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16/06/2011 | FRANCE | N°10-21419

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 16 juin 2011, 10-21419


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Metz, 21 septembre 2009 et 17 mai 2010), qu'ayant exercé son activité professionnelle de 1945 à 1979 au sein des Houillères du Bassin de Lorraine, aux droits desquelles viennent les Charbonnages de France, Antoine X... a contracté une silicose constatée par un certificat médical du 9 novembre 1965 et reconnue au titre des maladies professionnelles (tableau n° 25) le 3 juillet 1970 ; qu'après son décès, survenu le 15 juin 1995, des suites d'un cancer broncho-pulmon

aire consécutif à la silicose dont il était atteint, Mme X..., sa ve...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Metz, 21 septembre 2009 et 17 mai 2010), qu'ayant exercé son activité professionnelle de 1945 à 1979 au sein des Houillères du Bassin de Lorraine, aux droits desquelles viennent les Charbonnages de France, Antoine X... a contracté une silicose constatée par un certificat médical du 9 novembre 1965 et reconnue au titre des maladies professionnelles (tableau n° 25) le 3 juillet 1970 ; qu'après son décès, survenu le 15 juin 1995, des suites d'un cancer broncho-pulmonaire consécutif à la silicose dont il était atteint, Mme X..., sa veuve, a demandé, en 1998, le bénéfice d'une rente de conjoint survivant à l'Union régionale de sociétés de secours minières de l'Est, aux droits de laquelle vient la caisse autonome du régime minier de l'Est (la caisse), laquelle lui a opposé un refus ; que le tableau n° 25 des maladies professionnelles ayant été modifié en 2003, Mme X... a formulé une nouvelle demande à laquelle il a été fait droit en 2004 ; que Mme X..., Mme Chantal X... et Mme Nadine X..., épouse Y..., ses filles, et Mlle Noémie X..., sa petite fille (les consorts X...), ont engagé une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et saisi d'un recours à cette fin une juridiction de la sécurité sociale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Charbonnages de France et l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (l'agence) reprochent à l'arrêt du 21 septembre 2009 de déclarer recevable l'action engagée par les consorts X..., alors, selon le moyen :
1°/ que la détermination du point de départ de la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, résultant des articles L. 431-2, L. 461-1 et L. 461-5 du code de la sécurité sociale s'impose, y compris pour l'ouverture, postérieurement au décès de la victime, des droits des ayants droit de celle-ci ; qu'il s'ensuit que dès lors que le délai de prescription qui avait commencé à courir à compter de la reconnaissance de la maladie professionnelle de la victime, était expiré au jour de son décès, ses ayants droits n'ont plus de droit à demander réparation du préjudice résultant de la faute inexcusable de l'employeur, de sorte qu'en déclarant recevable l'action des consorts X..., en vertu d'un droit propre en leur qualité d'ayant droit au sens des dispositions de l'article L. 434-7 du code de la sécurité sociale à voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur du fait du décès de M. X... et obtenir réparation de leur préjudice dans les conditions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2°/ que l'ignorance dans laquelle s'est trouvée la veuve d'une personne décédée, compte tenu de l'évolution des connaissances scientifiques, d'une possible relation de cause à effet entre l'activité professionnelle et le décès de son mari, n'est pas de nature à entraîner la suspension de la prescription résultant de la combinaison des articles L. 431-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, d'où il suit qu'en déclarant recevable l'action des consorts X..., lorsque le fait pour l'organisme de sécurité sociale d'avoir accordé, au demeurant en méconnaissance de la procédure contradictoire instituée par l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, à la veuve de la victime, à la suite de l'édiction du décret n° 2003-286 du 28 mars 2003 complétant le tableau n° 25 des maladies professionnelles pour reconnaître le cancer broncho-pulmonaire primitif comme le stade ultime de la silicose, le bénéfice de la rente de conjoint survivant, ne saurait constituer un nouveau titre juridique permettant de rouvrir un nouveau délai de prescription, lequel avait commencé à courir le 9 novembre 1965, date de la première constatation de la maladie, la cour d'appel a violé les articles L. 431-2, L. 461-1 et L. 461-5 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que l'arrêt relève que si la reconnaissance de l'origine professionnelle du cancer broncho-pulmonaire dont Antoine X... est décédé, est liée médicalement à la silicose dont il était initialement atteint, cette