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22/06/2011 | FRANCE | N°09-70575

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 juin 2011, 09-70575


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 1er septembre 2009), que M. X... et neuf autres dockers ont été engagés par le Groupement rochelais de manutention, aux droits duquel vient le Groupement de main d'oeuvre docker (GMOD), par application d'un protocole d'accord établi le 29 décembre 1994 entre le syndicat CGT ports et docks et le syndicat des entrepreneurs de manutention de La Rochelle, d'abord par contrat à durée déterminée, ensuite par contrat à durÃ

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 1er septembre 2009), que M. X... et neuf autres dockers ont été engagés par le Groupement rochelais de manutention, aux droits duquel vient le Groupement de main d'oeuvre docker (GMOD), par application d'un protocole d'accord établi le 29 décembre 1994 entre le syndicat CGT ports et docks et le syndicat des entrepreneurs de manutention de La Rochelle, d'abord par contrat à durée déterminée, ensuite par contrat à durée indéterminée ; qu'ils avaient auparavant la qualité de dockers complémentaires, qualification spécifique utilisée dans le port de La Rochelle-Pallice ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la qualification de dockers professionnels et la condamnation de l'employeur à leur payer diverses sommes à titre de rappels de salaire et de dommages-intérêts ;
Attendu que le GMOD fait grief à l'arrêt de le condamner à payer diverses sommes aux salariés, alors, selon le moyen, que le nouveau régime institué par la loi n° 92-496 du 9 juin 1992 portant réforme de la manutention portuaire, incitant à la mensualisation des ouvriers dockers a institué un régime transitoire en faveur des dockers professionnels, qui étaient titulaires de la carte professionnelle au 1er janvier 1992 (article L. 511-2 III du code des ports maritimes), sans que soit prévue la délivrance de cartes professionnelles postérieurement à son entrée en vigueur ; qu'en assimilant en l'espèce les dockers complémentaires à des dockers professionnels et en appliquant le régime juridique réservé aux seuls dockers professionnels à des ouvriers dockers qui n'étaient pas titulaires de la carte professionnelle à la date du 1er janvier 1992, étendant ainsi à des non professionnels et prorogeant le dispositif transitoire destiné à disparaître avec la mensualisation et le départ à la retraite des ouvriers dockers professionnels, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées du code des ports maritimes ;
Mais attendu, d'abord, que ni la loi du 9 juin 1992, après celle du 6 septembre 1947, ni la convention collective de la manutention portuaire ne connaissent d'autres catégories de dockers que les professionnels ou les occasionnels ;
Attendu, ensuite, que la délivrance matérielle de la carte professionnelle de docker n'a pas d'incidence sur la détermination du statut qui dépend des conditions effectives de travail des dockers ;
Et attendu qu'ayant relevé que les dockers complémentaires avaient les mêmes obligations que les dockers professionnels et que les fonctions exercées étaient identiques, la cour d'appel en a exactement déduit qu'ils devaient être classés dans cette dernière catégorie et bénéficier de la même rémunération ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le Groupement de main d'oeuvre docker aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux conseils pour le Groupement de main d'oeuvre docker
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné le GMOD à verser diverses indemnités au titre de rappel de salaire et d'indemnité de congés payés sur la période du 1er octobre 2001 au 31 décembre 2008, au bénéfice de MM. X..., Z..., A..., B..., C..., Christian et Michel Y..., D..., E... et F...,
