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22/06/2011 | FRANCE | N°10-14494

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 juin 2011, 10-14494


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... engagée le 22 août 1994 en qualité de vendeuse dans une boulangerie et dont le contrat de travail a été transféré à la société Florent Y..., a été licenciée pour faute grave le 24 octobre 2006, un vol lui étant reproché ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en rappel de prime de fin d'année et de congés payés afférents alors, selon le moyen, que la cassation à intervenir sur le moye

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... engagée le 22 août 1994 en qualité de vendeuse dans une boulangerie et dont le contrat de travail a été transféré à la société Florent Y..., a été licenciée pour faute grave le 24 octobre 2006, un vol lui étant reproché ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en rappel de prime de fin d'année et de congés payés afférents alors, selon le moyen, que la cassation à intervenir sur le moyen de cassation relatif à la rupture du contrat de travail emportera cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande de Mme Jocelyne X... tendant à obtenir le paiement d'un rappel de prime de fin d'année et les congés payés afférents et ce, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cassation éventuelle prononcée sur le premier moyen relatif à la rupture du contrat de travail n'a pas pour conséquence la cassation sur la partie du dispositif critiqué par le troisième moyen en l'absence de lien de dépendance nécessaire dès lors que le versement de la prime était seulement subordonné à la présence de la salariée dans l'entreprise au 31 décembre de l'année concernée, peu important qu'elle ait quitté l'entreprise avant cette date en raison de son licenciement ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et harcèlement alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel s'est fondée sur le fait que le licenciement était justifié et la prime de fin d'année non due ; que dès lors, la cassation à intervenir sur les moyens relatifs à la rupture du contrat de travail et au rejet de la demande en paiement de la prime de fin d'année emportera cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande de Mme Jocelyne X... tendant à obtenir le paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale de contrat de travail et ce, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
2°/ que subsidiairement dès lors que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la salariée avait établi des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'en rejetant néanmoins les demandes de la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-4 et L. 1154-1 du code du travail ;
3°/ que Mme X... a indiqué que lorsqu'elle était au service de M. Z..., elle bénéficiait d'une pause à l'occasion de son travail, mais qu'elle n'avait jamais pu disposer de celle-ci au service de la famille Y..., alors même qu'elle effectuait 7 heures de travail par jour, de 6 heures à 13 heures ; que la cour d'appel a considéré que le non-respect des dispositions de l'article L. 3121-33 du code du travail n'était pas caractérisé ; qu'en ne recherchant pas si les faits dénoncés par Mme X... permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
4°/ que le médecin du travail a constaté que Mme X... souffrait d'un état dépressif réactionnel dès février 2005 alors que les faits qualifiés de fautifs qui ont motivé le licenciement sont datés de fin octobre 2006 ; que la cour d'appel a relevé que «les pièces médicales communiquées ne sont pas probantes, le médecin du travail ayant d'ailleurs pris soin de noter "se plaint de fatigue morale" et "selon la patiente" ; l'état dépressif réactionnel constaté peut aussi bien résulter de la prise de conscience de la faute commise que du poids d'une accusation injuste» ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cassation éventuelle sur les moyens relatifs à la rupture du contrat de travail et au rejet de la demande en paiement de la prime de fin d'année n'implique pas, par elle-même, la cassation par voie de conséquence sur le rejet de la demande tendant à obtenir le paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale de contrat de travail ;
Et attendu qu'il résulte de l'arrêt que la salariée n'a pas entendu soutenir devant la cour d'appel qu'elle avait été victime de harcèlement moral ; que le moyen qui, en ses deuxième, troisième et quatrième branches, repose sur une violation des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 ou un défaut de base légale au regard de ces textes est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit que le moyen, mal fondé en sa première branche, est irrecevable en ses autres branches ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu que pour juger que le licenciement repose sur une faute grave et débouter la salariée de ses demandes, l'arrêt retient que cette dernière a détourné, au préjudice de son employeur, une partie de la marchandise qui lui avait été remise pour l'exécution de sa prestation de travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'acte isolé de la salariée laquelle justifiait d'une ancienneté de plus de douze années, portait sur la disparition de pains pour une valeur de 25,25 € et n'était pas de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande de la salariée, en paiement de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, la cour d'appel n'énonce aucun motif ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a ainsi méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches des autres moyens :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes en paiement de rappel de salaire au titre du minimum conventionnel, de rappel de prime de fin d'année avec congés payés afférents et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt rendu le 30 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne la société Florent
Y...
aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Florent
Y...
