LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- La société Stereau,
- La société GTM environnement,
contre l'ordonnance du premier président de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 28 octobre 2009, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à effectuer des opérations de visite et saisie de documents, en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations
complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Delaporte, Briard et Trichet, pour la société GTM environnement et pris de la violation de l'article L. 450-4 du code de commerce ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a dit n'y avoir lieu à annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Marseille du 22 octobre 2008 ayant autorisé, notamment dans les locaux de la société GTM environnement, des visites et saisies en vue de rechercher la preuve d'agissements prohibés par le point 4 de l'article L. 420-1 du code de commerce relevés dans le secteur de la construction et l'extension des stations d'épuration, ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée ;
"alors que les dispositions de l'article L. 450-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, sont contraires aux principes constitutionnels du respect des droits de la défense, du respect de la vie privée et de l'inviolabilité du domicile et de la liberté individuelle, en ce qu'elles ne garantissent pas de manière effective le droit de l'occupant des lieux de faire appel à un avocat et d'être assisté par celui-ci pendant le déroulement des opérations ; que la décision du Conseil constitutionnel déclarant contraire à la Constitution les dispositions législatives susvisées prive de fondement légal l'autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Marseille le 22 octobre 2008 et les visites et saisies pratiquées en vertu de cette ordonnance d'autorisation";
Attendu que, par ordonnance du 22 octobre 2008, confirmée le 28 octobre 2009 par l'ordonnance attaquée, le juge des libertés et de la détention a autorisé la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à effectuer des opérations de visite et saisie de documents en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la construction et de l'extension des stations d'épuration ; que l'ordonnance a été mise en oeuvre le 7 novembre 2008 ;
Attendu que, par arrêt du 1er décembre 2010, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé qu'était irrecevable pour avoir été déjà posée, dans les mêmes termes, à l'occasion du même pourvoi, la question prioritaire de constitutionnalité relative au droit, pour l'occupant des lieux, d'être assisté pendant le déroulement des opérations par un avocat, question sur laquelle il avait déjà été statué ;
Que, par le même arrêt, elle a, en outre, jugé que la question prioritaire de constitutionnalité, tirée de ce que les dispositions de l'article L. 450-4 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à l' ordonnance du 13 novembre 2008 ne permettraient pas l'effectivité du droit au recours au juge, ne présentait pas un caractère sérieux ;
Qu' il en résulte que le moyen est devenu inopérant ;
Sur le premier moyen de cassation , proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié , pour la société Stereau et pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, L. 450-4 du code de commerce, 5 IV de l'ordonnance du 13 novembre 2008, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a dit n'y avoir lieu à annulation de l'ordonnance déférée du 22 octobre 2008 rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Marseille autorisant l'administration de la concurrence à procéder à des visites et saisies dans les locaux de diverses entreprises et notamment ceux de la société Stereau situés à Saint-Gely-du-Fesc ;
"aux motifs que les appelants soutiennent en premier lieu que l'ordonnance du 13 novembre 2008 viole l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme en instituant par son article 5 IV une voie de recours destinée à valider les procédures antérieures alors qu'aucun motif sérieux ne justifie le caractère rétroactif de cette mesure ; que, cependant, cette disposition a pour seul objet, conformément à la jurisprudence de la Convention européenne des droits de l'homme d'instituer une voie de recours et qu'elle constitue à ce titre un texte de procédure et donc d'application immédiate ; qu'elle ne saurait violer l'article 6 § 1 tendant au contraire à mettre le droit interne en conformité avec la jurisprudence de la cour européenne ;
