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01/06/2011 | FRANCE | N°10-15108

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 01 juin 2011, 10-15108


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., chirurgien urologue, a pratiqué le 2 novembre 1990 sur Claude Y...une cystectomie totale avec reconstitution de vessie ; que celui-ci n'ayant jamais pu reprendre son travail, a fait assigner M. X...devant un tribunal de grande instance en réparation de son préjudice, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne (la caisse) appelée en déclaration de jugement commun ; que Claude Y...étant décédé en cours d'instance le 27 février 200

7, ses ayants droit Mmes Yvette Z..., épouse Y..., Line Y..., Mar...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., chirurgien urologue, a pratiqué le 2 novembre 1990 sur Claude Y...une cystectomie totale avec reconstitution de vessie ; que celui-ci n'ayant jamais pu reprendre son travail, a fait assigner M. X...devant un tribunal de grande instance en réparation de son préjudice, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne (la caisse) appelée en déclaration de jugement commun ; que Claude Y...étant décédé en cours d'instance le 27 février 2007, ses ayants droit Mmes Yvette Z..., épouse Y..., Line Y..., Martine A..., MM. Marius Y..., Pascal Y..., Denis Y...et Yvan Y...(les consorts Y...) ont repris l'instance ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, tel que reproduit en annexe :
Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, en présence des consorts Y..., à l'encontre de M. X...;
Mais attendu que l'appel en déclaration de jugement commun d'une caisse de sécurité sociale, formé en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, a pour effet de rendre celle-ci partie à l'instance ;
Et attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des productions que la caisse ait soutenu devant la cour d'appel qu'elle était intervenue volontairement en une autre qualité en première instance ;
D'où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, est comme tel irrecevable ;
Sur le premier moyen du pourvoi provoqué de M. X...:
Attendu que M. X...fait grief à l'arrêt de le déclarer entièrement responsable des préjudices subis par Claude Y...en raison de l'intervention chirurgicale du 2 novembre 1990 et de le condamner en conséquence à payer à ce titre aux consorts Y...la somme de 122 100 euros, alors, selon le moyen, que le préjudice peut consister dans la perte d'une chance, qui s'analyse comme la disparition d'une éventualité favorable ; Qu'en énonçant que M. X...était tenu de réparer l'entier préjudice découlant d'un choix thérapeutique inadapté à la pathologie de son patient, sans rechercher-comme elle y était pourtant invitée tant par M. X...que par les consorts Y...-si le préjudice imputable à l'intervention chirurgicale décidée par M. X...ne s'analysait pas en une perte de chance d'éviter ou de différer les conséquences mutilantes de cette intervention, dès lors que l'alternative à l'intervention pratiquée par M. X...ne permettait pas d'exclure la nécessité d'y avoir recours ultérieurement en cas de récidive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que l'ensemble des données fournies par les expertises réalisées démontre que la prostatocystectomie totale avec vessie de remplacement ne peut pas être considérée comme une thérapie de prévention eu égard aux conséquences gravement invalidantes qu'elle entraîne ; que les experts préconisent, s'agissant d'une tumeur de stade A infiltrant la muqueuse mais pas encore les muscles, une résection totale avec une surveillance constante, voire en cas de récidive unique une nouvelle résection, et en cas de récidive multifocale une BCG thérapie intravésicale, la prostatocystectomie ne devant être réalisée qu'en cas de récidive rapide, soit dans les trois mois ; que M. X...n'avait aucune certitude quant au degré de malignité de la tumeur et à son évolution ; que n'ayant pas pris ces précautions qui correspondaient à un protocole connu comme appliqué par la majorité de la communauté des urologues à l'époque des faits, il n'a pas apporté à Claude Y...les soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science que l'état de santé de ce dernier justifiait ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, c'est à bon droit que la cour d'appel n'a pas réparé une perte de chance, mais un préjudice certain qui impliquait de mettre à la charge de M. X...la réparation de l'intégralité des préjudices subis par Claude Y...;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen du pourvoi provoqué de M. X...:
Vu l'article 1147 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale ;
