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30/06/2011 | FRANCE | N°10-14934

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 juin 2011, 10-14934


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que si, lorsque la procédure est orale, les moyens soulevés d'office sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, la preuve contraire peut être ap

portée ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... qui avait été engagé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que si, lorsque la procédure est orale, les moyens soulevés d'office sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, la preuve contraire peut être apportée ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... qui avait été engagé en qualité de receveur le 11 février 1989 par la société Le Carillon, aux droits de laquelle se trouve la société Imprimerie IPS (la société), a été licencié pour motif économique le 13 avril 2006 ;
Attendu que pour décider que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'il ressort des données chiffrées communiquées au comité d'entreprise que l'évolution globale de l'entreprise en 2005 est supérieure à 6, 85 % par rapport à 2004 et de 4, 15 % par rapport à l'objectif fixé et que la société ne justifie pas en quoi sa décision de réorganisation doit contribuer à la sauvegarde de l'entreprise, par ailleurs financièrement saine ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses propres énonciations que les moyens oralement présentés à l'audience étaient ceux développés par les parties dans leurs écritures et que, dans celles-ci, le salarié se bornait à soutenir qu'ayant accepté une des propositions de reclassement que lui avait adressées l'employeur il n'aurait pas dû être licencié, sans remettre en cause le motif économique de la rupture, ce dont il résulte que la cour d'appel, qui a soulevé ce moyen sans avoir au préalable recueilli les observations des parties, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux conseils pour la société Imprimerie IPS
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. X... était sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société Imprimerie IPS à verser à M. X... les sommes de 34. 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 1. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à rembourser aux organismes concernés les allocations chômage versées à M. X... dans la limite de six mois,
AUX MOTIFS QUE la société Imprimerie IPS se recommande de l'application conjuguée des articles L. 1222-6, L. 1233-3 et L. 1233-4 du code du travail afin de légitimer le licenciement pour motif économique de M. Jean-Claude X... auquel elle a procédé ; que lesdits articles disposent :- article L. 1222-6 : « Lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. A défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée » ;- article L. 1233-3 : « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques » ;- article L. 1233-4 : « Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises » ; qu'en l'espèce, conformément à l'article L. 1222-6, la société Imprimerie IPS a fait savoir à M. X..., le 23 janvier 2006, qu'elle réorganisait ses activités, à savoir que les titres Régicom étaient transférés sur le site de Rennes, avec, pour conséquence, de diminuer le nombre de tournées sur le site de Moncé, qu'elle envisageait, dès lors, de transformer son contrat de travail à temps plein en un contrat de travail à temps partiel … ; que celui-ci a répondu négativement le 20 février 2006 ; que c'est, à la suite, que la procédure de licenciement a été engagée qui s'est conclue le 13 avril 2006 par le courrier de notification suivant : « … lors de cet entretien, nous vous avons rappelé les causes qui nous conduisent aujourd'hui à prononcer votre licenciement pour motif économique. Le comité d'entreprise lors des réunions des 16/ 09/ 2005 et 18/ 10/ 2005 a été informé que, suite à une réorganisation, les titres Régicom qui étaient fabriqués à Moncé devaient être transférés sur cinq autres sites de notre société. Cette répartition des titres a eu pour conséquence de diminuer le nombre de vos tournées en tant que coursier de Moncé. C'est pourquoi, il vous a été proposé une modification de votre contrat de travail en diminuant votre temps de travail à hauteur de 18h15. Conformément à l'article L. 321-1-2 du code du travail, vous avez disposé d'un délai d'un mois à compter du 2 janvier 2006 pour accepter cette proposition. Par retour de courrier en date du 20 février dernier, vous nous avez confirmé votre refus. Lors de votre entretien du 3/ 04/ 2006, vous nous avez fait part d'autres alternatives possibles en réorganisant les tournées. Par courrier du 10 avril, nous vous avons encore proposé deux autres possibilités pour maintenir votre poste en tant que coursier et maintenir ainsi votre horaire hebdomadaire à 35 heures. Vous nous avez répondu le 10 avril 2006 que vous refusiez ces deux dernières propositions. Nous avons informé le comité d'entreprise le 29 mars dernier et remis une note d'information sur le projet de modification essentielle du contrat de travail. Cette note prévoit :- des reclassements internes tels qu'ils vous ont été remis par courrier en mains propres lors de l'entretien préalable ;- un reclassement externe par le bénéfice du congé de reclassement. Vous disposez dans le cadre du congé de reclassement d'un délai de huit jours à compter de la date de notification de votre licenciement pour faire connaître votre accord. Votre silence au terme de ce délai de 8 jours vaudra refus du congé de reclassement, votre préavis … » ; qu'il sera rappelé que les termes de cette lettre fixent les limites du litige et, peuvent, seuls, être examinés par le juge appelé à se prononcer sur leur caractère réel et sérieux (articles L. 1233-2 et L. 1235-1 du code du travail) ; que si, sans conteste, M. X... a refusé une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail, encore faut-il pour que le licenciement pour motif économique qui a suivi se justifie, que ladite modification soit la conséquence de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou bien encore de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient afin, justement de prévenir les difficultés (économiques) à venir ; que rien de tel ne ressort de la lettre évoquée ; que la société Imprimerie IPS, qui a son siège dans les Bouches-du-Rhône, a pour objet social la réalisation de tous travaux d'imprimerie ; qu'elle se dit spécialisée dans l'impression des journaux gratuits et compte quinze établissements secondaires en France (extrait Kbis) ; que cette société fait, elle-même, partie d'un groupe, SPIR Communication ; quant aux procès-verbaux de réunion du comité d'entreprise des 16 septembre et 28 novembre 2005, seul le second est produit qui ne contient pas d'informations particulières sur la réorganisation, a priori, d'ores et déjà entamée (cf. « changements d'affectation de studio pre-presse ») ; que les seules données chiffrées sont propres à la société Imprimerie IPS et résultent d'informations communiquées au comité d'entreprise lors de sa réunion du 31 janvier 2006, selon lesquelles :- le chiffre d'affaires « total » pour l'année 2005 est en augmentation de 4, 4 % par rapport à l'année précédente, soit 128. 