affection reconnue en 1970 au titre du tableau n° 25 ne se confond nullement avec celle reconnue en 2004 qui se fonde sur un autre cas de désignation de la maladie dudit tableau n° 25 dans sa rédaction issue du décret n° 2003-286 du 28 mars 2003 ; qu'il en a exactement déduit qu'engagée moins de deux ans après la reconnaissance du caractère professionnel de cette seconde affection, l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur de Mme X..., ses filles et sa petite fille, les consorts X..., aux fins de réparation de leurs préjudices propres n'était pas prescrite ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que Charbonnages de France et l'agence reprochent à l'arrêt du 17 mai 2010 de dire que la complication de la silicose, maladie professionnelle, dont était atteint et décédé Antoine X... est la conséquence de la faute inexcusable des Houillère des Bassins de Lorraine son employeur, aux droits desquelles est venu l'établissement public Charbonnages de France, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en entérinant le témoignage de M. Z..., selon lequel la taille était envahie de poussières provenant du foudroyage intégral pratiqué, lorsqu'une telle opération, qui ne constitue qu'une étape du cycle de production, ne pouvait entraîner qu'un empoussiérage ponctuel de la taille, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article L. 451-2 du code de la sécurité sociale ;
2°/ qu'en reprochant au liquidateur de Charbonnages de France de ne pas avoir fait mention de mesures spécifiques liées au remblayage et au foudroyage, lorsque ce dernier faisait état, parmi les axes de progrès, des recherches sur les méthodes d'arrosage pour neutraliser les poussières produites lors du foudroyage de la pile (abaissement par mise en décompression) ou lors du déplacement (ripage) de celle-ci, la cour d'appel a ainsi méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en tout état de cause et à la supposer établie, une éventuelle carence de l'employeur lors du foudroyage, qui ne pouvait provoquer qu'un empoussiérage ponctuel de la taille, ne pouvait caractériser une faute inexcusable de l'employeur, dès lors que la cour d'appel constatait expressément que l'employeur avait pris les mesures de protection collectives nécessaires pour neutraliser les poussières, spécialement au moment des opérations de havage et d'abattage, qui constituent les premières sources d'empoussiérage, et que les mesures de protection individuelle complémentaires, à savoir la distribution de masques, permettaient de préserver efficacement le salarié des risques liés à l'inhalation des poussières de silice ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article L. 451-2 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par le salarié du fait des agents pathogènes auquel il est exposé ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que les énonciations de l'arrêt caractérisent le fait que l'employeur, compte tenu de son importance, de la nature de son activité et des travaux auxquels était affecté le salarié, avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel celui-ci était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures suffisantes pour l'en préserver ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire, hors toute méconnaissance des termes du litige, que l'employeur d'Antoine X... avait commis une faute inexcusable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs et M. A..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demandede L'ANGDM et de M. A..., ès qualités ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, avocat aux Conseils pour l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs et M. A..., ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif rendu par la Cour d'appel de Metz le 21 septembre 2009 d'avoir déclaré recevable l'action engagée par Mme X... à laquelle se sont joints les consorts X... ;
AUX MOTIFS QUE l'article L 431-2 premier alinéa du Code de la sécurité sociale disposant que les droits de la victime aux prestations et indemnités se prescrivent par deux ans à dater du jour de l'accident, de la clôture de l'enquête, ou de la cessation de paiements de l'indemnité journalière, le délai de prescription de l'action du salarié pour faute inexcusable de l'employeur ne peut commencer à courir qu'à compter de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie ;
