LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que pour juger que seule une libéralité de 300 000 francs avait été consentie par M. X... à Mme Y... le 21 août 1996 et débouter les consorts X... de leurs autres demandes, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que l'appauvrissement allégué du patrimoine de M. X... n'est pas précisément quantifié par les demandeurs qui invoquent la vente d'un fonds de commerce sans en fournir le moindre justificatif et peut aussi bien résulter d'un train de vie excessif ou de libéralités à d'autres personnes ;
Qu'en statuant ainsi, quand les demandeurs, soutenant dans leurs conclusions que leur père avait vendu le 14 mai 1993, pour la somme de 670 000 francs, un fonds de commerce de restaurant, produisaient en cause d'appel l'acte de vente de ce fonds, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit que Mme Y... avait bénéficié d'une libéralité de 300 000 francs le 21 août 1996, l'arrêt rendu le 27 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils pour les consorts X...
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT CONFIRMATIF ATTAQUE D'AVOIR, constatant que la libéralité de 300. 000 F a été consentie par Monsieur Raymond X... à Madame Y... le 21 août 1996, rejeté leurs autres demandes,
AUX MOTIFS QUE la libéralité est l'acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d'une autre personne ; qu'il appartient aux consorts X... de rapporter la preuve que l'accroissement du patrimoine de Madame Y... résulte d'un appauvrissement de celui de Monsieur Raymond X... ; que l'intimé possédait des biens lorsqu'elle s'est mise en ménage avec Monsieur X... ; que d'ailleurs en 1982 et 1983 elle a consenti à celui-ci des prêts pour des montants de 50. 000 et 180. 000 F, qui ont servi à régler une partie des dettes de la communauté ayant existé entre Monsieur X... et son épouse née Marie Josée D... (décédée le 10 juillet 1981) ainsi que cela résulte de l'acte de partage établi en 1986, sous le contrôle de Monsieur A..., magistrat honoraire devenu expert judiciaire, désigné en qualité d'administrateur ad hoc de Véronique et Jean-Luc X..., alors mineurs ; que par des motifs pertinents que la Cour adopte, les premiers juges ont à bon droit estimé que le seul transfert de fonds identifiable du patrimoine de Monsieur X... à celui de Madame Y... était le virement de 300. 000 F effectué le 21 août 1996 ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes des articles 913, 920 et 922 du Code civil dans leur rédaction issue de la loi applicable à l'époque du décès, les libéralités ne peuvent excéder le quart des biens du disposant lorsque ce dernier laisse trois enfants, les libéralités qui excèdent la quotité disponible sont réductibles à cette quotité lors de l'ouverture de la succession et la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur à laquelle ont réuni fictivement, après en avoir déduit les dettes, ceux dont il a été disposé entre vifs ; qu'il appartient en conséquence aux héritiers réservataires qui exercent une action en réduction de démontrer d'une part, l'existence de libéralités, d'autre part, la consistance de la masse définie par l'article 922 du Code civil ; que les demandeurs considèrent que Madame Y... a reçu de Monsieur X... des libéralités pour un montant total de 508. 796 € qu'ils déterminent en comptabilisant les sommes placées par cette dernière en contrats d'assurance vie entre 1996 et 2007 ; qu'ils affirment que le patrimoine de leur père a été dissipé avant son décès alors qu'aurait dû notamment figurer sur ses comptes le produit de la vente de sa maison et de son fonds de commerce, tandis que sa concubine s'enrichissait corrélativement alors qu'elle ne disposait d'aucun revenu ; qu'ils relèvent d'autre part que l'examen de l'historique du compte ouvert au nom de Raymond X... auprès de la Banque Populaire du Midi fait apparaître un chèque de 300. 000 F émis le 22 novembre 1996 pour souscrire un contrat de capitalisation auprès de l'UAP devenue AXA, un virement de 300. 000 F le 21 août 1996 au profit de Anne-Marie Y..., un retrait d'espèces au guichet de 330. 