"1) alors que la liberté individuelle, l'inviolabilité du domicile, les droits de la défense et le droit à un procès équitable, garantis par la constitution, impliquent que l'entreprise qui fait l'objet d'une perquisition soit mise en mesure de recourir effectivement au juge qui a autorisé les opérations et les contrôles, puisse bénéficier de l'assistance d'un conseil et soit informé de la mesure dont elle fait l'objet dès le début de celle-ci ; que l'article L. 450-4, dans sa rédaction en vigueur à la date des faits, qui n'offre aucune de ces garanties, contrevient aux dispositions des articles 66 de la Constitution et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que la déclaration d'inconstitutionnalité de ce texte, par le Conseil constitutionnel, à venir en application de ces textes et de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, privera de toute base légale l'arrêt attaqué fondé sur le texte susvisé ;
"2) alors que le législateur ne peut s'immiscer dans un litige en cours pour valider rétroactivement une procédure radicalement viciée ; qu'en instituant un régime transitoire prévoyant un recours de pleine juridiction contre les ordonnances sur requête ayant autorisé des visites domiciliaires même lorsqu'un pourvoi dirigé contre ces ordonnances a déjà été rejeté, sous la seule réserve que l'affaire n'ait pas encore donné lieu à une décision de fond irrévocable, le législateur a ainsi validé a posteriori des saisies déjà pratiquées, afin d'éviter que l'inconventionalité avérée de la procédure suivie ne puisse être invoquée par les intéressés comme moyen de défense au fond ; que la cour d'appel qui a expressément admis que l'article 5 IV de l'ordonnance du 13 novembre 2008 tendait à mettre le droit interne en conformité avec la jurisprudence de la cour européenne, n'a pu, sans se contredire affirmer que ce texte avait "pour seul objet, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme d'instituer une voie de recours et qu'elle constitue à ce titre un texte de procédure d'application immédiate" ;
"3) alors qu'une société dont les locaux sont visités ne bénéficie d'un recours effectif contre cette mesure répondant aux exigences des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, que si le responsable des locaux ou le représentant qu'il a désigné a été préalablement informé de ses droits et mis à même de les exercer ; qu'ainsi une procédure d'autorisation de visite et saisie n'est régulière que si les intéressés ont immédiatement été informés, lors de la visite, de la possibilité de contester en fait comme en droit l'ordonnance sur requête l'autorisant ; qu'en affirmant que le recours institué par l'article 5 IV de l'ordonnance du 13 novembre 2008, était conforme aux exigences de la Convention et devait être appliqué à toutes les visites domiciliaires y compris à celles réalisées avant son entrée en vigueur, quand la société intéressée n'a pu ni être informée, le 7 novembre 2008, jour de la visite, de l'existence d'un recours de pleine juridiction qui n'est entré en vigueur que postérieurement, ni a fortiori exercer celui-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés";
Sur le second moyen de cassation , proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié, pour la société Stereau et pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, L. 450-4 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a dit n'y avoir lieu à annulation de l'ordonnance déférée du 22 octobre 2008 rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Marseille autorisant l'administration de la concurrence à procéder à des visites et saisies dans les locaux de diverses entreprises et notamment ceux de la société Stereau situés à Saint-Gely-du-Fesc ;
"aux motifs que c'est en vain qu'est encore allégué que le juge des libertés et de la détention aurait violé le principe dispositif en autorisant le recours à l'article L. 450-4 du code de commerce dans le secteur de la construction et de l'extension des stations d'épuration alors qu'il était saisi d'une demande relative au secteur des marchés publics pour le transport de produits sanguins ; qu'ainsi l'admet l'administration, il s'agit à l'évidence d'une simple erreur matérielle qu'une simple lecture de la requête exclusivement consacrée aux stations d'épuration permet de corriger ; que, c'est dans ces conditions à juste titre que le juge a délivré son autorisation pour ce dernier secteur ; qu'il est ensuite reproché au premier juge de s'être contenté de signer une ordonnance pré-rédigée sans exercer un contrôle effectif de la requête de l'administration ; que ce seul fait, à le supposer établi, ne permet pas de présumer que le juge a rendu sa décision sans adopter les motifs qui étaient soumis à son appréciation et sans