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16/06/2011 | FRANCE | N°10-87600

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 juin 2011, 10-87600


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- Le procureur général près la cour d'appel de Reims,
- La caisse primaire d'assurance maladie de la Marne,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 9 septembre 2010, qui, dans l'information suivie contre Mme Sylvie X..., épouse Y... du chef de complicité d'escroquerie, a prononcé sur une demande d'annulation de pièces de la procédure ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date de ce

jour, joignant les pourvois en raison de la connexité et en prescrivant l'examen immé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- Le procureur général près la cour d'appel de Reims,
- La caisse primaire d'assurance maladie de la Marne,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 9 septembre 2010, qui, dans l'information suivie contre Mme Sylvie X..., épouse Y... du chef de complicité d'escroquerie, a prononcé sur une demande d'annulation de pièces de la procédure ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date de ce jour, joignant les pourvois en raison de la connexité et en prescrivant l'examen immédiat ;

Vu les mémoires produits ;

Sur le moyen unique de cassation proposé par le procureur général, pris de la violation de l'article 80-1 du code de procédure pénale ;

" en ce que la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, infirmant l'ordonnance entreprise refusant le retrait de la mise en examen et l'octroi du statut de témoin assisté, a déclaré nulle et de nul effet la mise en examen de Mme Y... au motif qu'il ne résulte du dossier pas d'indices graves ou concordants que celle-ci, responsable de la pharmacie interne de la clinique des Bleuets, aurait, dans le dessein de permettre la commission d'escroqueries ou d'en favoriser le profit illicite, omis de commander les produits inclus dans le forfait hospitalier exclusivement délivrables par la pharmacie interne et de ce fait d'avoir sciemment rendu possible la délivrance puis la facturation de ces produits par une pharmacie extérieure, en l'occurrence la pharmacie Z... et ce, dans le cadre d'un système généralisé aux cliniques privées du même groupe financier, à savoir les cliniques des Bleuets, Courlancy et Saint-André ;

1°) " alors que, l'article 80-1 du code de procédure pénale n'exige pas, au stade de la mise en examen, une qualité d'indices susceptible de démontrer la culpabilité du mis en examen, mais seulement des indices rendant plausible ou probable la participation du mis en examen aux faits en cause ; qu'en s'abstenant d'examiner le caractère vraisemblable des indices figurant au dossier, la chambre de l'instruction a violé l'article 80-1 du code de procédure pénale ;

