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29/06/2011 | FRANCE | N°10-28628

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 juin 2011, 10-28628


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties :
Vu les articles L. 2121-1-5°, L. 2122-1, L. 2141-10, L. 2143-3, L. 2232- 17et L. 2322-5 du code du travail et l'article 378 du code de procédure civile ;
Attendu que, sauf accord collectif en disposant autrement, le périmètre de désignation des délégués syndicaux est le même que celui retenu, lors des dernières élections, pour la mise en place du comité d'entreprise ou d'établissement ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que la sociét

é Altran technologies et la société Altran CIS, constituant entre elles une un...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties :
Vu les articles L. 2121-1-5°, L. 2122-1, L. 2141-10, L. 2143-3, L. 2232- 17et L. 2322-5 du code du travail et l'article 378 du code de procédure civile ;
Attendu que, sauf accord collectif en disposant autrement, le périmètre de désignation des délégués syndicaux est le même que celui retenu, lors des dernières élections, pour la mise en place du comité d'entreprise ou d'établissement ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que la société Altran technologies et la société Altran CIS, constituant entre elles une unité économique et sociale, ont saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de la désignation par la Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention, le 10 juin 2010, de M. X...en qualité de délégué syndical de " l'établissement Altran Rhône-Alpes ", en alléguant que cet établissement n'était pas un établissement distinct pour la désignation d'un délégué syndical ;
Attendu que pour annuler cette désignation, le tribunal, après avoir constaté que le site Altran Rhône-Alpes était composé de plus de cinq cents salariés, qu'il disposait de sa propre direction administrative dirigée par un représentant de l'employeur ayant sous sa responsabilité le service de gestion des ressources humaines, la comptabilité, et les services généraux, et qu'il appliquait une politique particulière s'agissant de l'élaboration des règles relatives à l'organisation du travail, à la prévention des risques et au développement durable, estime que les conditions de travail restent régies par la direction centrale, et qu'il n'est pas démontré qu'il ait été mis en oeuvre une activité ou un mode de gestion spécifiques au site de Rhône-Alpes ;
Qu'en statuant comme il l'a fait, alors qu'il lui appartenait de vérifier si le périmètre de désignation du délégué syndical était celui retenu pour la mise en place du comité d'établissement ou, à défaut, s'il résultait d'un accord collectif fixant un périmètre plus restreint pour la désignation des délégués syndicaux, le tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 17 décembre 2010, entre les parties, par le tribunal d'instance de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Villefranche-sur-Saône ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Altran technologies et Altran CIS à payer à la Fédération nationale des personnels CGT des sociétés d'études, de conseil et de prévention et à M. X..., la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour la Fédération nationale des personnels CGT des sociétés d'études, de conseil et de prévention et pour M. X....
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR annulé la désignation du 10 juin 2010 de monsieur Patrice X...en qualité de délégué syndical de l'établissement Altran Rhône-Alpes par la Fédération Nationale des personnels CGT des sociétés d'études de conseil et de prévention.
