LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22/10/2009), que, pour l'édification d'une serre de culture de tomates, M. X..., maître de l'ouvrage, a chargé la société Liziard de la réalisation de la plate-forme d'assise, la société Horconex, assurée par la société Generali, de la fourniture, du montage de la structure, du chauffage, et la société Jézèquel du nivellement définitif du sol ; que l'exploitation de la serre ayant été interrompue par des désordres du sol, M. X..., après expertise, a assigné les constructeurs en réparation ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, délibéré par la deuxième chambre :
Attendu que la société Jézèquel fait grief à l'arrêt de déclarer recevables les prétentions émises contre elle en appel par la société Liziard, alors, selon le moyen, que la demande de condamnation en garantie formée contre un coresponsable pour la première fois en cause d'appel ne tend pas aux mêmes fins que les prétentions présentées devant le premier juge ne tendant qu'au rejet de l'action en responsabilité de la victime, fussent-elles motivées par l'imputation du dommage à un éventuel coresponsable ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 564 et 565 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la société Liziard avait demandé subsidiairement au tribunal, s'il admettait l'existence d'un ouvrage, de dire que le constructeur de cet ouvrage était la société Jézèquel, et de débouter par conséquent M. X... de toute demande à son encontre, la cour d'appel a décidé à juste titre que les prétentions émises par cette société dans ses conclusions d'appel, qui, de même que devant le premier juge, visaient à voir retenir la responsabilité de la société Jézèquel en qualité de constructeur de l'ouvrage pour faire écarter sa propre responsabilité, ou a fortiori, la voir atténuer, tendaient aux mêmes fins que celles soumises au tribunal ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Jézèquel fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que dans leurs rapports entre elles, les sociétés Liziard, Horconex et Jézèquel doivent supporter la charge des condamnations à hauteur respectivement de 20%, 20% et 60%, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en se bornant à retenir la faute, commune aux trois entrepreneurs, ayant consisté à ne pas avoir exigé une étude de sol préalable à l'édification de la serre, sans répondre aux conclusions de la société Jézèquel qui soutenait que la société Liziard avait commis une faute supplémentaire dans la conception de la serre en procédant au choix de la terre qui s'était révélée inadaptée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut au défaut de motifs ; qu'en procédant à une répartition différente des responsabilités des sociétés Liziard, Jézèquel et Horconex dans les motifs (20%, 40% et 20%) et dans le dispositif (20%, 60%, 20%), la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu que l'existence d'une même faute à la charge de chacun des trois constructeurs pour n'avoir pas exigé d'étude de sol préalable à l'édification de la serre, alors même que leurs travaux nécessitaient, pour être réalisés sans dommage, que la terre possède certaines caractéristiques précises, et, répondant aux conclusions, que cette faute était plus importante pour la société Jézèquel, qui, s'étant aperçue des caractéristiques inhabituelles présentées par la terre, n'avait pas avisé par écrit le maître de l'ouvrage, lequel n'avait pu prendre les dispositions utiles qui s'imposaient pour vérifier dans quelles mesures les caractéristiques décrites étaient susceptibles de remettre en cause le bon fonctionnement de la serre, la cour d'appel, abstraction faite d'une erreur matérielle dans les motifs de sa décision qui ne donne pas ouverture à cassation, a souverainement apprécié, en fonction de la gravité respectives des fautes en présence, la part de responsabilité incombant à chacune des sociétés Liziard, Horconex, et Jézèquel ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Travaux agricoles Jézèquel et fils aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Travaux agricoles Jézèquel et fils à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; à la société Entreprise Liziard la somme de 2 500 euros, à la société Generali IARD la somme de 2 500 euros et à la société Horconex la somme de 2 500 euros ;
Rejette la demande de la société Travaux agricoles Jézèquel et fils ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux conseils pour la société Travaux agricoles Jézèquel et fils
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevables les prétentions émises par la société Liziard contre la société Travaux agricoles Jezequel et fils, et d'avoir dit, en conséquence, que dans leurs rapports entre elles, les sociétés Liziard, Horconex et Travaux agricoles Jezequel et fils supporteront la charge des condamnations envers monsieur X... à hauteur respectivement de 20%, 20% et 60 % ;