Attendu que pour condamner M. X...à payer aux consorts Y...la somme de 122 100 euros en réparation des préjudices subis par Claude Y..., l'arrêt énonce que M. X...n'ayant pas apporté à Claude Y...les soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science que l'état de santé de ce dernier justifiait, la responsabilité de M. X..., qui a été justement retenue, impliquait de mettre à sa charge la réparation de l'intégralité des préjudices subis par Claude Y...;
Qu'en statuant ainsi, en allouant aux consorts Y...des indemnités au titre des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux permanents sans en diminuer le montant au prorata temporis compte tenu du décès de Claude Y...survenu en 2007 pour une autre cause, sans déduire le montant des prestations servies par la caisse du montant du préjudice soumis à recours, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X...à payer en réparation des préjudices soufferts par Claude Y...aux consorts Y...la somme de 122 100 euros, l'arrêt rendu le 11 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi principal par Me Foussard, avocat aux conseils pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a déclaré irrecevables les demandes formées par la CPAM DE LA HAUTE GARONNE, en présence des ayants-droit de M. Y..., à l'encontre de M. X...;
AUX MOTIFS QUE « la CPAM DE LA HAUTE GARONNE, régulièrement assignée et représentée en première instance, n'a pas conclu ni produit aucune créance ; que ses demandes formées pour la première fois devant la cour ne tendent pas à opposer compensation, à faire écarter les prétentions adverses ou à faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; qu'elle ne peut valablement prétendre qu'il existerait une continuité entre les instances pénales et l'instance civile dont la cour est saisie par suite de l'appel du jugement du 4 novembre 2008, étant observé que du jugement du 9 novembre 1999, le tribunal correctionnel qui a relaxé M. X...des fins de la poursuite a déclaré irrecevables en leurs constitutions de parties civiles M. Y...et la CPAM, et que par arrêt du 20 juin 2005, la chambre des appels correctionnels a donné acte à M. Y...et au ministère public de leur désistement d'appel et a constaté son dessaisissement (…) » (arrêt, p. 12, § 10, 11 et 12) ;
ALORS QUE, premièrement, c'est une chose que de savoir si une demande est recevable, pour avoir été formée pour la première fois en cause d'appel par une personne qui figurait en la même qualité devant le premier juge, et c'en est une autre que de savoir si, intervenant pour la première fois en cause d'appel avec une certaine qualité, la partie en cause est recevable en son intervention ; qu'en raisonnant comme s'ils étaient en présence d'une demande nouvelle, quand le débat portait sur la recevabilité de l'intervention de la Caisse en cause d'appel, en une qualité nouvelle, les juges du fond ont violé les articles 554 du Code de procédure civile, ensemble les articles 564 à 567 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, l'intervention en cause d'appel d'une caisse primaire d'assurance maladie en vue d'obtenir le remboursement des prestations qu'elle a servies à la victime est recevable, dès lors que, bien que fondée sur un droit propre, elle ne soumet pas à la cour d'appel un litige nouveau ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 329 et 554 du Code de procédure civile ;
Et ALORS QUE, troisièmement, il ne saurait être objecté que la Caisse a été appelée sur la procédure par la victime dès lors qu'elle était simplement appelée en déclaration de jugement commun, conformément à l'article 376-1 du Code de la sécurité sociale, cependant qu'en cause d'appel, elle entendait faire valoir un droit propre et obtenir le remboursement de ses débours ; qu'ainsi, ayant figuré en première instance en une autre qualité, son intervention ne pouvait être repoussée comme irrecevable ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 331, 554 du Code de procédure civile et L. 376-1 du Code de la sécurité sociale. Moyens produits au pourvoi provoqué par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré monsieur X...entièrement responsable des préjudices subis par M. Claude Y...en raison de l'intervention chirurgicale du 2 novembre 1990 et de l'avoir condamné en conséquence à payer à ce titre aux consorts Y...la somme de 122. 100 euros,