AUX MOTIFS QU'historiquement, la société Altran Technologies résulte de la fusion de 26 sociétés en 2006 et la société Altran CIS de la fusion de 11 sociétés en 2008 ; que ces deux sociétés assurent aux entreprises des conseils en innovations et en hautes technologies ; que par jugement du 3 avril 2009, le tribunal d'instance de paris 17e a constaté l'existence d'une Unité Économique et Sociale entre ces deux sociétés ; qu'il est constant que le groupe Altran au regard de l'organigramme produit, comporte un pôle " CIS " ainsi que deux pôle géographiques : le premier dénommé " Paris Libertis " et le second " Régions ". Ce dernier comporte 5 équipes différenciées par leur localisation (Nord, Méditerranée, Est, Ouest, Sud-Ouest et Rhône-Alpes), sans aucune spécificité de compétences, à la différence du pôle " Paris Libertis " qui se subdivise en 5 secteurs d'activités (Télécom et médias, Aérospatiale et défense, " Energy, Life science and environment ", " Automotive, infrastructure and transportation, conseil transverse à très forte valeur ajoutée ") ; que c'est d'ailleurs sur la base de cette organisation géographique et sur l'absence de particularités régionales d'activités que la Direction départementale du travail confirmée par le Ministère du Travail a considéré le 31 août 2009, que le nombre d'établissements distincts pour les élections des comités d'établissements devait être fixé à 2 (Pôle Paris et Pôle Régions) ; que l'établissement Altran Rhône-Alpes compte au 31 décembre 2009, plus de 500 salariés repartis sur 3 agences (Lyon, Valence et Echirolles), sur un effectif d'ensemble de plus de 7. 000 employés ; que la fédération CGT et monsieur X...ne contestent pas l'application de la politique générale définie au niveau central par le groupe Altran mais insistent sur la spécificité de l'établissement en Rhône-Alpes ; qu'au sens de la jurisprudence bien établie sur ce point, caractérise un établissement distinct permettant la désignation de délégués syndicaux le regroupement sous la direction d'un représentant de l'employeur, d'au moins cinquante salariés constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques, peu important que le représentant de l'employeur ait le pouvoir de se prononcer sur ces revendications ; que le premier critère relatif à l'effectif de l'établissement ne pose aucune difficulté ; que selon les organigrammes versés aux débats par les défendeurs, l'établissement Altran Rhône-Alpes comporte, à l'instar des autres établissements régionaux, une direction propre assurée par monsieur Y...ainsi que différents services administratifs dont la comptabilité, les services généraux et les ressources humaines ; qu'il compte par ailleurs 5 équipes affectées aux 5 mêmes secteurs d'activités que connaît le Pôle " Paris Libertis " ; que par ailleurs, les pièces produites démontrent que l'établissement Rhône-Alpes connaît une politique propre intitulée " Santé, Sécurité et environnement " (SSE) qui consiste en l'élaboration et l'application de différentes règles relatives à l'organisation du travail, à la prévention des risques et au développement durable. Cette politique définie dès mai 2010 par monsieur Y...et propre à la région Rhône-Alpes vise à diminuer le nombre d'accidents et assurer un environnement de travail sain afin d'améliorer les conditions de travail des salariés. Toutefois, il n'est pas démontré que cette politique écologique ait mis en oeuvre des conditions de travail particulières ; qu'en outre, le syndicat CGT invoque la création propre à la région Rhône-Alpes d'une " marque d'Altran Rhône-Alpes " ainsi que cela apparaît sur la page de présentation de ladite marque sur le site Altran Rhône-Alpes. Cette marque qui vise le conseil en environnement, santé et sécurité est basée seulement à Lyon et Grenoble, par le biais de formations dispensées à tout type d'industrie ; que néanmoins, si cette branche d'activité apparaît comme unique sur l'ensemble des sites géographiques ou fonctionnels du groupe Altran, elle n'en constitue pas une spécificité de l'établissement Rhône-Alpes, mais simplement une branche dont le ressort s'étend sur tout le territoire national. Il n'est d'ailleurs pas démontré que cette activité englobe l'ensemble des effectifs de l'établissement ; que s'agissant de la gestion du personnel, il ressort des documents versés aux débats que les conditions de travail sont bien régies par la direction centrale dans la rédaction des trames de contrat de travail la fixation de la durée du travail, ou la fixation du salaire. Certes, la direction régionale concentre un pouvoir décisionnel par la signature des contrats