenir que l'exploitation de l'atelier lui était interdite ; que toutefois le premier juge doit être confirmé lorsqu'il dit que ce courrier fixait seulement le cadre juridique et les modalités régissant les travaux relatifs à l'amiante sans prononcer d'interdiction ; qu'il doit être rappelé qu'à la date du courrier, la société ELEKTROSTA avait déjà pris la décision de stopper l'exploitation de l'atelier depuis une quinzaine de jours, ce qui laisse penser qu'elle ne cherchait qu'à profiter de l'incident pour se créer un préjudice dont elle solliciterait par la suite réparation puisque à cette date du 25 novembre 2008, elle était en possession des prélèvements CARSOL et du courrier de l'Inspection du travail et alors qu'aucun des deux éléments ne venait à l'appui de sa décision d'arrêter l'atelier et de le déménager ; qu'en cause d'appel, et alors que plus de dix-huit mois se sont écoulés, la société ELEKTROSTA produit un rapport de Monsieur Z..., qui n'a aucun caractère contradictoire et se trouve donc inopposable aux intimés ; que les conclusions tardives de celui-ci seront donc écartées comme l'ont été les résultats du Laboratoire ASCAL ; que vu les éléments ci-dessus rappelés parfaitement analysés par le premier juge et non démentis par le rapport Z..., non contradictoire, il convient d'évaluer le préjudice directement lié aux travaux engagés par la SCI CHACOY aux seules conséquences objectives et non pas aux conséquences subjectives qui ont été élaborées par la seule société ELEKTROSTA profitant de l'incident du 13 novembre 2008 pour tenter de pallier ses propres difficultés ; que dans ce seul cadre, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a évalué à 70.000 euros le préjudice économique de la société appelante » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « si les nouvelles analyses effectuées par le laboratoire ASCAL en décembre 2009 à la demande de l'expert judiciaire ont certes révélé un taux (d'amiante) supérieur à ce seuil légal, non seulement ces investigations expertales n'ont pas été conduites de façon contradictoire avec les défenderesses, qui n'ont été convoquées aux opérations de prélèvement réalisées le 21 décembre 2009 à 15 heures que par télécopie du même jour à 11h54, et même du 22 décembre 2009 en ce qui concerne la SARL DELTA ETANCHEITE, de sorte qu'elles ne peuvent leur être valablement opposées, mais elles ont surtout été diligentées plus d'un an après le sinistre, sans que les conditions d'utilisation des locaux pendant cette période aient pu être vérifiées tant par l'expert que par les parties, et alors qu'il ressort en outre d'un procès verbal de constat établi le 24 novembre 2009, que la SAS ELEKTROSTA est intervenue sur les lieux avec un huissier à cette date pour procéder à des prélèvements dans les faux plafonds en enlevant une partie de plaques les constituant à proximité de velux, ce qui a raisonnablement pu modifier à certains endroits la structure de l'air ultérieurement prélevé, la présence d'amiante dans les faux plafonds à proximité des velux pouvant de surcroît provenir de précédents travaux effectués sur la toiture par la demanderesse pour la pose desdits velux en 2005 ; que ces analyses effectuées au mépris du principe du contradictoire qui gouverne l'expertise judiciaire et dans des conditions qui ne permettent pas de rattacher avec certitude la pollution constatée au sinistre du 13 novembre 2008, ne sont donc pas pertinentes pour démentir les résultats de celles réalisées directement après le sinistre, dont la teneur et la fiabilité n'ont de surcroît été contestées par aucune des parties au cours de l'expertise ; que la SAS ELEKTROSTA qui disposait de ces résultats depuis le 17 novembre 2008 ne pouvait donc ignorer que le taux d'amiante relevé ne nécessitait pas de travaux de décontamination dans ses locaux, et ne peut dès lors valablement soutenir qu'ils ont été rendus inutilisables par le sinistre, d'autant que le courrier de la direction du travail du 25 novembre 2008 dont elle se prévaut ne comportait par ailleurs aucune interdiction d'utilisation des locaux mais indiquait seulement le cadre juridique et les modalités régissant les travaux qu'exigent les locaux contaminés sans se prononcer sur l'existence d'une contamination dans le cas d'espèce, la faiblesse du taux relevé par rapport au seuil légal ne laissant en outre aucune incertitude sur l'absence de risque à ce titre ; que si elle a tout de même estimé devoir déménager l'ensemble de son activité dans des locaux voisins au mois de février 2009, fût-ce au vu d'une appréciation insuffisante de l'expert qui s'en est simplement rapporté au courrier de la direction du travail, elle ne peut donc faire supporter la charge et les conséquences de ce choix à la SCI CHACOY, et son préjudice d'exploitation consécutif au sinistre se limite à une indisponibilité de son atelier de production pendant une période de quinze jours légitimement nécessaire à la vérification du taux d'amiante dans les locaux et au nettoyage de ceux-ci, l'exécution des travaux de réfection de la toiture s'étant par ailleurs trouvée interrompue et paralysée par sa seule revendication injustifiée au titre de la décontamination des lieux ».