examiner les pièces produites par l'administration ; qu'il est encore soutenu que, contrairement aux exigences de l'article L. 450-4 du code de commerce, le premier juge a autorisé les visites et saisies en l'absence de présomptions de l'existence des pratiques recherchées et au vu d'éléments d'information ayant un caractère insuffisant ; que, cependant, c'est pour des motifs pertinents qu'il convient d'adopter que le premier juge, après s'être livré à une analyse minutieuse des pièces annexées à la requête, notamment celles afférentes à plusieurs marchés, a retenu divers éléments énumérés en pages 5 et suivantes de sa décision qui lui ont permis de considérer à bon droit qu'il existait des présomptions de pratiques prohibées au sens de l'article L. 420-1 du code de commerce (…) ; que c'est également à tort que les appelants soutiennent que l'autorisation donnée par le premier juge est disproportionnée par rapport aux éléments apportés par l'administration et en l'absence du caractère nécessaire de l'enquête ; qu'en effet, étant rappelé que l'existence de simples présomptions suffit à fonder la décision, le juge des libertés et de la détention a, à juste titre, autorisé les visites et saisies dès lors qu'il a considéré que les éléments produits laissaient présumer, comme exposé plus haut, les pratiques recherchées ; qu'à l'évidence, les autres pouvoirs d'enquête qu'offre l'article L. 450-4 du code de commerce, eu égard à la nature des pratiques présumées, lesquelles supposaient une action simultanée dans les locaux des entreprises concernées et ce, pour éviter la dissimulation ou la destruction des éléments matériels ; qu'enfin, les appelants soutiennent que l'autorisation a un caractère trop général ; que, cependant, c'est à bon droit que l'administration fait valoir que l'autorisation du juge des libertés et de la détention porte sur un secteur déterminé tel que rappelé plus haut en n'ayant pas circonscrit le champ géographique compte tenu du fait que les entreprises en cause exercent leur activité sur le territoire national ;
"1) alors que, lorsqu'il est saisi d'une requête par l'administration de la concurrence, le juge des libertés et de la détention doit vérifier que la demande d'autorisation de visite qui lui est soumise est fondée ; que, pour être régulière, la requête doit s'inscrire dans le cadre d'une enquête préalablement autorisée portant sur un secteur déterminé ; qu'ainsi, il n'appartient pas au juge des libertés et de la détention de modifier l'objet de la demande ; qu'en considérant que le premier juge qui avait été saisi d'une requête sollicitant dans son dispositif une mesure relative au secteur des marchés publics pour le transport de produits sanguins n'avait fait que corriger une simple erreur matérielle en autorisant des visites dans le secteur de la construction et de l'extension des stations d'épuration, quand le premier juge n'avait pas le pouvoir de modifier le dispositif de la requête et partant l'objet de la demande, la cour d'appel a violé l'article L. 450-4 du code de commerce, ensemble les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
"2) alors que la régularité de la procédure de visite accomplie sur autorisation judiciaire préalable est subordonnée à la vérification, par le juge des libertés et de la détention, des éléments fondant la demande de l'administration ; qu'en matière de visite domiciliaire, l'intéressé doit pouvoir obtenir un contrôle juridictionnel effectif en fait comme en droit de la régularité de la décision prescrivant la visite ; que ces exigences rappelées par la Cour européenne des droits de l'homme s'opposent au maintien de toute présomption d'examen par le juge de la requête qui lui est soumise lorsque celui-ci se borne à signer une ordonnance pré-rédigée par l'administration elle-même ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, ainsi que l'article L. 450-4 du code de commerce ;
"3) alors qu'en matière de visite domiciliaire, les personnes concernées doivent pouvoir obtenir un contrôle juridictionnel effectif en fait comme en droit de la régularité de la décision prescrivant la visite ; qu'un tel recours n'est effectif que s'il permet un examen contradictoire des éléments de fait fondant les autorisations litigieuses et spécialement de la valeur des présomptions de fraude retenues par l'administration et le premier juge à l'encontre des intéressés ; qu'en se bornant à adopter la motivation de l'ordonnance d'autorisation de visite déférée pour considérer qu'il existait des présomptions de pratiques prohibées, sans examiner les contestations de la société Stereau portant précisément sur la valeur et la portée des éléments retenus contre elle, la cour d'appel qui n'a pas accompli son office lui imposant d'examiner les contestations soulevées en fait et en droit par chacune des entreprises concernées, a violé les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article L. 450-4 du code de commerce ;
