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07/06/2011 | FRANCE | N°10-17792

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 juin 2011, 10-17792


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, après avertissement délivré aux parties :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 1er mars 2010), que Mme X... et M. Y..., associés de la société civile Les Garennes (la société), ont fait assigner M. Z... en révocation de ce dernier de ses fonctions de gérant de la société ;
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation de l'arrêt rendu le 16 novembre 2009 par la cour d'appel de Reims prononcée sur

le pourvoi instruit sous le n T 10-15. 0006 entraînera par voie de conséquence...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, après avertissement délivré aux parties :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 1er mars 2010), que Mme X... et M. Y..., associés de la société civile Les Garennes (la société), ont fait assigner M. Z... en révocation de ce dernier de ses fonctions de gérant de la société ;
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation de l'arrêt rendu le 16 novembre 2009 par la cour d'appel de Reims prononcée sur le pourvoi instruit sous le n T 10-15. 0006 entraînera par voie de conséquence celle de l'arrêt attaqué qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 625 du code de procédure civile ;
2°/ que le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé ; qu'en se bornant à dire qu'il résulte de la lecture des décisions des 12 mars 2007 et 16 novembre 2009 de la cour d'appel de Reims une certaine confusion entre les intérêts personnels de M. Z... au travers de sa société et ceux de la société qu'il prétendait représenter, sans apporter la moindre précision sur les faits contenus dans ces décisions de justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1851 du code civil ;
3°/ que sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé ; qu'en se fondant, pour prononcer la révocation de M. Z... en qualité de gérant de la SCP Les Garennes et désigner M. A... en qualité de mandataire ad hoc, sur l'arrêt du 12 mars 2007 de la cour d'appel de Reims, cassé en toute ses dispositions par un arrêt du 10 juillet 2008 de la Cour de cassation (2e Civ., 10 juillet 2008, pourvoi n 07-15. 270), la cour d'appel a violé l'article 625 du code de procédure civile ;
4°/ que le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé ; qu'en énonçant, pour prononcer la révocation de M. Z... de sa qualité de gérant de la société, que ce dernier aurait renvoyé les associés à une consultation des documents comptables dans des locaux très éloignés du siège social, aurait transféré celui-ci sans consultation et vote préalable des associés, ou encore aurait sciemment convoqué Mme X... à une assemblée générale extraordinaire devant statuer sur une augmentation de capital à une adresse erronée, de sorte qu'elle n'aurait pas pu participer à l'augmentation de capital décidée, sans expliquer en quoi ces décisions établissaient que M. Z... privilégiait ses intérêts personnels au détriment de ceux de la société, alors que de surcroît M. Z... était déjà associé majoritaire de sorte que l'augmentation de capital n'avait pas modifié cette qualité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1851 du code civil ;
5°/ qu'en statuant ainsi sans expliquer, de surcroît, en quoi ces décisions étaient contraires à l'intérêt de la société, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1851 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'une ordonnance ayant constaté le désistement du pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 16 novembre 2009 par la cour d'appel de Reims, le moyen est devenu sans objet ;
Et attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que M. Z... n'a pas communiqué les documents comptables réclamés à plusieurs reprises par ses associés, les renvoyant à une consultation dans des locaux très éloignés du siège social et qu'il a finalement décidé, sans consultation préalable et à plus forte raison vote préalable des associés, de transférer le siège social en région lilloise ; qu'il relève encore que M. Z... a convoqué Mme X... à une adresse dont il ne pouvait ignorer qu'elle était erronée et M. Y... à une adresse autre que la sienne ; qu'il retient enfin que M. Z... a mis tout en oeuvre pour se retrouver seul à l'assemblée extraordinaire du 30 août 2005, voter sans obstacle l'augmentation de capital qui avait déjà été refusée par Mme X... et M. Y... lors d'une précédente réunion tenue le 4 février 2005, faisant ainsi en sorte que, faute d'information sur le délai d'un mois imparti pour prendre une participation dans cette augmentation, les autres associés n'y souscrivent pas, lui permettant de se retrouver associé très majoritaire ; qu'ayant déduit de ces constatations et appréciations que cette manoeuvre déloyale caractérisait la volonté de M. Z... de ne préserver que ses seuls intérêts, en contradiction avec le mandat de gérant qui lui avait été confié, caractérisant ainsi un comportement fautif du gérant, constitutif d'une cause légitime de révocation, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième et troisième branches, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses trois premières branches, n'est fondé pas pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Les Garennes et M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme X... la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Les Garennes et M. Z...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la révocation de M. Bernard Z... en qualité de gérant de la société civile particulière LES GARENNES et désigné Me Jean-François A..., membre de la SCP A...- B... en qualité de mandataire ad hoc, avec mission de réunir, dans le délai de six mois, une assemblée générale des associés de la SCP LES GARENNES laquelle devra faire le choix d'un nouveau gérant selon les modalités arrêtées par les statuts, et sur la seule base de la répartition du capital social telle qu'elle résulte desdits statuts et dit que la rémunération de l'administrateur sera à la charge de la société LES GARENNES ;
