LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que François X... est décédé le 6 février, laissant pour lui succéder son épouse, Mme Marcelle X... et leurs deux enfants Joseph X... et Claude X... épouse Y... ; que le 28 décembre 1988, M. Joseph X... et sa mère, ont assigné Mme Y... aux fins de partage de la succession ; qu'un arrêt du 2 juillet 2002, confirmant un jugement du 22 octobre 1998, a homologué l'expertise précédemment ordonnée, évalué les biens dépendant de la succession et fixé le montant de la soulte due par M. X... à sa soeur résultant de l'attribution préférentielle de l'exploitation agricole de Saint-Paul ; que M. X... s'est acquitté du paiement de la soulte ; que des difficultés étant survenues lors des opérations de compte liquidation et partage, M. X... a assigné Mme Y... aux fins d'homologation du projet de partage établi le 10 avril 2008 ; que par arrêt infirmatif du 23 mars 2010, la cour d'appel a, notamment, accueilli cette demande, fixé la date de jouissance divise au 2 juillet 2002 et dit que l'activité de camping à la ferme ne constituait pas un élément de la succession ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 829 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 et l'article 47 II de cette même loi ;
Attendu que pour fixer la jouissance divise au 2 juillet 2002 et, en conséquence, infirmer le jugement en ce qu'il a désigné un expert aux fins de réévaluer les biens immobiliers et la soulte due par M. X..., l'arrêt retient que cette date était de toute évidence la plus favorable à la réalisation de l'égalité entre les copartageants ;
Qu'en statuant ainsi, par application des dispositions de l'article 829 du code civil, issu de la loi du 23 juin 2006, alors que l'action en partage avait été introduite avant son entrée vigueur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 815-10 du code civil ;
Attendu que pour dire que l'activité de camping à la ferme ne constitue pas un élément de la succession de M. François X... et, en conséquence, débouter Mme Y... de sa demande tendant à voir désigner un expert ayant mission de chiffrer les produits de l'activité de camping, l'arrêt retient que l'activité de camping à la ferme constituait un élément de l'exploitation agricole dont l'attribution préférentielle avait été définitivement jugée le 2 juillet 2002 et que Mme Y... avait accepté sans réserve le montant de la soulte due en contrepartie de cette attribution préférentielle ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, quand Mme Y... demandait que les revenus de l'activité de camping figurent à l'actif successoral, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé la date de jouissance divise au 2 juillet 2002 et infirmé le jugement désignant un expert aux fins d'évaluation des biens immobiliers et de la soulte due par M. X... d'une part, en ce qu'il a dit que l'activité de camping à la ferme ne constituait pas un élément de la succession de M. X... et débouté Mme Y... de sa demande tendant à voir désigner un expert avec mission de chiffrer les produits de cette activité d'autre part, l'arrêt rendu le 23 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR fixé la date de jouissance divise au 2 juillet 2002, et en conséquence d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait désigné un expert ayant pour mission de réévaluer les biens immobiliers et la soulte due par Monsieur X... ;
AUX MOTIFS QUE « si, en application de l'article 829 du Code civil, les biens doivent être estimés à la date la plus proche du partage, « le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l'égalité » ; Que, par ailleurs, rien n'interdit aux juges de fixer immuablement, en considération des circonstances de la cause, la date du partage au jour où ils statuent ; Que le jugement du 20 mars 1990 a confié une expertise à Monsieur Z... pour « réactualiser l'évaluation des biens de la succession de François X... qui a été faite amiablement le 26 janvier 1988, et d'évaluer ceux qui ne l'auraient pas été, tel le cheptel, matériel agricole, meubles divers et valeurs monétaires, estimer le rapport en valeur qui sera dû par Joseph X... au titre de la donation en avancement d'hoirie dont il a bénéficié » et établir les comptes de l'indivision, outre donner les éléments relatifs aux créances de salaire différé et à une possibilité d'attribution préférentielle, aux lots à partager et à des mises à prix en vue d'une licitation ; (…) ; Que la cour a confirmé ce jugement, sauf en ce qui concerne le délai de paiement, par arrêt du 2 juillet 2002 et dit que les sommes dues porteraient intérêt au taux légal à compter de la signification du jugement (…) ; Qu'il apparaît que les jugements de 1994 et 1998 ont évalué la succession à 1. 436. 871, 03 F, outre 13. 455 F de terrains sur la commune de Saint-Jean de Chevelu qui ont fait l'objet d'une vente aux enchères en 2006 pour un prix de 2. 700 euros ; Que les meubles (37. 170 F) ont été divisés en deux lots tirés au sort ; Que le reste de la succession était donc estimé alors à 1. 399. 