ALORS QUE, D'UNE PART, tout document technique établi de façon non contradictoire, tel notamment un rapport d'expertise amiable, peut valoir à titre de preuve dès lors qu'il a été régulièrement versé aux débats et soumis à la libre discussion des parties ; qu'en décidant cependant en l'espèce que le rapport de Monsieur Z... produit par la société ELEKTROSTA n'avait aucun caractère contradictoire et se trouvait donc inopposable aux intimés, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, par courrier du 25 novembre 2008, la Direction départementale du travail a expressément indiqué à la société ELEKTROSTA que « concernant les modalités de reprise de votre activité, celle-ci n'est pas envisageable dans les locaux contaminés tant qu'il ne sera pas procédé préalablement à leur nettoyage par une entreprise spécialisée et à l'évacuation des déchets » ; qu'il a ainsi été indiqué à la société ELEKTROSTA qu'il lui était interdit de reprendre l'exploitation de son activité dans l'atelier contaminé par l'amiante sans nettoyage préalable ; qu'en décidant cependant que ce courrier « fixait seulement le cadre juridique et les modalités régissant les travaux relatifs à l'amiante sans prononcer d'interdiction », la Cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et violé l'article 1134 du Code civil ;
ALORS QUE, DE TROISIEME PART, la société ELEKTROSTA faisait valoir dans ses conclusions (p. 5 et 22) qu'en présence des membres de la délégation unique du personnel et de la déléguée syndicale – dont les attestations étaient produites –, Monsieur A..., ingénieur spécialisé dans la prévention auprès de la DIRECCTE, avait procédé à l'examen des lieux après le sinistre et conclu à l'impossibilité pour la société ELEKTROSTA de poursuivre l'exploitation de son activité sans nettoyage préalable et évacuation des déchets ; qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant des conclusions de l'exposante, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, DE QUATRIEME PART, la société ELEKTROSTA faisait valoir dans ses conclusions (p. 13) que le juge chargé du contrôle des opérations d'expertise judiciaire avait dispensé l'expert judiciaire de la réalisation de nouveaux prélèvements en estimant suffisantes les constatations et explications fournies par la lettre de la Direction départementale du travail du 25 novembre 2008 ; qu'en laissant également sans réponse ce moyen déterminant des conclusions de l'exposante, la Cour d'appel a derechef violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QU'EN OUTRE, et en tout état de cause, l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat s'agissant de la protection de leur santé ; que la mise en oeuvre de cette obligation est gouvernée par le principe de précaution ; que cette obligation générale lui impose de prendre toutes les mesures et précautions pour protéger leur santé physique et mentale, indépendamment des mesures expressément rendues obligatoires par les textes relatifs à la sécurité des travailleurs ; qu'en l'espèce, compte tenu de la présence non contestée de poussière d'amiante dans son atelier de production – peu important que le taux d'amiante soit inférieur au seuil légal au-delà duquel le Code du travail impose des travaux de confinement ou de retrait d'amiante –, la société ELEKTROSTA n'a fait qu'exécuter son obligation de sécurité envers ses salariés, d'abord en suspendant l'exploitation de son activité, puis en déménageant celle-ci dans d'autres locaux ; qu'en retenant pourtant que ces décisions relevaient d'un simple choix de la société exposante et non de son devoir en tant qu'employeur d'assurer la sécurité et la santé de ses salariés, et étaient en conséquence dépourvues de lien de causalité avec le sinistre survenu, la Cour d'appel a violé les articles 1147 du Code civil et L. 4121-1 du Code du travail ;
