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08/09/2011 | FRANCE | N°10-24132

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 08 septembre 2011, 10-24132


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société DEF du désistement de son pourvoi en tant que dirigé contre la société Generali IARD, venant aux droits de la société l‘Union générale du Nord ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 17 juin 2010) que Maxime X..., alors âgé de 13 ans, s'est blessé le 20 mars 2002 à Armentières lors d'une chute, alors qu'il grimpait sur la toiture d'un bâtiment constituée de plaques de fibrociment, située s

ur le terrain d'une ancienne filature appartenant à la société SCI du Rivage, aux droits de...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société DEF du désistement de son pourvoi en tant que dirigé contre la société Generali IARD, venant aux droits de la société l‘Union générale du Nord ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 17 juin 2010) que Maxime X..., alors âgé de 13 ans, s'est blessé le 20 mars 2002 à Armentières lors d'une chute, alors qu'il grimpait sur la toiture d'un bâtiment constituée de plaques de fibrociment, située sur le terrain d'une ancienne filature appartenant à la société SCI du Rivage, aux droits de laquelle se trouve la société DEF ; que la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres a assigné par actes des 1er avril et 9 juin 2004 la SCI du Rivage devant le tribunal de grande instance de Lille, afin d'obtenir le remboursement de ses débours ; que par acte du 14 octobre 2004, la SCI du Rivage a appelé en garantie son assureur, la société Union générale du Nord, aux droits de laquelle vient la société Generali IARD ; que M. Emmanuel X... est intervenu aux débats en qualité d'administrateur légal sous contrôle judiciaire de son frère Maxime ;

Attendu que la société DEF fait grief à l'arrêt de la déclarer entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident subi par Maxime X... le 20 mars 2002, alors, selon le moyen :

1°/ que si la responsabilité du propriétaire d'un bâtiment est, sur le fondement de l'article 1386 du code civil, engagée de plein droit envers la victime de dommages causés par l'écroulement total ou partiel de ce bâtiment ou la chute d'un de ses éléments incorporés d'une façon indissoluble, c'est à la condition que la victime apporte la preuve, à sa charge, que l'écroulement ou la chute d'un élément a eu pour cause soit un défaut d'entretien, soit un vice de construction ; que lorsque la chute d'un élément du bâtiment s'est produite par effondrement ou rupture sous le poids de la victime qui s'y trouvait, cette chute ne saurait donner matière à engagement de responsabilité sur le fondement de l'article 1386 du code civil que si cet élément de la construction avait vocation, de par sa fonction et sa conception, à servir au séjour ou au passage de personnes, et donc à permettre cette utilisation en assurant les conditions de solidité et stabilité nécessaires à un tel usage ; que, dans ses conclusions d'appel, la société DEF faisait valoir que tel n'était pas le cas en l'espèce dès lors que l'élément de bâtiment dont la rupture avait entraîné la chute du jeune Maxime X... était la couverture du bâtiment, constituée de tôles de fibrociment dont elle soulignait qu'il s'agissait d'"un matériau cassant, conçu pour assurer l'étanchéité à l'eau et à l'air d'un bâtiment, et non pas pour supporter le poids d'un individu" ; qu'en retenant que dès lors que "le toit était accessible par des échelles métalliques pour procéder aux réparations", cela " démontrait que l'accès au toit par l'homme pouvait se faire par l'extérieur et qu'il était donc conçu pour en supporter le passage", quand la possibilité d'un accès par échelles au toit pour y effectuer des réparations n'impliquait en soi aucunement ni la nécessité, ni la possibilité d'y marcher pour y effectuer des réparations, ni donc que le toit avait vocation et était conçu pour permettre et supporter le passage d'un homme, la cour d'appel, qui a énoncé à cet égard une affirmation inopérante en ce qu'elle ne lui permettait pas d'en tirer la déduction qu'elle en a faite, et qui, s'agissant d'une simple pétition de principe, était, en conséquence, impropre à justifier légalement sa décision, n'a pas donné à celle-ci de base légale au regard de l'article 1386 du code civil ;