AUX MOTIFS QUE la société Jezequel soutient que les prétentions de la société Liziard visant à voir dire qu'elle était constructeur de l'ouvrage, et qu'à ce titre, sa responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage doit être retenue in solidum avec les appelantes, pour que, dans les rapports entre les constructeurs, elle soit tenue à proportion de sa faute, seraient nouvelles comme n'ayant pas été formées devant le premier juge et de ce fait irrecevables ; que toutefois devant le premier juge, la société Liziard avait conclu en demandant « de dire que le constructeur de cet ouvrage serait la société Jezequel qui a procédé à ce compactage et livré cet ouvrage à monsieur X... » et de « débouter par conséquent monsieur X... de toute demande à l'encontre de la société Liziard » ; qu'en vertu des dispositions de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ; que tel est le cas des prétentions émises par la société Liziard dans ses conclusions d'appel, qui, de même que devant le premier juge, visent à voir retenir la responsabilité de la société Jezequel en qualité de constructeur de l'ouvrage afin de voir, soit écarter sa propre responsabilité, soit a fortiori, la minimiser dans ses conséquences indemnitaires ; qu'enfin ces prétentions se combinent avec celles de monsieur X... visant à une condamnation in solidum de la société Jezequel avec les sociétés Liziard et Horconex ;
1°) ALORS QUE la demande de condamnation en garantie formée contre un coresponsable pour la première fois en cause d'appel ne tend pas aux mêmes fins que les prétentions présentées devant le premier juge ne tendant qu'au rejet de l'action en responsabilité de la victime, fussent-elles motivées par l'imputation du dommage à un éventuel coresponsable ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 564 et 565 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU' en rejetant l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société Travaux agricoles Jezequel et fils au motif inopérant que les prétentions de la société Liziard se combinent avec celles de monsieur X... tendant à une condamnation in solidum de la société Jezequel avec les sociétés Liziard et Horconex, la cour d'appel a violé les articles 564 et 565 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit, après avoir condamné in solidum les sociétés Entreprise Liziard, Horconex et Travaux agricoles Jezequel et fils à payer à monsieur X... la somme de 365.662,41 € au titre de la remise en état de la serre et celle de 182.200 € au titre du préjudice d'exploitation, que dans leurs rapports entre elles, les sociétés Liziard, Horconex et Travaux agricoles Jezequel et fils supporteront la charge des condamnations à hauteur respectivement de 20%, 20% et 60% ;
AUX MOTIFS QUE monsieur Y... considère que, quels que soient les usages prétendus en la matière, aucun des constructeurs de l'ouvrage n'aurait dû accepter d'intervenir sans qu'ait été réalisée une étude du sol préalable ; qu'il rappelle à cet égard qu'aucune des sociétés ne pouvait ignorer les méthodes de culture des tomates en serre et les contraintes en résultant quant à la portance attendue de la terre végétale ; que son analyse doit être retenue, s'agissant de travaux relatifs à l'édification d'une serre de 15.000 mètres carrés dont l'un des éléments constitutifs était la terre végétale servant de support au matériel cultural ; que d'autre part, il résulte des déclarations des parties que la société Jezequel (qui le reconnaît elle-même) a eu conscience de l'anormalité des caractéristiques de la terre puisqu'elle a mis un temps inhabituellement long (deux mois) pour arriver à la niveler, et ce en raison de sa trop grande humidité ; qu'elle aurait (cette allégation n'est pas démontrée) demandé conseil à la société Horconex qui lui aurait conseillé d'incorporer de la chaux pour assécher la terre, ce qu'elle a effectué mais en vain ; qu'il en résulte que pour les trois constructeurs, l'existence d'une même faute, à savoir ne pas avoir exigé d'étude de sol préalable à l'édification de la serre, alors même que leurs travaux nécessitaient pour être réalisés sans dommage, que la terre possède certaines caractéristiques précises ; que cette faute apparaît plus caractérisée pour la société Jezequel qui s'étant aperçue que la terre présentait des caractéristiques inhabituelles et n'en ayant pas avisé par écrit monsieur X..., n'a pas permis à ce dernier de prendre toute disposition utile pour vérifier dans quelle mesure les caractéristiques décrites étaient susceptibles de remettre en cause le bon fonctionnement de la serre ; qu'elle est moindre pour les sociétés Liziard et Horconex, sans toutefois être minime pour cette dernière puisque, chargée de la fourniture et de la pose de la serre, elle se devait de vérifier que les conditions nécessaires à son exploitation étaient remplies ; qu'il en résulte que dans leurs rapports entre elles, les parts de responsabilité des sociétés Liziard, Jezequel et Horconex doivent respectivement être fixées à 20%, 40% et 20% ;
1°) ALORS QU'en se bornant à retenir la faute, commune aux trois entrepreneurs, ayant consisté à ne pas avoir exigé une étude de sol préalable à l'édification de la serre, sans répondre aux conclusions de la société Jezequel (p.10) qui soutenait que la société Liziard avait commis une faute supplémentaire dans la conception de la serre en procédant au choix de la terre qui s'était révélée inadaptée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut au défaut de motifs ; qu'en procédant à une répartition différente des responsabilités des sociétés Liziard, Jezequel et Horconex dans les motifs (20%, 40% et 20%) et dans le dispositif (20%, 60%, 20%), la cour a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, et a violé l'article 455 du code de procédure civile.