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21/06/2011 | FRANCE | N°10-30239

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 juin 2011, 10-30239


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée en décembre 1998 comme agent de service hospitalier par la Société des Cliniques du Midi (la société), Mme X... a été licenciée pour faute grave le 26 juin 2006 ;
Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société à diverses sommes, la cour d'appel retient que l'infirmière, témoin de l

a scène, précise que Mme X... s'est exprimée de façon générale, qu'elle n'a ni c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée en décembre 1998 comme agent de service hospitalier par la Société des Cliniques du Midi (la société), Mme X... a été licenciée pour faute grave le 26 juin 2006 ;
Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société à diverses sommes, la cour d'appel retient que l'infirmière, témoin de la scène, précise que Mme X... s'est exprimée de façon générale, qu'elle n'a ni confirmé que les propos s'adressaient au malade, ni démenti la version de la salariée selon laquelle ses propos, bien qu'étant grossiers, étaient formulés dans le cadre d'une conversation entre deux membres du personnel de la clinique ; qu'elle ajoute que le fait que la mère du malade ait entendu ces propos au moyen d'un téléphone décroché " a pu entraîner des imprécisions dans leur perception ", de nature à laisser subsister un doute sur la réalité du grief énoncé à la lettre de licenciement ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que Mme X... reconnaissait avoir tenu, dans la chambre du malade, des propos grossiers et humiliants incompatibles avec ses devoirs de soignant, ainsi que le lui reprochait son employeur, la cour d'appel n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient, violant ainsi les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils pour la Société des cliniques du Midi.
En ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dit le licenciement de Madame X... sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, a condamné la SA des Cliniques du Midi à payer à Madame X... diverses sommes à titre de dommagesintérêts, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement, et de rappel de salaire au regard de la mise à pied conservatoire ;
Aux motifs que dès lors qu'il s'est placé sur le terrain disciplinaire, l'employeur supporte à titre principal la charge de la preuve de l'existence des faits, par application des dispositions de l'article L 1333-1 alinéa 2 du code du travail. Si un doute subsiste, il profite au salarié. La lettre de licenciement pour faute grave du 26 juin 2006 a reproché à Mme X... les faits suivants : « L'attitude que vous avez eue et les propos inadmissibles que vous avez prononcés à l'encontre d'un de nos patients, Monsieur B. hospitalisé au CDR dans la nuit du samedi 27 mai 2006 vers 21 heures 45. Ces propos nous ont été rapportés par la maman du patient puisque le combiné téléphonique n'avait pas été raccroché et elle a pu suivre la conversation en vous identifiant : " tu es pénible, tu nous saoules, ça ne peut pas durer, ça commence à bien faire " " ton bras, ta jambe, on en a plein le cul " " tu te fous de ma gueule, tu ne vas pas nous demander les chiottes toutes les 5 minutes " A la fin du soin, " maintenant museau ! dodo " Ces propos sont totalement incompatibles avec une fonction de soignant et nous ne pouvons pas admettre de tels débordements quelles que soient les excuses que vous pouvez évoquer. C'est un manquement inadmissible, assimilable à de la maltraitance ». Ces faits ont été rapportés à l'employeur par Mme Y..., qui n'était pas présente dans la chambre, puisqu'elle était au téléphone avec son fils et a entendu les propos au téléphone qui était resté décroché à l'issue de la conversation avec celui-ci. Les propos en question n'ont donc pas été tenus dans le combiné, comme ils l'auraient été lors d'une conversation téléphonique, mais ont été prononcés dans la chambre, à une certaine distance de celui-ci. Sans mettre en cause la bonne foi de celle-ci, la certitude affirmée par Mme Y... de la teneur des propos et de sa reconnaissance de la voix de Mme X... doit dès lors être appréciée avec réserves, au vu des conditions dans lesquelles ils ont ainsi été entendus. D'autre part, l'unique témoin direct des propos en question est Mme Z..., infirmière, présente dans la chambre avec Mme X... pour donner les soins au patient. Dans sa lettre du 16 juin 2006 adressée au médecin chef du service, elle regrette de n'avoir pas été assez alerte et d'avoir manqué de réflexe pour intervenir auprès de sa collègue de travail qui tenait des propos virulents dans la chambre d'un patient et pour mettre fin à ces propos déplacés. Lors de son audition devant la cour, Mme Z... a précisé que Mme X... s'était exprimée d'une façon générale avec des propos comme « c'est le bazar ce soir ».
Elle n'a donc pas confirmé que les propos tenus s'adressaient au malade et en conséquence n'a pas démenti la version présentée par Mme X... dès l'entretien préalable, selon laquelle ses propos, assurément grossiers, étaient formulés dans le cadre d'une conversation entre les deux intervenantes ou bien lors de la constatation de l'absence de lingettes dans le placard du box. Mme X... en effet a précisé lors de l'entretien préalable que l'infirmière avait posé la question : « Est-ce qu'il a chié ? » et qu'elle-même avait alors répondu « Oui il a beaucoup chié », puis qu'elle-même, constatant l'absence des lingettes nécessaires aux soins, s'était écriée : « Putain ! Elles font chier de pas faire le plein des box ». Le ton assurément regrettable de ces propos a motivé une tentative d'excuses de Mme X... auprès de la mère du patient le lendemain. Au vu de l'ensemble de ces éléments, au regard de la façon dont les propos ont été entendus au moyen d'un téléphone décroché, qui a pu entraîner des imprécisions dans leur perception, et au vu des déclarations de l'unique témoin, il subsiste un doute sur la réalité du grief énoncé par la lettre de licenciement à l'encontre de Mme X.... Dans ces conditions, le licenciement n'est pas justifié et est sans cause réelle et sérieuse ;
1°/ Alors qu'en statuant comme elle l'a fait motif pris que l'audition des propos tenus par la salariée au moyen d'un téléphone décroché avait « pu entraîner » des imprécisions dans leur perception, la cour d'appel a statué par un motif hypothétique et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ Et alors, en toute hypothèse, que constitue une faute grave, ou à tout le moins une cause réelle et sérieuse de licenciement, le fait pour une aide soignante de tenir des propos se rapportant à l'intimité d'une personne hospitalisée de nature à porter atteinte à la dignité et à la sensibilité de cette personne ; de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir pourtant constaté que Madame X... avait reconnu avoir tenu des propos qui, même différents de ceux rapportés dans la lettre de licenciement, étaient grossiers et humiliants et constituaient les propos inadmissibles, caractéristiques d'un manquement à ses devoirs de soignant, tel que visé dans la lettre de licenciement, la cour d'appel n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient nécessairement au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail qu'elle a violés.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-30239
Date de la décision : 21/06/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 27 novembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 jui. 2011, pourvoi n°10-30239


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.30239
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