AUX MOTIFS PROPRES QU'il se forme entre le médecin et son patient un véritable contrat comportant pour le praticien l'obligation de donner des soins consciencieux, attentifs et, sous réserve circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ; Que cette obligation concerne également le diagnostic posé par le médecin, ses investigations ou mesures préalables, le traitement qu'il doit adapter à la pathologie du patient, et le suivi de ce traitement ; Que la violation même involontaire de cette obligation engage la responsabilité du médecin sur le fondement de l'article 1147 du Code civil et du nouvel article L. 1141-1 du Code de la santé publique ; Qu'il s'agit d'une obligation de moyen dont le non respect ne peut engager la responsabilité du médecin que pour faute prouvée ; Qu'en l'espèce, la demande des consorts Y...doit être examinée au regard des éléments fournis par les expertises instituées dans le cadre des opérations pénales, sur lesquelles ils fondent leur argumentation, et des données invoquées par le docteur X...à l'appui de sa contestation de responsabilité ; Qu'il résulte du rapport établi le 9 janvier 1993 par les professeurs E..., F..., G...et H..., respectivement spécialistes en urologie, radiothérapie et imagerie médicale et anatomopathologie, que la malignité des tumeurs de vessie s'apprécie par l'aspect des cellules tumorales (grades I, II, III, IV) et par la pénétration des cellules dans la paroi vésicale (stades O, A, B, C, D) ; Que la décision thérapeutique doit se fonder sur un faisceau d'arguments : aspect macroscopique des lésions en endoscopie, caractères anatomo-pathologiques, évolutivité locale ; Que le traitement est fonction de l'état de la tumeur : lorsque la tumeur est certainement maligne, les cellules cancéreuses atteignant la couche musculaire (à partir du stade B), la meilleure solution est une cystectomie totale, précédée ou encadrée par une radiothérapie ou une chimiothérapie, et avec remplacement vésical, ainsi qu'éventuellement une prostatectomie en cas d'extension de la tumeur à la prostate ou cocomitance d'un cancer de la prostate ; Que ce traitement peut avoir de graves conséquences sur la continence urinaire et sur la sexualité du patient ;- quand la tumeur n'atteint pas la couche musculaire mais dépasse déjà la sous muqueuse (stade A ou T1) et témoigne d'un processus évolutif manifesté par un grade cellulaire élevé, une localisation multifocale ou de grande taille supérieure à 3 cm, une récidive rapide après un premier traitement local, la décision légitime consiste en une prostatocystectomie totale avec vessie de remplacement ;- si la tumeur est de stade A infiltrant la sous muqueuse mais unifocale ou de petite taille, elle peut être traitée pendant des années par des résections endoscopiques itératives, étant précisé que selon certains auteurs cités par les experts seulement 12 % des tumeurs pTa deviennent infiltrantes, que le taux de récidive est de 40 % à 5 ans et de 50 % à 10 ans ; Que les experts concluent que la résection trans uréthrale itérative est le geste thérapeutique initial commun à toutes les tumeurs de stade A, et qu'il est souvent suffisant pour les tumeurs de bon pronostic ; Que les tumeurs de pronostic incertain relèvent d'un traitement à vessie fermée et d'une surveillance régulière, que pour celles de mauvais pronostic des instillations endovésicales par BCG sont systématiquement entreprises après l'exérèse endoscopique de la tumeur et que c'est seulement en cas d'échec que l'indication d'un traitement radical va se poser ; Que dans leur rapport du 30 octobre 1993 concernant exclusivement monsieur Y..., les experts indiquent que ce dernier était porteur d'une tumeur vésicale gauche que l'on peut considérer comme unique au vu des données de l'urographie intraveineuse, de l'échographie et de la cystoscopie ; Qu'ils soulignent en effet que si sur le compte rendu anatomopathologique de la pièce de cystectomie totale il est fait état d'une tumeur plurifocale, tout porte à croire qu'il s'agit de plusieurs foyers regroupés autour de la tumeur principale, et non pas de tumeurs disséminées dans tout le réservoir vésical, dont le pronostic serait totalement différent ; Que le premier traitement à appliquer pour ce type de tumeur était donc une résection complète et profonde emportant l'ensemble des formations tumorale, alors que le docteur X...s'est contenté d'une résection biopsique incomplète ; Qu'ils estiment que même si cette tumeur était de grade III, rien ne permettait de prévoir son évolution ultérieure, et évoquent quatre évolutions possibles comportant un traitement différent :- en cas de non récidive précoce, des contrôles réguliers de la vessie ;- en cas de récidive unique, une nouvelle résection avec à nouveau discussion du schéma thérapeutique ;- en cas de récidive multifocale, une BCG thérapie intravésicale qui offrait de grands espoirs de guérison pour une tumeur superficielle ;- en cas de récidive rapide (trois mois) avec progression de l'infiltration, une prostatocystectomie totale devenait légitime et urgente ; Que dans ce contexte, les experts s'étonnent que le docteur X...ait pris d'emblée