2°) " et alors qu'au contraire, le dossier comporte une pluralité d'indices rendant vraisemblable l'existence d'une attitude non seulement délibérée, mais aussi contributive de la responsable de la pharmacie interne de la clinique des Bleuets qui par l'accomplissement normal de ses fonctions devait et pouvait empêcher l a commission de l'infraction ; qu'en effet, il n'est pas contesté par cette dernière qu'une partie des produits inclus dans le groupe homogène de séjour (GHS), produits obligatoirement délivrables par la pharmacie interne puisqu'inclus dans le forfait versé par la caisse primaire d'assurance maladie à la clinique, n'étaient plus commandés par la pharmacie interne depuis de nombreuses années, tels en particulier des équipements orthopédiques (béquilles, déambulateur, bas de contention, ceinture abdominale post-opératoire...) ; que cette anomalie systématisée sur une longue période s'agissant de produits faisant partie des soins de base hospitaliers systématiques dans les opérations chirurgicales des membres inférieurs, ne peut être le résultat d'une attitude non délibérée, alors surtout que Mme Y... ne conteste pas que les produits voisins et moins coûteux qu'elle dit avoir préféré aux bas de contention et présents dans le stock de la pharmacie interne ne répondaient pas aux besoins des praticiens et qu'il n'est pas démontré que les produits manquants pouvaient être délivrés en urgence par les pharmacies internes de s autres cliniques du groupe ou par un grossiste ; qu'il apparaît ainsi que, sans cette manière de gérer les stocks de la pharmacie interne reprochée à Mme Y..., l'escroquerie à la sécurité sociale n'aurait pu être matériellement possible ; qu'au surplus, de nombreux témoignages révèlent que la délivrance parallèle des produits par la pharmacie Z... pour suppléer les carences de la pharmacie interne était une pratique ancienne et de notoriété publique ; que ces témoignages démontrent que les médecins et les personnels infirmiers tenaient pour acquis que la pharmacie interne ne délivrait pas certains produits ; que l'ensemble du personnel infirmier participait audit processus (par exemple en adressant les prescriptions par télécopie à la pharmacie Z... ou en recueillant auprès des patients hospitalisés leur carte vitale pour la transmettre à cette pharmacie) ; qu'il n'est pas vraisemblable que Mme Y... ait pu ignorer, compte tenu de son ancienneté à la clinique des Bleuets, ce qu'aucune infirmière ni aucun médecin n'ignorait ; qu'elle ne pouvait ignorer davantage que sa persistance dans sa défaillance à approvisionner la clinique dans l'appareillage de base permettait, entretenait et confortait un système qui perdurait depuis de nombreuses années au préjudice de la sécurité sociale, alors que par l'effet du décret n° 2000-1316 du 26 décembre 2000 relatif aux pharmacies à usage interne, il est fait obligation aux pharmacies à usage interne d'approvisionner leurs établissements au moins une fois par jour et dans des délais permettant de répondre à toute demande urgente ; qu'il est tout aussi invraisemblable qu'en temps que professionnelle chevronnée elle ait pu ignorer le déplacement de personnels de la pharmacie Z... et de M. Z... lui-même, qu'elle connaissait, dans les chambres des patients hospitalisés à la clinique des Bleuets puisque la délivrance du matériel de contention suppose une prise de mesure à la taille du patient, ce d'autant que selon divers témoignages, ces déplacements étaient très réguliers et réalisés sans dissimulation aucune ; qu'en outre, il ressort des témoignages de plusieurs médecins, que Mme Y..., interrogée sur la disponibilité dans le stock de la pharmacie interne de médicaments, leur avait répondu qu'elle faisait ce qu'elle pouvait pour avoir le maximum de médicaments et que pour les autres, il leur fallait s'adresser à une pharmacie de ville ; qu'il semble donc, au regard de ces témoignages, que Mme Y... ait eu un rôle actif de nature à favoriser l'escroquerie reprochée ; qu'ainsi, l'ensemble des indices précités rendent vraisemblable que Mme Y... a bien fourni une part contributive aux escroqueries à la caisse primaire d'assurance maladie en entretenant sciemment un système visant à une double facturation des produits à la sécurité sociale ; qu'en conséquence, c'est à juste titre qu'elle a été mise en examen au vu d'indices concordants rendant vraisemblable sa participation intentionnelle aux faits comme complice pour avoir géré sur une période de temps significative des stocks ne correspondant pas à la réalité des besoins de la clinique des Bleuets et ainsi permis, favorisé, voire provoqué l'infraction qu'elle devait empêcher par l'accomplissement des diligences normales de sa fonction ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par Me Foussard pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne, pris de la violation des articles 121-7 et 313-1 du code pénal, L. 5126-1, L. 5126-5 et R. 5126-23 du code de santé publique, 80-1, 173, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;

" en ce que l'arrêt attaqué a annulé la mise en examen de Mme Sylvie Y... ;

" aux motifs que la complicité d'escroquerie suppose soit un comportement actif, soit une passivité volontaire ; que la simple suspicion, exprimée par divers témoins, quant à l'ignorance de l'appelante relativement aux faits dont s'agit n'est étayée par aucun élément, les fréquents passages à la clinique de son confrère le pharmacien Z..., qui serait le bénéficiaire des menées dénoncées, n'étant pas, à eux seuls, révélateurs aux yeux de Mme Y..., qui conteste l'avoir jamais rencontré dans les lieux et dépeint en termes dénués d'aménité leurs exceptionnels rapports professionnels, de la connaissance par elle des agissements en cause ; que si l'appelante ne conteste pas l'insuffisance de ses stocks quant à certains produits, tels des bas de contention, pourtant prescrits par les médecins de la clinique, elle explique ceci par sa préférence pour l'achat de produits voisins et moins coûteux et par la facilité à qu'elle avait à obtenir les produits manquants en sollicitant soit les deux autres pharmacies du groupe médical dont fait partie la clinique Les Bleuets, soit un grossiste ; qu'en l'état du dossier, il pourrait ressortir des procès-verbaux que Mme Y... a failli dans la gestion de ses stocks au regard des règles régissant sa profession de pharmacien, mais qu'il n'en résulte pas d'indices graves ou concordants qu'elle aurait agi de la sorte dans le dessein de permettre la commission d'escroqueries ou d'en favoriser le profit illicite ;

