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22/06/2011 | FRANCE | N°10-17067

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 juin 2011, 10-17067


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que Mme X... a été engagée, à compter du 6 novembre 1992 d'abord par contrat à durée déterminée puis par contrat à durée indéterminée par l'Agence pour l'observation de la Réunion, l'aménagement et l'habitat (AGORAH) ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et paiement de dommages-in

térêts pour harcèlement moral ; qu'ayant été licenciée pour faute grave, le 2 ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que Mme X... a été engagée, à compter du 6 novembre 1992 d'abord par contrat à durée déterminée puis par contrat à durée indéterminée par l'Agence pour l'observation de la Réunion, l'aménagement et l'habitat (AGORAH) ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral ; qu'ayant été licenciée pour faute grave, le 2 janvier 2007, Mme X... a de nouveau saisi la juridiction prud'homale pour contester le bien-fondé du licenciement et demander le paiement de sommes pour licenciement abusif ; que, par jugement du 22 mai 2007 devenu irrévocable, le conseil de prud'hommes, statuant sur la première saisine, a rejeté la demande au titre du harcèlement moral et constaté la rupture du contrat de travail du fait de la salariée en énonçant qu'elle produisait les effets d'une démission ; que, par jugement en date du 17 décembre 2008, statuant sur la deuxième saisine, le conseil de prud'hommes a déclaré la demande irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée qui s'attachait à la première décision ;
Attendu que, pour infirmer et rejeter l'exception d'irrecevabilité tenant à l'autorité de la chose jugée du jugement du 22 mai 2007, l'arrêt retient que la chose jugée est attachée à ce qui a été jugé et il convient de rappeler les termes principaux de son dispositif : « constate que la rupture du contrat de travail du fait de Mme X... produit les effets d'une démission de sa part », que si la rupture imputée à la salariée est relevée, la prise d'effet de celle-ci n'est nullement précisée, qu'il est possible que le conseil ait considéré que l'absence de reprise du travail par la salariée valait prise d'acte, que le conseil rappelle que "lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifient, soit, dans le cas contraire, d'une démission", avant de conclure que "la rupture du contrat de travail de Mme X... produit les effets d'une démission", qu'il n'est pas possible de dire si la rupture retenue par le jugement du 22 mai 2007 est antérieure ou concomitante à l'audience des plaidoiries du 28 novembre 2006 ou si elle découle du prononcé du jugement comme en matière de résiliation judiciaire du contrat, qu'il n'y a donc pas d'autorité de la chose jugée quant à la prise d'effet de la rupture du contrat antérieure au licenciement, que consécutivement la contestation du licenciement prononcé le 2 janvier 2007 ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée par le jugement du 22 mai 2007 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que, dans le dispositif de son jugement du 22 mai 2007 devenu irrévocable, le conseil de prud'hommes avait constaté la rupture du contrat de travail du fait de Mme X... et dit qu'elle produisait les effets d'une démission, ce dont il résultait que cette décision avait autorité de la chose jugée sur l'imputabilité de la rupture du contrat de travail et ses conséquences, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 1er, la cassation encourue n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que le jugement du 17 décembre 2008 produit son plein et entier effet ;
Condamne Mme X... aux dépens de cassation et à ceux afférents aux instances devant les juges du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils pour l'Agence pour l'observation de la Réunion, l'Aménagement et l'Habitat).