à payer à la SCP Masse-Dessen et Thouvenin la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Madame Jocelyne X... par la S.A.R.L. Florent Y... est justifié par une faute grave, débouté Madame Jocelyne X... de ses demandes tendant à dire et juger que son licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse, obtenir le paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, le rappel de salaire pour la période de mise à pied et les congés payés afférents, le paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement et d'avoir condamné Madame Jocelyne X... aux dépens d'appel ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis ; en l'espèce, Jocelyne X... a signé avec son employeur l'état de l'inventaire effectué en sa présence le 6 octobre 2006, et limité à quatre catégories d'articles et au numéraire trouvé en caisse ; elle a expliqué à l'audience qu'elle avait fini par signer parce que Jean-Claude et Florent Y... ne voulaient pas la laisser partir ; cette explication ne peut cependant être retenue ; en effet, au cours d'une garde à vue dont le terme était encore plus incertain pour elle que la rétention à laquelle se seraient livrés les consorts Y..., la salariée n'a fait aucun aveu aux gendarmes ; elle n'a remis en cause ni au cours de l'enquête ni pendant la procédure prud'homale les décomptes qu'elle avait validés par sa signature ;elle n'a en particulier jamais soutenu que le nombre de baguettes, flûtes, noix noisettes raisins, et savoyardes, placées en rayon à l'ouverture du magasin était inférieur à celui qui était mentionné sur l'inventaire ; elle n'a pas davantage prétendu qu'elle avait trouvé à sa prise de poste un fond de caisse inférieur à 337 € ; elle s'est constamment maintenue pendant plus de deux ans dans une attitude consistant à ne trouver aucune explication à des faits incontestables ; le vendredi, contrairement au dimanche, Jocelyne X... tenait seule la caisse du magasin ; dès lors toute somme ou article manquant engage sa responsabilité ; il est certain qu'elle n'a pas enregistré la totalité des articles qui sont sortis de la boulangerie ; il est pour le surplus indifférent qu'elle ait conservé pour elle les sommes remises par certains clients ou qu'elle ait, pour des raisons personnelles, laissé des clients emporter des articles sans les payer ; la faute commise par la salariée, qui a détourné une partie de la marchandise qui lui avait été remise pour l'exécution de sa prestation de travail, est à elle seule de nature à justifier le licenciement ; l'intimée ne pouvait ni être maintenue dans son poste de caissière pendant les deux mois du préavis ni être affectée dans le fournil sur un des postes de production, faute d'avoir les compétences requises et à défaut de poste disponible ; en outre, dans une société à caractère familial où les relations inter-personnelles étaient permanentes, la perte de confiance résultant de la faute commise par la rendait impossible l'exécution du préavis ; le licenciement étant justifié par une faute grave, Jocelyne X... sera déboutée de ses demandes de dommages-intérêts, de ses demandes d'indemnités de rupture et de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire ; que le jugement entrepris sera par conséquent infirmé ;
ALORS QUE Madame X..., contestant les faits et les accusations formulées à son encontre, avait notamment souligné dans ses conclusions (page 14 § 4) que « la feuille de production versée aux débats est établie unilatéralement par l'employeur, qui n'a pas manqué de contraindre la salariée à y apposer sa signature, celle-ci n'ayant en toute hypothèse aucun moyen d'en vérifier les termes, et n'a dès lors aucun caractère probant» ; que la Cour d'appel, qui a relevé que Madame X... « n'a remis en cause ni au cours de l'enquête ni pendant la procédure prud'homale les décomptes qu'elle avait validés par sa signature» ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions de Madame X... ;
ALORS QUE la preuve de la faute grave incombant exclusivement à l'employeur, le salarié n'a rien à prouver ni à démontrer; que pour considérer que le licenciement était fondé sur une faute grave, la Cour d'appel s'est fondée sur l'absence d'explications apportées par la salariée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code Civil et les articles L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9, L 1232-1, L 1235-1 et L 1235-3 du Code du Travail (anciennement L 122-6, L 122-8, L 122-9, L 122-14-3 et L 122-14-4) ;
ALORS subsidiairement QUE la disparition de biens ou de fonds de faible importance, imputée à un salarié ayant plusieurs années d'ancienneté et à auquel il n'avait été précédemment reproché aucun manquement, ne justifie pas la rupture immédiate de son contrat de travail et ne constitue pas une faute grave ; que dans la lettre de licenciement, l'employeur reprochait à Madame X..., ayant une ancienneté de plus de 12 ans et n'ayant pas fait l'objet auparavant du moindre reproche, la disparition de pains pour une valeur de 25, 25 euros ; qu'en considérant que Madame X... avait commis une faute grave sans tenir compte de la faible importance de la disparition qui lui était imputée, ni de l'ancienneté de la salariée, ni du fait qu'il s'agissait d'un fait isolé, la Cour d'appel a violé les articles L 1232-6, L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9, L 1232-1, L 1235-1 et L 1235-3 du Code du Travail (anciennement L 122-6, L 122-8, L 122-9, L 122-14-2, L 122-14-3 et L 122-14-4).
