La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/09/2011 | FRANCE | N°10-19909

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 septembre 2011, 10-19909


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 avril 2010), que, le 26 mai 2000, Aéroports de Paris a conclu avec le groupement solidaire constitué entre les sociétés Franki fondation et Union travaux un marché de travaux publics, la société Franki fondation désignée mandataire du groupement solidaire le 30 août 2000 ayant ouvert un compte unique auprès du Crédit lyonnais ; que, le 23 octobre 2000, la société Union travaux a été mise en redressement judiciaire, la SCP Brign

ier-Tulier étant désignée administrateur judiciaire ; que, le 30 novembre 2000...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 avril 2010), que, le 26 mai 2000, Aéroports de Paris a conclu avec le groupement solidaire constitué entre les sociétés Franki fondation et Union travaux un marché de travaux publics, la société Franki fondation désignée mandataire du groupement solidaire le 30 août 2000 ayant ouvert un compte unique auprès du Crédit lyonnais ; que, le 23 octobre 2000, la société Union travaux a été mise en redressement judiciaire, la SCP Brignier-Tulier étant désignée administrateur judiciaire ; que, le 30 novembre 2000, l'administrateur judiciaire a fait connaître sa décision de poursuivre les travaux à la société Franki fondation ; que, le 29 janvier 2001, le tribunal a homologué le plan de cession de la société Union travaux, la SCP Brignier-Tulier étant désignée commissaire à l'exécution du plan, le chantier litigieux se trouvant exclu du périmètre de la cession ; que la société Franki fondation a perçu le règlement de prestations effectuées par la société Union travaux au titre du marché sans les restituer à la SCP Brignier-Tulier, ès qualités ; que, le 15 février 2005, le tribunal a désigné un expert, avec mission d'examiner les comptes à établir entre les parties, dont le rapport a été déposé le 23 janvier 2007 ; que, le 20 juin 2008, la société Franki fondation a été condamnée à payer à la SCP Brignier-Tulier, ès qualités, la somme de 130 518,49 euros ;

Attendu que la société Franki fondation fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la SCP Brignier-Tulier, ès qualités, la somme de 130 518,49 euros, d'avoir ordonné la capitalisation des intérêts et de l'avoir déboutée de sa demande reconventionnelle tendant à la condamnation de la SCP Brignier-Tulier, ès qualités, à lui payer la somme principale de 889 372,66 euros HT, avec compensation des dettes dues par chacune des parties, alors, selon le moyen :

1°/ que les juges du fond ne peuvent soulever d'office un moyen sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que devant la cour d'appel, la société Franki fondation soutenait que ses créances étaient nées postérieurement au jugement d'ouverture du 23 octobre 2000 et avant le jugement de cession de la société Union travaux du 29 janvier 2001 ; que dans leurs conclusions d'appel, la société Union travaux et la SCP Brignier-Tulier faisaient valoir que les créances de la société Franki fondation étaient «nées après le jugement emportant cession de l'entreprise», soit après le 29 janvier 2001 ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré de ce que les créances litigieuses étaient nées antérieurement au jugement d'ouverture du 23 octobre 2000, par l'effet de la convention de groupement signée par les parties, sans inviter celles-ci à présenter au préalable leurs observations, la cour d'appel a violé les articles 4 et 16 du code de procédure civile ;

2°/ que lorsque la créance a son origine dans une relation contractuelle, sa date de naissance se situe au jour de l'échange des consentements ; qu'en l'occurrence, la société Franki fondation s'est trouvée amenée à prendre en charge le coût des travaux qui auraient dû être réalisés par la société Union travaux, et les surcoûts et pénalités de retard afférents, par l'effet de l'engagement qui avait été pris postérieurement au jugement d'ouverture par M. X..., ès qualités d'administrateur de la société Union travaux, de continuer les travaux malgré la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de son administrée ; qu'en constatant l'existence de cet engagement de M. X..., qui avait nécessairement fait naître un nouvel engagement contractuel au regard duquel la défaillance de la société Union travaux a été constatée, puis en considérant que les créances de la société Franki fondation étaient antérieures au jugement d'ouverture, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquence légales de ses constatations et a violé l'article L. 621-32 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble l'article 1271 du code civil ;