de travail. Mais, il est à noter que l'ensemble des contrats de travail relève de modèles uniques définis au niveau central dont les seules variantes qui elles aussi sont pré-déterminées par les organes centraux, concernent la catégorie dont relève le salarié. Il en va de même des entretiens individuels dans le cadre de la gestion des carrières, ces documents étant des " référentiels-types " destinés au service central des ressources humaines qui a seul compétence pour en apprécier le contenu. D'ailleurs, la mise en place d'une direction locale dans chaque établissement s'avère être une nécessité au regard de l'importance du groupe, sur le plan économique mais également en terme d'effectifs. Cette direction locale assure essentiellement la mise en oeuvre des décisions prises au siège social parisien avec des moyens centralisés : tel est le cas du logiciel commun de paye, de la centralisation des embauches. Ainsi, les absences, les frais de déplacement, les dates de congés payés ne peuvent être que regroupés, compte tenu du nombre total de salariés, au niveau du service RH local qui a vocation à servir de relais, et ces éléments sont ensuite centralisés au service de paye unique situé au siège social du groupe. Les notes d'information émanant du directeur local sur la prise des congés payés par exemple, n'ont d'autre objectif que de rappeler aux employés la position arrêtée par le groupe. En tout état de cause, il est justifié par le groupe Altran d'une délégation de pouvoirs au profit de monsieur William Z...désigné directeur exécutif France Régions et chargé, par délégation de monsieur Yves A..., Président du Conseil d'administration et directeur général d'Altran Technologies, de procéder aux embauches, aux ruptures de contrat, à la définition des conditions de travail avec faculté de subdélégation au bénéfice des directeurs régionaux ; que la diffusion d'un magazine au niveau local, et dont le principe existe d'ailleurs dans d'autres établissements du groupe, ne saurait suffire à créer une spécificité à l'établissement. Il s'agit d'un mode de communication fréquent dans les grands groupes de sociétés destiné à fédérer davantage les employés, qui portent sur des thèmes variés, souvent de loisirs ou de portraits de salariés, ou les succès de l'entité, tout en rappelant par des messages de la direction centrale informatisée de cette initiative, l'affiliation au groupe ; qu'en outre, les échanges de mails entre la direction centrale et les instances de direction locales attestent non seulement que la direction centrale intervient au niveau local à titre de conseil, mais aussi et surtout, elle valide les propositions disciplinaires prises par les établissements, décide des sanctions, signe manifeste de l'absence de toute déconcentration du pouvoir au niveau local dans la gestion du personnel et au contraire de l'interventionnisme hiérarchique au niveau central ; que de la même façon, les fiches internes établies par la direction régionale démontrent qu'il existe certes une stratégie locale de développement d'activité, notamment ciblée sur le développement par Altran Rhône-Alpes de " grands clients " locaux tels que Sanofi, Renault Trucks, HP, BT ou Areva. Mais, ces stratégies particulières pour répondre aux demandes de clients importants existent aussi dans les autres Régions et il n'est pas démontré en quoi les salariés Rhône-Alpes d'Altran auraient une organisation particulière du fait de leurs clients. Seule la proximité peut être une spécificité mais qui se retrouve auprès des autres sites qui se trouvent sur les sièges sociaux d'autres grandes entreprises. En tout cas, il n'est pas attesté de conditions de travail particulières dans la prise en charge de ces contrats qui justifieraient un traitement particulier des employés et une différenciation au regard des autres salariés ; que si les salariés peuvent légitimement présenter des observations, il est démontré par les pièces produites que les délégués du personnel ont une écoute auprès de la direction locale mais qu'il n'est pas nécessaire en l'absence de particularisme local, d'instaurer une négociation collective à cette échelle ; qu'il résulte de tout ce qui précède que les défendeurs ne rapportent pas la preuve d'une particularité significative du site d'Altran Rhône-Alpes de nature à caractériser l'existence d'une communauté de travail ayant des intérêts propres susceptibles de susciter des revendications communes et spécifiques ; que dans ces conditions, la désignation de monsieur X...en qualité de délégué syndical CGT de l'établissement Rhône-Alpes en date du 10 juin 2010, doit être annulée.