AUX MOTIFS QUE Sur la demande de révocation du gérant et de désignation d'un mandataire ad hoc : aux termes de l'article 1851 du code civil, « sauf disposition contraire des statuts, le gérant est révocable par une décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales (…) Le gérant est également révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé » ; Est considéré comme juste motif, notamment, toute action du gérant de nature à compromettre l'intérêt social ; en l'espèce, il est fait grief, en premier lieu, à M. Z..., de n'avoir pas pris les dispositions qui s'imposaient pour faire fructifier le patrimoine immobilier de la société LES GARENNES ; en réponse, Bernard Z... fait valoir que les locaux de la SCP situés à CORROY et loués à la société Z... jusqu'à la liquidation judiciaire de celle-ci, ont été occupés illicitement par la société LA POM'EXPORT dirigée par M. Y... de sorte qu'ils n'étaient pas libres à la vente ou relocation ; il ajoute avoir dû agir en justice durant plusieurs années pour obtenir qu'il soit mis fin à cette situation, M. Y... et Mme X... ayant de concert tout mis en oeuvre pour empêcher un retour à la normale ; Mais si M. Z... se prévaut de différents procès-verbaux de constat pour asseoir sa démonstration, force est de constater que les décisions de justice rendues dans le cadre du conflit l'ayant effectivement opposé au cours des années écoulées, tant en sa qualité de gérant de la société LES GARENNES que d'ancien gérant de la société Z..., à M. Y... ET Mme X..., et en particulier les arrêts rendus par la cour de céans les 12 mars 2007 et 16 novembre 2009 ont au contraire retenu qu'aucune occupation illicite n'était démontrée, ni obstacle à la location ; il résulte plus généralement de la lecture de ces décisions une certaine confusion entre les intérêts personnels de Bernard Z... au travers de sa société, et ceux de la SCP LES GARENNES qu'il prétendait représenter ; à bon droit M. Y... et Mme X... excipent dès lors de la défaillance du gérant dans la gestion des biens de la société ; ensuite les intimés font grief à M. Z... de ne pas les avoir réunis au moins une fois par an, comme le prévoyait l'article 19 des statuts, ce qui n'est pas contesté ; ils rappellent au surplus les dispositions de l'article 1855 du code civil aux termes duquel « les associés ont le droit d'obtenir au moins une fois par an communication des livres et des documents sociaux et de poser par écrit les questions sur la gestion sociale auxquelles il devra être répondu par écrit dans le délai d'un mois » ; l'article 1856 ajoute que « les gérants doivent au moins une fois dans l'année rendre compte de leur gestion aux associés, par écrit, avec indication des bénéfices réalisés ou prévisibles et des pertes encourues ou prévues » ; or il résulte des pièces produites que M. Z... n'a pas communiqué les documents comptables réclamés à plusieurs reprises par ses associés, les renvoyant à une consultation dans des locaux très éloignés du siège social de la SCP, à LILLE ; il apparaît en outre qu'il a finalement décidé, sans consultation préalable et à plus forte raison, vote préalable des associés, de transférer le dit siège social en région lilloise, ainsi qu'il résulte notamment des documents comptables récents à entête de la société LES GARENNES, « zone d'activité BP 18 178 rue du Moulin 59193 ERQUINGHEM LYS » ; encore il est reproché à M. Z... d'avoir délibérément convoqué ses associés à des adresses qu'il savait en tout ou partie erronées, en vue de la tenue de l'assemblée extraordinaire du 30 août 2005, s'assurant ainsi de leur absence alors même qu'il entendait décider d'une augmentation de capital ; il n'aurait agi ainsi qu'à la seule fin, par un montage condamnable, de devenir associé très majoritaire et d'échapper pour l'avenir à l'opposition des autres associés lors du vote des décisions qu'il serait amené à leur soumettre ; M. Z... se défend d'avoir agi par duperie et soutient qu'il ignorait les changements d'adresse de Mme X... et de M. Y... que leur convocation est par suite régulière, et que les intéressés disposaient en tout état de cause, après la tenue de l'assemblée générale, d'un délai d'un mois pour souscrire à l'augmentation de capital, qu'il leur appartenait de mettre à profit ; Mais il n'est pas contesté que la convocation à cette assemblée générale extraordinaire a fait suite à une précédente réunion tenue le 4 février 2005, au cours de laquelle M. Y... et Mme X... avaient refusé l'augmentation de capital selon des modalités permettant à M. Z... de voir sa participation accrue par le seul effet de la compensation avec une créance qu'il prétendait détenir en compte courant ; M. Z... indique lui-même qu'il a compris à cette occasion que ses associés ne souhaitaient pas la modification qu'il suggérait, selon lui, dans le seul intérêt de la société ; il est incontestable qu'il tenait particulièrement à voir aboutir son projet, lequel n'avait a priori aucune chance d'être admis en août après avoir été repoussé en février ; il a convoqué Mme Maryse X... à une adresse dont il ne pouvait ignorer qu'elle n'était plus la bonne, pour avoir pris connaissance lors de la précédente assemblée générale du changement dont s'agit notamment par le biais du pouvoir de représentation donné par M. Y... à la susnommée et remis au gérant ; de même il a adressé la convocation de M. Y... au..., alors même que ce dernier résidait ... FERE CHAMPENOISE ; à bon droit M. Y... observe qu'à supposer même que cette domiciliation était demeurée inconnue de M. Z..., celle de Mme X... ne pouvait l'être, et il suffit d'une irrégularité à l'égard d'un seul actionnaire pour faire perdre toute validité aux décisions prises dans ces conditions ; il s'évince à tout le moins de cet état de fait que M. Z... a manifestement tout mis en oeuvre pour se retrouver seul à l'assemblée extraordinaire du 30 août 2005, voter sans obstacle l'augmentation de capital qui n'avait pas recueilli les suffrages de ses associés, réunis le 4 février précédent, et faire en sorte que, faute d'information sur le délai d'un mois imparti pour prendre une participation dans cette augmentation, les dits associés n'y souscrivent pas, permettant à Bernard Z... de se retrouver actionnaire très majoritaire pour l'avenir ; il s'agit là d'une manoeuvre déloyale caractérisant la volonté de M. Z... de ne préserver que ses seuls intérêts, en contradiction avec le mandat de gérant qu'il lui a été confié ; la demande de révocation du gérant et de désignation d'un mandataire ad hoc chargé de réunir une assemblée générale avec pour ordre du jour la désignation d'un nouveau gérant est légitime et doit être prononcée ;

