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15/06/2011 | FRANCE | N°10-18224

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 15 juin 2011, 10-18224


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 1184 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 16 février 2010), que la commune d'Estaing a donné à bail commercial à la société Les Bijoux d'Estaing une partie des dépendances du château d'Estaing dont elle était propriétaire; que la société locataire a donné congé avec effet au 31 décembre 2004 puis a assigné la bailleresse en résolution du contrat de bail aux torts exclusifs de cette dernière et paiement de sommes en réparation

de ses préjudices ;
Attendu que pour prononcer la résiliation du bail aux torts pa...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 1184 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 16 février 2010), que la commune d'Estaing a donné à bail commercial à la société Les Bijoux d'Estaing une partie des dépendances du château d'Estaing dont elle était propriétaire; que la société locataire a donné congé avec effet au 31 décembre 2004 puis a assigné la bailleresse en résolution du contrat de bail aux torts exclusifs de cette dernière et paiement de sommes en réparation de ses préjudices ;
Attendu que pour prononcer la résiliation du bail aux torts partagés des parties, l'arrêt retient que les parties se sont engagées dans un schéma contractuel manquant de réalisme et en vertu de documents lacunaires ; que les conséquences de la situation ainsi créée sont imputables à la commune d'Estaing à concurrence de la moitié seulement, le surplus incombant à la société Bijoux d'Estaing qui avait accepté les lieux loués en l'état alors que l'ampleur et la durée des travaux à réaliser n'étaient pas ignorées par elle ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser un manquement contractuel imputable à la société locataire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail aux torts partagés des parties et condamné la commune d'Estaing au paiement d'une provision, l'arrêt rendu le 16 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;
Condamne la commune d'Estaing aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la commune d'Estaing à payer à la société Les Bijoux d'Estaing la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la commune d'Estaing ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat de la société Les Bijoux d'Estaing
La société les Bijoux d'Estaing fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir résilié aux torts partagés le bail commercial signé le 30 juin 2001 entre la commune d'Estaing et la société les Bijoux d'Estaing, d'avoir en conséquence condamné la première à payer à la seconde une provision de 17.500 € seulement.
AUX MOTIFS QUE les rapports contractuels des parties sont constitués par le bail commercial en date du 30 janvier 2001 ; que ce document fait état, en préambule, d'un protocole d'accord préalable, que toutefois, ce protocole n'a jamais été dressé par écrit de sorte qu'aucune conséquence immédiate ne peut être tirée ; que le bail commercial se caractérise avant tout par son imperfection et son caractère lacunaire au regard de la situation des parties; qu'il indique que les lieux loués sont constitués par une partie des dépendances du château avec renvoi en annexe de la désignation de la chose louée ; que cependant cette annexe ne figure pas au document et n'a pas été établie ; qu'il précise que le preneur déclare les parfaitement connaître pour les avoir visités à plusieurs reprises ; que le preneur devait prendre les lieux loués dans leur état au jour de l'entrée en jouissance, mais sans que cela ne puisse décharger le bailleur d'exécuter les travaux éventuellement exigés par l'autorité administrative et qu'un état des lieux dressé contradictoirement est joint en annexe au bail ; que toutefois ce document n'a pas davantage été établi ; … que toutes les clauses d'une convention, fussent-elles de style ce qui n'est cependant pas le cas en l'espèce, devant produire leurs effets, le document contractuel ne peut en lui-même permettre de solutionner le litige ainsi que l'a déjà souligné l'expert X... et qu'il convient nécessairement de rechercher quelle avait été la commune intention des parties ; que dans une note du 9 avril 2001, l'architecte en chef des monuments historiques, M. Y..., avait établi un programme de travaux s'étalant sur trois années à savoir 2001, 2002 et 2003, l'aménagement des salles destinées à la SARL les Bijoux d'Estaing, dans sa deuxième phase, n'intervenant qu'en fin de cette période soit en juillet 2003 ; que cette note faisant suite à une visite des lieux à laquelle il avait été procédé le 4 avril 2001 en présence de plusieurs personnes dont M. Z... ladite note n'étant toutefois diffusée qu'au conservateur régional des monuments historiques et au maire de la commune ; que cependant dès cette époque les personnes présentes ne pouvaient ignorer que les travaux de restauration seraient relativement longs, la visite du château s'étant effectuée selon la note "sous la conduite de M. le Maire d'Estaing et de M. Z..." ; que la Sarl Bijoux d'Estaing soutient que ce document est affecté d'une erreur matérielle concernant la dernière année, que cependant, au regard des contingences administratives et du financement, rien n'établit la réalité d'une telle erreur ; que ces documents dont le contenu ne pouvait être ignoré des cocontractants au bail commercial, établissent l'ampleur des travaux qui étaient envisagés ce qui exclut que la commune soit considérée comme tenue de délivrer les lieux loués en parfait état au 1er janvier 2002, l'obligation