Que Mme X... fait valoir que M. X... est décédé en 1995 non pas d'une silicose, mais d'un cancer bronchique ; que Mme X... a réitéré sa demande d'attribution d'une rente conjoint survivant le 18 novembre 2003 consécutivement à l'entrée en vigueur le 1er avril 2003 du décret n°2003-286 du 28 mars 2003 qui a modifié le Tableau 25 des maladies professionnelles en y intégrant le cancer bronchique, pathologie dont est décédé M. X... en 1995 ; que selon la jurisprudence, « dans les cas où une affection a fait l'objet d'une constatation avant la publication du tableau lui attribuant le caractère de maladie professionnelle, le délai de prescription de deux ans commence à courir à compter du jour de la promulgation du décret de déclassement » ; que la pathologie dont est décédé M. X... n'ayant fait l'objet d'une inscription au tableau 25 que le 28 mars 2003 (décret n°2003-286), le délai de prescription biennale prévue par l'article L 431-2 du CSS n'a commencé à courir que le 29 mars 2003 ; que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ayant été engagée le 25 mars 2004, celle-ci n'est en aucun cas prescrite ;
Que M. le liquidateur de l'établissement public Charbonnages de France fait valoir que jusqu'à la promulgation de la loi n°98-1194 du 23.12.1998, il résultait de la combinaison des articles L 431-2, L 461-1 et L 461-5 du Code de la sécurité sociale qu'une victime de maladie professionnelle devait demander le bénéfice de la faute inexcusable dans un délai de deux ans à compter du jour de la première constatation médicale de la maladie, sous peine de forclusion ; qu'en aucun cas, la modification législative de l'article L 431-2 par la loi 2001-1246 du 21.12.2001 (loi qui a marqué comme nouveau point de départ de la prescription, l'action en reconnaissance de la maladie professionnelle) n'a été de nature à permettre d'ouvrir à nouveau la possibilité d'intenter une faute inexcusable pour un dossier qui était déjà prescrit sous l'empire de l'ancienne législation ; que dans le cas présent, tant la première constatation médicale (09.11.1965) que la reconnaissance sont intervenues bien avant la promulgation des textes précités, de telle sorte que l'action en faute inexcusable aurait dû être intentée au plus tard en novembre 1967 ; que la demande en reconnaissance de faute inexcusable introduite le 25.03.2004 est donc prescrite ; que comme l'a très justement souligné le TASS dans ces motivations « ce cancer avait pour origine la silicose pour laquelle M. X... était indemnisé depuis 1971, une telle cause étant englobée par le décret du 28.03.2003 dans le tableau 25 des maladies professionnelles, le cancer étant ainsi considéré comme le stade ultime de la silicose. Si effectivement le décret du 28.03.2003 a donné, à juste titre, à Mme X... le droit de solliciter une rente de conjoint survivant en considérant que la silicose était susceptible de provoquer un cancer bronchique, il n'a pas pour autant crée ex nihilo une nouvelle affection dont la reconnaissance permettrait de faire courir un nouveau délai de deux ans » ; que contrairement aux dossiers concernant des pathologies liées à l'amiante, les lois du 23.12.1998 et du 21.12.2001 n'ont aucun effet rétroactif en matière de silicose ou de complication de maladie ; que la date du décès de M. X... soit le 15.06.1995 ne peut en aucun cas être prise en considération pour une réouverture du droit à agir conformément à la jurisprudence ;
Qu'en l'espèce, le droit de Mme X... à bénéficier d'une rente de conjoint ensuite du décès de son mari au titre d'une maladie professionnelle a été reconnu par décision de l'URSSME notifiée le 7 février 2004 ;
Qu'en application des dispositions sus mentionnées, issues notamment des lois du 23.12.1998 et du 21.12.2001 comme le rappelle M. le liquidateur de Charbonnages de France, applicables le 7 février 2004, Mme X... disposait à ce titre d'un délai de deux ans à compter de la date de décision de reconnaissance pour engager une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, étant précisé que cette décision de reconnaissance ne constituait ni une aggravation ni même une rechute de l'affection de silicose professionnelle reconnue à compter du 31 mars 1971 ;
Qu'en effet, si la reconnaissance de l'origine professionnelle du cancer broncho-pulmonaire est liée médicalement à la silicose dont M. X... était atteint, il n'en reste pas moins que cette affection reconnue en 1971 au titre du tableau 25 ne se confond nullement avec celle reconnue en 2004 qui se fonde sur un autre cas de désignation de la maladie dudit tableau n°25 dans sa rédaction issue du décret n°20 03-286 du 28 mars 2003 ayant complété ce même tableau en faisant mention de manifestation pathologiques associées à des lésions de nature silicotique dont le cancer broncho-pulmonaire primitif, et qui constitue un titre juridique interdisant de la voir considérer comme constituant une rechute ou une aggravation de la silicose professionnelle initialement reconnue en 1971 relevant du tableau n°25 des maladies professionnelles dans sa rédaction applicable à l'époque et non complétée ;