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'Agorah fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité tenant à l'autorité de la chose jugée du jugement du 22 mai 2007 ;
AUX MOTIFS QUE le principe de l'unicité de l'instance ne faisait pas obstacle à ce que Mme X... saisisse par une nouvelle requête le conseil de prud'hommes d'une contestation du licenciement prononcé durant le délibéré (six mois), ayant précédé le jugement rendu le 22 mai 2007 ; De ce chef, la recevabilité de ses demandes est acquise ; En n'interjetant pas appel du jugement du 22 mai 2007 qui a autorité de la chose jugée dès son prononcé, Mme X... a permis que celui-ci acquière un caractère irrévocable ; la chose jugée est attachée à ce qui a été jugé et il convient de rappeler les termes principaux de son dispositif : « (…) Constate que la rupture du contrat de travail du fait de Mme X... produit les effets d'une démission de sa part » ; (…) ; Si la rupture imputée à la salariée est relevée, la prise d'effet de celle-ci n'est nullement précisée ; la lecture des motifs anémiques n'apporte aucune certitude ; Il est possible que le conseil ait considéré que l'absence de reprise du travail par la salariée valait prise d'acte ("le fait de ne pas reprendre son travail peut s'analyser comme un acte unilatéral venant de la part de la partie demanderesse") ; (…) ; le motif suivant concerne le rejet de la demande en résiliation puis le conseil rappelle que "lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifient, soit, dans le cas contraire, d'une démission", avant de conclure que "la rupture du contrat de travail de Mme X... produit les effets d'une démission" (…) ; (..), il n'est pas possible de dire si la rupture retenue par le jugement du 22 mai 2007 est antérieure ou concomitante à l'audience des plaidoiries du 28 novembre 2006 ou si elle découle du prononcé du jugement comme en matière de résiliation judiciaire du contrat ; Il n'y a donc pas d'autorité de la chose jugée quant à la prise d'effet de la rupture du contrat antérieure au licenciement ; Consécutivement, la contestation du licenciement prononcé le 2 janvier 2007 ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée par le jugement du 22 mai 2007 ; il en résulte que Mme X... est recevable à contester le licenciement ; le jugement est donc infirmé ;
1°) ALORS QUE le demandeur, tenu de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, ne peut contester l'identité de cause de deux demandes en invoquant un fondement qu'il s'est abstenu de soulever en temps utile, de sorte que sa demande se heurte à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation ; que dès lors, ayant constaté que les demandes successives de Mme X... contre son employeur dérivaient du même contrat de travail en date du 5 mai 1993 et que son licenciement avait été notifié le 2 janvier 2007 durant le délibéré ayant précédé le jugement du 22 mai 2007, la cour d'appel, en retenant, pour déclarer la salariée recevable à contester son licenciement par une nouvelle requête en date du 1er février 2007, que la contestation du licenciement ne se heurtait pas à l'autorité de la chose jugée par le jugement du 22 mai 2007 ayant constaté, dans son dispositif, que la rupture du contrat de travail produisait les effets d'une démission, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que la salariée, pourtant licenciée avant l'extinction de la première instance prud'homale, s'était abstenue de former à titre subsidiaire une demande sur le fondement du licenciement devant la juridiction prud'homale initialement saisie d'un moyen tiré de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et n'était donc pas recevable, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée du jugement du 22 mai 2007, à introduire une nouvelle instance sur la contestation tranchée par cette décision et relative à la rupture du contrat de travail, et a ainsi violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 1452-6 du code du travail ;
2°) ALORS QUE subsidiairement, la décision qui tranche dans son dispositif le principal, a dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation tranchée, les motifs ne pouvant être pris en considération pour justifier un nouveau droit d'agir ; que dès lors, ayant souligné que le jugement du 22 mai 2007 avait acquis autorité de la chose jugée en ce qu'il avait, dans son dispositif, constaté que la rupture du contrat de travail du fait de Mme X... produisait les effets d'une démission de sa part, la cour d'appel, en retenant, pour déclarer cette dernière recevable à contester son licenciement du 2 janvier 2007, qu'au vu des motifs anémiques du jugement définitif du 22 mai 2007, il n'était pas possible de connaître la date de la rupture du contrat de travail