3°/ qu'en toute hypothèse, dans le cas d'un groupement solidaire formé entre différentes entreprises, le mandataire ne peut être tenu des prestations des autres membres du groupement avant la défaillance avérée de ceux-ci ; qu'en l'espèce, la société Franki fondation faisait alors valoir, dans ses conclusions d'appel, que l'administrateur judiciaire de la société Union travaux ayant pris la décision de poursuivre le chantier litigieux, sa créance envers cette société n'était née qu'ultérieurement, lorsque sa défaillance a été avérée, à une date où il était trop tard pour qu'elle procède à la déclaration de sa créance, née postérieurement au jugement d'ouverture ; qu'en statuant comme elle l'a fait, énonçant que la société Franki fondation «était en tout état de cause tenue conventionnellement dans le cadre du marché public et du fait du groupement solidaire formé, d'assurer les obligations de son co-contractant en cas de défaillance de celui-ci» et que «c'est donc dans ces dispositions que se trouve l'origine des dépenses engagées par Franki fondation et absolument pas dans la décision de poursuivre l'activité prise par Me X... », la cour d'appel a donc violé les articles L. 621-32 et L. 621-43 du code de commerce dans leur rédaction applicable aux faits de la cause ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte tant des écritures des sociétés Franki fondation et SCP Brignier-Tulier que du jugement du 20 juin 2008 que la question de la nature des créances invoquées par la société Franki fondation envers la société Union travaux au regard de l'article L. 621-32 du code de commerce a été discutée par les parties ; que le moyen était donc dans le débat ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que la société Franki fondation était tenue conventionnellement dans le cadre du marché public et du fait du mandat de groupement solidaire d'assurer les obligations de son cocontractant en cas de défaillance de celui-ci, l'arrêt retient que c'est dans ces dispositions liées à l'exécution de ce mandat que se trouvait l'origine des dépenses engagées par la société Franki fondation et non dans la décision de poursuivre l'activité prise par l'administrateur judiciaire ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié la nature de la décision de poursuivre l'activité prise par l'administrateur judiciaire, a exactement retenu que les créances litigieuses étaient nées antérieurement au jugement d'ouverture du 23 octobre 2000 ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Franki fondation aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Union travaux et à la SCP Brignier-Tulier, ès qualités, la somme globale de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Balat, avocat de la société Franki fondation

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Franki Fondation à payer à la SCP Brignier-Tulier, ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Union Travaux, la somme de 130.518,49 €, d'avoir ordonné la capitalisation des intérêts et d'avoir débouté la société Franki Fondation de sa demande reconventionnelle tendant à la condamnation de la SCP Brignier-Tulier, ès qualités, à lui payer la somme principale de 889.372,66 € HT, avec compensation des dettes dues par chacune des parties ;

AUX MOTIFS QUE, sur la demande d'Union Travaux, le tribunal a constaté que la période d'observation était circonscrite entre le 23 octobre 2000 et le 29 janvier 2001, relevé que Maître X... avait fait part à Franki Fondation, mandataire du groupement, de sa décision de poursuivre le contrat jusqu'à la fin de la période d'observation, et entériné le rapport de l'expert qui a chiffré le montant des travaux dus à cette société en application de l'article L.612-32 du code de commerce sur les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture, qu'il a constaté que Franki Fondation avait en tant que gestionnaire du compte commun au Crédit Lyonnais perçu cette créance et l'a donc condamné au remboursement à la SCP Brignier-Tulier en tant que commissaire à l'exécution du plan d'Union Travaux ; que sur la demande reconventionnelle de Franki Fondation, le tribunal a relevé, d'une part, que cette société n'avait pas déclaré la créance qu'elle invoquait et, d'autre part, qu'elle avait l'obligation conventionnelle, « que Franki Fondation a jugé commercialement nécessaire » de poursuivre le contrat, même s'il devait lui en coûter, et que dès lors les demandes formulées par elle sortaient du champ d'application des dépenses liées à l'article L.631-32 du code de commerce ; que la société Franki Fondation était mandataire commun du groupement solidaire formé avec Union Travaux, qu'elle a à ce titre perçu le règlement de travaux effectués par Aéroports de Paris à hauteur de 2.988.295,29 F déposés sur le compte commun ouvert auprès du Crédit Lyonnais, que par jugement du 23 octobre 2000, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé le redressement judiciaire de la société Union Travaux, que par un autre jugement du 29 janvier 2001, le tribunal de Bobigny a homologué un plan de cession au terme duquel le chantier litigieux est exclu de la cession ; que compte tenu de la vérification opérée par l'expert judiciaire du chiffrage des prestations effectuées par la société Union Travaux, celle-ci a limité sa demande à la somme proposée par l'expert, soit 130.518,49 € TTC, que c'est donc à juste titre que le tribunal a condamné la société Franki Fondation à payer la somme susdite avec intérêts à compter de l'assignation, sans qu'il y ait lieu d'entrer dans le détail des événements qui ont impliqué le Crédit Lyonnais, et étant observé que la société Franki Fondation ne conteste plus devant la cour cette dette mais sollicite la compensation avec ses propres créances ; que l'article L.621-32 du code de commerce, anciennement article 40 de la loi du 25 janvier 1985, disposait dans sa rédaction applicable au litige que « les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture sont payées à leur échéance lorsque l'activité est poursuivie » ; que Maître X... a fait part de son accord le 30 novembre 2000 pour la poursuite de l'activité « jusqu'à la fin de la période d'observation », que le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny le 29 janvier 2001, publié sous forme de mention au registre du commerce dans les 15 jours qui suivent son prononcé et ainsi opposable à tous, a mis fin à l'application de l'article L.621-32, que le tribunal a ainsi exactement constaté que la période de poursuite du contrat était tout à fait circonscrite, que l'expert a constaté que les sommes réclamées à la société Franki Fondation trouvaient leurs causes dans la période postérieure au 29 janvier 2001, ce que d'ailleurs admet cette société puisqu'elle écrit « la plupart des frais ont été exposés par la société Franki Fondation postérieurement à la cession intervenue suite au jugement du 29 janvier 2001 » ; que c'est à tort que la société Franki Fondation soutient alors que « ces dépenses ont cependant pour origine la défaillance de la société Union Travaux à poursuivre son marché en dépit de la décision de son administrateur judiciaire de le faire » et que dès lors « l'ensemble de la créance de la société Franki Fondation est née antérieurement au 29 janvier 2001, la défaillance de la société Union Travaux rendant inéluctable son remplacement et les frais et surcoûts en résultant » ; qu'en effet, c'est à raison que le tribunal a souligné, c'est son argumentation principale, brièvement exposée mais déterminante, que Franki Fondation était en tout état de cause tenue conventionnellement dans le cadre du marché public et du fait du groupement solidaire formé, d'assurer les obligations de son cocontractant en cas de défaillance de celui-ci ; que c'est donc dans ces dispositions que se trouve l'origine des dépenses engagées par Franki Fondation et absolument pas dans la décision de poursuivre l'activité prise par Maître X... ; que le tribunal pouvait donc en conclure que ces dépenses, « sortent du champ d'application des dépenses liées à l'article L.631-32 du code de commerce » et que les demandes tant principales que subsidiaires ne pouvaient qu'être rejetées sans plus ample argumentaire ; que cependant, à toutes fins, sera écarté l'argument selon lequel Maître X... aurait donné son accord au virement opéré par le Crédit Lyonnais sur le compte de la société Franki Fondation ; que cet accord n'est pas établi et certainement pas en outre comme valant renonciation formelle de Maître X... à réclamer les sommes dues à la société Union Travaux, et encore moins un engagement de sa part à régler les dépenses opérées par la société Franki Fondation dans le cadre de la continuation du contrat ;

