La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2011 | FRANCE | N°10-17255

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 juin 2011, 10-17255


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 1er janvier 1998 par la société Borealis aux droits de laquelle vient la société Ad Majoris en qualité de secrétaire accueil standard ; qu'elle a participé à un mouvement de grève collectif du 4 au 11 juin 2007 et a été mutée temporairement au service de production ; qu'elle s'est trouvée en arrêt maladie à compter du 20 juin 2007 puis en congés payés ; qu'elle a été licenciée par lettre du 21 décembre 2007 pour motif économique ; qu

'elle a fait valoir devant la juridiction prud'homale que son licenciement avait ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 1er janvier 1998 par la société Borealis aux droits de laquelle vient la société Ad Majoris en qualité de secrétaire accueil standard ; qu'elle a participé à un mouvement de grève collectif du 4 au 11 juin 2007 et a été mutée temporairement au service de production ; qu'elle s'est trouvée en arrêt maladie à compter du 20 juin 2007 puis en congés payés ; qu'elle a été licenciée par lettre du 21 décembre 2007 pour motif économique ; qu'elle a fait valoir devant la juridiction prud'homale que son licenciement avait été prononcé pour un motif inhérent à sa personne et discriminatoire ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 1134-1 du code du travail ;
Attendu que, pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que, s'il est exact que l'appelante a effectivement participé au mouvement de grève du mois de juin 2007 et contesté les conditions de sa mutation au sein du service de production à compter du 12 juin 2007, elle ne remet pour autant pas en cause la réalité de la suppression du poste de secrétaire accueil et approvisionnements ayant conduit l'employeur à la licencier, que la réalité des difficultés économiques rencontrées à l'origine de la mise en place le 6 septembre 2007 d'une procédure de restructuration prévue à l'article L. 1233-8 du code du travail n'est de son côté pas contestée ni davantage le respect par l'employeur des critères d'ordre des licenciements, qu'ainsi aucun élément ne permet de retenir que le licenciement querellé aurait en réalité procédé de la volonté de l'employeur de se séparer d'une salariée jugée comme trop contestataire dans ses relations avec la direction et par voie de conséquence à raison d'un motif inhérent à sa personne ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la salariée faisait valoir dans ses conclusions que c'est bien pour la "punir"' d'avoir participé au mouvement de grève de juin 2007 qu'elle a été brutalement affectée à compter du 12 juin 2007 au service production et confrontée à des conditions de travail particulièrement éprouvantes à l'origine de ses arrêts pour maladie, la situation étant restée inchangée lorsqu'à son retour de congés payés le 20 août 2007 elle a constaté qu'elle était privée du bureau et des outils de travail mis à sa disposition antérieurement, et qu'il lui appartenait dès lors de rechercher en premier lieu si les éléments de fait présentés par la salariée laissaient supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et, dans l'affirmative, si l'employeur apportait la preuve, en second lieu, que sa décision de licencier la salariée était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu les articles L. 1132-2 et L. 1134-1 du code du travail ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire mentionnée à l'article L. 1132-1 en raison de l'exercice normal du droit de grève ; qu'aux termes du second de ces textes, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de la disposition précitée, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et, au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
Attendu que, pour statuer comme elle a fait, la cour d'appel retient encore que Mme X..., bien qu'ayant participé au mouvement de grève, ne prétend pas avoir exercé des activités syndicales au sens de l'article L. 1132-1 du code du travail qui auraient pu être prises en compte par l'employeur dans sa décision de se séparer d'elle ;
Qu'en statuant ainsi, en ajoutant au texte légal une condition qu'il ne comporte pas, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi, la cassation sur le premier moyen entraînant par voie de conséquence la cassation sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme X... à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier, l'arrêt rendu le 10 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société Ad Majoris aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ad Majoris à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame X... de sa demande tendant à voir dire que son licenciement est inhérent à sa personne et ne repose pas sur un motif économique et de l'avoir, en conséquence, débouté de ses demandes tendant à voir la société AD MAJORIS condamnée à lui verser la somme de 23.000 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
AUX MOTIFS PROPRES, d'abord, QUE « Mme X... soutient enfin que si elle a été licenciée c'est parce que l'intimée n'a pas accepté qu'elle ait participé au mouvement de grève du mois de juin 2007 et par ailleurs contesté sa mutation à son issue au service production, dénoncée dans ses écritures d'appel sans en tirer de conséquences financières comme contraire au principe d'égalité, de non-discrimination et d'exécution de bonne foi du contrat de travail, ce pourquoi elle estime que le motif de son licenciement étant en réalité inhérent à sa personne, son licenciement est du même coup dépourvu de cause réelle et sérieuse ; Mme X..., bien qu'ayant participé au mouvement de grève, ne prétend pas avoir exercé des activités syndicales au sens de l'article L.1132-1 du Code du travail qui auraient pu être prises en compte par l'employeur dans sa décision de se séparer d'elle ; S'il est exact que l'appelante a effectivement participé au mouvement de grève du mois de juin 2007 et contesté les conditions de sa mutation au sein du service de production à compter du 12 juin 2007, elle ne remet pas en cause la réalité de la suppression du poste de secrétaire accueil et approvisionnements ayant conduit l'employeur à la licencier ; Dans la décision attaquée, le premier juge a