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15/06/2011 | FRANCE | N°10-20045

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 juin 2011, 10-20045


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en matière de référé, que la société Zenitel Wireless France (la société Zenitel), mise ultérieurement en liquidation judiciaire, et la société Assystem France (la société Assystem) étaient membres d'un groupement temporaire d'entreprises solidaires, régi par une convention du 4 février 2005 pour la réalisation d'un marché signé avec l'Agen

ce nationale des barrages et tranferts ; que reprochant à la société Zenitel d'avoir...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en matière de référé, que la société Zenitel Wireless France (la société Zenitel), mise ultérieurement en liquidation judiciaire, et la société Assystem France (la société Assystem) étaient membres d'un groupement temporaire d'entreprises solidaires, régi par une convention du 4 février 2005 pour la réalisation d'un marché signé avec l'Agence nationale des barrages et tranferts ; que reprochant à la société Zenitel d'avoir manqué, en sa qualité de chef de file, à son obligation contractuelle de constituer une garantie bancaire qui lui aurait permis de percevoir une avance forfaitaire sur le montant du marché, la société Assystem a assigné cette dernière devant la juridiction des référés pour la faire condamner à lui verser une provision ;
Attendu que pour allouer à la société Assystem une provision d'un montant de 988 783,50 euros, l'arrêt retient que les conditions de l'article 18 de la convention de groupement d'entreprises, dont les termes sont clairs et précis, ont été respectés dés lors que la société Assystem, non défaillante, était dans l'impossibilité de se substituer totalement à la société Zenitel, défaillante ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a tranché une contestation sérieuse en interprétant l'article 18 de la convention de groupement d'entreprises du 4 février 2005 qui était imprécis, a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
CONFIRME l'ordonnance rendue le 16 juillet 2009 par le président du tribunal de commerce de Paris ;
Condamne la société Assystem France aux dépens ;
Met en outre à sa charge les dépens afférents aux instances devant les juges du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande, la condamne à payer à la SCP Noël-Nodée-Lanzetta, ès qualités, la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour la société Noël-Nodée-Lanzetta, ès qualités
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société ZENITEL WIRELESS FRANCE à payer à la société ASSYSTEM FRANCE une provision de 988.783,50 euros, outre une somme de 7.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « le litige porte sur l'avance forfaitaire prévue à l'article IV.5.1 du marché conclu le 7 février 2004 entre l'Agence Nationale des Barrages et la société ZENITEL WIRELESS FRANCE prise en sa qualité de chef de file, qui fixe le principe d'une avance forfaitaire fixée à 15 % du marché ; que l'article IV.4.1 de ce contrat subordonne le paiement de l'avance forfaitaire à la constitution de cautions de restitution de ces avances en ces termes : « les avances décrites ci-dessous sont octroyées, à la diligence du cocontractant, sous réserve que celui-ci ait, au préalable, constitué des cautions bancaires de restitution d'avances d'égales valeurs aux avances à percevoir » ; que la société ZENITEL WIRELESS FRANCE oppose une contestation sérieuse, dès lors qu'il convient d'interpréter les conventions, ce qui ne ressortit pas de la compétence du juge des référés ; mais que les dispositions ci-après énoncées sont claires et précises et ne nécessitent aucune interprétation ; que le juge des référés est donc compétent pour apprécier si les clauses évoquées peuvent recevoir application ; que la société ASSYSTEM FRANCE se fonde sur l'article 11.3 de la convention de groupement des entreprises pour se retourner contre la société ZENITEL WIRELESS FRANCE ; que cette clause contractuelle énonce que « chaque membre du groupement supportera les conséquences financières des retards éventuels de paiement… sauf s'il est établi que le retard de paiement résulte d'un manquement d'un autre membre » ; qu'il n'est pas contesté que la société ZENITEL WIRELESS FRANCE n'a pas constitué de garantie bancaire, contrairement à l'obligation qui pesait sur elle aux fins de percevoir les avances forfaitaires ; que la société ZENITEL WIRELESS FRANCE oppose à la société ASSYSTEM FRANCE l'article 18 de la convention qui précise qu'en cas de défaillance d'un membre du groupement, celui-ci doit démontrer, dans le délai d'un mois à partir de la notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par la partie non défaillante, qu'il peut effectuer la part qui lui incombe ; que la disposition contractuelle conclut qu'à défaut, l'exécution sera assurée par les soins de la partie non défaillante ; qu'il est constant que la société ASSYSTEM FRANCE n'a jamais adressé de notification recommandée à la société ZENITEL WIRELESS FRANCE ; mais que la société ASSYSTEM FRANCE ayant été substituée à la société THALES dans le cadre du groupement, avec cette précision que cette substitution ne devait pas être connue de l'Agence Nationale des Barrages, il lui était impossible de constituer une caution bancaire au profit de l'Agence, et par là même de se substituer à la société ZENITEL WIRELESS FRANCE dans ses obligations ; et que la société ASSYSTEM FRANCE a