"4) alors que la proportionnalité d'une visite domiciliaire par rapport au but recherché doit être appréciée en fonction des circonstances de fait particulières de chaque espèce ; qu'en se bornant à affirmer, pour retenir que la mesure ordonnée n'était pas disproportionnée, que la visite domiciliaire s'imposait eu égard à la nature des pratiques d'ententes présumées, sans tenir compte d'aucune circonstance particulière de l'espèce, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 450-4 du code de commerce ;
"5) alors qu'une ordonnance autorisant une visite domiciliaire, n'est régulière qu'à condition de circonscrire précisément la visite ; que, pour être suffisamment déterminée, une telle autorisation judiciaire doit donc définir non seulement le marché de produits concerné par les pratiques anticoncurrentielles présumées dont la preuve est recherchée, mais aussi l'étendue géographique des pratiques incriminées ; que la cour d'appel qui a constaté que le juge des libertés et de la détention n'avait pas circonscrit de champ géographique, n'a pu sans se contredire considérer l'autorisation de visite ainsi délivrée était néanmoins suffisamment déterminée" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Delaporte , Briard et Trichet pour la société GTM environnement, et pris de la violation des articles L. 450-4 du code de commerce, 6, 8, 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, 593 et 591 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a dit n'y avoir lieu à annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Marseille du 22 octobre 2008 ayant autorisé, notamment dans les locaux de la société GTM environnement, des visites et saisies en vue de rechercher la preuve d'agissements prohibés par le point 4 de l'article L. 420-1 du code de commerce relevés dans le secteur de la construction et l'extension des stations d'épuration, ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée ;
"aux motifs qu'il est reproché au premier juge de s'être contenté de signer une ordonnance pré-rédigée sans exercer un contrôle effectif de la requête de l'administration ; que ce seul fait, à le supposer établi, ne permet pas de présumer que le juge a rendu sa décision sans adopter les motifs qui étaient soumis à son appréciation et sans examiner les pièces produites par l'administration ;
"1) alors que le droit à être jugé par un tribunal impartial et indépendant implique que les parties ne puissent nourrir de craintes objectivement justifiées à son égard ; que la circonstance que le juge appelé à autoriser l'administration poursuivante se borne à apposer sa signature au bas d'un document pré-établi par cette administration peut faire peser un doute légitime, dans l'esprit du justiciable, sur l'impartialité de la juridiction, peu important que le juge ait ou non examiné les pièces et les motifs qu'il lui était demandé de s'approprier ; qu' en retenant que le seul fait que l'ordonnance ait été pré-rédigée par l'administration ne permettait pas de présumer que le juge avait rendu sa décision sans examiner les pièces produites par l'administration et sans adopter les motifs qui étaient soumis à son approbation, le premier président s'est déterminé par un motif inopérant ;
"2) alors, qu'il ne peut être dérogé au principe de l'inviolabilité du domicile en raison de nécessités tirées de l'intérêt général qu'à la condition que ces dérogations soient proportionnées au but recherché et, dans le cas des visites domiciliaires, qu'il soit offert aux personnes concernées des garanties suffisantes contre les abus ; que, si l'existence d'une autorisation judiciaire préalable à la visite domiciliaire constitue une garantie pertinente, c'est à la condition qu'elle soit accordée après vérification effective et concrète par le juge du bien fondé de la demande qui lui est soumise ; que la signature d'une ordonnance pré-rédigée par l'administration requérante est incompatible avec l'exercice réel par le juge de ses prérogatives et présente l'apparence d'une décision rendue sans contrôle juridictionnel réel ; qu'en retenant que ce seul fait ne permettait pas de présumer que le juge des libertés et de la détention n'avait pas examiné les pièces produites par l'administration, l'ordonnance attaquée a méconnu les textes susvisés ;