815 Keuros comparés à 123. 338 Keuros ;- le chiffre d'affaires « externe » pour l'année 2005 est également en augmentation de 6, 68 % par rapport à l'année précédente, soit 32. 479 Keuros comparés à 30. 446 Keuros ;- le résultat avant clôture du bilan s'établit pour l'année 2005 à 14. 117 Keuros, ce qui représente une augmentation de 22 % par rapport à l'objectif qui avait été fixé mais une diminution de 16 % par apport à celui de l'année précédente, soit 14. 117 Keuros comparés à 16. 878 Keuros ; que la conclusion est que l'évolution globale en 2005 est supérieure à 6, 85 % par rapport à 2004 et de 4, 15 % par rapport à l'objectif ; qu'il est encore fait allusion dans un nouveau procèsverbal de réunion du comité d'entreprise du 29 mars 2006 de ce que « la situation de Regicom reste économiquement pas bonne, même si la pagination augmente, une politique différente a été mise en place qui tend vers une baisse des prix pour prendre des parts de marché, une politique volontaire de ramener SPIR dans les normes a été présentée par P. Leoni lors du rassemblement des managers en Suisse, Jean-Michel Z...(directeur générale adjoint de la société) en présentera les axes principaux au prochain comité » ; qu'en conséquence, faute pour la société Imprimerie IPS de justifier, précisément, en quoi sa décision de réorganisation doit contribuer à la sauvegarde de ka compétitivité de l'entreprise, par ailleurs financièrement saine, ou du secteur d'activité du groupe (cf. organigramme) auquel elle appartient, et ce, au moment où elle procède au licenciement pour motif économique de M. X..., ledit licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le seul souci d'une meilleure gestion ne saurait, en tout cas, suffire ; que le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé sur ce point ;
1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que si, lorsque la procédure est orale, les moyens soulevés d'office sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, il peut être apporté la preuve contraire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'à l'appui de son appel, M. X... soutenait dans ses conclusions qu'il avait reprises à l'audience que son licenciement pour motif économique était sans cause réelle et sérieuse parce qu'il avait répondu favorablement à l'une des propositions de reclassement qui lui avaient été faites ; qu'elle a également constaté qu'en réponse, la société Imprimerie IPS faisait valoir dans ses conclusions qu'elle avait reprises à l'audience que M. X... avait refusé l'ensemble des propositions de reclassement qui lui avaient été faites ; qu'il s'en évinçait que les moyens débattus entre les parties à l'audience ne concernaient que l'acceptation, ou non, par M. X... d'une des propositions de reclassement qui lui avaient été faites, et que c'est donc d'office, et sans débat contradictoire, que la cour d'appel a relevé que le licenciement de M. X... était sans cause réelle et sérieuse parce que la société Imprimerie IPS ne justifiait pas que la réorganisation à l'origine de la proposition de modification du contrat de travail faite à M. X... était justifiée par la nécessaire sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe ; qu'en statuant ainsi, quand elle avait énoncé que les parties avaient soutenu oralement à l'audience les moyens développés dans leurs conclusions et que celles-ci ne comportaient aucun moyen tiré de l'absence de motif économique de la réorganisation, la cour d'appel, qui a soulevé d'office ce moyen sans avoir préalablement recueilli les observations des parties, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que si, lorsque la procédure est orale, les pièces sont présumées avoir été débattues contradictoirement, il peut être apporté la preuve contraire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a énoncé que les parties avaient soutenu oralement à l'audience les moyens développés dans leurs conclusions ; que celles-ci ne comportaient aucun moyen tiré de l'absence de motif économique justifiant la proposition de modification du contrat de travail faite à M. X... ; que c'est donc d'office que la cour d'appel a relevé qu'il ressortait des procès-verbaux de réunion du comité d'entreprise des 28 novembre 2005, 31 janvier 2006 et 29 mars 2006 qu'il n'était pas justifié que la réorganisation de la société Imprimerie IPS devait contribuer à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe, ou à faire face à des difficultés économiques ; qu'en statuant ainsi sur le fondement des procès-verbaux du comité d'entreprise dont il ressortait des constatations mêmes de la cour d'appel qu'ils n'avaient pas été débattus contradictoirement, la cour d'appel a derechef violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que n'était pas produit au débat le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 16 septembre 2005 ; qu'il ressortait de la lettre de licenciement que cette réunion était la première réunion d'information du comité d'entreprise sur la réorganisation ; qu'en relevant d'office que la société Imprimerie IPS ne justifiait pas que la réorganisation à l'origine de la proposition de modification du contrat de travail faite à M. X... était motivée par la nécessaire sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe, en se fondant pour ce faire sur des procès-verbaux de réunion du comité d'entreprise des 28 novembre 2005, 31 janvier 2006 et 29 mars 2006, sans avoir invité la société Imprimerie IPS à produire le procèsverbal de la réunion du 16 septembre 2005, qui était la seule réunion au cours de laquelle avaient été évoquées les raisons économiques de la réorganisation, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal de manière équitable ; que le juge doit faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire, notamment en permettant aux parties de faire valoir leurs moyens ; qu'en l'espèce, en soulevant d'office un moyen qui n'était pas dans le débat et en ne permettant pas à la société Imprimerie IPS d'y répondre, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-14934
Date de la décision : 30/06/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 26 janvier 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 jui. 2011, pourvoi n°10-14934


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.14934
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