LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société Murlaur,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'ORLÉANS, chambre correctionnelle, en date du 2 février 2010, qui, pour pratiques commerciales trompeuses et publicité comparative illicite, l'a condamnée à 8 000 euros d'amende, a ordonné une mesure d'affichage, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111- 4, 121-2 du code pénal, L. 121-1, L. 121-5, L. 121-8 et L. 121-14 du code de la consommation, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société Murlaur, coupable de pratique commerciale trompeuse et de publicité comparative illicite et l'a condamnée à la peine d'amende de 8 000 euros ;
"aux motifs que, le 24 mai 2008, avait été apposée, à l'intérieur du magasin Intermarché exploité par la société Murlaur, une affiche à l'intention des clients sur laquelle était indiqué que ce magasin était le moins cher de la ville en 2007 pour 8 000 produits et que, «preuves à l'appui», ce serait encore le cas pour les mois de janvier, février, mars et avril 2008 ; qu'il avait été relevé, concernant le mois d'avril 2008, que sur 3960 produits de marques nationales identiques, le magasin Intermarché obtenait un indice de 101,01 tandis que le magasin Super U un indice de 100, que sur des produits de marque distributeur, non strictement comparables, le magasin Super U obtenait un indice de 100 et Intermarché un indice de 99,7 et que sur les produits – premier prix- non strictement comparables entre les enseignes, Super U obtenait un indice de 100 et Intermarché un indice de 102,3 ; que ces éléments étaient plutôt en faveur d'une plus grande compétitivité de la société Deshayes Neuville exploitant le magasin Super U ; que les relevés de prix fournis par la société Murlaur portaient sur 4777 produits comparables, soit bien moins que le nombre annoncé ; qu'ainsi les agissements de la société Murlaur qui avait apposé à l'intérieur de son magasin une affiche à l'intention des consommateurs, sur laquelle elle prétendait être moins chère sur 8000 produits, étaient constitutifs du délit de publicité trompeuse et du délit de publicité comparative illicite, les produits n'étant pas objectivement comparables, s'agissant au surplus de produits qui n'avaient pas été inventoriés et décrits de manière précise ; que, de toute évidence, la publicité avait été faite de mauvaise foi, dans un contexte de rivalité commerciale forte et en conscience d'induire le consommateur en erreur ;
"alors que la personne morale ne peut être déclarée pénalement responsable que si l'infraction a été commise, pour son compte, par un organe ou un représentant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à évoquer les agissements délictueux de la société, sans rechercher si les publicités reprochées avaient été réalisées par un organe ou un représentant de celle-ci" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de la maxime non bis in idem et de la règle specialia generalibus derogant, des articles L. 121-1, L. 121-8 du code de la consommation, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société Murlaur, coupable de pratique commerciale trompeuse et de publicité comparative illicite et l'a condamnée à la peine d'amende de 8 000 euros ;
"aux motifs que, le 24 mai 2008, avait été apposée à l'intérieur du magasin Intermarché exploité par la société Murlaur, une affiche à l'intention des clients sur laquelle était indiqué que ce magasin était le moins cher de la ville en 2007 pour 8 000 produits et que, « preuves à l'appui », ce serait encore le cas pour les mois de janvier, février, mars et avril 2008 ; qu'il avait été relevé concernant le mois d'avril 2008 que, sur 3 960 produits de marques nationales identiques, le magasin Intermarché obtenait un indice de 101,01 tandis que le magasin Super U un indice de 100, que sur des produits de marque distributeur, non strictement comparables, le magasin Super U obtenait un indice de 100 et Intermarché un indice de 99,7 et que sur les produits - premier prix - non strictement comparables entre les enseignes, Super U obtenait un indice de 100 et Intermarché un indice de 102,3 ; que ces éléments étaient plutôt en faveur d'une plus grande compétitivité de la société Deshayes Neuville exploitant le magasin Super U ; que les relevés de prix fournis par la société Murlaur portaient sur 4777 produits comparables, soit bien moins que le nombre annoncé ; qu'ainsi les agissements de la société Murlaur qui avait apposé