une décision de prostatocystectomie totale avec exécution quasi immédiate, puisqu'il s'est écoulé quinze jours entre la résection et cette intervention ; Qu'ils concluent que le traitement qui a été appliqué à monsieur Y...pour la tumeur vésicale dont il était porteur, ne correspond pas aux règles de l'urologie connues en 1990, que la décision de faire une prostatocystectomie totale pour cette lésion a été hâtive, injustifiée et que d'autres possibilités thérapeutiques existaient, n'ayant pas les mêmes conséquences sur le plan urinaire et sexuel ; Que par arrêt du 21 septembre 2000, la chambre des appels correctionnels de cette cour a ordonné un complément d'expertise en demandant notamment aux experts précédemment désignés de dire s'il existait en 1990 une controverse ou un consensus thérapeutique sur le traitement à appliquer à un carcinome urothélial de grade III et de stade A ; Qu'en réponse à cette question, les professeurs D..., G...et F...indiquent le 10 mai 2004 : « en reprenant les documents bibliographiques fournis dans le dossier ainsi que cette brève mise à jour publiée en 1991 qui synthétise assez bien le problème, il est indiscutable à notre sens, que le traitement que la majorité de la communauté urologique était d'accord pour considérer, de première intention d'une tumeur de vessie grade III stade A (ou T1) unifocale était représenté selon toute vraisemblance par un essai loyal d'instillations endovésicales de BCG thérapie suivi en cas d'échec d'un traitement radical (prostatocystectomie totale avec enteroplastie de substitution éventuellement) ; Qu'il apparaît que le docteur X...s'est déterminé au vu des résultats des examens précédant l'opération, c'est à dire l'échographie, l'urographie, la tomodensitométrie et l'examen anatomo pathologique du docteur Laurent qui concluaient à la présence d'une tumeur vésicale latérale gauche de grade III stade au moins A, c'est à dire une tumeur ayant infiltré le chorion ; Que toutefois il n'avait pas été constaté l'échec d'un traitement antérieur ; Que les experts expliquent que le degré de malignité d'une tumeur de la vessie est difficile à déterminer ; Qu'en effet, l'examen radiologique traduit sa présence, mais ne permet pas de connaître le degré d'infiltration pariétale du pied de la tumeur et que l'urographie intraveineuse, l'échographie et la tomodensitométrie (scanner) donnent des résultats assez décevants pour apprécier l'extension locale et locorégionale de la tumeur au début de leur évolution ; Que des erreurs ont lieu aussi bien en minoration qu'en majoration, et qu'il est toujours extrêmement difficile d'affirmer qu'une tumeur de vessie va devenir un véritable cancer ; Qu'il s'ensuit que le docteur X...n'avait aucune certitude quant au degré de malignité de la tumeur et à son évolution ; Qu'au demeurant l'analyse post opératoire de la tumeur réalisée par le docteur C...a démontré qu'il s'agissait d'une tumeur de faible dimension comprise entre 0, 2 mm et 1 cm de diamètre de grade I stade T1 (A) ; Que les experts ont expliqué de façon claire pourquoi la tumeur pouvait être considérée comme unifocale et le docteur X...n'apporte pas d'éléments médicaux objectifs susceptibles de contredire efficacement leur analyse ; Que la conclusion du complément d'expertise déposé le 10 mai 2004 met en évidence que les experts n'ont pas commis de confusion quant au stade de la tumeur révélée initialement, qu'il s'agissait bien d'un stade au moins A et non d'un stade 0 ; Que par ailleurs, cette conclusion fait apparaître qu'il existait en 1990 un consensus de la majorité de la communauté urologique pour traiter les tumeurs de vessie grade III stade A unifocales par instillations endovésicales de BCG thérapie ; Qu'à cet égard, les documents produits par le docteur X..., qui n'a jamais sollicité de contre-expertise, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation des experts judiciaires, sérieusement étayée par de nombreuses références à des auteurs spécialisés en la matière ; Que l'article de 1997 du journal d'urologie tenu à Madrid en mars 2003 évoquent la préconisation par certains auteurs dans la deuxième moitié des années 1980, d'une chirurgie radicale après résection endoscopique des tumeurs T1 G3, mais aussi le fait que dans les années suivantes la majorité des urologues préconisaient en première intention la tentative de contrôle par BCG ; Que l'article du professeur D...du mois de janvier 2000 n'est pas en contradiction avec son avis du 10 mai 2004 puisqu'il mentionne sa préférence d'une approche conservatrice pour le traitement de ces tumeurs, et conclut que les instillations de BCG sont une alternative efficace dans ce traitement et permettent avec une faible morbidité de conserver le réservoir