701, 03 F, outre les terrains de Saint-Jean de Chevelu ; Que le jugement de 1998, confirmé par l'arrêt de 2002, a réglé définitivement le sort de 1. 317. 381 F, soit la quasi-totalité de la succession (plus de 91 % de sa valeur) et la totalité des biens dont la réévaluation est demandée, et qu'il a été exécutée ; Que, hors les terrains de Saint-Paul de Yenne, les bâtiments et la créance de travaux de la parcelle 173 (70. 000 F) de Monsieur X..., les terrains de Saint-Jean de Chevelu et les meubles, la succession est essentiellement composée de valeurs (environ 221. 000 F), de rapports, de dettes (notamment plus de 460. 000 F de créances de salaires différés) et de créances (fermages) ; Que le jugement de 1998, l'arrêt confirmatif de 2002 et les parties elles-mêmes ont manifestement considéré les problèmes traités par eux, soit l'attribution préférentielle et la créance de travaux de 70. 000 F comme un problème à part, à régler définitivement, y compris en ce qui concerne les intérêts et les dépens, mis d'ailleurs à la charge du bénéficiaire de l'attribution préférentielle et non en frais de partage, et que ces décisions ont été complètement exécutées par les parties, avec restitution des excédents ; Qu'il convient donc de fixer la jouissance divise à la date de l'arrêt du 2 juillet 2002, qui est de toute évidence la plus favorable à la réalisation de l'égalité entre les copartageants, tout le reste relevant d'opérations de rapports et de comptes » ;
ALORS QUE, l'article 47. II, alinéa 2, de la loi du 23 juin 2006 prévoit que lorsque l'instance a été introduite et jugée avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée en application de la loi ancienne ; qu'au cas d'espèce, pour fixer la jouissance divise à la date du 2 juillet 2002, la Cour d'appel a appliqué l'article 829 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 23 juin 2006, permettant au juge de fixer la jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l'égalité ; qu'en l'espèce, il est constant que l'action aux fins de partage avait été introduite par Monsieur X... le 23 décembre 1988, soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006, de sorte que, comme le faisait valoir l'exposante, ce sont les dispositions et la jurisprudence en vigueur avant l'entrée en vigueur de cette loi qui devaient s'appliquer ; que, dès lors, en statuant sur le fondement de l'article 829 dans sa rédaction issue de la loi du 23 juin 2006, cependant que ce texte n'était pas applicable à l'espèce et en refusant d'appliquer les articles 832 et 890 anciens, la Cour d'appel a violé ensemble l'article 829 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 23 juin 2006, les articles 832 et 890 anciens du Code civil et l'article 47 II de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR dit que l'activité de camping à la ferme ne constitue pas un élément de la succession de Monsieur François X..., et, en conséquence, d'avoir débouté Madame Y... de sa demande tendant à voir désigner un expert ayant mission de chiffrer les produits de l'activité de camping ;
AUX MOTIFS QUE « l'expert Z..., dans son rapport du 25 juin 1991, indiquait (Y... 29) : « nous précisions toutefois que Monsieur X... a développé une activité annexe : un camping à la ferme » ; Que Madame Y... n'a jamais jusqu'à la présente procédure, estimé devoir contester une telle affirmation, et qu'elle a accepté sans réserve la fixation du montant de la soulte due en contrepartie de l'attribution préférentielle de l'exploitation agricole à son frère et le paiement que ce dernier lui a fait en exécution du jugement du 22 octobre 1998 ; Que si au contraire cette activité faisait partie de la succession, elle constitue un élément de l'exploitation agricole dont l'attribution préférentielle, avec ses conséquences, a été définitivement jugée et réglée par l'arrêt confirmatif du 2 juillet 2002 ; Que, dès lors, ses revendications relatives au camping à la ferme, dénuées du moindre élément de preuve, ne peuvent qu'être rejetées » ;
ALORS QUE, l'exposante, dans ses conclusions d'appel, soutenait que les revenus du camping à la ferme, ouvert sur l'exploitation agricole depuis 1981, devaient figurer à l'actif successoral ; qu'elle ne contestait ni le principe de l'attribution préférentielle, ni le montant de la soulte due en contrepartie de cette attribution préférentielle, mais demandait simplement à ce que les revenus de l'activité de camping figurent dans l'actif successoral ; qu'en rejetant cette demande, au motif que l'activité de camping à la ferme constituait un élément de l'exploitation agricole dont l'attribution préférentielle avait été définitivement jugée le 2 juillet 2002 et que Madame Y... avait accepté sans réserve le montant de la soulte due en contrepartie de cette attribution préférentielle, cependant que Madame Y... ne contestait ni le principe de l'attribution préférentielle, ni le montant de la soulte due en contrepartie de cette attribution préférentielle, mais demandait que les revenus de l'activité de camping figurent dans l'actif successoral, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et privé sa décision de base légale au regard de l'article 815-20 du Code civil.