cependant constitué, à la demande de la société chef de file dans son courrier du 7 décembre 2004, une contre-garantie ; que d'ailleurs, par ce courrier, la société ZENITEL WIRELESS FRANCE précise à la société ASSYSTEM FRANCE qu'elle sera la seule bénéficiaire des sommes versées au titre des avances en cas de mise en place d'une contregarantie ; que les conditions de l'article 18 de la convention ont donc été respectées, dès lors que la société non défaillante était dans l'impossibilité de se substituer totalement à la société défaillante ; que pour s'opposer à la demande de provision, la société ZENITEL WIRELESS FRANCE se fonde encore sur l'article 8.4 de la convention qui stipule que les membres du groupement renoncent mutuellement à se demander réparation des préjudices indirects subis ; mais qu'il est incontestable que le préjudice subi par la société ASSYSTEM FRANCE est un préjudice direct, résultant du défaut de règlement de ses prestations ; que l'article 8.4 ne peut donc pas lui être opposé ; qu'enfin, l'obligation n'est pas sérieusement contestable, dès lors que l'expert a relevé que les travaux sont terminés à 95 % ; que la provision de 15 % sollicitée est donc due à titre d'avance forfaitaire pour la somme demandée ; que la société ZENITEL WIRELESS FRANCE oppose enfin à la société ASSYSTEM FRANCE son attitude déloyale, en qu'elle a répondu à la demande de résiliation du marché faite par l'Agence Nationale des Barrages par une demande en paiement dirigée contre la société ZENITEL WIRELESS FRANCE, au lieu d'entreprendre une négociation avec l'Agence ; mais que la seule contractante de l'Agence Nationale des Barrages est la société ZENITEL WIRELESS FRANCE dans le cadre du marché signé le 7 février 2004 ; qu'au surplus, la société ASSYSTEM FRANCE devait rester inconnue de l'Agence, après avoir remplacé la société THALES ; que ce grief de déloyauté doit donc être écarté ; qu'il convient en conséquence de faire droit à la demande de provision de la société ASSYSTEM FRANCE à hauteur de la somme de 988.783,50 euros correspondant au montant non sérieusement contestable de l'obligation de la société ZENITEL WIRELESS FRANCE à son égard ; que l'ordonnance déférée doit donc être infirmée » ;
ALORS QUE, D'UNE PART, le juge des référés ne peut allouer une provision au créancier que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que l'existence de clauses contractuelles ambiguës ou imprécises relatives à l'obligation alléguée impose une interprétation à laquelle le juge des référés ne peut se livrer sans trancher une contestation sérieuse ; qu'en l'espèce, l'article 18 de la convention de groupement litigieuse stipule qu'« au cas où pour une cause quelconque, à l'exception des cas de force majeure, un des membres du groupement, ci-après la « partie défaillante », viendrait à ne pas exécuter totalement ou partiellement, pour la part qui lui incombe, ses obligations au titre de la présente convention, il est formellement convenu que, si cette partie défaillance ne démontre pas, à la satisfaction de ou des partie(s) non défaillante(s), et ce dans un délai d'un mois suivant une notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par la partie non défaillante, qu'elle peut effectuer ladite part sans compromettre la réalisation des obligations du marché, l'exécution serait assurée par les soins de la partie non défaillante ou, le cas échéant, d'une entreprise quelconque choisie par la partie non défaillante » ; que cette stipulation n'envisage nullement l'hypothèse où il serait également impossible à la « partie non défaillante » d'assurer l'exécution des obligations de la « partie défaillante » ; que la Cour d'appel a cependant décidé en l'espèce que cette stipulation soi-disant claire et précise devait être considérée comme ayant été respectée alors même que la société ASSYSTEM FRANCE était prétendument « dans l'impossibilité de se substituer totalement à la société défaillante » et n'avait en outre pas satisfait aux exigences formelles posées par cette clause contractuelle ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel, qui a nécessairement interprété une clause imprécise du contrat et tranché une contestation sérieuse relative à l'existence de l'obligation alléguée, a violé l'article 873, alinéa 2, du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, est également sujet à interprétation l'article 11.3 de la convention de groupement qui stipule que « chaque membre du Groupement supportera seul les conséquences financières des retards éventuels de paiement du client relatifs à sa part, ainsi que celle d'un non-paiement par le client des factures présentées par le chef de file, sauf s'il est établi que le retard de paiement résulte d'un manquement d'un (des) autre(s) membre(s) » ; que cette clause ne vise en effet que le cas des factures présentées par l'un des membres du groupement à l'ANBT, sans avoir expressément vocation à s'appliquer au paiement des avances forfaitaires convenues dans le cadre du marché ; qu'en retenant cependant en l'espèce que cette clause était claire et précise, tout en décidant de l'appliquer à une hypothèse qu'elle ne visait pas directement, celle des avances forfaitaires impayées par l'ANBT, la Cour d'appel a une nouvelle fois excédé ses pouvoirs en se livrant à l'interprétation du contrat et violé l'article 873, alinéa 2, du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, DE TROISIEME PART, n'est pas davantage univoque l'article 8.4 de la convention de groupement qui prévoit en son