LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel statuant en matière de taxe (Riom, 18 février 2010), que la société Groupe Lactalis (la société) a contesté un certificat de vérification des dépens établi à la demande de la SCP d'avoués Jean-Paul et Alexis X..., qui avait représenté le mandataire judiciaire de la société laitière de Mauriac et du Haut Cantal dans une procédure ayant donné lieu à un arrêt de la cour d'appel de Riom du 29 juin 2007 ;
Attendu que la société Lactalis fait grief à l'ordonnance de taxer l'état de frais de l'avoué à un certain montant, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque l'intérêt du litige n'est pas évaluable en argent, le multiple de l'unité pris pour base de calcul de l'émolument proportionnel de l'avoué doit être déterminé en considération de l'importance ou de la difficulté de l'affaire, lesquelles doivent s'apprécier concrètement ; que lorsque le dossier en cause s'inscrit dans une série et que nonobstant les différences qui peuvent être constatées d'un dossier à l'autre, ceux-ci présentent des points de convergence, de sorte que l'avoué n'a pas eu le même travail à fournir pour chacun des dossiers que s'il avait été saisi de dossiers totalement étrangers les uns aux autres, il doit être tenu compte de ces données particulières pour l'appréciation du multiple de l'unité de base affecté à chacun des dossiers ; qu'il s'ensuit qu'en admettant même que les neuf arrêts prononcés le 13 juin 2007 n'aient pu donner lieu au paiement d'émoluments déterminés globalement pour la série entière, le juge taxateur n'en devait pas moins prendre en considération, non seulement les divergences, mais également les points de convergence entre les différents dossiers pour déterminer le multiple de l'unité de base affecté à chacun d'eux ; que faute d'avoir procédé de la sorte, le juge taxateur n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 13 du décret n° 80-608 du 30 juillet 1980 ;
2°/ que le droit d'accès à un tribunal, ensemble le droit au respect des biens font obstacle à ce que la mise en oeuvre du double critère de l'importance et de la difficulté de l'affaire aboutisse au paiement, à la charge de la partie condamnée aux dépens, d'émoluments totalement disproportionnés par rapport au temps et aux forces que l'avoué a pu consacrer réellement au litige ; qu'en refusant de rechercher, comme il y était invité, si la rémunération totale allouée à l'avoué, au titre des neuf émoluments proportionnels accordés dans chacun des dossiers (66. 798 euros HT), n'était pas totalement déconnectée du temps et de l'effort intellectuel que l'avoué avait pu réellement leur consacrer, le premier président ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à ladite Convention, ensemble au regard de l'article 13 du décret n° 80-608 du 30 juillet 1980 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que des appels séparés avaient été interjetés, que la jonction des procédures avait été refusée par arrêt de la cour d'appel, que, selon les dossiers, les parties en présence étaient différentes et que l'intérêt du litige n'était pas le même, que la société avait mis à profit son intervention pour faire de nouvelles offres de reprise pour chacune des sociétés en cause, que l'avoué avait dû intervenir dans l'urgence, en faisant un effort considérable de gestion justifié par l'importance des intérêts financiers économiques et sociaux en cause, que cette intervention s'inscrivait dans un contexte de difficultés juridiques qui étaient la conséquence de la mise en oeuvre d'une nouvelle législation et qui avaient exigé une disponibilité et une vigilance constantes, le premier président, appréciant souverainement l'importance et la difficulté de l'affaire, a, sans méconnaître le droit d'accès à un tribunal, légalement justifié sa décision de fixer le multiple de l'unité de base au montant qu'il a retenu ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Groupe Lactalis aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile rejette les demandes respectives des parties ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils pour la société Groupe Lactalis.