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Madame Jocelyne X... tendant à obtenir le paiement de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;
AUX MOTIFS visés au premier moyen ;
ALORS QUE toute décision doit être motivée à peine de nullité ; que la Cour d'appel, qui a rejeté la demande de Madame X... tendant à obtenir le paiement de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire sans aucun motif, a violé l'article du Code de Procédure Civile ;
Et ALORS subsidairement QUE la cassation à intervenir sur le moyen relatif à la rupture du contrat de travail emportera cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ce qu'il rejeté la demande de Madame Jocelyne X... tendant à obtenir le paiement de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et ce, en application de l'article 624 du Code de Procédure Civile ;
Et ALORS encore plus subsidairement QUE même lorsqu'il est jugé fondé, le licenciement peut causer au salarié en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et dont il est fondé à demander réparation ; qu'en s'abstenant de rechercher si, comme il était soutenu par la salariée, le licenciement n'avait pas été entouré de circonstances vexatoires de nature à lui causer un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Madame Jocelyne X... tendant à obtenir le paiement d'un rappel de prime de fin d'année et les congés payés afférents et de l'avoir condamnée aux dépens ;
AUX MOTIFS QUE Jocelyne X... ne se trouvait plus dans l'entreprise à la date d'exigibilité de la prime de fin d'année, pour des raisons qui lui sont imputables ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande de rappel de prime ;
ALORS QUE la cassation à intervenir sur le moyen de cassation relatif à la rupture du contrat de travail emportera cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande de Madame Jocelyne X... tendant à obtenir le paiement d'un rappel de prime de fin d'année et les congés payés afférents et ce, en application de l'article 624 du Code de Procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Madame X... tendant à obtenir le paiement de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail et harcèlement et de l'avoir condamnée aux dépens ;
AUX MOTIFS QU'au cours de son audition à la gendarmerie, Jocelyne X... a déclaré : "je ne peux pas parler de harcèlement moral, mais cela peut y ressembler"; un mois plus tard, elle a saisi le Conseil de prud'hommes d'une demande de dommagesintérêts pour harcèlement moral ; elle sollicite désormais en cause d'appel des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ; il s'agit, sous l'une ou l'autre qualification, d'affaiblir l'accusation de vol contenue dans la lettre de licenciement en tentant d'accréditer l'idée selon laquelle cette accusation serait l'ultime avatar des mauvais traitements employés par la S.A.R.L. Florent Y... pour se débarrasser de la dernière salariée de Luc Z... ; d'abord, le versement d'un salaire égal au salaire minimum interprofessionnel de croissance, mais inférieur au salaire minimum conventionnel, ne caractérise pas en soi, et en l'absence de toute volonté délibérée de l'employeur d'éluder ses obligations, un manquement à l'obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi ; la prime de fin d'année 2006 n'est pas due, Jocelyne X... n'ayant pas satisfait, pour des raisons qui lui sont exclusivement imputables, à la condition de présence dans l'entreprise à la date de versement de la prime ; ensuite, les griefs de Jocelyne X... concernant ses conditions de travail sont dirigés contre Anny Y..., épouse de Jean-Claude Y..., par ailleurs professeur des écoles jusqu'au 4 septembre 2006, date de sa retraite, dont la présence dans le magasin n'était qu'intermittente ; Suzanne A..., cliente habituelle de la boulangerie, atteste de ce qu'il lui a semblé préférable d'en ressortir plusieurs fois "suite à certains contextes gênants à son égard" ; le témoin ajoute qu'il s'agissait de situations où Madame Y... (mère) face à Madame X... et toujours en l'absence de M. Y... (père) "portait préjudice à l'intégrité et à la moralité de Madame X...", par exemple en lui interdisant l'accès à la caisse, ou d'autres humiliations morales considérées comme telles, qui ne devraient pas avoir lieu devant des clients ; dans cette attestation, qui demeure isolée, il existe un contraste manifeste entre la gravité des atteintes évoquées et la minceur apparente du seul exemple cité, à savoir l'interdiction de tenir la caisse ; celle-ci ne portait préjudice à la moralité de Jocelyne X... que dans la mesure où la famille Y... soupçonnait la salariée de commettre de petits détournements ; enfin, sur les pauses prescrites par l'article L 3121-33 du code du travail, les attestations communiquées sont contradictoires ; selon Nicolas B..., qui a quitté la boulangerie en juin 2004, Jocelyne X... n'a jamais eu droit à une seule pause obligatoire pendant ses heures de travail ; au contraire, Anthony C..., salarié de la boulangerie Y... de décembre2004 à juillet 2005, atteste de ce que Jocelyne X... cessait son travail quand elle en éprouvait le besoin, pour aller aux toilettes, boire, discuter avec son ami sur le pas de la porte ou faire