LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 18 décembre 2009) rendu sur renvoi après cassation (17 janvier 2008, 2e Civ., pourvoi n° 06-17.880) que Mme X..., affiliée au régime de sécurité sociale du Grand Duché du Luxembourg où travaillait alors son père, a été victime, sur le territoire français, en qualité de passagère du véhicule conduit par sa mère Mme Y..., épouse X..., d'un accident de la circulation des suites duquel elle est demeurée tétraplégique ; qu'elle a été hospitalisée en France, les frais pharmaceutiques, d'hospitalisation et de transport étant pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de Metz (la caisse), qui en a demandé le remboursement à l'Union des caisses de maladie du Grand Duché du Luxembourg (UCM) qui, après avoir remboursé la caisse, a obtenu, par jugement devenu irrévocable du 12 février 2001 du tribunal de grande instance de Thionville, la condamnation de la société Assurances du crédit mutuel, assureur du véhicule impliqué dans l'accident (l'assureur), à rembourser les sommes en cause ; que la caisse ayant transmis à l'UCM un nouveau décompte de frais médicaux pour la période du 7 janvier 1998 au 29 septembre 2000, cet organisme, devenu Caisse nationale de santé (la CNS) , après avoir remboursé la caisse, a de nouveau assigné l'assureur en remboursement ;
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à l'UCM la somme de 378 391,91 euros, alors, selon le moyen :
1°/ que les ACM soutenaient qu'il n'était nullement établi, au regard du droit luxembourgeois, que les caisses de sécurité sociale luxembourgeoises, telles que l'UCM, aient l'obligation de prendre en charge le remboursement des frais afférents à l'accompagnement par une tierce personne ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'UCM était légalement tenue de prendre en charge ces frais, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 93-1 du règlement communautaire n° 1408/71 ;
2°/ que les ACM faisaient valoir que l'UCM ne démontrait pas avoir remboursé la caisse des prestations que celle-ci aurait versées ; qu'en faisant droit à la demande de l'UCM sans rechercher si celle-ci avait effectivement payé les sommes pour lesquelles elle prétendait exercer un recours, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 36 et 93 du règlement communautaire n° 1408/71, des articles 96 et suivants du règlement communautaire d'application n° 574/72, ensemble les articles 29 et 30 de la loi du 5 juillet 1985 ;
3°/ que les ACM soutenaient qu'il n'était pas même établi que, de 2000 à 2009, Mme X... ait bénéficié d'une tierce personne prise en charge par l'UCM ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que les tiers payeurs ne peuvent exiger du responsable ou de son assureur le remboursement des prestations futures dues à la victime qu'au fur et mesure de leur règlement ; qu'il résulte de l'article 36 du règlement communautaire n° 1408/71 que le montant des prestations servies à un assuré social est remboursé par l'institution compétente aux institutions ayant servi lesdites prestations, l'institution compétente n'étant ainsi tenue que d'une obligation de remboursement et non d'une obligation d'avance des frais ; qu'en condamnant les ACM à payer à l'UCM des frais futurs qu'elle n'a ni payés, ni remboursés, ni avancés, la cour d'appel a violé les articles 96 et suivants du règlement communautaire d'application n° 574/72, ensemble les articles 29 et 30 de la loi du 5 juillet 1985 et l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'aux termes de l'article 93 -1 du règlement communautaire n° 1408/71 du 14 juin 1971, si une personne bénéficie de prestations en vertu de la législation d'un Etat membre pour un dommage résultant de faits survenus sur le territoire d'un autre Etat membre, les droits éventuels de l'institution débitrice à l'encontre du tiers tenu à la réparation du dommage sont réglés de la manière suivante : a) lorsque l'institution débitrice est subrogée, en vertu de la législation qu'elle applique, dans les droits que le bénéficiaire détient à l'égard d'un tiers, cette subrogation est reconnue par chaque Etat membre ; b) lorsque l'institution débitrice a un droit direct à l'égard du tiers, chaque Etat membre reconnaît ce droit ; qu'en outre, l'article 82 du code des assurances luxembourgeois dispose que si les personnes assurées ou Ieurs ayants droit peuvent réclamer, en vertu d'une disposition légale, la réparation du dommage qui leur est occasionné par un tiers, le droit passe à l'UCM jusqu'à concurrence des prestations et pour autant qu'il concerne les éléments de préjudice couvert par l'assurance maladie ; qu'il résulte des textes susvisés que l'UCM dispose d'une action à l'encontre du tiers tenu à réparation, en l'espèce l'assureur, qui doit lui être reconnue en application de l'article 93-1 du règlement CRR n° 1408/71 ; que s'agissant d'une disposition légale, l'UCM n'a pas à justifier de sa subrogation ; que par ailleurs, les pièces produites (décomptes et relevé informatique) établissent que si la caisse a fait l'avance des débours pour l'accident survenu sur le territoire national français c'est néanmoins l'UCM qui reste l'institution débitrice des sommes perçues par la victime ; que c'est à bon droit et par des motifs pertinents que la cour d'appel adopte, que le juge de première instance a fait droit à la demande en paiement de l'UCM ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a