Que par ailleurs, il convient de relever que Mme X... et ses deux filles disposent d'un droit propre en leur qualité d'ayant droit au sens des dispositions de l'article L 434-7 du Code de la sécurité sociale à voir reconnaitre la faute inexcusable de l'employeur du fait du décès de M. X... et obtenir réparation de leur préjudice dans les conditions de l'article L 452-3 du Code de la sécurité sociale, à l'exclusion de toute action à caractère successorale dans la mesure où les seuls droits successoraux que les consorts X... peuvent tenir de M. X... sont ceux issus de la reconnaissance de silicose professionnelle intervenue en 1971 et alors que la reconnaissance de l'origine professionnelle du décès de M. X... est intervenue postérieurement à celui-ci par l'effet des dispositions du décret n°2003-286 du 28 mars 2003 ;
Qu'en conséquence, l'action aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur engagée par Mme X... à laquelle se jointes ses deux filles qui en leur qualité d'ayant droit au sens des dispositions de l'article L 434-7 du Code de la sécurité sociale disposent d'un droit propre le 25 mars 2004, soit moins de deux ans après la décision de reconnaissance notifiée le 7 février 2004 est recevable comme non prescrite, étant précisé que la saisine du Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Moselle est intervenue mois de deux ans après le procès-verbal de non conciliation dressé par l'organisme social ;
Qu'il convient dans ces conditions de réformer le jugement entrepris et de déclarer recevable l'action en reconnaissance de la faute inexcusable engagée par les consorts X... ;
ALORS QUE la détermination du point de départ de la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, résultant des articles L 431-2, L 461-1 et L 461-5 du Code de la sécurité sociale s'impose, y compris pour l'ouverture, postérieurement au décès de la victime, des droits des ayants droit de celle-ci ; qu'il s'ensuit que dès lors que le délai de prescription qui avait commencé à courir à compter de la reconnaissance de la maladie professionnelle de la victime, était expiré au jour de son décès, ses ayants droit n'ont plus de droit à demander réparation du préjudice résultant de la faute inexcusable de l'employeur ;
De sorte qu'en déclarant recevable l'action des consorts X..., en vertu d'un droit propre en leur qualité d'ayant droit au sens des dispositions de l'article L 434-7 du Code de la sécurité sociale à voir reconnaitre la faute inexcusable de l'employeur du fait du décès de M. X... et obtenir réparation de leur préjudice dans les conditions de l'article L 452-3 du Code de la sécurité sociale, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;
ALORS QU'EN OUTRE l'ignorance dans laquelle s'est trouvée la veuve d'une personne décédée, compte tenu de l'évolution des connaissances scientifiques, d'une possible relation de cause à effet entre l'activité professionnelle et le décès de son mari, n'est pas de nature à entraîner la suspension de la prescription résultant de la combinaison des articles L 431-2 et L 461-1 du Code de la sécurité sociale ;
D'où il suit qu'en déclarant recevable l'action des consorts X..., lorsque le fait pour l'organisme de sécurité sociale d'avoir accordé, au demeurant en méconnaissance de la procédure contradictoire instituée par l'article R 441-11 du Code de la sécurité sociale, à la veuve de la victime, à la suite de l'édiction du décret n°2003- 286 du 28 mars 2003 complétant le tableau n°25 des maladies professionnelles pour reconnaitre le cancer broncho-pulmonaire primitif comme le stade ultime de la silicose, le bénéfice de la rente conjoint survivant, ne saurait constituer un nouveau titre juridique permettant de rouvrir un nouveau délai de prescription, lequel avait commencé à courir le 9 novembre 1965, date de la première constatation de la maladie, la Cour d'appel a violé les articles L 431-2, L 461-1 et L 461-5 du Code de la sécurité sociale ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(Subsidiaire)
Le moyen reproche à l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Metz le 17 mai 2010 d'avoir dit que la complication de la silicose, maladie professionnelle, dont était atteint et décédé M. X... était la conséquence de la faute inexcusable des Houillères du Bassin de Lorraine son employeur, aux droits desquels est venu l'établissement public Charbonnages de France ;
AUX MOTIFS QUE Sur la faute inexcusable en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail et les maladies professionnelles, et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Qu'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié mais qu'il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage ;