"3) alors, en toute hypothèse, que l'atteinte portée au principe de l'inviolabilité du domicile par une autorisation de visite pratiquée sur le fondement de l'article L. 450-4 du code de commerce n'est proportionnée au but poursuivi qu'à la condition que la visite soit autorisée dans le cadre limité par les indices de pratiques anticoncurrentielles constatés ; qu'en l'espèce, les présomptions de pratiques anticoncurrentielles étaient circonscrites à cinq procédures d'appel d'offres seulement de marchés lancés entre le 30 mai 2006 et le 25 juillet 2007 ; qu'en jugeant régulière l'ordonnance autorisant des opérations de visite et de saisie, non seulement pour ces marchés précis, mais aussi pour l'ensemble du secteur de la construction et l'extension des stations d'épuration et pour une période illimitée dans le temps, l'ordonnance attaquée a violé les textes susvisés";
Sur le troisième moyen de cassation, proposé par la société professionnelle Delaporte, Briard et Trichet pour la société GTM environnement et pris de la violation des articles L. 450-4 du code de commerce, 6, 8, 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, 593 et 591 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a dit n'y avoir lieu à annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Marseille du 22 octobre 2008 ayant autorisé, notamment dans les locaux de la société GTM environnement, des visite et saisie en vue de rechercher la preuve d'agissements prohibés par le point 4 de l'article L. 420-1 du code de commerce relevés dans le secteur de la construction et l'extension des stations d'épuration, ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée ;
"aux motifs qu'il est encore soutenu que, contrairement aux exigences de l'article L. 450-4 du code de commerce, le premier juge a autorisé les visites et saisies en l'absence de présomption de l'existence des pratiques recherchées et au vu d'éléments d'information ayant un caractère insuffisant ; mais attendu que c'est pour des motifs pertinents qu'il convient d'adopter, que le premier juge, après s'être livré à une analyse minutieuse des pièces annexées à la requête, notamment celles afférentes à plusieurs marchés, a retenu divers éléments énumérés en pages 5 et suivantes de sa décision qui lui ont permis de considérer à bon droit qu'il existait des présomptions de pratiques prohibées au sens de l'article L. 420-1 du code de commerce ; qu'ainsi, le fait que GTM environnement n'ait soumissionné qu'à un marché est sans incidence sur la valeur des indices fondant la requête à son égard, en ce qu'était précisément présumé que les entreprises s'entendaient pour se partager le marché ; que c'est également à tort que les appelants soutiennent que l'autorisation donnée par le premier juge est disproportionnée par rapport aux éléments apportés par l'administration et en l'absence du caractère nécessaire de l'enquête ; qu'en effet, étant rappelé que l'existence de simples présomptions suffit à fonder la décision, le juge des libertés et de la détention a, à juste titre, autorisé les visites et saisies dès lors qu'il a considéré que les éléments produits laissaient présumer, comme exposé plus haut, les pratiques recherchées ; qu'à l'évidence, les autres pouvoirs d'enquête qu'offre l'article L. 450-4 du code de commerce eu égard à la nature des pratiques présumées, lesquelles supposaient une action simultanée dans les locaux des entreprises concernées et ce, pour éviter la dissimulation ou la destruction des éléments matériels recherchés ; qu'enfin, les appelants soutiennent que l'autorisation a un caractère trop général ; que c'est à bon droit que l'administration fait valoir que l'autorisation du juge des libertés et de la détention porte sur un secteur déterminé, tel que rappelé plus haut, en n'ayant pas circonscrit le champ géographique compte tenu du fait que les entreprises en cause exercent leur activité sur tout le territoire national ;
"et aux motifs adoptés que, sur les six procédures d'attribution de marchés examinés, la société OTV, du groupe Veolia, en remporte deux, les stations de Saint-Tropez et de Roquebrune-sur-Argens ; que la société Degremont, du groupe Suez environnement, en remporte deux, les stations de Fréjus-Reyran et de Saint-Raphaël-Agay ; que la société Stereau, filiale de la Saur, en remporte une (Limouxin) ; que la société GTM, du groupe GTM, en remporte une (Saint Maximin) ; que chaque procédure d'attribution est marquée par un faible niveau de concurrence dû à la défection de l'un ou de plusieurs des sociétés précitées ; qu'ainsi, l'entreprise Degremont, candidate à quatre marchés (Limouxin, Saint-Tropez, Agay et Le Reyran) s'abstient de répondre