LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société LSN assurances (société LSNA) en qualité de directeur général, suivant contrat du 7 juillet 2005, stipulant en son article 9 que le salarié " s'engage à consacrer la plénitude de son activité à la société LSNA. Il pourra toutefois accomplir des missions de caractère principalement international pour le compte d'autres sociétés. " ; que par lettre du 14 juin 2006, la société LSNA a informé M. X... qu'elle mettait fin à l'autorisation prévue à l'article 9 du contrat de travail en ce qui concernait les missions exercées pour le compte du groupe MMA ; qu'estimant que la décision de son employeur s'analysait en une modification unilatérale de son contrat de travail, M. X... a saisi la juridiction prud'homale le 16 juin 2006 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et de diverses demandes en paiement ; que le salarié a été licencié pour faute grave par lettre du 30 juin 2006 ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, l'arrêt retient que M. X..., alors salarié du groupe MMA, a été engagé par la société LSNA dans le cadre d'un rapprochement entre les deux entités, dont les relations se sont tendues en juin 2006 ; que dans ce contexte, la décision prise par l'employeur, le 14 juin 2006, de mettre fin à l'autorisation prévue par l'article 9 du contrat de travail en ce qui concerne les missions exercées pour le compte du groupe MMA est une manifestation légitime du pouvoir de direction de l'employeur ; que M. X... n'établit nullement que la disposition énoncée dans la seconde phrase de l'article 9 constituait une clause déterminante de son consentement ; qu'elle n'institue qu'une exception à la règle rappelée dans la première phrase de ce texte selon laquelle M. X... doit consacrer la plénitude de son activité à son employeur ; que la restriction apportée à l'exercice par M. X... d'une activité étrangère à son travail pour la société LSNA, qui n'est pas abusive, est motivée par l'intérêt légitime de l'employeur au vu de la discorde naissante avec le groupe MMA et est destinée à éviter tout risque de conflit de loyauté pour M. X... entre ses deux employeurs successifs, alors surtout que la polémique portait principalement sur la définition de sa place dans la nouvelle structure ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'employeur avait, en interdisant à M. X... d'exécuter toute mission pour le compte du groupe MMA, restreint la possibilité prévue contractuellement pour l'intéressé d'accomplir des missions pour le compte d'autres sociétés, ce dont il résultait que l'employeur avait unilatéralement modifié le contrat de travail du salarié, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société LSN assurances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société LSN assurances à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société LSN ASSURANCES et de ses demandes tendant à la condamnation de cette dernière à lui verser une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents, une indemnité de licenciement, et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et rupture vexatoire ;
AUX MOTIFS propres QUE le contrat de travail de Monsieur Jean X... comporte un article 9, intitulé « dispositions diverses », prévoyant : « Monsieur Jean X... s'engage à consacrer la plénitude de son activité à la société LSNA. Il pourra toutefois accomplir des missions de caractère principalement international pour le compte d'autres sociétés » ; que par lettre recommandée avec avis de réception du 14 juin 2006, le président de la S. A. LSN ASSURANCES a notifié à Monsieur Jean X... la mesure suivante : « Je suis obligé de mettre fin à l'autorisation prévue à l'article 9 de votre contrat de travail en ce qui concerne les missions exercées pour le compte du groupe MMA » ; que Monsieur Jean X... soutient que cette mesure, modifiant une disposition substantielle de son contrat de travail, constitue un manquement de l'employeur d'une gravité suffisante pour justifier une résiliation du contrat emportant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'il convient de relever que Monsieur Jean X..., alors salarié de la mutuelle d'assurances MMA, a été embauché par la S. A. LSN ASSURANCES dans le cadre d'un rapprochement entre les deux entités, signataires d'un protocole d'accord des 3 août et 5 octobre 2004 et d'un protocole de cession de ses actions par la seconde à la première en date du 28 février 2006 ; qu'au cours de la première quinzaine de juin 2006, les relations se sont tendues entre les deux sociétés et finalement la cession entre elles n'aura pas lieu ; que dans ce contexte, la mesure prise par la S. A. LSN ASSURANCES à l'égard de Monsieur Jean X... le 14 juin 2006 est une manifestation légitime du pouvoir de direction de l'employeur ; que Monsieur Jean X... n'établit nullement que la disposition énoncée dans la seconde phrase de l'article 9 de son contrat de travail constituait une clause déterminante de son consentement ; qu'elle n'institue qu'une exception, par principe limitée, à la règle rappelée dans la première phrase de ce texte, selon laquelle Monsieur Jean X... doit consacrer la plénitude de son activité à son employeur ; que le régime de cette exception est nécessairement sous le contrôle de ce dernier, sauf à admettre que la raison déterminante invoquée par Monsieur Jean X... pour accepter les termes de son contrat de travail serait une clause qui en réduirait l'économie générale à néant et que serait substantielle dans ce contrat une disposition affranchissant le salarié de sa subordination à l'égard de l'employeur ; que la restriction apportée à l'exercice par Monsieur Jean X... d'une activité étrangère à son travail pour la S. A. LSN ASSURANCES n'est en rien abusive ; que comme cela est clairement exprimé dans la lettre du 14 juin 2006, elle est motivée par l'intérêt légitime de l'employeur au vu de la discorde naissante avec MMA, dont est issu Monsieur Jean X..., et est destinée à éviter tout risque de conflit de loyauté pour celui-ci entre ses deux employeurs successifs, alors surtout que la polémique entre les parties portait principalement sur la définition de sa place dans la nouvelle structure ; qu'elle est limitée à l'activité pour le compte du groupe MMA et est ainsi parfaitement adaptée et circonscrite à son objet ;