Qu'il incombe au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve de ce que celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé, et de ce qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Qu'en l'espèce, il ressort du certificat de travail et de l'attestation d'exposition au risque de silicose produit aux débats que M. X... a exercé les fonctions suivantes, lesquelles l'ont exposé au risque de silicose :- 5 décembre 1945 - 04 mai 1947, manoeuvre et rouler à Ste Fontaine - 5 mai 1944 – 03 août 1947, aide piqueur à Merlebach - 4 août 1947 – 28 avril 1952, aide piqueur à Ste Fontaine - 29 avril 1952 – 11 mai 1952, Foudroyeur à Merlebach - 12 mai 1952 – 28 novembre 1971, aide conducteur machine et chef de taille à Sainte Fontaine - 29 novembre 1971 – 31 juillet 1975, abatteur piqueur à Merlebach - 1er août 1975 – 31 octobre 1979, porte mire à Merlebach - 26 mai 1979 – 31 octobre 1979 porte mire à Merlebach (vouters) ;
Qu'en conséquence il en résulte que M. X... a bien été exposé à l'inhalation de poussières contenant de la silice libre et plus généralement au risque de la silicose entre 1947 et 1979 ;
Que ce dernier reconnu comme porteur d'une silicose d'origine professionnelle selon décision de l'organisme de sécurité sociale minière en date du 31 mars 1971, est décédé le 15 juin 1995 des suites d'un cancer broncho-pulmonaire dont la manifestation au vu du certificat médical du Dr. B... produit aux débats, apparaît avoir été associée à des lésions de nature silicotique, de sorte que ce cancer apparaît constituer une complication de la silicose initialement contractée par l'intéressé ;
Qu'en ce qui concerne la conscience du danger, il résulte des explications des parties et plus particulièrement de l'employeur que ce dernier avait conscience du danger représenté par la silicose qu'il décrit comme une maladie connue et un fléau combattu par l'ensemble des acteurs concernés ;
Qu'en ce qui concerne les règles applicables aux mines et en particulier aux mines de houille au cours de la période d'exposition considérée en tant qu'elles concernent la silicose, celles-ci apparaissent relever tant du décret n° 51-508 du 4 mai 1951 portant règlement général sur l'exploitation des mines que des dispositions du décret n° 54-277 du 24 décembre 1954 et des textes pris pour son application, en particulier l'arrêté et l'instruction du 30 novembre 1956 ;
Que l'article 314 du règlement général dispose sans plus de précision que des mesures sont prises pour protéger les ouvriers contre les poussières dont l'inhalation est dangereuse ;
Que le décret du 24 décembre 1954 qui pose le principe de la vérification préalable et régulière de l'aptitude médicale d'une personne à travailler dans des mines ou carrières exposée habituellement à l'inhalation de poussières contenant de la silice libre, renvoie à un arrêté ministériel la détermination des type de chantiers concernés et la fixation pour chaque type de chantier la périodicité des contrôles d'aptitude à effectuer ;
Que l'arrêté du 30 novembre 1956 procède à cette détermination et à celle de la périodicité des visites de contrôle en fonction de la classification des chantiers ;
Que l'instruction du 30 novembre 1956 comporte outre les indications et instructions nécessaires pour l'application stricto sensu de l'arrêté susmentionné, en section IV et V un ensemble de règles et de préconisation relatives à la conduite des chantiers et la mesure de l'empoussièrement ;
Que l'instruction du 15 décembre 1975 est venue modifier et compléter l'instruction du 30 novembre 1956 concernant la mesure de l'empoussièrement, et a procédé à une classification des chantiers en 6 classes et à la détermination de 5 niveau d'aptitude des personnes employées au fond ;
Qu'en ce qui concerne les manquements imputés à l'employeur s'agissant des mesures qui auraient dû être mises en place selon M. X..., il convient de relever que ce dernier produit deux attestations ;
(…) qu'en ce qui concerne les opérations de remblayage, l'instruction de 1956 préconise une pré humidification ainsi qu'une injection d'eau pendant le remblayage, cette instruction recommandant particulièrement le remblayage hydraulique ;
Que l'attestation de M. Z... précise à cet égard que la taille était envahie de poussières provenant du foudroyage intégral pratiqué ;
Que ce témoin précise qu'à Sainte Fontaine, le remblayage n'était pas pratiqué et que les poussières de foudroyage ne pouvaient être arrosées, les chutes de toit étant imprévisibles ;
Que l'étude sur la lutte contre les poussières entre 1958 et 1962 produites aux débats (PC 15 HBL) permet d'établir que le foudroyage était largement pratiqué au cours de cette période (plus de 60%) ;
Que cette même étude précise que dans le cadre de ce mode de traitement, les chutes de toit génèrent des poussières difficiles à neutraliser et que pour y parer, il peut être disposé des pulvérisateurs dans les vieux travaux si le foudroyage et l'abattage se font à des postes distincts ;
Que M. le liquidateur de l'établissement public Charbonnages de France n'apparaît pas faire mention de mesures spécifiques liées au remblayage et au foudroyage ;