de délivrance qui lui incombait devant alors être considérée, ainsi qu'elle soutient, comme une obligation de mettre en oeuvre les moyens propres à l'application du bail dans un délai normal d'exécution des travaux au regard de la spécificité de l'immeuble classé monument historique ; que telle était d'ailleurs bien l'interprétation de la société locataire qui, dans ses courriers du 12 décembre 2002 et 28 mai 2003 ne sollicitait qu'une réduction de son loyer pour éviter une requalification de frais généraux abusifs au sein de la société ; que la Sarl les Bijoux d'Estaing est donc infondée à vouloir appliquer sans discernement l'obligation de délivrance de la chose louée, ce qui n'était pas dans la commune intention des parties alors au surplus qu'elle n'avais émis aucune réserve lors de l'entrée dans les lieux, que l'objet du bail était à la disposition de la société mais qu'il n'était pas en état de recevoir le commerce considéré ; qu'il convient par contre d'examiner si la commune a exécuté les diligences qui lui incombaient en vertu de la convention ainsi analysée ; qu'il résulte des documents produits que la commune avait obtenu le 4 avril 2002 une subvention de 67.500 €, sur une opération chiffrée à 135.000 €, de la direction régionale des affaires culturelles et donc de l'Etat, pour les travaux d'étanchéité de la terrasse de reprise des fissures ; que seul ce mode de financement devait lui permettre d'exécuter les travaux dès lors qu'en raison de son budget propre lié au nombre d'habitants (600), elle ne pouvait elle-même en supporter le coût, le loyer versé par la locataire couvrant les mensualités de l'emprunt qui avait servi à acquérir l'immeuble ; que toutefois, le mode de financement du surplus du coût des travaux n'est pas précisé et que la commune ne s'explique pas sur ce point alors qu'il s'agissait de travaux nécessaires à la remise en état de l'immeuble ; que la convention de délégation de maîtrise d'ouvrage pour les travaux en cause, a été signée le 21 octobre 2002, M. Y... étant désigné en qualité de maître d'oeuvre conjointement avec le vérificateur des bâtiments civils ; que l'accord pour l'exécution des travaux a été délivré le 3 octobre 2003, que la somme de 67.500 € a été mandatée par arrêté du 22 décembre 2003 ; que la commande de mission relative à l'étanchéité du château a été notifiée le 27 mai 2004, date à laquelle pouvaient être mis en oeuvre les travaux ayant donné lieu à la subvention 67.500 € , qu'ils ont donc été arrêtés à l'époque de la notification du congé le château étant vendu en 2005 à un tiers ; qu'il n'est pas établi que la commune ait agi en vue de cette vente alors que le contentieux des parties apparaissait dès l'année 2003 et a été consacré par la délivrance du congé le 29 juin 2004 ; qu'il résulte de ces éléments que la commune d'Estaing avait, au moins en partie, accompli les diligences qui lui incombaient en vertu de la convention et de la commune intention des parties ; que toutefois, elle l'avait fait sans diligence particulière, le programme des travaux établi par M. Y... n'étant pas respecté sans que la commune justifie d'une quelconque réclamation ou démarche destinée à faire exécuter les travaux dans le délai, à défaut de procès initié contre l'Etat invoqué par l'intimée ; que ne pouvant assumer la charge des travaux que nécessitait le château, elle ne justifie pas davantage de démarches pour obtenir des subventions des collectivités territoriales, en particulier pour le montant des travaux tel qu'il avait été estimé ; que les parties se sont engagées dans un schéma contractuel manquant de réalisme et en vertu de documents lacunaires qui ne fixaient pas clairement les obligations respectives ni les dates à respecter ; que la Sarl Bijoux d'Estaing a pris la décision qui devait logiquement mettre un terme à cette situation non viable pour l'une comme pour l'autre des parties ; que les conséquences de la situation ainsi créée sont imputables à la commune d'Estaing à concurrence de la moitié seulement, le surplus incombant à la Sarl les Bijoux d'Estaing qui avait accepté les lieux loués en l'état alors que l'ampleur et la durée des travaux à réaliser n'étaient pas ignorées et qu'elle connaissait parfaitement les lieux dont il s'agit pour les motifs précisés ci-dessus ; que la convention doit être résiliée à leurs torts partagés, de sorte que chacune supportera la moitié du préjudice subi ; que par voie de conséquence, la provision allouée doit être réduite de moitié soit 17.500 € étant observé que la Sarl les Bijoux d'Estaing, outre le problème de l'unité de compte, fonde sa demande sur des prévisions qui ne sont pas confirmées.
ALORS QUE les conventions légalement formées font la loi des parties ; que dès lors, la commune d'Estaing ayant par acte sous seing privé du 30 juin 2001 donné à bail commercial à la société les Bijoux d'Estaing une partie des dépendances du château d'Estaing à compter du 1er janvier 2002, la cour d'appel, qui, pour considérer que la commune n'était pas tenue de délivrer les lieux loués en parfait état au 1er janvier 2002 mais de mettre en oeuvre les moyens propres à l'application du bail dans un délai normal d'exécution des travaux, s'est fondée sur une note du 9 avril 2001 par laquelle l'architecte en chef des monuments historiques avait établi un programme de travaux sur trois années 2001, 2002, 2003, l'aménagement des salles destinées à la société les Bijoux d'Estaing n'intervenant qu'en juillet 2003, ladite note n'étant cependant ni annexée au bail ni signée par les parties, a violé par refus d'application la loi des parties et partant l'article1134 ensemble l'article 1719 du code civil.