1) ALORS QUE caractérise un établissement distinct permettant la désignation de délégués syndicaux le regroupement sous la direction d'un représentant de l'employeur d'au moins cinquante salariés constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques ; que pour annuler la désignation de monsieur X...en qualité de délégué syndical de l'établissement Altran Rhône-Alpes, le tribunal a dit que la preuve n'était pas rapportée d'une particularité significative de ce site de nature à caractériser une telle communauté de travail ; qu'en statuant ainsi quand il résulte de ses propres constatations que l'établissement Altran Rhône-Alpes dispose d'une direction propre et différents services administratifs dont la comptabilité, les services généraux et les ressources humaines (dont un Directeur des Ressources Humaines) ; que cet établissement développe (à l'exclusion des autres sites du groupe) une politique propre à la région dite « Santé, Sécurité, Environnement » en matière de sécurité et d'organisation du travail, laquelle se manifeste par des formations dispensées exclusivement à Lyon et à Grenoble ; qu'en matière de gestion du personnel la direction régionale conserve un pouvoir décisionnel pour procéder aux embauches, aux ruptures de contrats et à la définition des conditions de travail ; qu'enfin il existe une stratégie locale de développement d'activité ciblée sur de grands clients, le tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 2143-3 du code du travail ;
2) ALORS QUE dans leurs conclusions, la Fédération et monsieur X...faisaient valoir que l'affectation des salariés dans les entreprises locales ou régionales spécialisées dans les domaines de la chimie, de l'automobile ou du nucléaire influait nécessairement sur leurs conditions de travail liées aux spécificités des clients tant sur les horaires de travail que sur la politique de rémunération (liée aux objectifs fixés par le contrat-client) ou encore la sécurité (notamment dans le nucléaire) ; qu'ils ajoutaient que les consultants n'étaient pas polyvalents d'une région à l'autre (cf. conclusions p. 12 et 13) ; qu'en retenant qu'il n'était pas attesté de conditions de travail particulières dans la prise en charge de cette clientèle, qui justifieraient un traitement particulier des employés et une différenciation au regard des autres salariés, sans répondre à ces conclusions, le tribunal d'instance a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE la reconnaissance d'un établissement distinct pour la mise en place d'un comité d'établissement permet nécessairement la désignation d'un délégué syndical ; qu'à l'appui de sa décision le tribunal d'instance a retenu que c'est sur la base de l'organisation géographique du groupe et sur l'absence de particularités régionales d'activités que la direction départementale du travail confirmée par le ministre du travail a considéré le 31 août 2009, que le nombre d'établissements distincts pour les élections des comités d'établissements devait être fixé à deux (pôle Paris et pôle régions) ; qu'en statuant ainsi sans prendre en considération le recours exercé à l'encontre de ces décisions devant le tribunal administratif de Versailles, tant au fond qu'en référé et encore pendant, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2143-3 du code du travail ;
4) ALORS QUE pour dire que le site d'Altran Rhône-Alpes ne constituait pas un établissement distinct pour la désignation des délégués syndicaux, le tribunal d'instance a retenu que si les salariés pouvaient légitimement présenter des observations, il est démontré que les délégués du personnel ont une écoute auprès de la direction locale et qu'il n'est pas nécessaire, en l'absence de particularisme local, d'instaurer une négociation collective à cette échelle ; qu'en statuant ainsi sans tenir compte d'une part de l'éloignement géographique du site d'Altran Rhône-Alpes par rapport aux autres site de l'UES (Est ; Ouest ; Sud-Ouest ; Méditerranée ; Gouvion ; Levallois), d'autre part des spécificités du statut collectif local des sociétés lyonnaises fusionnées – spécificités qui perdurent après la fusion, faute d'accord d'harmonisation, le tribunal d'instance a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2143-3 du code du travail.
Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-28628
Date de la décision : 29/06/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Lyon, 17 décembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 jui. 2011, pourvoi n°10-28628


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.28628
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