de sorte qu'il n'y avait pas autorité de la chose jugée quant à la prise d'effet de la rupture antérieure au licenciement, a violé ensemble les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'en tout état de cause, la portée du dispositif peut être éclairée par les motifs de la décision ; que dès lors, ayant constaté que, selon les motifs du jugement définitif du 22 mai 2007, le conseil de prud'hommes avait considéré que le fait pour la salariée de ne pas avoir repris son travail le 17 août 2006 s'analysait en acte unilatéral de sa part et avait ainsi, dans son dispositif, constaté que la rupture du contrat de travail à l'initiative de Mme X... produisait les effets d'une démission, la cour d'appel, en retenant, pour dire que l'autorité de la chose jugée ne s'attachait pas à la prise d'effet de la rupture antérieure au licenciement de la salariée, qu'il n'était pas possible de dire si la rupture retenue par le jugement du 22 mai 2007 était antérieure ou concomitante à l'audience de plaidoiries du 28 novembre 2006 ou si elle découlait du prononcé du jugement comme en matière de résiliation judiciaire du contrat, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que le dispositif par lequel le conseil de prud'hommes avait jugé que la salariée était démissionnaire renvoyait à la date de non reprise du travail par cette dernière, soit le 17 août 2006, et avait donc autorité de la chose jugée sur la date de la rupture de son contrat de travail, a violé ensemble les articles 1351 du code civil, 480 du code de procédure civile et l'article L. 1231-1 du code du travail ;
4°) ALORS QUE le juge ne peut refuser, sous prétexte de l'obscurité des motifs d'un jugement définitif, d'en déterminer la portée ; qu'en se fondant sur « les motifs anémiques » du jugement définitif du 22 mai 2007 pour considérer que ce dernier n'avait pas autorité de la chose jugée sur la prise d'effet de la rupture du contrat antérieure au licenciement, la cour d'appel ne s'est pas prononcée sur la portée de ce jugement et a ainsi violé l'article 4 du code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(Subsidiaire)
L'Agorah fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Mme X... était abusif et de l'avoir, en conséquence, condamnée à payer à cette dernière les sommes de 55.000 € à titre d'indemnité de licenciement abusif, de 9189,27 € à titre de préavis, de 5901,13 € au titre de l'indemnité légale de licenciement et celle de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct ;
AUX MOTIFS QUE (…) le licenciement a été prononcé par un courrier du 2 janvier ; Le 11 janvier, le médecin du travail a rendu un second avis d'inaptitude ; (…) ; Étant rappelé que le délibéré du jugement du 22 mai 2007 était en cours, la chronologie de ces faits impose de considérer que la décision de licencier Mme X... constitue une réponse à l'avis d'inaptitude du 8 décembre 2006 ; (…°) ; la véritable cause du licenciement était de faire échec à l'obligation de reclassement qui allait découler du second avis médical d'inaptitude ; la cause du licenciement étant ni plus ni moins qu'une fraude à la loi, l'absence de cause réelle et sérieuse est acquise ;
1°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en affirmant que la véritable cause du licenciement de Mme X... était de faire échec à l'obligation de reclassement qui allait découlait du second avis médical d'inaptitude en date du 11 janvier 2006, tout en retenant que la décision de licencier la salariée constituait une réponse à l'avis médical d'inaptitude du 8 décembre 2006, ce dont il résultait que ce dernier avis médical était la cause du licenciement, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge ne peut, pour apprécier la véritable cause du licenciement, se fonder sur des éléments que l'employeur ne pouvait connaître à la date à laquelle il a notifié sa décision ; que dès lors, ayant souligné que le licenciement de Mme X... avait été prononcé par courrier le 2 janvier 2007 et que le 11 janvier 2007, le médecin du travail avait rendu un second avis d'inaptitude, la cour d'appel, en retenant, pour dire que le licenciement de la salariée était sans cause réelle et sérieuse, que sa véritable cause était de faire échec à l'obligation de reclassement qui allait découler du second avis médical d'inaptitude, ce que l'employeur ignorait à la date où il avait notifié son licenciement, a violé l'article L. 1232-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-17067
Date de la décision : 22/06/2011
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 23 février 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 jui. 2011, pourvoi n°10-17067


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.17067
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