ses courses au supermarché CASINO ; Ludovic D..., engagé le 20 janvier 2006, atteste dans le même sens ; il est d'ailleurs aisé de comprendre qu'à Saint-Cyr au Mont d'Or, la boulangerie Y... ne drainait pas un flot de clients ininterrompu pendant toute la matinée ; si Jocelyne X... procédait, comme il est d'usage dans la profession, au nettoyage de son poste de travail, elle disposait néanmoins, entre deux clients, de périodes d'inactivité ; le non-respect des dispositions de l'article L 3121-33 du code du travail n'est donc pas caractérisé ; les pièces médicales communiquées ne sont pas probantes, le médecin du travail ayant d'ailleurs pris soin de noter "se plaint de fatigue morale" et "selon la patiente" ; l'état dépressif réactionnel constaté peut aussi bien résulter de la prise de conscience de la faute commise que du poids d'une accusation injuste ; en conséquence, le jugement qui a débouté Jocelyne X... de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail sera confirmé ;
Et AUX MOTIFS éventuellement adoptés des premiers juges QU'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou compromettre son avenir professionnel ; toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit (article L 122-49 al. 1 et 3 du Code du Travail) ; en cas de litige relatif à l'application des articles L. 122-46 et L. 122-49 du Code du Travail, dés lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles (article L.122-52 du Code du Travail) ; il résulte des dispositions légales sus-rappelées, qu'il incombe au demandeur, le salarié, d'établir en premier "des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement", c'est à dire des situations précises, datées, présentant un caractère objectif, rapportées par des témoignages ou des pièces ; en l'espèce, Madame X... a communiqué aux débats des attestations d'ordre médical (Médecins du travail, Médecin traitant,...) qui ne peuvent à elles-seules établir l'existence d'un harcèlement ; Madame X... produit une attestation établie par Monsieur B..., qui se contente d'affirmer qu'elle "n'a jamais eu droit à une seule pause obligatoire pendant ses heures de travail" ; ce témoignage ne permet pas d'établir l'existence d'un harcèlement ; Madame X... verse aux débats une attestation de Madame E... ; ce témoignage est dépourvu de pertinence dans la mesure où Madame E... ne fait référence à aucun fait précis et daté ; en conséquence, la salariée ne rapporte pas d'éléments de nature à étayer la demande présentée ; enfin, compte tenu des pièces communiquées, le conseil de prud'hommes estime inutile d'organiser une mesure d'enquête ; Madame X... sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts formulée en lien avec cette demande ;
ALORS QUE la Cour d'appel s'est fondée sur le fait que le licenciement était justifié et la prime de fin d'année non due ; que dès lors, la cassation à intervenir sur les moyens relatifs à la rupture du contrat de travail et au rejet de la demande en paiement de la prime de fin d'année emportera cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande de Madame Jocelyne X... tendant à obtenir le paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale de contrat de travail et ce, en application de l'article du Code de Procédure civile ;
ALORS subsidiairement QUE dès lors que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la salariée avait établi des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'en rejetant néanmoins les demandes de la salariée, la Cour d'appel a violé les articles L 1152-1, L 1152-4 et L 1154-1 du Code du Travail ;
ALORS en outre QUE Madame X... a indiqué que lorsqu'elle était au service de Monsieur Z..., elle bénéficiait d'une pause à l'occasion de son travail, mais qu'elle n'avait jamais pu disposer de celle-ci au service de la famille Y..., alors même qu'elle effectuait 7 heures de travail par jour, de 6 heures à 13 heures ; que la Cour d'appel a considéré que le non-respect des dispositions de l'article L 3121-33 du code du travail n'était pas caractérisé ; qu'en ne recherchant pas si les faits dénoncés par Madame X... permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L 1152-1 et L 1154-1 du Code du Travail ;
ALORS enfin QUE le médecin du travail a constaté que Madame X... souffrait d'un état dépressif réactionnel dès février 2005 alors que les faits qualifiés de fautifs qui ont motivé le licenciement sont datés de fin octobre 2006 ; que la Cour d'appel a relevé que « les pièces médicales communiquées ne sont pas probantes, le médecin du travail ayant d'ailleurs pris soin de noter "se plaint de fatigue morale" et "selon la patiente" ; l'état dépressif réactionnel constaté peut aussi bien résulter de la prise de conscience de la faute commise que du poids d'une accusation injuste» ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L 1152-1 et L 1154-1 du Code du Travail.Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-14494
Date de la décision : 22/06/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 30 juin 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 jui. 2011, pourvoi n°10-14494


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.14494
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