1) ALORS QUE la cassation de l'arrêt rendu le 16 novembre 2009 par la cour d'appel de REIMS prononcée sur le pourvoi instruit sous le n° T 10-15. 0006 entraînera par voie de cons équence celle de l'arrêt attaqué qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 625 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé ; qu'en se bornant à dire qu'il résulte de la lecture des décisions des 12 mars 2007 et 16 novembre 2009 de la cour d'appel de REIMS une certaine confusion entre les intérêts personnels de Bernard Z... au travers de sa société et ceux de la SCP LES GARENNES qu'il prétendait représenter, sans apporter la moindre précision sur les faits contenus dans ces décisions de justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1851 du code civil ;
3) ALORS QUE sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé ; qu'en se fondant, pour prononcer la révocation de M. Bernard Z... en qualité de gérant de la SCP LES GARENNES et désigner Me Jean-François A... en qualité de mandataire ad hoc, sur l'arrêt du 12 mars 2007 de la cour d'appel de REIMS, cassé en toute ses dispositions par un arrêt du 10 juillet 2008 de la Cour de cassation (Civ 2, 10 juillet 2008, pourvoi n° 07-15. 270), la cour d'appel a violé l'article 625 du code de procédure civile ;
4) ALORS QUE le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé ; qu'en énonçant, pour prononcer la révocation de M. Bernard Z... de sa qualité de gérant de la SCP LES GARENNES, que ce dernier aurait renvoyé les associés à une consultation des documents comptables dans des locaux très éloignés du siège social, aurait transféré celui-ci sans consultation et vote préalable des associés, ou encore aurait sciemment convoqué Mme X... à une assemblée générale extraordinaire devant statuer sur une augmentation de capital à une adresse erronée, de sorte qu'elle n'aurait pas pu participer à l'augmentation de capital décidée, sans expliquer en quoi ces décisions établissaient que M. Bernard Z... privilégiait ses intérêts personnel au détriment de ceux de la société, alors que de surcroît M. Bernard Z... était déjà associé majoritaire de sorte que l'augmentation de capital n'avait pas modifié cette qualité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1851 du code civil ;
5) ALORS QU'en statuant ainsi sans expliquer, de surcroît, en quoi ces décisions étaient contraires à l'intérêt de la SCP LES GARENNES, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1851 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-17792
Date de la décision : 07/06/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 01 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 jui. 2011, pourvoi n°10-17792


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Peignot et Garreau, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.17792
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