Que les éléments résultant de l'attestation de M. Z... coïncidant en cela avec ceux provenant de l'étude sur la lutte contre les poussières susmentionnée sont de nature à établir l'existence d'une source importante de poussières difficiles à maîtriser du fait du foudroyage employé, lesquelles poussières provenaient par définition d'autres roches et minéraux que le charbon, puisque cette opération étaient conduite après l'extraction du charbon dans la veine ;
Qu'il apparaît au vu de l'attestation de M. Z... que ce témoin fait état de ce que la taille était envahie de poussières et alors qu'il ne résulte ni des pièces produites ni même des allégations des parties, l'existence de dispositif pour isoler la taille des anciens travaux où se pratiquait le foudroyage ou pour limiter la communication des poussières issues du foudroyage aux autres chantiers et alors même qu'aucune des préconisations issues de l'instruction de 1956 n'apparaît avoir été mis en oeuvre au puits de sainte Fontaine ;
Qu'à cet égard, il convient de relever que les explications données par Charbonnages de France et son liquidateur en particulier sur le dépoussiérage apparaissent porter sur l'abattage ou le havage essentiellement, et en tout état de cause ne comportent aucune précision sur le chantier de Sainte Fontaine où M. X... exerçait ses fonctions ;
Que dans ces conditions, il n'apparaît pas que l'employeur au cours de la période où M. Raczak exerçait ses fonctions au puits Sainte Fontaine, savoir dans les années 1960, a pris toutes les mesures pour préserver ce dernier ;
(…) Que si l'attestation de M. Z... apparaît contredite par celle de M. C... concernant l'emploi de masques, il reste que cette circonstance apparaît indifférente dans la mesure où l'instruction elle-même relève que le port du masque n'avait pas pour objet de se substituer à la protection collective alors que par ailleurs l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires de protection collective des poussières provenant du foudroyage pratiqué au cours de la période considérée à Sainte Fontaine ;
Qu'en considération de ce qui précède, il convient de relever que l'absence de mesure prise pour protéger M. X... des poussières provenant du foudroyage pratiqué au cours de la période considérée (1960-1970) à Sainte Fontaine est nécessairement une des conditions génératrices de la silicose contractée par M. X... lui-même décédé des complications de cette silicose, de sorte que la faute inexcusable de l'employeur est engagée même s'il est certain que d'autres facteurs ont concouru au décès de M. X... ;
ALORS QUE en entérinant le témoignage de M. Z..., selon lequel la taille était envahie de poussières provenant du foudroyage intégral pratiqué, lorsqu'une telle opération, qui ne constitue qu'une étape du cycle de production, ne pouvait entraîner qu'un empoussiérage ponctuel de la taille, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article L 451-2 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS QU'EN OUTRE en reprochant au liquidateur de CdF de ne pas avoir fait mention de mesures spécifiques liées au remblayage et au foudroyage, lorsque ce dernier faisait état, parmi les axes de progrès, des recherches sur les méthodes d'arrosage pour neutraliser les poussières produites lors du foudroyage de la pile (abaissement par mise en décompression) ou lors du déplacement (ripage) de celle-ci, la Cour d'appel a ainsi méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS QU'EN TOUT ETAT à la supposer établie, une éventuelle carence de l'employeur lors du foudroyage, qui ne pouvait provoquer qu'un empoussiérage ponctuel de la taille, ne pouvait caractériser une faute inexcusable de l'employeur dès lors que la Cour d'appel constatait expressément que l'employeur avait pris les mesures de protection collectives nécessaires pour neutraliser les poussières, spécialement au moment des opérations de havage et d'abattage, qui constituent les premières sources d'empoussiérage, et que les mesures de protection individuelle complémentaires, à savoir la distribution de masques, permettaient de préserver efficacement le salarié des risques liés à l'inhalation des poussières de silice ; qu'en jugeant le contraire, la Cour de d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article L 451-2 du Code de la sécurité sociale ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 10-21419
Date de la décision : 16/06/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 17 mai 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 16 jui. 2011, pourvoi n°10-21419


Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne (président)
Avocat(s) : SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.21419
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