2°/ que la responsabilité du propriétaire d'un bâtiment ne peut être engagée sur le fondement de l'article 1386 du code civil à raison d'un dommage causé par la chute d'un élément de la construction que si la victime établit que cette chute est due à un défaut d'entretien ou à un vice de construction ; qu'en l'espèce, la démonstration du lien de causalité requis entre la chute dommageable et un défaut d'entretien de la toiture exigeait qu'il fût établi qu'exempte de tout défaut d'entretien ou vice de construction, la toiture était à même de supporter le passage d'une personne sans se rompre ; qu'en se fondant sur le fait que "le toit était accessible par des échelles métalliques pour procéder aux réparations" pour en déduire qu'il était démontré que, "l'accès au toit par l'homme pouvant se faire par l'extérieur", "il était donc conçu pour en supporter le passage", de sorte que la chute n'avait pu avoir comme cause qu'un défaut d'entretien, quand le fait relevé de l'accessibilité au toit par des échelles métalliques pour réparations n'impliquait par lui-même ni qu'il fût nécessaire, ni qu'il fût possible de marcher sur le toit pour y réaliser les réparations adéquates, ni par conséquent que le toit eût été conçu pour supporter le passage d'une personne, la cour d'appel n'a pas caractérisé le lien de causalité entre le dommage et un défaut d'entretien ou un vice de construction de la toiture, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1386 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel relève que le gérant de la société propriétaire avait décrit le bâtiment comme étant dégradé, certaines parties incendiées ; que le gardien du site avait déclaré aux services de police qu'il avait plusieurs fois prévenu le propriétaire de la dangerosité du site et du risque d'accident inéluctable ; que les policiers avaient décrit un bâtiment ouvert à tous vents ; qu'une photographie prise depuis l'intérieur montrait un hangar dévasté dont le sol était couvert de débris provenant notamment du toit percé à de nombreux endroits ; qu'elle retient que le bâtiment avait été laissé à l'abandon depuis plusieurs années par son propriétaire et non réparé, ce qui avait conduit le maire de la commune à demander au propriétaire, dès le 24 mai 2000, soit près de 2 ans avant l'accident, de clôturer et sécuriser le site compte tenu de la dangerosité des lieux ;

Que de ces constatations et énonciations, abstraction faite du motif surabondant tenant à la nécessité de maintenir une accessibilité au toit qui n'impliquerait ni la nécessité ni la possibilité d'y marcher pour y effectuer des réparations, la cour d'appel a pu retenir qu'un défaut d'entretien était à l'origine de la ruine partielle du bâtiment appartenant à la société Def qui devait être déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident subi par Maxime X... ;

Et attendu que la troisième branche du moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société DEF aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société DEF ; la condamne à payer à M. Emmanuel X..., pris en sa qualité d'administrateur légal sous contrôle judiciaire de M. Maxime X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Georges, avocat aux Conseils pour la société DEF.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré la société Def entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident subi par Maxime X... le 20 mars 2002,

AUX MOTIFS QUE, sur l'application de l'article 1386 du Code civil, la ruine d'un bâtiment s'entend de sa destruction totale ou encore de la dégradation partielle de tout ou partie de la construction ou de tout élément mobilier ou immobilier qui y est incorporé de façon indissoluble ; qu'il ressort des pièces versées aux débats que le bâtiment duquel a chuté Maxime X... est situé sur une friche d'une ancienne filature dont certains bâtiments avaient été démolis, d'autres conservés en vue d'une réhabilitation qui n'est pas intervenue ; que le bâtiment litigieux de même que les autres sont décrits par M. Z... comme comportant des dégradations commises par des tiers et du fait de l'inactivité industrielle ; qu'une photographie prise depuis l'intérieur du bâtiment montre un hangar dévasté dont le sol est couvert de débris provenant notamment du toit, percé à de nombreux endroits ; qu'il résulte de ces éléments que le toit, en état de délabrement, percé à de nombreux endroits et qui laissait l'eau s'infiltrer jusqu'au sol étant en ruine et qu'il a cédé du fait de son mauvais état et non de la corpulence de l'enfant de treize ans dont il n'est ni justifié ni soutenu qu'elle était importante pour son âge ; qu'en outre, le toit était accessible par des échelles métalliques pour procéder aux réparations, ce qui démontre que l'accès au toit par l'homme pouvait se faire par l'extérieur et qu'il était donc conçu pour en supporter le passage ; que seule la ruine du bâtiment permet donc d'expliquer la chute de l'enfant ; que cet état de ruine résulte manifestement du défaut d'entretien du bâtiment ; que le propriétaire du bâtiment dont la ruine a causé un dommage en raison d'un défaut d'entretien ne peut s'exonérer de la responsabilité de plein droit par lui encourue que s'il prouve que ce dommage est dû à une cause étrangère qui ne peut lui être imputée telle la faute de la victime si elle présente les caractères de la force majeure : que la société Def soutient que la victime a commis une imprudence présentant les caractères de la force majeure ; qu'il ressort cependant des pièces produites que le site, proche des écoles et du centre de loisirs, était devenu le terrain de jeu des enfants du quartier, ce que nul n'ignorait ; que le site n'était pas clôturé et aucun panneau ne signalait le danger ou l'interdiction d'y pénétrer ; que la présence d'un enfant sur le toit du bâtiment litigieux muni d'échelles d'accès n'était donc pour le propriétaire ni imprévisible, ni irrésistible ; que la responsabilité de la société Def doit donc être retenue (arrêt attaqué, pp. 7 et 8) ;