Il est reproché à l'ordonnance de taxe attaquée d'avoir taxé et arrêté le montant de l'état de frais dû à la SCP X..., avoué, à la somme de 3. 570, 77 euros ;
AUX MOTIFS QUE l'essentiel de l'argumentation du groupe Lactalis repose en réalité sur l'affirmation qu'en dépit des neufs arrêts distincts rendus par la cour, l'avoué ne pourrait prétendre à un émolument proportionnel de base pour chaque procédure ; qu'il est constant que bien que les neuf entreprises en cause, aient constitué une entité économique (le groupe Toury), chacune a fait l'objet d'un plan de cession séparé à quatre repreneurs différents selon la branche d'activité concernée ; que des appels séparés ont été diligentés pour le compte de chacune des neuf sociétés et que la cour avait, par arrêt du 13 juin 2007, rejeté une demande de jonction des procédures en retenant que les jugements déférés concernaient des plans de cession distincts intervenus dans le cadre de procédures collectives indépendantes les unes des autres ; qu'ainsi, selon les dossiers les parties en présence étaient différentes et que l'intérêt du litige n'était pas le même, ; que la fixation du multiple de l'unité de base ne dépend pas de la motivation des décisions rendues en l'espèce qui s'est limitée à l'examen de la recevabilité des appels et des interventions volontaires sans de ce fait aborder l'appréciation des plans de cession décidés par le tribunal, celle-ci n'en faisant pourtant pas moins partie intégrante de l'intérêt du litige ; que la société Groupe Lactalis a en effet mis à profit son intervention pour faire de nouvelles offres de reprise pour chacune des sociétés en cause ; que cet intérêt n'était pas évaluable en argent et relève bien des dispositions figurant à l'article 13 du décret fixant le tarif des avoués selon lequel le multiple de l'unité de base est déterminé eu égard à l'importance ou à la difficulté de l'affaire ; que sans s'arrêter à la comparaison que tente d'établir la société Groupe Lactalis entre la rémunération de l'avocat et celle de l'avoué, cette dernière résultant d'un texte réglementaire, il résulte déjà des éléments ci-dessus retenus pour exclure l'application d'un émolument global que ce même avoué a dû intervenir dans l'urgence (procédure à jour fixe) lui imposant un effort considérable de gestion justifié par l'importance des intérêts financiers, économiques et sociaux en cause ; que cette intervention s'inscrit, à la lecture de l'arrêt et des conclusions échangées, dans un contexte de difficultés juridiques qui sont la conséquence de la mise en oeuvre d'une nouvelle législation et qui ont exigé une disponibilité et une vigilance constantes de la part de l'avoué concerné ; que le multiple de l'unité de base tel qu'arbitré par le président de la formation ayant statué prend en compte ces considérations appliquées de façon adaptée au litige concernant la société en cause ; qu'il y a lieu à confirmation du certificat de vérification contesté ;
ALORS QUE, D'UNE PART, lorsque l'intérêt du litige n'est pas évaluable en argent, le multiple de l'unité pris pour base de calcul de l'émolument proportionnel de l'avoué doit être déterminé en considération de l'importance ou de la difficulté de l'affaire, lesquelles doivent s'apprécier concrètement ; que lorsque le dossier en cause s'inscrit dans une série et que nonobstant les différences qui peuvent être constatées d'un dossier à l'autre, ceux-ci présentent des points de convergence, de sorte que l'avoué n'a pas eu le même travail à fournir pour chacun des dossiers que s'il avait été saisi de dossiers totalement étrangers les uns aux autres, il doit être tenu compte de ces données particulières pour l'appréciation du multiple de l'unité de base affecté à chacun des dossiers ; qu'il s'ensuit qu'en admettant même que les neuf arrêts prononcés le 13 juin 2007 n'aient pu donner lieu au paiement d'émoluments déterminés globalement pour la série entière, le juge taxateur n'en devait pas moins prendre en considération, non seulement les divergences, mais également les points de convergence entre les différents dossiers pour déterminer le multiple de l'unité de base affecté à chacun d'eux ; que faute d'avoir procédé de la sorte, le juge taxateur n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 13 du décret n° 80-608 du 30 juillet 1980 ;
ET ALORS QUE, D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, le droit d'accès à un tribunal, ensemble le droit au respect des biens font obstacle à ce que la mise en oeuvre du double critère de l'importance et de la difficulté de l'affaire aboutisse au paiement, à la charge de la partie condamnée aux dépens, d'émoluments totalement disproportionnés par rapport au temps et aux forces que l'avoué a pu consacrer réellement au litige ; qu'en refusant de rechercher, comme il y était invité, si la rémunération totale allouée à l'avoué, au titre des neuf émoluments proportionnels accordés dans chacun des dossiers (66. 798 euros HT), n'était pas totalement déconnectée du temps et de l'effort intellectuel que l'avoué avait pu réellement leur consacrer, la cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à ladite Convention, ensemble au regard de l'article 13 du décret n° 80-608 du 30 juillet 1980.