ALORS QUE la cour d'appel a relevé que la note du 9 avril 2001 par laquelle l'architecte en chef des monuments historiques avait établi un programme des travaux sur trois années, l'aménagement des salles destinées à la société les Bijoux d'Estaing n'intervenant qu'en juillet 2003, n'avait été diffusée qu'au conservateur régional des monuments historiques et au maire de la commune ; que dès lors, en affirmant ensuite que le contenu de ce document ne pouvait être ignoré des cocontractants au bail commercial, pour en déduire que la société les Bijoux d'Estaing n'ignorait pas l'ampleur et la durée des travaux à réaliser et que la commune n'était tenue que de mettre en oeuvre les moyens propres à l'application du bail dans un délai normal d'exécution des travaux, la cour a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile.
ALORS QUE dans ses lettres des 12 décembre 2002 et 28 mars 2003 le gérant de la société les Bijoux d'Estaing avait uniquement sollicité du bailleur une baisse du loyer, en raison d'une surface occupée moindre que celle stipulée au bail, afin d'éviter une requalification de frais généraux au sein de la société ; que dès lors, en déduisant de ces courriers que l'interprétation de la société locataire était bien que l'obligation de délivrance de la commune n'était pas de délivrer les lieux loués en parfait état au 1er janvier 2002 mais de mettre en oeuvre les moyens propres à l'application du bail dans un délai normal d'exécution des travaux, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces lettres.
ALORS QUE la clause par laquelle le locataire prend les lieux en l'état ne décharge pas le bailleur de son obligation de délivrance ; que dès lors en relevant que la société les Bijoux d'Estaing avait accepté les lieux loués en l'état, pour décider que les conséquences de la situation lui étaient pour moitié imputables et résilier le bail aux torts partagés, la cour a violé l'article 1719 du code civil.
ALORS QUE la résiliation judiciaire d'une convention ne peut être prononcés aux torts partagés que lorsque les deux parties ont manqué à leurs obligations contractuelles respectives ; que dès lors en se bornant à énoncer que la société les Bijoux d'Estaing connaissait parfaitement les lieux loués qu'elle avait acceptés en l'état et n'ignorait pas l'ampleur et la durée des travaux à réaliser, sans relever quels manquements à ses obligations contractuelles de locataire cette société aurait commis, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil.
ALORS QUE dans ses conclusions (récapitulatives n° 3 p. 28 et 29) la société les Bijoux d'Estaing avait fait valoir que, nonobstant une mise en demeure, son bailleur, la commune d'Estaing, ne l'avait pas indemnisée, conformément aux stipulations de l'article 4-4 du contrat de bail, des travaux, embellissements et améliorations réalisés par ses soins , que dès lors en affirmant, pour résilier le bail aux torts partagés, que la commune, qui avait obtenu une subvention pour exécuter les travaux et signé la délégation de maîtrise d'ouvrage pour ces travaux, avait en partie accompli les diligences qui lui incombaient en vertu de la convention, sans répondre à ces conclusions, de nature à établir que la commune n'avait pas rempli toutes les obligations lui incombant en vertu du bail, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile.
ALORS, subsidiairement QUE la cour d'appel a retenu que dans sa note du 9 avril 2001, l'architecte en chef de monuments historiques avait établi un programme de travaux s'étalant sur trois années 2001, 2002 et 2003, l'aménagement des salles destinées à la société les Bijoux d'Estaing n'intervenant qu'en juillet 2003 et qu'en raison de l'ampleur de ces travaux, la commune d'Estaing n'était tenue que de mettre en oeuvre les moyens propres à l'application du bail dans un délai normal d'exécution des travaux ; que dès lors en affirmant pour résilier le bail aux torts partagés que la commune avait au moins en partie accompli les diligences lui incombant en vertu de la commune intention des parties, la cour d'appel, qui a constaté que la commune avait obtenu le 4 avril 2002 une subvention de 67.500 € sur une opération chiffrée à 135.000 €, pour exécuter les travaux d'étanchéité de la terrasse et refaire des fissures et qu'elle avait signé le 21 octobre 2002 la délégation de maîtrise d'ouvrage pour les travaux en cause, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il ressortait que la commune n'avait pas fait diligence pour que l'exécution des travaux soit mise en oeuvre suivant le calendrier prévu dans la note de l'architecte en chef de monuments historiques, et a ainsi violé l'article 1184 du code civil.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-18224
Date de la décision : 15/06/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 16 février 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 15 jui. 2011, pourvoi n°10-18224


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.18224
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