" alors que, si la mise en examen postule des présomptions graves ou concordantes rendant vraisemblable la participation à la commission de l'infraction, il suffit que les indices rendent cette participation plausible ou probable ; qu'en relevant, au cas d'espèce, qu'il n'était pas établi que Mme Y... ait agi dans le dessein de permettre la commission d'escroquerie ou d'en favoriser le profit illicite, comme le ferait un juge du fond, quand ils leur incombaient seulement de vérifier si les éléments figurant au dossier rendaient possible ou crédible la participation consciente aux faits, l'information ayant précisé pour objet de les établir ou de les infirmer, les juges du fond ont violé les textes susvisés " ;

Et sur le second moyen de cassation proposé par Me Foussard pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne, pris de la violation des articles 121-7 et 313-1 du code pénal, L. 5126-1, L. 5126-5 et R. 5126-23 du code de santé publique, 80-1, 173, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;

" en ce que l'arrêt attaqué a annulé la mise en examen de Mme Y... ;

" aux motifs que la complicité d'escroquerie suppose soit un comportement actif, soit une passivité volontaire ; que la simple suspicion, exprimée par divers témoins, quant à l'ignorance de l'appelante relativement aux faits dont s'agit n'est étayée par aucun élément, les fréquents passages à la clinique de son confrère le pharmacien Z..., qui serait le bénéficiaire des menées dénoncées, n'étant pas, à eux seuls, révélateurs aux yeux de Mme Y..., qui conteste l'avoir jamais rencontré dans les lieux et dépeint en termes dénués d'aménité leurs exceptionnels rapports professionnels, de la connaissance par elle des agissements en cause ; que si l'appelante ne conteste pas l'insuffisance de ses stocks quant à certains produits, tels des bas de contention, pourtant prescrits par les médecins de la clinique, elle explique ceci par sa préférence pour l'achat de produits voisins et moins coûteux et par la facilité à qu'elle avait à obtenir les produits manquants en sollicitant soit les deux autres pharmacies du groupe médical dont fait partie la clinique les Bleuets, soit un grossiste ; qu'en l'état du dossier, il pourrait ressortir des procès-verbaux que Mme Y... a failli dans la gestion de ses stocks au regard des règles régissant sa profession de pharmacien, mais qu'il n'en résulte pas d'indices graves ou concordants qu'elle aurait agi de la sorte dans le dessein de permettre la commission d'escroqueries ou d'en favoriser le profit illicite ;

1°) " alors que, dès lors qu'ils avaient relevé, d'une part, une insuffisance de stock quant à certains produits, pourtant prescrits par les médecins de la polyclinique, d'autre part, que les procès-verbaux laissaient penser que Mme Y... a failli dans la gestion des stocks, au regard des règles régissant la profession de pharmacien, et que cette politique était la condition préalable de l'escroquerie, les juges du fond se devaient de constater qu'il y avait des présomptions graves rendant vraisemblable une complicité ; qu'en annulant en l'état la mise en examen, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

2°) " et alors que la mise en avant par Mme Y... de faits non vérifiés pour expliquer son comportement et l'absence d'éléments, en l'état du dossier, permettant d'affirmer l'existence d'un élément intentionnel, ne pouvaient justifier l'annulation de la mise en examen, la poursuite de l'information ayant précisément pour objet de vérifier ces points ; que de ce point de vue également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des textes susvisés " ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 80-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que, selon ce texte, le juge d'instruction peut mettre en examen toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à l'occasion du remboursement forfaitaire hospitalier, la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne a pris en charge des prestations fournies pas des cliniques du secteur privé dotées d'une pharmacie interne mais qui s'approvisionnaient auprès d'un pharmacien d'officine lequel, en facturant directement ses prestations aux patients, obtenait indûment de la caisse un second remboursement ; que Mme X..., gestionnaire de la pharmacie interne de l'une des cliniques, a été mise en examen par le juge d'instruction du chef de complicité d'escroquerie ;

Attendu que, pour faire droit à la demande d'annulation de cette mise en examen, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé la réunion d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la personne mise en examen, à tout le moins comme complice, à la commission des infractions d'escroquerie dont le juge d'instruction était saisi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs ;

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, en date du 9 septembre 2010 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE le retour du dossier au juge d'instruction saisi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-87600
Date de la décision : 16/06/2011
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, 09 septembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 jui. 2011, pourvoi n°10-87600


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Foussard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.87600
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