LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 20 août 2008), que d'anciens dirigeants de la Société de roulage et d'exploitation du Nord (la SOREN), contestant leur éviction le 13 mai 2005 du conseil d'administration, ont occupé les locaux de l'entreprise et bloqué son fonctionnement du 15 mai 2005 au mois d'avril 2006 ; que M. X..., détaché depuis 1994 auprès de la SOREN comme responsable technique, devenu directeur d'exploitation en 2005, a participé à ce blocage ; que reprochant à l'employeur de ne plus lui avoir fourni de travail et de ne plus l'avoir payé, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 12 janvier 2006 et a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre notamment d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de juger que la rupture du contrat de travail n'est pas imputable à l'employeur et de le débouter de ses demandes de ce chef, alors, selon le moyen :
1°/ que le défaut de paiement de salaire, même minime, caractérise à lui seul un manquement de l'employeur à son obligation essentielle au titre du contrat de travail justifiant la prise d'acte de la rupture par le salarié à ses torts exclusifs ; qu'en jugeant que le défaut de paiement des salaires des quinze premiers jours du mois de mai 2005, qu'elle a condamné l'employeur à verser, ne constituait pas une faute suffisamment grave pour justifier la rupture de son contrat de travail aux torts de la SOREN, qui avait donc durablement failli à son obligation de paiement du salaire au minimum pour la période du 1er mai au 14 mai 2005, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
2°/ que le blocage d'une société ne suffit pas, à lui seul, à constituer une situation contraignante de nature à libérer l'employeur de son obligation de fournir du travail à ses salariés non grévistes et, corrélativement, de les rémunérer ; qu'en considérant, pour juger que le défaut de paiement par la SOREN de son salaire au titre de la période allant du 15 mai au 10 juin, à l'exception du 25 mai, puis à partir du 1er septembre 2005, ne constituait pas une faute justifiant la rupture du contrat de travail à ses torts, que le blocage de la société par ses anciens dirigeants ne lui avait pas permis, faute d'activité, de lui fournir du travail, directeur de l'usine occupée, sans caractériser autrement l'existence d'une situation contraignante mettant l'employeur dans une impossibilité absolue de fournir du travail à son salarié ou le refus de celui-ci d'exécuter le travail qu'elle lui aurait donné, la cour d'appel a violé les articles L. 2511-1, L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
3°/ que pour contester l'impossibilité alléguée par l'employeur de payer des salaires du fait de l'absence d'activité due au blocage de l'entreprise, il produisait le rapport du conseil d'administration de la SOREN du 21 décembre 2006 sur l'exercice clos au 31 mars 2006 duquel il ressortait que des salaires avaient été payés à hauteur de 40 565 877 FCFP au 31 mars 2006, somme à comparer à la masse salariale de 78 554 901 FCFP au 31 mars 2005, soit avant le début du blocage ; qu'en énonçant, pour le débouter de sa demande, que ce document ne démontrait pas que d'autres salariés avaient été réglés de leurs salaires pendant le blocage, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce rapport desquels il ressortait que la société SOREN avait continué à rémunérer une partie importante de son effectif durant toute la période du blocage, soit du 15 mai 2005 au mois d'avril 2006, et partant, a ainsi violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que M. X..., directeur d'exploitation, avait participé, sur les lieux, à l'action de blocage de l'usine, laquelle était privée de toute activité, a, par ces seuls motifs, pu en déduire qu'il n'était pas fondé à reprocher à l'employeur un manquement à ses obligations relatives à la fourniture du travail et au paiement du salaire ; que le moyen, inopérant en sa dernière branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils pour M. X...
M. X... fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la rupture de son contrat de travail n'était pas imputable à la société de roulage et d'exploitation du Nord et de l'avoir, en conséquence, débouté de ses demandes en indemnités de rupture et de dommages et intérêts.