deux fois et permet respectivement aux sociétés Stereau et OTV d'être victorieuses pour les consultations de Limouxin et Saint-Tropez ; que l'entreprise Sogea, candidate à quatre marchés (Saint-Tropez, Roquebrune-sur-Argens, Agay et Saint Maximin) s'abstient de répondre quatre fois, dont une fois de façon brutale et désinvolte (Agay, Saint-Raphaël), laissant respectivement le champ libre aux sociétés OTV (attributaire deux fois), Degremont et GTM pour remporter les compétitions ; que l'entreprise Stereau, candidate aux six marchés, s'abstient de répondre à cinq d'entre eux (Saint-Tropez, Roquebrune-sur-Argens, Agay, Le Reyran et Saint-Maximin) ; que chaque procédure d'attribution n'a vu en réalité qu'une seule entreprise concourir effectivement, qu'elle ait été seule en lice, la société Stereau pour la station d'épuration (SE) du Limouxin, la société OTV pour les SE de Saint-Tropez et de Roquebrune-sur-Argens, ou qu'elle ait été confrontée à un adversaire factice, la société Degremont face à l'entreprise OTV peu combative pour les SE d'Agay et du Reyran et la société GTM face à l'entreprise MSE (du groupe Veolia), qui a abandonné la compétition sans explication pour l'attribution de la SE de Saint-Maximin ; que, pour les marchés de construction et d'extension des stations d'épuration, les agissements des entreprises candidates paraissent coordonnés ; que l'ensemble de ces comportements laisse en conséquence présumer l'existence de pratiques concertées au sens du point 4 de l'article L. 420-1 du code de commerce ; qu'ainsi, la portée de nos présomptions est suffisante au regard des qualifications prévues à l'article L. 420-1 du code de commerce dans son point 4 ; que la recherche de la preuve de ces pratiques nous apparaît justifiée ; que, par ailleurs, l'utilisation des pouvoirs définis à l'article L. 450-3 du code de commerce ne paraît pas suffisante pour permettre à l'administration de corroborer ses soupçons ; qu'en effet, les actions concertées, conventions ou ententes qui ont pour objet ou effet de se répartir les marchés sont établies suivant des modalités secrètes, et les documents nécessaires à la preuve des pratiques prohibées sont vraisemblablement conservés dans des lieux et sous une forme qui facilitent leur dissimulation ou leur destruction en cas de vérification ; que le recours aux pouvoirs de l'article L. 450-4 du code de commerce constitue le seul moyen d'atteindre les objectifs recherchés ; qu'en outre, les opérations de visite et de saisie sollicitées ne sont pas disproportionnées compte tenu de ce que les intérêts des entreprises concernées sont garantis dès lors que les pouvoirs de l'administration sont utilisés sous notre contrôle ; que les opérations de visite et de saisie dans les locaux de l'ensemble des entreprises qui ont participé ou se sont portées candidates aux consultations étudiées ne nous apparaissent pas nécessaires à l'apport de la preuve des pratiques présumées ; qu'il est vraisemblable que les documents utiles à l'apport de la preuve se trouvent dans les locaux des entreprises Degremont, GTM environnement, OTV, Stereau, qui ont été attributaires des marchés ci-dessus examinés ; qu'il convient également de retenir l'entreprise Sogea Sud Est TP pour la fréquence et le rôle équivoque de ses interventions sur ces marchés, ainsi que l'entreprise MSE dont l'unique prestation est également suspecte ; que, dès lors que ces locaux sont situés en des lieux différents, il est nécessaire de permettre aux enquêteurs d'intervenir simultanément dans ceux-ci afin d'éviter la disparition ou la dissimulation d'éléments matériels ;
"1) alors que le juge des libertés et de la détention ne peut autoriser des visites et saisies en vertu de l'article L. 450-4 du code de commerce que sur le fondement de présomptions de nature à faire naître un doute certain quant à l'existence d'une pratique prohibée ; que la société GTM Environnement soutenait, dans ses conclusions, que la circonstance qu'elle n'ait soumissionné qu'à un seul des cinq appels d'offres en cause s'expliquait facilement par le fait que les marchés correspondants étaient, notamment, de montants radicalement différents et qu'ayant un chiffre d'affaires peu significatif, elle n'avait déposé d'offre que pour le moins élevé d'entre eux ; qu'en déduisant l'existence de présomptions de pratiques prohibées du fait que la société GTM environnement n'avait soumissionné qu'à un seul appel d'offres, sans répondre aux conclusions de cette dernière tirées des différences existant entre les marchés en cause et qui non seulement expliquaient qu'elle n'ait déposé d'offre que pour l'un d'eux mais aussi excluaient la possibilité d'une répartition équilibrée de ces marchés, le premier président a méconnu les textes susvisés ;