ALORS QU'ENFIN, plus subsidiairement encore, le principe de la réparation intégrale du préjudice implique de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; qu'en décidant que le préjudice d'exploitation subi par la société ELEKTROSTA consécutivement au sinistre du 13 novembre 2008 se limitait à une indisponibilité de son atelier de production pendant une période de quinze jours nécessaire à la vérification du taux d'amiante et au nettoyage des locaux, tout en constatant que les opérations d'expertise judiciaire prescrites par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de LYON du 4 décembre 2008 s'étaient poursuivies jusqu'au 22 décembre 2009, jour des derniers prélèvements, ce dont il résultait que la société ELEKTROSTA avait été dans l'impossibilité matérielle de réintégrer les locaux loués jusqu'à cette date, la Cour d'appel a violé derechef l'article 1147 du Code civil.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour la société CEB.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société CEB, in solidum avec la société DELTA ETANCHEITE, à relever et garantir la SCI CHACOY de la condamnation mise à sa charge à hauteur de 56 000 €, et d'AVOIR dit que dans les rapports entre les deux débitrices la charge définitive de cette condamnation sera supportée par parts égales ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « l'ensemble de ces intervenants ne pouvait pas ignorer qu'ils intervenaient sur une toiture amiante ; que c'est d'ailleurs pour cette seule raison qu'avait été envisagée la pose d'une sur-toiture sans percement des plaques ETERNIT ; que la société DELTA ETANCHEITE avait l'obligation vis-à-vis de la SCI CHACOY d'assurer la sécurité des travaux ; que pour sa part la société CEB a commis une faute majeure en découpant à la scie des plaques ETERNIT ; que même en l'absence du dossier technique qui aurait dû être remis par la société ELEKTROSTA à DELTA ETANCHEITE et la société CEB celle-ci en sa qualité de professionnel nécessairement averti a commis une faute engageant sa responsabilité ; que la SCI CHACOY devait transmettre à son preneur le dossier prévu à l'article R 1334-28 du code de la santé publique de telle sorte que les dispositions du jugement déféré relatif aux fautes de chacune des parties et à leur garantie respective doivent être confirmées » ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE : « les fautes respectives et conjuguées de la société DELTA ETANCHEITE et la société CEB dans la survenance du sinistre engagent également leur responsabilité envers la SCI CHACOY, sur le fondement contractuel en ce qui concerne la société DELTA ETANCHEITE avec laquelle elle est liée par un contrat de louage d'ouvrage, et en application de l'article 1382 du code civil à l'égard de la société CEB qui n'avait pas été agréée en sa qualité de sous-traitant, et les obligent donc in solidum à réparer le préjudice qu'elle subit du fait sinistre et des condamnations mises à sa charge au profit de la société ELEKTROSTA ; que toutefois en l'absence de tout élément technique pertinent ayant démontré l'existence d'une contamination des locaux imputable au sinistre du 13 novembre 2008 elle n'est pas fondée à leur réclamer le paiement de frais de décontamination, et les défenderesses ne peuvent davantage être tenues au paiement des travaux de réfection de la toiture, dont la charge incombait à la SCI CHACOY avant la réalisation du sinistre ; qu'en outre s'il est constant que les dommages occasionnés à l'exploitation de la société ELEKTROSTA proviennent des fautes conjuguées de la société DELTA ETANCHEITE et la société CEB, l'absence de communication par la SCI CHACOY du dossier technique amiante des locaux, au mépris des dispositions de l'article R.1334-28 du code de la santé publique qui lui faisait obligation de le remettre à toute entreprise effectuant des travaux dans l'immeuble, a toutefois contribué à la survenance du sinistre en n'attirant pas spécialement l'attention des intervenants sur la présence d'amiante, et il convient donc de limiter la garantie qui lui est due par la défenderesse à 80% des condamnations prononcées à son encontre ; qu'entre les deux débitrices la charge définitive de cette obligation sera partagée par moitié entre elles en l'absence de tout élément permettant de démontrer que la découpe de la toiture a été décidée sur la seule initiative de la société CEB et sans l'assentiment de la société DELTA ETANCHEITE » ;