à l'intérieur de son magasin une affiche à l'intention des consommateurs, sur laquelle elle prétendait être moins chère sur 8000 produits étaient constitutifs du délit de publicité trompeuse et du délit de publicité comparative illicite, les produits n'étant pas objectivement comparables, s'agissant au surplus de produits qui n'avaient pas été inventoriés et décrits de manière précise ; que le message délivré invitait à la comparaison implicite avec les concurrents de la société Murlaur, concurrent d'autant plus facile à identifier qu'il était le seul installé dans la ville de Neuville-aux-Bois ; que cette publicité comparative se contentait de présenter le magasin Intermarché de la société Murlaur comme étant le moins cher, sans opérer de comparaison objective sur les produits clairement identifiés ;
"alors que un fait unique ne peut donner lieu à deux déclarations de culpabilité si la valeur protégée est commune aux deux infractions; qu'en déclarant l'exposante coupable du délit de publicité comparative illicite réprimé à l'article L. 121-8 du code de la consommation et en la déclarant également coupable de pratique commerciale trompeuse sur les prix au sens de l'article L. 121-1, 2° c, du même code, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé, dès lors que la publicité mensongère qui porte sur le prix se réalise par une publicité comparative illicite car trompeuse" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Murlaur, qui exploite un magasin supermarché dans la commune de Neuville-aux-Bois (Loiret), sous l'enseigne Intermarché a fait apposer, le 24 mai 2008, à l'intérieur de son magasin une affiche indiquant qu'en 2007 elle avait été la moins chère de la ville sur huit mille produits ainsi qu'au cours des quatre premiers mois de 2008 ; que la société Deshayes Neuville, qui exploite, le second supermarché de la ville, sous l'enseigne Super U, l'a fait citer directement devant le tribunal correctionnel, des chefs, d'une part, de publicité mensongère, l'annonce prétendant faussement qu'elle avait pratiqué les prix les plus bas et, d'autre part, de publicité comparative illicite en l'absence de comparaison objective des prix pratiqués portant sur des produits clairement identifiés ;
Attendu que, pour retenir la prévenue dans les liens de la prévention, la cour d'appel prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, dont il résulte que la publicité incriminée prétendait faussement que la société Murlaur pratiquait les prix les moins élevés de la ville et invitait, en outre, à une comparaison implicite avec son unique concurrent, sans opérer de comparaison objective sur des produits clairement identifiés, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Attendu que, d'une part, la prévenue n'a pas soutenu devant les juges du fond que la publicité litigieuse n'aurait pas été faite pour son compte par un organe ou un représentant ; que, d'autre part, elle est sans intérêt à reprocher à la cour d'appel de l'avoir déclarée coupable des mêmes faits sous plusieurs qualifications, dès lors qu'une seule peine a été prononcée ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;
Mais sur le moyen relevé d'office, et pris de la violation de l'article 111-3, alinéa second, du code pénal et des articles L. 121-1, L. 121-4, L. 121-6, L. 121-8, L 121-14 et L. 213-1 du code de la consommation ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 111-3, alinéa second, du code pénal, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;
Attendu que, la cour d'appel, après avoir condamné la prévenue des chefs de pratiques commerciales trompeuses et de publicité comparative illicite, a ordonné notamment l'affichage de la décision pour une durée d'un mois sur l'ensemble des portes du magasin de la société Murlaur ;
Mais attendu que, si l'article L. 121-4 du code de la consommation prévoit la publication de la condamnation, il n'en autorise pas l'affichage ;
D'où il suit que l'arrêt encourt la cassation pour avoir méconnu le texte ci dessus rappelé ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Orléans, en date du 2 février 2010, en ses seules dispositions concernant l'affichage de la condamnation, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que la société Murlaur devra payer à la société Deshayes Neuville au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Orléans et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Radenne conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;