Aux motifs que le statut des dockers a été établi par une loi du 6 septembre 1947, puis par celle du 9 juin 1992 dite loi LE DRIAN ; que ces textes distinguent deux catégories de dockers, les professionnels et les occasionnels ; que les dockers professionnels, titulaires d'une carte professionnelle dite « carte G », bénéficient d'une priorité absolue d'embauche sur les occasionnels et d'indemnités en cas d'inemploi, mais sont tenus de se présenter régulièrement à l'embauche ; que les dockers occasionnels constituent une main d'oeuvre d'appoint et ne sont pas tenus de se présenter à l'embauche ; que la loi du 9 juin 1992 distingue dans la catégorie des dockers professionnels :- les « mensualisés » qui ont conclu avec une entreprise de manutention portuaire ou un groupement d'entreprises un contrat de travail à durée indéterminée,- les « intermittents » anciens titulaires de la carte G mais qui, n'ayant pas conclu de contrat de travail à durée indéterminée, continuent à travailler à la vacation ; que cette classification a été reprise par la Convention collective de la manutention portuaire du 31 décembre 1993 ; que sur le port de la Rochelle existe depuis 1976 une catégorie intermédiaire, les dockers « complémentaires » ou « carte O », qui ont les mêmes obligations que les dockers professionnels mais n'ont priorité d'embauche que sur les dockers occasionnels, venant après les dockers professionnels ; que Messieurs X..., Z..., A..., B..., C..., Christian et Michel Y..., D..., E... et F... appartenaient à cette catégorie de dockers « complémentaires » ; que le 29 décembre 1994 a été établi entre le Syndicat CGT Ports et Docks et le Syndicat des Entrepreneurs de Manutention de la Rochelle un protocole d'accord dans le cadre duquel il a été prévu que 11 des 15 dockers « complémentaires » seraient engagés par le Groupement Rochelais de Manutention-auquel a succédé le GMOD-sous contrat de travail à durée déterminée à temps partiel annualisé ; que c'est ainsi que les intimés ont été engagés d'abord sous contrat à durée déterminée puis par contrat à durée indéterminée. Leur rémunération a ensuite été régulièrement fixée par des accords salariaux qui distinguent, dans la catégorie des dockers mensualisés, les « carte G » et les « non carte G » (« complémentaires »), ces derniers ayant un salaire inférieur, cette différence de rémunération par rapport aux « carte G » ayant été allouée par le Conseil de Prud'hommes à titre de rappel de salaire et dans la limite de la prescription quinquennale ; que pour conclure à l'infirmation des jugements entrepris, le GMOD soutient en premier lieu que la remise en cause par Messieurs X..., Z..., A..., B..., C..., Christian et Michel Y..., D..., E... et F... de la Convention collective et des accords collectifs en application desquels ont été déterminées leurs rémunérations s'analyse soit en une dénonciation de ces accords, laquelle n'est pas régulière, soit en une action en nullité, laquelle est prescrite, et qu'en tout état de cause leur action ne relevait pas de la compétence du Conseil de Prud'hommes mais de celle du Tribunal de Grande Instance ; que cependant, le Conseil de Prud'hommes a été valablement saisi de litiges individuels entre plusieurs salariés et leur employeur, et il était parfaitement compétent pour statuer sur des demandes fondées sur l'application du principe « à travail égal, salaire égal » ; que sur le fond, l'appelant considère que non seulement la différence de traitement entre anciens « carte G » et ancien « complémentaires » est justifiée par des critères objectifs tels que les conditions initiales de recrutement et les modalités d'exercice de la profession, mais qu'elle est induite par la Convention collective qui selon lui consacre la distinction entre « carte G » et « non carte G » ; que le GMOD explique qu'il a fixé le salaire des anciens ouvriers dockers complémentaires, intégrés comme professionnels mais sans être titulaires de la carte G, en les considérant comme des dockers mensualisés ; que cependant, pas plus la Convention collective de la manutention portuaire que la loi du juin 1992, après celle du 6 septembre 1947, ne connaissent d'autres catégories de dockers que les professionnels et les occasionnels et que nul ne prétend que Messieurs X..., Z..., A..., B..., C..., Christian et Michel Y..., D..., E... et F... seraient ou auraient été des dockers occasionnels ; qu'il a été vu que jusqu'à la loi LE DRIAN ils avaient les mêmes obligations que les « carte G » et les fonctions réellement exercées étaient les mêmes, de sorte que c'est l'existence même de la catégorie des dockers complémentaires qui est anormale et contraire à la loi, et ni la détention à une époque d'une carte professionnelle ni les conditions initiales de recrutement ne peuvent justifier la différence de rémunération qui perdure, les organes de recrutement étant les mêmes pour les deux catégories de dockers de même que les conditions de recrutement, à ceci près qu'à la Rochelle il fallait avoir été docker complémentaire pour devenir « carte G » ; que dans ces conditions, le Conseil de Prud'hommes a dit à bon droit que Messieurs X..., Z..., A..., B..., C..., Christian et Michel Y..., D..., E... et F... devaient percevoir le même salaire que les dockers professionnels anciens « carte G » ;