alinéa 2 que « les membres du groupement renoncent mutuellement à se demander réparation des préjudices indirects (perte ou retard de production, de livraison, perte de profit, image de marque etc.) pouvant résulter de l'exécution du marché ou de la présente convention » ; que la notion de « préjudice indirect » est en elle-même ambiguë, puisqu'elle ne peut évidemment correspondre au préjudice dépourvu de lien de causalité avec le fait générateur de responsabilité, dès lors que ce préjudice n'étant jamais réparable, la clause en excluant l'indemnisation serait dépourvue de toute substance ; qu'une interprétation de la volonté des parties devait donc être faite pour déterminer le sens de cette expression, avant d'examiner si le préjudice invoqué par la société ASSYSTEM FRANCE pouvait ou non entrer dans cette catégorie de préjudice visée par l'article 8.4 de la convention de groupement ; qu'en décidant en l'espèce que cette clause était claire et précise et ne pouvait être opposée à la société ASSYSTEM FRANCE qui se prévalait d'un préjudice direct, la Cour d'appel a une fois encore tranché une contestation sérieuse et violé l'article 873, alinéa 2, du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, DE QUATRIEME PART, la société ZENITEL WIRELESS FRANCE soutenait (conclusions, p. 12 § 2 à 5) que la convention de substitution de contractant du 4 juin 2004, aux termes de laquelle la société ASSYSTEM FRANCE a remplacé la société THALES SECURITY SYSTEMS dans le groupement d'entreprises, comportait l'engagement de cette dernière d'effectuer toutes démarches et de signer tous actes permettant de sauvegarder sa qualité de partie à l'égard de l'ANBT (qui ne devait pas être informée du changement de contractant) et qu'en conséquence, la société ASSYSTEM FRANCE avait toute latitude pour lui demander d'intervenir à sa place afin de constituer la garantie bancaire litigieuse ; qu'en affirmant cependant que cette société avait été dans l'impossibilité de se substituer à la société ZENITEL WIRELESS FRANCE pour la constitution de cette garantie dans la mesure où elle devait rester inconnue de l'ANBT, sans répondre à ce moyen déterminant des conclusions de la société exposante qui démontrait qu'aucune impossibilité de cette sorte ne pouvait en tout état de cause être invoquée par la société ASSYSTEM FRANCE pour justifier sa violation de la procédure prévue par l'article 18 de la convention de groupement, la Cour d'appel a entaché sa décision de défaut de réponse à conclusions et violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, DE CINQUIEME PART, la société ZENITEL WIRELESS FRANCE dénonçait encore l'attitude déloyale de la société ASSYSTEM France, ayant fait preuve de grandes carences dans l'exécution du marché, lui reprochait notamment d'avoir refusé de trouver des solutions pour assurer la pérennité du marché (cf. conclusions p. 5 § 1-4) et rappelait que la convention de substitution de contractant du 4 juin 2004 permettait à la société ASSYSTEM FRANCE de demander à la société THALES SECURITY SYSTEMS d'intervenir à sa place auprès de l'ANBT pour toute difficulté concernant l'exécution du marché (cf. conclusion p.12 § 2 à 5) ; qu'en se bornant cependant à affirmer que le grief de déloyauté formulé par la société exposante à l'encontre de la société ASSYSTEM FRANCE, consistant à lui reprocher d'avoir refusé de tenter de trouver des solutions pour assurer la pérennité du marché, n'était pas sérieux dans la mesure où celle-ci devait rester inconnue de l'ANBT, sans rechercher comme elle y'était invité si la société ASSYSTEM France n'avait pas la faculté de négocier avec l'ANBT par l'intermédiaire de la société THALES SECURITY SYSTEM, la Cour d'appel a derechef violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QU'EN OUTRE, la société ZENITEL WIRELESS FRANCE faisait valoir (conclusions, p. 18 et 19) que le préjudice allégué par la société ASSYSTEM FRANCE revêtait en tout état de cause un caractère purement hypothétique, dans la mesure où il n'était nullement démontré que si la société exposante avait mis en place la garantie bancaire prévue, l'ANBT aurait réglé le montant de l'avance forfaitaire due, et ce d'autant plus qu'elle n'avait jusque-là jamais rien versé au groupement, pas même le règlement de fournitures dûment livrées et facturées ; qu'en allouant pourtant à la société ASSYSTEM FRANCE une provision équivalente au montant de l'avance forfaitaire due par l'ANBT, sans répondre à ce moyen qui soulevait là encore une contestation sérieuse, la Cour d'appel a une nouvelle fois violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QU'ENFIN, la société ZENITEL WIRELESS FRANCE soutenait (conclusions, p. 16 et 17) que la société ASSYSTEM FRANCE avait tacitement accepté la substitution d'une facturation des matériels livrés par ses soins au paiement de l'avance forfaitaire litigieuse ; qu'en allouant cependant à la société ASSYSTEM FRANCE une provision équivalente au montant de l'avance forfaitaire due par l'ANBT, sans répondre à ce moyen qui soulevait également une contestation sérieuse, la Cour d'appel a une fois de plus entaché sa décision de défaut de réponse à conclusions et violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-20045
Date de la décision : 15/06/2011
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 mai 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 jui. 2011, pourvoi n°10-20045


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.20045
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