AUX MOTIFS QU'il résulte des débats et des pièces versées que la société Soren a été bloquée du 15 mai 2005 à avril 2006 par les anciens membres du conseil d'administration, évincés à la suite d'une assemblée générale qui s'est tenue le 13 mai 2006 ; que l'activité de la société a été arrêtée pendant cette période, que par lettre du 12 janvier 2006, M. X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail, qu'il imputait à l'employeur en la considérant comme un licenciement abusif, pour ne lui avoir fourni aucun travail et pour non paiement de ses salaires depuis mai 2005 ; (…°) ; qu'en l'espèce, l'activité de la Soren n'a pas été arrêtée par le fait d'une grève, qui est un conflit collectif du travail initié par les salariés, en vue de faire aboutir des revendications relatives à l'application de leur contrat ou à leurs conditions de travail, mais le fait d'un blocage d'anciens dirigeants de la société elle même ; (…..) ; que le blocage de la société par les anciens administrateurs n'a pas permis à la Soren de fournir du travail à M. X..., directeur technique de l'usine occupée, que le contrat de travail de ce dernier s'est trouvé ainsi suspendu depuis le 15 mai 2005 ; que par ailleurs, M. X... ne démontre nullement avoir agi sur les instructions de l'employeur en se rendant sur les lieux du 15 au 24 mai, que le 25 mai et à compter du 10 juin et ce jusqu'au 2 septembre 2005, sa participation au blocage est avérée ; que depuis le 2 septembre 2005, le salarié ne démontre pas avoir effectué une prestation de travail pour le compte de l'employeur et à sa demande ; qu'ainsi l'employeur n'était pas tenu de verser à M. X... un salaire pour une prestation qui n'a pas été effectuée, à compter du 15 mai 2005, date du début du blocage, que seul le salaire des quinze premiers jours de mai 2005, que la Soren ne prouve pas avoir versé, est dû au salarié, soit la somme de 359 500 FCFP sur un salaire brut de 719 000 FCFP en avril 2005, outre 35 950 FCFP au titre des congés payés sur ces salaires, et ce en deniers ou quittance ; que ce défaut de paiement, qui concerne une période de 15 jours au début du conflit, qui a duré plus d'un an, alors que M. X... a pris acte de la rupture le 12 janvier 2006 en arguant d'une faute de l'employeur qui ne lui a pas fourni de travail et ne lui a pas versé son salaire, ne peut constituer une faute suffisamment grave de l'employeur pour justifier une rupture du contrat de travail de M. X... aux torts de la Soren alors que la société était bloquée et privée d'activité depuis le 15 mai 2005 ; que le rapport du conseil d'administration de la Soren du 21 décembre 2006 sur l'exercice clos au 31 mars 2006, versé aux débats par le salarié le 19 juin 2008, mentionne : - une baisse du chiffre d'affaires de – 87,7% de l'année 2006 par rapport à l'année 2005, liée directement au blocage ; - des salaires payés à hauteur de 40 565 877 FCFP au 31 mars 2006 et de 78 554 901 FCFP au 31 mars 2005, - une reprise du travail au 1er septembre 2006 et de réelle activité au 31 octobre, après signature d'un protocole de fin de conflit du 2 août 2006 ; que ce document ne démontre pas que d'autres salariés ont été réglés de leurs salaires pendant le blocage, contrairement à ce que soutient M. X... ; qu'en conséquence, le salarié ne peut soutenir que la rupture de son contrat de travail constitue un licenciement abusif de la part de la Soren pour absence de fourniture de travail et paiement de salaire, qui ne sont nullement imputables à la Soren, que M. X... sera ainsi débouté de ses demandes en indemnités de rupture et dommages et intérêts divers, que le jugement sera infirmé ;
ALORS QUE le défaut de paiement de salaire, même minime, caractérise à lui seul un manquement de l'employeur à son obligation essentielle au titre du contrat de travail justifiant la prise d'acte de la rupture par le salarié à ses torts exclusifs ; qu'en jugeant que le défaut de paiement des salaires des quinze premiers jours du mois de mai 2005, qu'elle a condamné l'employeur à verser, ne constituait pas une faute suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail de M. X... aux torts de la Soren, qui avait donc durablement failli à son obligation de paiement du salaire au minimum pour la période du 1er mai au 14 mai 2005, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail.
ALORS QUE le blocage d'une société ne suffit pas, à lui seul, à constituer une situation contraignante de nature à libérer l'employeur de son obligation de fournir du travail à ses salariés non grévistes et, corrélativement, de les rémunérer ; qu'en considérant, pour juger que le défaut de paiement par la Soren du salaire de M. X... au titre de la période allant du 15 mai au 10 juin, à l'exception du 25 mai, puis à partir du 1er septembre 2005, ne constituait pas une faute justifiant la rupture du contrat de travail à ses torts, que le blocage de la société par ses anciens dirigeants ne lui avait pas permis, faute d'activité, de fournir du travail à M. X..., directeur de l'usine occupée, sans caractériser autrement l'existence d'une situation contraignante mettant l'employeur dans une impossibilité absolue de fournir du travail à son salarié ou le refus de celui-ci d'exécuter le travail qu'elle lui aurait donné, la cour d'appel a violé les articles L. 2511-1, L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail.
ALORS QUE pour contester l'impossibilité alléguée par l'employeur de payer des salaires du fait de l'absence d'activité due au blocage de l'entreprise, M. X... produisait le rapport du conseil d'administration de la Soren du 21 décembre 2006 sur l'exercice clos au 31 mars 2006 duquel il ressortait que des salaires avaient été payés à hauteur de 40 565 877 FCFP au 31 mars 2006, somme à comparer à la masse salariale de 78 554 901 FCFP au 31 mars 2005, soit avant le début du blocage ; qu'en énonçant, pour débouter M. X... de sa demande, que ce document ne démontrait pas que d'autres salariés avaient été réglés de leurs salaires pendant le blocage, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce rapport desquels il ressortait que la société Soren avait continué à rémunérer une partie importante de son effectif durant toute la période du blocage, soit du 15 mai 2005 au mois d'avril 2006, et partant, a ainsi violé l'article 1134 du code civil.