1) ALORS QUE, si la responsabilité du propriétaire d'un bâtiment est, sur le fondement de l'article 1386 du Code civil, engagée de plein droit envers la victime de dommages causés par l'écroulement total ou partiel de ce bâtiment ou la chute d'un de ses éléments incorporés d'une façon indissoluble, c'est à la condition que la victime apporte la preuve, à sa charge, que l'écroulement ou la chute d'un élément a eu pour cause soit un défaut d'entretien, soit un vice de construction ; que lorsque la chute d'un élément du bâtiment s'est produite par effondrement ou rupture sous le poids de la victime qui s'y trouvait, cette chute ne saurait donner matière à engagement de responsabilité sur le fondement de l'article 1386 du Code civil que si cet élément de la construction avait vocation, de par sa fonction et sa conception, à servir au séjour ou au passage de personnes, et donc à permettre cette utilisation en assurant les conditions de solidité et stabilité nécessaires à un tel usage ; que, dans ses conclusions d'appel (p. 10), la société Def faisait valoir que tel n'était pas le cas en l'espèce dès lors que l'élément de bâtiment dont la rupture avait entraîné la chute du jeune Maxime X... était la couverture du bâtiment, constituée de tôles de fibrociment dont elle soulignait qu'il s'agissait d'« un matériau cassant, conçu pour assurer l'étanchéité à l'eau et à l'air d'un bâtiment, et non pas pour supporter le poids d'un individu » ; qu'en retenant que dès lors que « le toit était accessible par des échelles métalliques pour procéder aux réparations », cela « démontrait que l'accès au toit par l'homme pouvait se faire par l'extérieur et qu'il était donc conçu pour en supporter le passage », quand la possibilité d'un accès par échelles au toit pour y effectuer des réparations n'impliquait en soi aucunement ni la nécessité, ni la possibilité d'y marcher pour y effectuer des réparations, ni donc que le toit avait vocation et été conçu pour permettre et supporter le passage d'un homme, la cour d'appel, qui a énoncé à cet égard une affirmation inopérante en ce qu'elle ne lui permettait pas d'en tirer la déduction qu'elle en a faite, et qui, s'agissant d'une simple pétition de principe, était, en conséquence, impropre à justifier légalement sa décision, n'a pas donné à celle-ci de base légale au regard de l'article 1386 du Code civil ;

2) ALORS QUE la responsabilité du propriétaire d'un bâtiment ne peut être engagée sur le fondement de l'article 1386 du Code civil à raison d'un dommage causé par la chute d'un élément de la construction que si la victime établit que cette chute est due à un défaut d'entretien ou à un vice de construction ; qu'en l'espèce, la démonstration du lien de causalité requis entre la chute dommageable et un défaut d'entretien de la toiture exigeait qu'il fût établi qu'exempte de tout défaut d'entretien ou vice de construction, la toiture était à même de supporter le passage d'une personne sans se rompre ; qu'en se fondant sur le fait que « le toit était accessible par des échelles métalliques pour procéder aux réparations » pour en déduire qu'il était démontré que, « l'accès au toit par l'homme pouvant se faire par l'extérieur », « il était donc conçu pour en supporter le passage », de sorte que la chute n'avait pu avoir comme cause qu'un défaut d'entretien, quand le fait relevé de l'accessibilité au toit par des échelles métalliques pour réparations n'impliquait par lui-même ni qu'il fût nécessaire, ni qu'il fût possible de marcher sur le toit pour y réaliser les réparations adéquates, ni par conséquent que le toit eût été conçu pour supporter le passage d'une personne, la cour d'appel n'a pas caractérisé le lien de causalité entre le dommage et un défaut d'entretien ou un vice de construction de la toiture, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1386 du Code civil ;

3) ALORS, subsidiairement, QUE les jugements doivent être motivés, à peine de nullité ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel (pp. 11, 15 et 17-18), la société Def faisait valoir, « à titre subsidiaire, et à supposer que par impossible l'article 1386 du Code civil soit applicable », que sa responsabilité devait être écartée à raison non seulement des fautes d'une particulière gravité commises par la victime, mais en outre d'un manquement de la mère du jeune Maxime, qui avait 13 ans à l'époque des faits, au devoir de surveillance qui lui incombait à l'égard de son enfant mineur et qui aurait dû la conduire à mettre en oeuvre les mesures propres à empêcher son enfant de transgresser l'interdiction qu'elle lui avait faite d'aller jouer sur un site qu'elle qualifiait elle-même de dangereux (conclusions, p. 18) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen – dont elle n'a d'ailleurs soufflé mot – qui était de nature à influer sur sa décision, la cour d'appel, qui a retenu la responsabilité entière de la société Def, a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 10-24132
Date de la décision : 08/09/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 17 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 08 sep. 2011, pourvoi n°10-24132


Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne (président)
Avocat(s) : Me Georges, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.24132
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