rappelé à cet égard sans que sur ce point aucune contradiction ne soit apportée en cause d'appel que les anciennes missions dévolues à la salariée en tant que secrétaire avaient été réparties entre différents salariés savoir les approvisionnements au responsable achats et l'accueil téléphonique à l'ensemble des salariés grâce au nouveau central, l'accueil physique étant quant à lui purement et simplement supprimé ; La réalité des difficultés économiques rencontrées à l'origine de la mise en place le 6 septembre 2007 d'une procédure de restructuration prévue à l'article L. 1233-8 du Code du travail n'est de son côté pas contestée ni davantage le respect par l'employeur des critères d'ordre des licenciements ; Ainsi aucun élément ne permet de retenir que le licenciement querellé aurait en réalité procédé de la volonté de l'employeur de se séparer d'une salariée jugée trop contestataire dans ses relations avec la direction et par voie de conséquence à raison d'un motif inhérent à sa personne » ;
Et AUX MOTIFS ADOPTES, ensuite, QUE « En l'espèce, les pièces fournies démontrent que les difficultés économiques ont commencé en 2003 ; à la fin du premier semestre 2007, les résultats économiques ne sont pas redressés et montrent une perte de 107.000 euros ; La production simultanément était en baisse de tonnes sur quatre ans ; Dès lors la société mettait en oeuvre le 6 septembre 2007 la procédure de restructuration prévue au titre de l'article L. 1233-8 du Code du travail ; Les réunions extraordinaires des délégués du personnel au comité d'entreprise ont eu lieu les 14 et septembre 2007. Lors de la réunion du 12 octobre 2007, les membres de la délégation du personnel émettaient un avis sur le projet de licenciement pour motif économique de moins de dix salariés et sur les critères envisagés pour fixer l'ordre de ces licenciements ; En fin de procédure, trois salariés ont été licenciés ; La direction départementale du travail était informée par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 février 2008 du déroulement de la procédure et de la décision prise ; elle ne contestait pas les licenciements ; Madame X... exerçait les fonctions de secrétaire accueil et approvisionnement ; Elle a effectué au cours de sa carrière plusieurs remplacements de personnel absent au service achats mais a retrouvé son poste lors du retour des personnes remplacées ; La baisse des volumes entrés sur le site impactant fortement la charge de travail administratif, le poste de secrétaire accueil et approvisionnement était supprimé ; Les anciennes missions dévolues à la secrétaires étaient réparties sur différents salariés : Les approvisionnements au responsable achats, l'accueil téléphonique à l'ensemble des salariés grâce au nouveau central, l'accueil physique étant supprimé ; Dans ces conditions c'est donc bien le poste unique de Mme X... qui a été supprimé et son licenciement n'est donc pas inhérent à sa personne » ;
ALORS, d'une part, QUE le juge est tenu de rechercher si, sous couvert d'un licenciement pour motif économique dont les conditions paraissent réunies, le licenciement d'un salarié ne procède pas en réalité d'un motif personnel tenant à un motif discriminatoire ; QUE lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des règles protectrices contre la discrimination le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une telle discrimination, à charge pour l'employeur de démontrer que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; QU'en se bornant à retenir que la réalité des difficultés économiques de la société AD MAJORIS et de la suppression de son poste n'avait pas été remise en cause par Madame X..., sans rechercher, comme elle y était invitée, si le contexte entourant son licenciement (sa mutation au lendemain de la fin de la grève, dans un bureau poussiéreux et non aménagé, la suppression de son poste puis son licenciement) ne laissait pas présumer l'existence d'une discrimination et le motif inhérent à la personne fondant en réalité le licenciement, à charge pour l'employeur de rapporter la preuve contraire ; la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-2 ; L. 1232-1 et L. 1233-3 du code du travail ;
ALORS, d'autre part, QUE selon l'article L. 1132-2 du Code du travail, aucun salarié ne peut être licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison de l'exercice normal du droit de grève, qua la salariée exerce ou non une activité syndicale ; QUE pour rejeter la demande de la salariée, la Cour d'appel a retenu que celle-ci, bien qu'ayant participé au mouvement de grève, ne prétendait pas avoir exercé des activités qui auraient pu être prise en compte par l'employeur dans sa décision de se séparer d'elle ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article L 1132-2 du code du travail ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame X... de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier,
AUX MOTIFS QUE « Mme X... soutient enfin que si elle a été licenciée c'est parce que l'intimée n'a pas accepté qu'elle ait participé au mouvement de grève du mois de juin 2007 et par ailleurs contesté sa mutation à son issue au service production, dénoncée dans ses écritures d'appel sans en tirer de conséquences financières comme contraire au principe d'égalité, de non-discrimination et d'exécution de bonne foi du contrat de travail, ce pourquoi elle estime que le motif de son licenciement étant en réalité inhérent à sa personne, son licenciement est du même coup dépourvu de cause réelle et sérieuse » ;
ALORS QUE Madame X... sollicitait la condamnation de la société AD MAJORIS au paiement d'une somme de 11.500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier ; QU'en estimant cependant, pour débouter Madame X... de sa demande de dommages et intérêts, qu'elle aurait dénoncé sa mutation comme contraire au principe d'égalité, de non-discrimination et d'exécution de bonne foi du contrat de travail, « sans en tirer de conséquences financières », la Cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-17255
Date de la décision : 22/06/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 10 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 jui. 2011, pourvoi n°10-17255


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.17255
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award