vésical ; Que l'existence d'antécédents médicaux présentés par monsieur Y...qui auraient pu conduire à privilégier le choix thérapeutique retenu par le docteur X...n'est pas évoqué par les experts ; Que l'ensemble des données fournies par les expertises réalisées démontre que la prostatocystectomie totale avec vessie de remplacement ne peut pas être considérée comme une thérapie de prévention eu égard aux conséquences gravement invalidantes qu'elle entraîne ; Qu'il existe une marge d'erreur importante et des probabilités de stabilisation, du moins de maîtrise et même de guérison, qui doivent conduire à ne pas privilégier d'emblée un tel traitement radical ; Que les premiers juges ont justement rappelé que la liberté de choix du praticien se limite à ce qui est adapté à l'état du patient et à sa pathologie ; Que les experts préconisent, s'agissant d'une tumeur de stade A infiltrant la muqueuse mais pas encore les muscles, une résection totale avec une surveillance constante, voire en cas de récidive unique une nouvelle résection, et en cas de récidive multifocale une BCG thérapie intravésicale, la prostatocystectomie ne devant être réalisée qu'en cas de récidive rapide, soit dans les trois mois ; Que le docteur X...n'ayant pas pris ces précautions qui correspondaient à un protocole connu comme appliqué par la majorité de la communauté des urologues à l'époque des faits, le tribunal a décidé à juste titre qu'il n'avait pas apporté à monsieur Y...les soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science que l'état de santé de ce dernier justifiait ; Que la responsabilité du docteur X...a été justement retenue au titre de ce manquement à son obligation de soins, impliquant de mettre à sa charge la réparation de l'intégralité des préjudices subis par monsieur Y...;
ET AUX MOTIFS ADOPTES des premiers juges que toutes les précautions n'ont pas été adoptées par le Docteur X...; que sa responsabilité civile se trouve donc engagée et qu'il doit être condamné à réparer l'entier préjudice subi.
ALORS QUE le préjudice peut consister dans la perte d'une chance, qui s'analyse comme la disparition d'une éventualité favorable ; Qu'en énonçant que le docteur X...était tenu de réparer l'entier préjudice découlant d'un choix thérapeutique inadapté à la pathologie de son patient, sans rechercher-comme elle y était pourtant invitée tant par l'exposant (concl. signifiées le 17 novembre 2009, p. 15 et 16) que par les consorts Y...(concl. signifiées le 31 juillet 2009, p. 13)- si le préjudice imputable à l'intervention chirurgicale décidée par le docteur X...ne s'analysait pas en une perte de chance d'éviter ou de différer les conséquences mutilantes de cette intervention, dès lors que l'alternative à l'intervention pratiquée par le docteur X...ne permettait pas d'exclure la nécessité d'y avoir recours ultérieurement en cas de récidive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil,
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné monsieur Pierre X...à payer aux consorts Y...la somme de 122. 100 € en réparation des préjudices subis par monsieur Claude Y...,
AUX MOTIFS QU'il ressort de l'expertise réalisée par les docteurs I...et J... que la prostatocystectomie avec vessie de remplacement a généré des épisodes infectieux urinaires, une incontinence urinaire nocturne et diurne nécessitant la pose d'un sphincter artificiel, une impuissance améliorable par traitement médical mais très gênante, et un syndrome dépressif ; Que les experts fixent la date de consolidation au 10 avril 1992, retiennent une ITT du 2 novembre 1990 au 25 décembre 1990, une IPP au taux de 40 %, un préjudice esthétique de 1/ 7, des souffrances endurées estimées à 4/ 7 et évoquent l'existence d'un préjudice d'agrément certain ; Qu'ils mentionnent que du fait des suites de l'intervention du 2 novembre 1990, monsieur Y...a perdu son emploi de gardien d'immeuble ; Que ces conclusions médico-légales qui ne font pas l'objet de critique médicalement fondées ont été justement prises par le tribunal comme base d'évaluation du préjudice corporel subi par monsieur Y...; I-Préjudices patrimoniaux : Que les consorts Y...réclament en cause d'appel l'indemnisation d'un préjudice professionnel temporaire qu'ils chiffrent à la somme de 33. 869, 24 €, correspondant selon eux au manque à gagner qu'aurait subi monsieur Y...entre sa mise en invalidité à compter du 16 octobre 1993 et la date de sa retraite ; Que le préjudice professionnel temporaire correspond à des pertes de revenus subies pendant la période d'incapacité temporaire totale ou partielle ; Qu'il n'est pas démontré que monsieur Y...a subi une perte de revenus pendant cette période ; Que les consorts Y...réclament en réalité l'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs pour la période postérieure à la consolidation, mais ne produisent aucun justificatif précis à l'appui de leur demande qu'il convient donc de rejeter ; Qu'ils sollicitent également l'allocation d'une somme de 49. 