ALORS, D'UNE PART, QUE les juges du fond ne peuvent soulever d'office un moyen sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que devant la cour d'appel, la société Franki Fondation soutenait que ses créances étaient nées postérieurement au jugement d'ouverture du 23 octobre 2000 et avant le jugement de cession de la société Union Travaux du 29 janvier 2001 ; que dans leurs conclusions d'appel (signifiées le 27 janvier 2010, p. 9 § 5), la société Union Travaux et la SCP Brignier-Tulier faisaient valoir que les créances de la société Franki Fondation étaient « nées après le jugement emportant cession de l'entreprise », soit après le 29 janvier 2001 ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré de ce que les créances litigieuses étaient nées antérieurement au jugement d'ouverture du 23 octobre 2000, par l'effet de la convention de groupement signée par les parties, sans inviter celles-ci à présenter au préalable leurs observations, la cour d'appel a violé les articles 4 et 16 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE lorsque la créance a son origine dans une relation contractuelle, sa date de naissance se situe au jour de l'échange des consentements ; qu'en l'occurrence, la société Franki Fondation s'est trouvée amenée à prendre en charge le coût des travaux qui auraient dû être réalisés par la société Union Travaux, et les surcoûts et pénalités de retard afférents, par l'effet de l'engagement qui avait été pris postérieurement au jugement d'ouverture par Maître X..., ès qualités d'administrateur de la société Union Travaux, de continuer les travaux malgré la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de son administrée ; qu'en constatant l'existence de cet engagement de Maître X... (arrêt attaqué, p. 3 in fine), qui avait nécessairement fait naître un nouvel engagement contractuel au regard duquel la défaillance de la société Union Travaux a été constatée, puis en considérant que les créances de la société Franki Fondation étaient antérieures au jugement d'ouverture, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquence légales de ses constatations et a violé l'article L.621-32 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble l'article 1271 du code civil ;

ET ALORS, ENFIN, QU' en toute hypothèse, dans le cas d'un groupement solidaire formé entre différentes entreprises, le mandataire ne peut être tenu des prestations des autres membres du groupement avant la défaillance avérée de ceux-ci ; qu'en l'espèce, la société Franki Fondation faisait alors valoir, dans ses conclusions d'appel (signifiées le 23 février 2010, p. 22), que l'administrateur judiciaire de la société Union Travaux ayant pris la décision de poursuivre le chantier litigieux, sa créance envers cette société n'était née qu'ultérieurement, lorsque sa défaillance a été avérée, à une date où il était trop tard pour qu'elle procède à la déclaration de sa créance, née postérieurement au jugement d'ouverture ; qu'en statuant comme elle l'a fait, énonçant que la société Franki Fondation « était en tout état de cause tenue conventionnellement dans le cadre du marché public et du fait du groupement solidaire formé, d'assurer les obligations de son co-contractant en cas de défaillance de celui-ci » et que « c'est donc dans ces dispositions que se trouve l'origine des dépenses engagées par Franki Fondation et absolument pas dans la décision de poursuivre l'activité prise par Me X... » (arrêt attaqué, p. 4 § 2), la cour d'appel a donc violé les articles L.621-32 et L.621-43 du code de commerce dans leur rédaction applicable aux faits de la cause.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-19909
Date de la décision : 13/09/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 avril 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 sep. 2011, pourvoi n°10-19909


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.19909
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award