"2) alors que le juge des libertés et de la détention ne peut autoriser des visites et saisies dans les locaux d'une personne morale qu'après avoir relevé des faits pouvant être présumés imputables à celle-ci ; qu'en déduisant l'existence de présomptions d'agissements prohibés du comportement des autres entreprises ayant soumissionné au marché dont la société GTM a été attributaire, sans relever aucun fait précis imputable à cette dernière et susceptible de constituer une présomption de participation à des pratiques prohibées, l'ordonnance attaquée a méconnu les textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, d'une part, les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés avoir été établis par le juge qui l'a rendue et signée ;
Attendu que, d'autre part, c'est à bon droit que le juge du second degré a retenu l'existence d' une erreur matérielle dans le dispositif de la requête de l' administration ;
Attendu, encore, que le juge du second degré a souverainement apprécié l'existence des présomptions d'agissements anticoncurrentiels ayant justifié cette autorisation sur laquelle il a exercé un contrôle effectif ;
Attendu, enfin, que les dispositions de l'article L. 450-4 du code de commerce dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 13 novembre 2008, ne contreviennent ni à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l' homme, dès lors que le droit à un procès équitable est garanti par l'intervention du juge tout au long de la procédure, ni à l'article 8 de la même convention, dès lors qu'elles assurent la conciliation du principe du respect de la liberté individuelle et des nécessités de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles ;
D' où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le moyen additionnel, proposé par la société civile professionnelle Delaporte, Briard et Trichet pour la société GTM environnement et pris de la violation des articles L. 450-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, 6, 8, 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, 593 et 591 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a dit n'y avoir lieu à annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Marseille du 22 octobre 2008 ayant autorisé, notamment dans les locaux de la société GTM environnement, des visites et saisies en vue de rechercher la preuve d'agissements prohibés par le point 4 de l'article L. 420-1 du code de commerce relevés dans le secteur de la construction et l'extension des stations d'épuration, ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée ;
"1) alors que le respect des principes conventionnels du droit à un procès équitable et, notamment, des droits de la défense, du respect de la vie privée et de l'inviolabilité du domicile n'est assuré qu'à la condition que soit garanti le droit de l'occupant des lieux de faire appel à un avocat et d'être assisté par celui-ci pendant le déroulement des opérations de visite et saisie ; que ne satisfait donc pas aux exigences conventionnelles susvisées l'ordonnance d'autorisation rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Marseille le 6 février 2008 en application de l'article L. 450-4 du code de commerce, dès lors que ni le texte, ni l'ordonnance n'ont prévu, au profit de l'occupant des lieux, le droit de faire appel à un avocat et d'être assisté par celui-ci pendant le déroulement et les visites et saisies pratiquées en vertu de cette ordonnance d'autorisation ;
"2) alors que si ces opérations s'effectuent sous le contrôle du juge qui les a ordonnées et peut en décider la suspension ou l'arrêt, l'accès des personnes concernées à ce juge n'est pas effectif lorsque les agents procédant à la visite n'ont pas l'obligation de leur faire connaître la possibilité de soumettre au juge toute difficulté et que celui-ci n'est pas tenu de mentionner dans l'ordonnance d'autorisation la possibilité de le saisir, ainsi que ses coordonnées ou tout autre renseignement de nature à rendre ce droit effectif ; que l'ordonnance attaquée ne pouvait donc valider l'autorisation donnée en application de l'article L. 450-4 du code de commerce qui ne garantit pas le droit effectif de saisir le juge lors de leur déroulement par l'indication de ces droits dans l'ordonnance notifiée";
Attendu que, faute d' avoir été proposé devant le juge du fond, le moyen mélangé de fait est nouveau et comme tel irrecevable ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Ract-Madoux conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;