000 euros au titre de l'incidence professionnelle qu'ont entraîné les séquelles de l'opération ; Qu'à cet égard, les experts notent qu'ont participé à l'impossibilité de retrouver un éventuel emploi non seulement le handicap lié à l'incontinence urinaire mais aussi à l'âge (54 ans à la date de consolidation) et le manque de qualification de monsieur Y...; Que l'incidence professionnelle sera donc suffisamment indemnisée par l'allocation d'une somme de 10. 000 € ; II-Préjudices extra patrimoniaux : A-Préjudices extra patrimoniaux temporaires (avant consolidation) : Que les souffrances endurées lors de l'hospitalisation initiale mais aussi du fait des différentes démarches thérapeutiques et rééducatives ont été justement indemnisées par une somme de 10. 000 € ; B-Préjudices extra patrimoniaux permanents (après consolidation) : 1- Déficit fonctionnel permanent : Qu'eu égard à l'âge de monsieur Y...à la date de la consolidation, à la réduction de son potentiel physique et aux répercussions psychologiques liées à l'atteinte séquellaire décrite par les experts, que l'intéressé à dû subir, la somme de 71. 000 € a été justement allouée aux consorts Y..., sans qu'il y ait lieu de diminuer ce montant au prorata temporis compte tenu du décès de monsieur Y...survenu en 2007 pour autre cause ; 2- Préjudice esthétique : Qu'il est caractérisé par l'existence d'une cicatrice sus publienne ; Que l'indemnité de 1. 100 € accordée à ce titre sera confirmée ; 3- Préjudice d'agrément : Que le préjudice d'agrément résultant de l'atteinte objective aux conditions habituelles d'existence est indemnisé au titre du déficit fonctionnel permanent ; Que monsieur Y...a indiqué aux experts qu'il ne pouvait plus pratiquer la marche à pied ni le vélo, ce qui constituait ses loisirs antérieurs ; Que les experts relèvent qu'il en résulte pour monsieur Y...un préjudice d'agrément médicalement justifié ; Qu'il apparaît incontestable qu'une incontinence urinaire telle que celle présentée par monsieur Y...rend impossible la pratique d'un sport comme le vélo ; Que le préjudice d'agrément spécifique doit être retenu et a été exactement indemnisé par la somme de 5. 000 € ; 4- Préjudice sexuel : Qu'au vu des conclusions expertales évoquant une possible amélioration de l'impuissance avec des injections intracaverneuses, il convient de limiter l'indemnisation de ce poste de préjudice à la somme de 25. 000 € ; 5- Préjudice moral : (...) Que les souffrances morales résultant de la diminution des capacités physiques sont indemnisées dans le cadre du déficit fonctionnel permanent ; Que les consorts Y...seront donc déboutés de cette demande ; Que l'indemnisation totale due aux consorts Y...par monsieur X...s'élève à la somme de 122. 100 € ;
ALORS QUE D'UNE PART, si le droit pour la victime d'obtenir réparation du préjudice subi existe dès que le dommage a été causé, l'évaluation de ce préjudice doit être faite par le juge au moment où il rend sa décision, en tenant compte de tous les éléments connus à cette date ; Que le décès de la victime survenu après consolidation de ses blessures, fait ainsi obstacle à ce que le préjudice patrimonial permanent et le préjudice extra-patrimonial permanent soient réparés au-delà du jour où le décès est survenu ; Qu'en allouant aux consorts Y...des indemnités au titre des préjudice patrimoniaux et extra-patrimoniaux permanents sans en diminuer le montant au prorata temporis compte tenu du décès de monsieur Y...survenu en 2007 pour une autre cause, la cour a violé l'article 1147 du Code civil.
ALORS QUE D'AUTRE PART, la réparation d'un dommage, qui doit être intégrale, ne peut excéder le montant du préjudice ; Que, selon l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, les prestations versées par les caisses de la sécurité sociale à une victime doivent être déduites de l'indemnité à laquelle le tiers responsable est tenu envers la victime pour réparer les atteintes à son intégrité physique ; Qu'en omettant de déduire le montant des prestations servies par la CPAM de la Haute Garonne du montant du préjudice soumis à recours, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 10-15108
Date de la décision : 01/06/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 11 janvier 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 01 jui. 2011, pourvoi n°10-15108


Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Baraduc et Duhamel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.15108
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