ALORS QUE : le sous-traitant n'est pas responsable envers l'entrepreneur principal dont il a suivi les instructions ; qu'en décidant que la société CEB supporterait la moitié de la condamnation à garantir la SCI CHACOY mise à sa charge et à celle de la société DELTA ETANCHEITE, au motif qu'il n'était pas établi qu'elle aurait agi de sa propre initiative et sans l'assentiment de cette dernière, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1147 du code civil, qu'elle a ainsi violé.Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la SCI Chacoy.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCI CHACOY à payer à la société ELEKTROSTA la somme de 70.000 € en réparation de son préjudice consécutif au sinistre survenu le 13 novembre 2008 ;
AUX MOTIFS QUE, le premier juge a relevé de manière pertinente que le sinistre du 13 novembre 2008 n'était pas garanti par l'assurance du bailleur ; que dès lors, la SCI CHACOY ne peut pas contester la recevabilité de l'action du demandeur ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, par acte du 20 juin 2006, les parties ont certes conclu un avenant au bail du 1er septembre 2002 aux termes duquel « d'un commun accord, pour faciliter le règlement d'éventuels sinistres, les deux parties décident d'inclure dans le bail la clause dite de « renonciation à tout recours, à savoir : le bailleur et ses assureurs renoncent à tout recours contre le preneur et ses assureurs qui, lui-même, s'engage à la même renonciation et chaque partie informera la compagnie qui les assure de l'existence de cette renonciation réciproque » ; que, cependant, cette disposition, qui est intégrée dans un paragraphe du bail intitulé « assurances » et précise qu'elle est destinée à faciliter le règlement d'éventuels sinistres, ne peut concerner que les sinistres relevant de la garantie due par l'assureur de l'une ou l'autre des parties, la renonciation qu'elle institue visant d'ailleurs les recours exercés par chacune des parties en l'associant à son assureur ; qu'elle ne peut donc recevoir application en l'espèce puisqu'il n'est pas contesté que le sinistre survenu le 13 novembre 2008 n'est pas garanti par l'assurance du bailleur, et la SCI CHACOY ne peut dès lors contester la recevabilité de l'action des demandeurs ;
1. ALORS QUE, la clause de renonciation à recours insérée au bail stipulait que le bailleur et ses assureurs renonçaient à tout recours contre le preneur et ses assureurs, qui lui-même, s'engageait à la même renonciation ; que cette clause parfaitement claire ne précisait nullement que la renonciation qu'elle prévoyait ne trouvait à s'appliquer que pour les dommages garantis par l'assurance du bailleur ou du preneur ; qu'en subordonnant cependant l'application de la clause à la reconnaissance par l'assureur du bailleur ou du locataire de sa garantie, la cour d'appel y a ajouté une condition qu'elle ne comportait pas, et l'a dénaturée en violation de l'article 1134 du code civil ;
2. ALORS QUE, la SCI CHACOY faisait valoir qu'elle n'avait jamais renoncé à mettre en cause la garantie de l'assureur, et que celui-ci déclinait sa garantie à raison de l'existence d'une clause d'exclusion concernant les dommages causés par l'amiante ; que la SCI CHACOY ajoutait que le sinistre n'avait pas entraîné de contamination des locaux par l'amiante au sens de la loi ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen de nature à établir qu'en tout état de cause, la garantie de l'assureur était due, et que la clause de renonciation à recours devait en conséquence trouver à s'appliquer, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.