000 F le 12 novembre 1999, soit trois mois avant le décès ; que la simple corrélation entre l'appauvrissement allégué du patrimoine de Monsieur X... et l'enrichissement de celui de sa concubine est insuffisant à caractériser l'existence de libéralités du premier au profit de la seconde, en l'absence de démonstration de transfert de fonds identifiable d'un patrimoine à l'autre ; que l'appauvrissement allégué du patrimoine de Monsieur X... n'est pas précisément quantifié par les demandeurs qui invoquent la vente d'un fonds de commerce sans en fournir le moindre justificatif, et peut aussi bien résulter d'un train de vie excessif ou de libéralités à d'autres personnes que la défenderesse ; qu'il résulte du procès-verbal de constat en date du 5 décembre 2007 établi par Maître B..., huissier de justice, désigné par ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de NIMES à la requête des héritiers X... pour investiguer sur les contrats d'assurance-vie souscrits auprès de la Compagnie AXA, que le chèque de 300. 000 F émis le 22 novembre 1996 par Raymond X... a servi à la souscription d'un contrat n° 81102608J, lequel a fait l'objet d'un rachat partiel de 27. 000 F en novembre 1998 et a été transformé pour le solde en un nouveau contrat n° 81302672U dont les consorts étaient bénéficiaires et ont reçu le capital par l'intermédiaire de leur notaire Maître C... en juin 2003 ; que le retrait d'espèces de 330. 000 F le 12 novembre 1999 a été effectué par Monsieur X... lui-même ; qu'il est impossible de déterminer le sort de ces fonds et de déduire de façon certaine de leur disparition qu'ils ont été donnés à Madame Y..., même si une semaine après le décès cette dernière effectuait auprès d'AXA un nouveau placement de 500. 000 F ; que le seul transfert du fonds identifiable est le virement effectué le 21 août 1996 du compte de Madame X... vers celui de la défenderesse ; que ce transfert est reconnu par Madame Y... qui prétend toutefois qu'il s'agit non pas d'une libéralité mais du remboursement de divers prêts ; que la cause du paiement invoquée par la défenderesse ne peut être retenue dès lors que le montant du virement ne correspond pas au montant de la dette alléguée, que les reconnaissances de dette souscrites en 1982 et 1983 concernent des prêts stipulés remboursables en 1984 et 1988 et sans doute remboursés au regard des facultés financières dont Monsieur X... disposait avant 1996, que la reconnaissance de dette en date du 16 juin 1989 pour un montant de 125. 000 F remboursable sur dix ans au taux de 9 % ne peut être attribuée à Monsieur X... en ce qu'elle n'est pas rédigée de la main de ce dernier et que la signature qui lui est attribuée est contestée par ses enfants ; que le paiement de 300. 000 F sera, en l'absence d'autre cause et en le contexte de la relation entre Monsieur X... et Madame Y..., considéré comme une libéralité soumise le cas échéant à réduction ;
ALORS D'UNE PART QUE les héritiers réservataires, exerçant un droit propre, peuvent rapporter la preuve par tout moyen des libéralités faites par leur auteur ; que les exposants faisaient valoir que leur père avait vendu un fonds de commerce de restaurant le 14 mai 1993 pour la somme de 670. 000 F et une maison sise à LATTES le 26 juillet 1996 pour un montant de 735. 000 F, les fonds n'ayant pas été retrouvés dans le cadre de sa succession, qu'ils précisaient que la concubine de leur père qui n'avait aucune activité professionnelle, avait, entre 1996 et 2001, versé sur des contrats d'assurance vie la somme totale de 311. 368, 27 €, l'ensemble de ces versements étant intervenu postérieurement à la vente des éléments de l'actif de Monsieur X... ; qu'en se contentant d'affirmer que par des motifs pertinents qu'elle adopte, les premiers juges ont à bon droit estimé que le seul transfert de fonds identifiables du patrimoine de Monsieur X... à celui de Madame Y... était le virement de 300. 000 F effectué le 21 août 1996 pour confirmer le jugement, la Cour d'appel qui n'a aucunement exercé son office, a privé les exposants d'un droit à un procès équitable et elle a violé l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme ;
ALORS D'AUTRE PART QUE les héritiers réservataires, exerçant un droit propre, peuvent rapporter la preuve par tout moyen des libéralités faites par leur auteur ; que les exposants faisaient valoir que leur père avait vendu un fonds de commerce de restaurant le 14 mai 1993 pour la somme de 670. 000 F et une maison sise à LATTES le 26 juillet 1996 pour un montant de 735. 000 F, les fonds n'ayant pas été retrouvés dans le cadre de sa succession, qu'ils précisaient que la concubine de leur père qui n'avait aucune activité professionnelle, avait, entre 1996 et 2001 versé sur des contrats d'assurance vie la somme totale de 311. 368, 27 €, l'ensemble de ces versements étant intervenu postérieurement à la vente des éléments de l'actif de Monsieur X... ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que l'appauvrissement allégué du patrimoine de Monsieur X... n'est pas précisément quantifié par les demandeurs qui invoquent la vente d'un fonds de commerce sans en fournir le moindre justificatif et peut aussi bien résulter d'un train de vie excessif ou de libéralités à d'autres personnes que la défenderesse, quand les exposants ont produit en cause d'appel l'acte de vente du fonds de commerce, la Cour d'appel a violé l'article du Code de procédure civile ;