AUX MOTIFS éventuellement adoptés QU'il est apparu au cours des débats à l'audience que Monsieur X... entretenait des relations de travail avec MMA avant son embauche par LSNA, et qu'il faisait partie de plusieurs conseils d'administration de sociétés étrangères filiales de MMA, ce qui explique la motivation de l'article 9 du contrat de travail ; que l'article 2 de ce même contrat constitue de par sa rédaction même une infraction à l'ordre public, aucune clause d'un contrat ne pouvant exonérer une des parties des lois et règlements régissant le contrat de travail entre un citoyen et une entreprise française pour un travail effectué sur le sol français ; que cet article sera annulé et considéré comme de nul effet ; qu'il existe, de par les dires mêmes des parties, un contentieux entre LSNA et MMA ; du fait de sa position de Directeur Général, Monsieur X... ne pouvait en ignorer ni l'existence, ni les tenants ; que la lettre de Messieurs Y..., Président Directeur Général de LSNA, n'annule pas l'article 9 du contrat, mais en restreint l'application avec MMA, ce qui est parfaitement du devoir d'un Président Directeur Général dans ce contexte que Monsieur X... aurait dû comprendre ; que la résiliation judiciaire sera refusée ;
ALORS QUE la modification unilatérale du contrat de travail par l'employeur constitue un manquement justifiant la résiliation judiciaire à ses torts exclusifs ; que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que l'article 9 du contrat de travail prévoyait que Monsieur X... pourrait « accomplir des missions de caractère principalement international pour le compte d'autres sociétés » ; que la Cour d'appel a jugé que l'employeur avait pu décider unilatéralement que cette stipulation cesserait de produire effet et qu'elle serait remplacée par une nouvelle obligation à la charge du salarié lui faisant interdiction de travailler pour le compte du groupe MMA ; que pour avoir refusé de faire application des termes clairs et précis du contrat de travail et d'en avoir modifié la substance, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L 1232-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et rupture vexatoire, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité légale de licenciement et de congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur Jean X... ne peut reprocher à l'employeur le non respect des dispositions de l'article L. 321-1-2 (actuellement L. 1222-6) du code du travail, qui ne sont pas applicables à l'espèce ; que l'employeur, pour un motif caractérisé de préservation des intérêts de l'entreprise, avait bien la faculté d'exiger une exécution immédiate de sa décision ; qu'en réponse à la lettre du 14 juin 2006, Monsieur Jean X... a expédié à son employeur un courrier le 16 juin suivant par lequel il lui fait connaître qu'il conteste la mesure prise et n'entend pas s'y soumettre ; que s'il était loisible à Monsieur Jean X... de considérer la décision de l'employeur comme une modification substantielle du contrat de travail et de la contester de ce chef par les voies légales, y compris l'action judiciaire, indiquer clairement qu'il continuerait d'exécuter son contrat comme si cette décision n'avait pas été prise est une manifestation caractérisée d'insubordination récusant de manière radicale l'autorité hiérarchique de l'employeur, ce que la S. A. LSN ASSURANCES ne pouvait aucunement tolérer de la part d'un cadre de haut niveau, surtout dans le contexte rappelé ci-dessus ; que pour ce seul motif, le licenciement pour faute grave est justifié ; que la prétention du salarié, émise dans ce même courrier, de se faire juge de l'intérêt de la société aux lieu et place de son représentant légal constitue un manquement supplémentaire, corrélatif au premier, confortant la décision de l'employeur ;
ALORS QUE ne constitue pas une faute grave justifiant le licenciement le seul refus par un salarié d'une modification unilatérale du contrat de travail par l'employeur ; que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que l'article 9 du contrat de travail prévoyait que Monsieur X... pourrait « accomplir des missions de caractère principalement international pour le compte d'autres sociétés » ; que la Cour d'appel a jugé que l'employeur avait pu décider unilatéralement que cette stipulation cesserait de produire effet et qu'elle serait remplacée par une nouvelle obligation à la charge du salarié lui faisant interdiction de travailler pour le compte du groupe MMA ; que pour avoir refusé de faire application des termes clairs et précis du contrat de travail et d'en avoir modifié la substance, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L 1234-1 et suivants du code du travail.