Alors, d'une part, que le nouveau régime institué par la loi n° 92-496 du 9 juin 1992 portant réforme de la manutention portuaire, incitant à la mensualisation des ouvriers dockers a institué un régime transitoire en faveur des dockers professionnels, qui étaient titulaires de la carte professionnelle au 1er janvier 1992 (article L. 511-2 III du Code des ports maritimes), sans que soit prévue la délivrance de cartes professionnelles postérieurement à son entrée en vigueur ; qu'en assimilant en l'espèce les dockers complémentaires à des dockers professionnels et en appliquant le régime juridique réservé aux seuls dockers professionnels à des ouvriers dockers qui n'étaient pas titulaires de la carte professionnelle à la date du 1er janvier 1992, étendant ainsi à des non professionnels et prorogeant le dispositif transitoire destiné à disparaître avec la mensualisation et le départ à la retraite des ouvriers dockers professionnels, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées du Code des ports maritimes ;
Alors, d'autre part, que si en vertu du principe à travail égal, salaire égal, une différence de statut juridique entre des salariés effectuant un travail de même valeur au service du même employeur ne suffit pas, à elle seule, à caractériser une différence de situation au regard de l'égalité de traitement en matière de rémunération, une différence de traitement entre des salariés placés dans la même situation doit reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; qu'en l'espèce, en application du nouveau régime institué par la loi du 9 juin 1992, la Convention collective nationale de la manutention du 31 décembre 1993 prévue à l'article L. 511-2 du Code des ports maritimes et les accords locaux conclus pour le port de La Rochelle-Pallice ont instauré un niveau de rémunération plus élevé en faveur des dockers professionnels mensualisés, en contrepartie d'une renonciation au bénéfice de leur ancien statut, en application des nouvelles dispositions législatives ; qu'en se bornant en l'espèce à relever l'identité de fonctions entre les dockers professionnels et les dockers dits complémentaires, et le caractère similaire des contraintes pesant sur ces deux catégories de dockers, sans rechercher concrètement si la différence de rémunération en litige n'avait pas pour objet de compenser la perte du statut professionnel antérieur plus favorable dont bénéficiaient les dockers professionnels, la Cour d'appel de Poitiers a privé sa décision de base légale au regard du principe et des dispositions susvisés.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-70575
Date de la décision : 22/06/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

DROIT MARITIME - Port - Docker - Statut professionnel - Catégorie professionnelle - Classement - Ouvrier docker professionnel - Cas - Docker "complémentaire" du port de La Rochelle-Pallice - Portée

Ni la loi n° 92-496 du 9 juin 1992 portant réforme de la manutention portuaire, ni la convention collective de la manutention portuaire ne connaissent d'autres catégories de dockers que les professionnels ou les occasionnels. La délivrance matérielle de la carte professionnelle de docker n'a pas d'incidence sur la détermination du statut qui dépend des conditions effectives de travail des dockers. Doit en conséquence être rejeté le pourvoi formé contre un arrêt qui, ayant relevé que les dockers complémentaires, qualification spécifique utilisée dans le port de La Rochelle-Pallice, avaient les mêmes obligations que les dockers professionnels et que les fonctions exercées étaient identiques, en a exactement déduit qu'ils devaient être classés dans cette dernière catégorie et bénéficier de la même rémunération


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 01 septembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 jui. 2011, pourvoi n°09-70575, Bull. civ. 2011, V, n° 161
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, V, n° 161

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Cavarroc
Rapporteur ?: Mme Vallée
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.70575
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