ALORS DE TROISIEME PART QUE les héritiers réservataires, exerçant un droit propre, peuvent rapporter la preuve par tout moyen des libéralités faites par leur auteur ; que les exposants faisaient valoir que leur père avait vendu un fonds de commerce de restaurant le 14 mai 1993 pour la somme de 670. 000 F et une maison sise à LATTES le 26 juillet 1996 pour un montant de 735. 000 F, les fonds n'ayant pas été retrouvés dans le cadre de sa succession, qu'ils précisaient que la concubine de leur père qui n'avait aucune activité professionnelle, avait, entre 1996 et 2001, versé sur des contrats d'assurance vie la somme totale de 311. 368, 27 €, l'ensemble de ces versements étant intervenu postérieurement à la vente des éléments de l'actif de Monsieur X... ; qu'en retenant que la simple corrélation entre l'appauvrissement allégué du patrimoine de Monsieur X... et l'enrichissement de celui de la concubine est insuffisante à caractériser l'existence de libéralités du premier au profit de la seconde en l'absence de démonstration de transfert de fonds identifiable d'un patrimoine à l'autre, les juges du fond qui n'ont pas précisé en quoi la concomitance de l'appauvrissement et de l'enrichissement n'établissait pas les libéralités faites à la concubine par leur auteur, n'ont pas légalement justifié leur décision au regard des articles 931 et suivants du Code civil ;
ALORS DE QUATRIEME PART QU'en retenant, à propos du retrait d'espèces opéré le 12 novembre 1999, d'un montant de 330. 000 F, qu'il est impossible de déterminer le sort de ces fonds et de déduire de leur disparition qu'ils ont été donnés à Madame Y... même si une semaine après le décès elle a effectué auprès d'AXA un nouveau placement de 500. 000 F, les juges du fond qui ne recherchent pas s'il ne ressortait pas de cette circonstance que les exposants rapportaient la preuve que la concubine avait bénéficié des libéralités du défunt, n'ont pas légalement justifié leur décision au regard des articles 931 et suivants du Code civil ;
ALORS ENFIN QUE les héritiers réservataires, exerçant un droit propre, peuvent rapporter la preuve par tout moyen des libéralités faites par leur auteur ; que les exposants faisaient valoir que leur père avait vendu un fonds de commerce de restaurant le 14 mai 1993 pour la somme de 670. 000 F et une maison sise à LATTES le 26 juillet 1996 pour un montant de 735. 000 F, les fonds n'ayant pas été retrouvés dans le cadre de sa succession, qu'ils précisaient que la concubine de leur père qui n'avait aucune activité professionnelle, avait, entre 1996 et 2001, versé sur des contrats d'assurance vie la somme totale de 311. 368, 27 €, l'ensemble de ces versements étant intervenus postérieurement à la vente des éléments de l'actif de Monsieur X... ; qu'en retenant que le seul transfert de fonds identifiable est le virement effectué le 21 août 1996 du compte de Monsieur X... vers celui de la défenderesse d'un montant de 300. 000 F, les juges du fond, qui se contentent d'affirmer que la simple corrélation entre l'appauvrissement allégué du patrimoine de Monsieur X... et l'enrichissement de sa concubine est insuffisante à caractériser l'existence de libéralités du premier au profit de la seconde en l'absence de démonstration de transfert de fonds identifiable d'un patrimoine à l'autre, l'appauvrissement du patrimoine pouvant résulter d'un train de vie excessif ou de libéralités à d'autres personnes que la défenderesse, quand il est établi par les exposants que la concubine a souscrit des contrats d'assurance-vie pour des montants très importants postérieurement aux ventes d'actif faites par leur auteur, les juges du fond ont mis à la charge des héritiers réservataires une preuve quasi impossible à rapporter et ont violé les articles 913 et suivants du Code civil et 1er du Premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme.