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06/07/2011 | FRANCE | N°09-69356

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 juillet 2011, 09-69356


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu selon l'arrêt attaqué que M. X..., qui avait été engagé en qualité de chauffeur poids lourds le 5 octobre 1999 par la société Fargier, a vu son contrat de travail repris par la société Sita Mos à effet du 1er janvier 2006 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel de prime à compter de cette date ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour accueillir la demande du salarié, l'arrêt retient que la société se

borne à relever que " nombre de chauffeurs bénéficient de conditions de rémun...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu selon l'arrêt attaqué que M. X..., qui avait été engagé en qualité de chauffeur poids lourds le 5 octobre 1999 par la société Fargier, a vu son contrat de travail repris par la société Sita Mos à effet du 1er janvier 2006 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel de prime à compter de cette date ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour accueillir la demande du salarié, l'arrêt retient que la société se borne à relever que " nombre de chauffeurs bénéficient de conditions de rémunération inférieures à celles de l'appelant, sans fournir aucune explication de fait, de sorte que la cour est dans l'impossibilité d'exercer aucun contrôle ;
Qu'en statuant ainsi alors que, sollicitée, la société avait produit une note en délibéré dans laquelle elle fournissait une explication des différences de traitement constatées, la cour d'appel, qui aurait dû examiner le moyen fourni par la société au même titre que les éléments donnés, de son côté, par le salarié, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Sur le second moyen :
Vu l'article R. 1452-6 du code du travail ;
Attendu que pour ordonner la disjonction de l'instance sur la contestation éventuelle du licenciement du salarié et dire que la procédure sera rouverte à la diligence des parties, l'arrêt retient qu'à l'audience, le salarié, interrogé par la cour sur la question de son licenciement pour inaptitude au regard du principe de l'unicité de l'instance a indiqué qu'il demandait qu'il lui soit acté de ce qu'il se réservait le droit de contester le licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le salarié n'avait soutenu devant elle aucun moyen de ce chef, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Sita Mos

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société SITA MOS à payer à Monsieur X... la somme de 3910 € à titre de rappel de prime pour la période de janvier 2006 à mars 2009, outre 391 € de congés payés afférents
AUX MOTIFS QUE « Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues oralement et sans modification à l'audience.
Sur la nature de la prime exceptionnelle :
II ressort des bulletins de salaire de David X... que, d'avril 2003 à décembre 2005, c'est-à-dire pendant la période travaillée pour la société FARGIER il a perçu chaque mois, à l'exception seulement des deux mois de mai 2003 et juillet 2005, une prime dite exceptionnelle dont le montant a fréquemment varié : elle a été de 168 € pendant 18 mois non consécutifs, et, pour les autres mois, d'un montant qui a fluctué entre un minimum de 45, 07 €, en juin 2005, et un maximum de 528, 62 € en janvier 2004.
Devant la cour, la SA SITA MOS précise, dans son argumentation subsidiaire, que l'avantage en question a toujours été accordé " prorata temporis " de la présence du salarié au sein de l'entreprise, explication que l'intéressé a reprise à l'audience.
L'examen des bulletins de salaire des autres chauffeurs, produits en cours de délibéré par l'employeur, montre que Albert Y... et Philippe Z... ont, quant à eux, bénéficié d'une prime intitulée « prime gratif » une fois, en septembre 2004, à hauteur de 100 €, et que seul Laurent A... a perçu une prime exceptionnelle d'un montant moindre mais également très variable pendant 13 mois, entre avril 2003 et mai 2004.
Le Conseil de Prud'hommes a donc exactement constaté que les conditions de constance, de fixité et de généralité dans l'attribution de la prime n'étaient pas remplies de sorte qu'elle ne pouvait être considérée comme un usage que l'employeur était tenu de maintenir.
Toutefois les premiers juges n'ont pas statué sur le moyen qui était soulevé par le salarié, tiré de la règle d'égalité de rémunération pour un travail identique.
Sur l'égalité des rémunérations :
David X... soutient en effet que la prime qui lui était versée était en réalité destinée à compenser la différence qui existait entre sa rémunération et celle d'un autre chauffeur, Albert Y..., embauché en février 2003 au salaire de base de 1531 € alors que son salaire était à l'époque de 1363 €, soit une différence de 168 € par mois.
Cette différence de salaire a perduré dans le temps, dans le cadre de l'évolution des salaires :
Salaire David X...
Salaire Albert Y...
différence

à compter de mars 2003 1 383, 67 € 1 531 € 147, 33 €

à compter de janvier 2004 1 407, 67 € 1 555 € 147, 33 €

à compter de janvier 2005 1 441, 12 € 1 587, 12 € 146, 54 €

janvier 2006 1 484, 23 € 1 603, 54 € 119, 31 €

février 2006 1 455, 49 € 1 603, 54 € 148, 05 €

avril 2006 1 482, 49 € 1 603, 54 € 121, 06 €

mai 2006 1 492, 87 € 1 603, 54 € 110, 67 €

octobre 2006 1 492, 87 € 1 641, 95 € 122, 08 €

Par ailleurs l'examen des bulletins de salaire des années 2003 à 2005 des sept chauffeurs employés par la société FARGIER et transférés chez la SA SITA MOS, montre que le salaire de base de chacun d'eux, hors prime d'ancienneté, pour un même coefficient, est différent :

date d'ancien-neté chauffeur emploi et coefficient salaire de base au 1er janvier 2005 salaire de base au 1er janvier 2006

août 1994 Philippe Z...
conducteur polyvalent 175 1 446, 19 € 1 487, 56 €

octobre 1994 Laurent A...
conducteur 175 1 571, 65 € 1 614, 28 €

octobre 1999 David X...
conducteur PL 175 1 441, 12 € 1 484, 25 €

novembre 1999 Eric C...
conducteur PL trieur 175 1 431, 96 € 1 473, 23 €

mai 2011 L. D...
conducteur PL trieur 175 1 434, 96 € 1 473, 24 €

février 2003 A. Y...
conducteur PL 175 1 587, 66 € 1 603, 54 €

décembre 2003 Jérôme B...
conducteur PL 175 1428, 07 € 1 469, 35 €

En vertu du principe " à travail égal, salaire égal ", l'employeur ne peut verser une rémunération différente à des salariés effectuant un même travail que s'il justifie la disparité de rémunération par des critères objectifs, matériellement vérifiables et étrangers à toute discrimination telle que celles fondées, par exemple, sur la maladie, une catégorie de personnel, la situation familiale etc... En l'occurrence, la SA SITA MOS se borne à relever que " nombre de chauffeurs bénéficient de conditions de rémunération inférieures " à celles de l'appelant, sans fournir aucune explication sur cette situation de fait, de sorte que la cour est dans l'impossibilité d'exercer aucun contrôle. Il sera donc fait droit à la demande à hauteur de la somme de 3. 910 € pour la période de janvier 2006 à mars 2009, tenant compte des absences du salarié, outre 391 € de congés payés afférents »
1. ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que le salarié sollicitait en l'espèce un rappel de « prime exceptionnelle » d'un montant mensuel de 168 euros, dont il prétendait qu'elle avait un caractère obligatoire en vertu d'un usage, se chiffrant à 3696 euros pour la période de janvier 2006 à décembre 2007 et à 2520 euros pour la période de janvier 2008 à mars 2009 (ses conclusions d'appel p 3 et sa note en délibéré p 3) ; qu'en lui accordant des rappels de salaires (improprement qualifiés de primes) d'un montant de 3910 euros pour la période de janvier 2006 à mars 2009 sur le fondement du principe « A travail égal, salaire égal » ainsi que les congés payés afférents, la Cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2. ALORS QU'à peine de nullité, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens ; qu'en ne visant pas les notes en délibéré établies par les parties à sa demande, et en n'exposant pas les moyens qu'elles contenaient, la Cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
3. ALORS QUE la société SITA MOS faisait valoir dans sa note en délibéré en date du 26 mai 2009, établie à la demande de la Cour, que les différences de salaires entre les chauffeurs « s'expliquent par des différences de compétence mobilisable » et précisait notamment concernant Monsieur X..., que ce dernier « avait un permis EC (dit super poids lourds) mais avec restriction à 12500 kg du véhicule conduit, ce qui n'était pas le cas de Monsieur Y.... Cette restriction devait être prise en compte par l'exploitation dans l'organisation des plannings » ; qu'en affirmant que « la SA SITA MOS se borne à relever que " nombre de chauffeurs bénéficient de conditions de rémunération inférieures » à celles de l'appelant, sans fournir aucune explication sur cette situation de fait », pour lui accorder un rappel de salaires sur le fondement du principe « A travail égal, salaire égal », la Cour d'appel a dénaturé la note en délibéré de la société SITA MOS en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
4. ALORS QUE pour accorder à Monsieur X... 3910 euros à titre de rappel de « primes » sur le fondement du principe « A travail égal, salaire égal », au titre de la période comprise entre janvier 2006 et mars 2009, la Cour d'appel s'est bornée à constater une différence de rémunération entre celle perçue par Monsieur X... et celle des six autres chauffeurs de la société, avant leur transfert auprès de la société SITA MOS au cours des mois de janvier 2005 et janvier 2006, ainsi qu'une différence de rémunération entre celle perçue par Monsieur X... et celle perçue par Monsieur Y... depuis le mois de mars 2003 jusqu'en octobre 2006 ; qu'en statuant ainsi, sans préciser les modalités de calcul de ladite « prime », ni la rémunération de référence sur laquelle elle entendait aligner celle de Monsieur X..., ni caractériser que ces différences de traitement avaient perduré jusqu'en mars 2009, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe « A travail égal, salaire égal ».

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné la disjonction de l'instance sur la contestation éventuelle du licenciement de David X... et dit que la procédure sera rouverte à la diligence des parties
AUX MOTIFS QUE « A l'audience, David X..., interrogé par la Cour sur la question de son licenciement pour inaptitude au regard du principe de l'unicité de l'instance, a indiqué qu'il demandait qu'il lui soit acte de ce qu'il se réservait le droit de contester le licenciement »
ET QUE « Sur le licenciement : David X... n'ayant pas exclu de contester le licenciement dont il a fait l'objet mais n'ayant soutenu devant la cour aucun moyen de ce chef, il y a lieu d'ordonner la disjonction de l'instance sur cette question, et de dire que la procédure sera rouverte sur cette question à la diligence des parties »
ALORS QUE le principe de l'unicité de l'instance contraint les parties à formuler toutes les demandes qu'elles peuvent présenter au cours d'une instance, jusqu'à la clôture des débats devant la Cour d ‘ appel ; qu'il résultait en l'espèce des propres constatations de l'arrêt que jusqu'à la clôture des débats devant elle, Monsieur X... n'avait formulé aucune demande concernant son licenciement prononcé le 31 mars 2009 ; qu'en lui permettant de se réserver la possibilité de contester son licenciement ultérieurement, en ordonnant la disjonction de l'instance sur cette contestation « éventuelle » et en jugeant que la procédure serait rouverte à la diligence des parties, la Cour d'appel a violé l'article R1452-6 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-69356
Date de la décision : 06/07/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 29 juin 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 jui. 2011, pourvoi n°09-69356


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.69356
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