répondu aux conclusions et fait une exacte application des articles 13, 36.2 et 93-1 du règlement communautaire n° 1408/71 du 14 juin 1971, de l'article 94 du règlement d'application n° 574/72 et de l'article 82 du code des assurances sociales du Luxembourg, a pu déduire, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve médicaux produits, que la CNS était légalement subrogée dans les droits et actions de la victime à l'encontre de l'assureur du véhicule impliqué dans l'accident et condamner celui-ci à lui rembourser le forfait retenu pour les frais médicaux et soins futurs requis par l'état de santé consolidé de Mme X..., ainsi que l'indemnisation de l'assistance d'une tierce personne sur la période allant de l'année 2000 à l'année 2009 incluse ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Assurances du crédit mutuel IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Assurances du crédit mutuel IARD ; la condamne à payer à la Caisse nationale de santé la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils pour la société Assurances du crédit mutuel IARD
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné les Assurances du Crédit Mutuel à payer à l'Union des Caisses de Maladie du Grand Duché du Luxembourg la somme de 378.391,91 € ;
AUX MOTIFS QUE aux termes de l'article 93-1 du règlement communautaire n° 1408/71 du 14 juin 1971, si une personne bénéficie de prestations en vertu de la législation d'un Etat membre pour un dommage résultant de faits survenus sur le territoire d'un autre Etat membre, les droits éventuels de l'institution débitrice à l'encontre du tiers tenu à la réparation du dommage sont réglés de la manière suivante : a) lorsque l'institution débitrice est subrogée, en vertu de la législation qu'elle applique, dans les droits que le bénéficiaire détient à l'égard d'un tiers, cette subrogation est reconnue par chaque Etat membre ; b) lorsque l'institution débitrice a un droit direct à l'égard du tiers, chaque Etat membre reconnaît ce droit ; qu'en outre, l'article 82 du code des assurances luxembourgeois dispose que si les personnes assurées ou leur ayant droits peuvent réclamer en vertu d'une disposition légale la réparation du dommage qui leur est occasionné par un tiers, le droit passe à l'UCM jusqu'à concurrence des prestations et pour autant qu'il concerne les éléments de préjudice couvert par l'assurance maladie ; qu'en l'espèce, les ACM soutiennent que Mademoiselle X... ne serait plus affiliée auprès de l'UCM depuis le mois d'octobre 2000 ; que cependant, force est de constater qu'elles ne produisent aucun élément de preuve à l'appui de cette affirmation contrairement aux dispositions de l'article 9 du code de procédure civile ; qu'au surplus, cet élément est sans incidence sur le présent litige puisqu'il n'est pas contesté que le fait générateur est intervenu à un moment où Mademoiselle X... était effectivement affiliée à l'UCM ; qu'ainsi et compte tenu de cette affiliation, il résulte des textes susvisés que l'UCM dispose d'une action à l'encontre du tiers tenu à réparation, en l'espèce l'assureur, qui doit lui être reconnue en application de l'article 93-1 du règlement CRR n° 1408/71 ; que s'agissant d'une disposition légale, l'UCM n'a pas à justifier de sa subrogation ; que par ailleurs, les pièces produites (décomptes et relevé informatique) établissent que si la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a fait l'avance des débours pour l'accident survenu sur le territoire national français c'est néanmoins l'UCM qui reste l'institution débitrice des sommes perçues par la victime ; que c'est à bon droit et par des motifs pertinents que la Cour adopte, que le juge de première instance a fait droit à la demande en paiement de l'UCM ;
1° ALORS QUE les ACM soutenaient qu'il n'était nullement établi, au regard du droit luxembourgeois, que les caisses de sécurité sociale luxembourgeoises telles que l'UCM aient l'obligation de prendre en charge le remboursement des frais afférents à l'accompagnement par une tierce personne ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'UCM était légalement tenue de prendre en charge ces frais, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 93-1 du règlement communautaire n°1408/71 ;
2° ALORS QUE les ACM faisaient valoir que l'UCM ne démontrait pas avoir remboursé la CPAM de Metz des prestations que celle-ci aurait versées ; qu'en faisant droit à la demande de l'UCM sans rechercher si celle-ci avait effectivement payé les sommes pour lesquelles elle prétendait exercer un recours, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 36 et 93 du règlement communautaire n° 1408/71, des articles 96 et suivants du règlement communautaire d'application n° 574/72, ensemble les articles 29 et 30 de la loi du 5 juillet 1985 ;
3° ALORS QUE les ACM soutenaient qu'il n'était pas même établi que, de 2000 à 2009, Sandrine X... ait bénéficié d'une tierce personne prise en charge par l'UCM ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
4° ALORS QUE les tiers payeurs ne peuvent exiger du responsable ou de son assureur le remboursement des prestations futures dues à la victime qu'au fur et mesure de leur règlement ; qu'il résulte de l'article 36 du règlement communautaire n° 1408/71 que le montant des prestations servies à un assuré social est remboursé par l'institution compétente aux institutions ayant servi lesdites prestations, l'institution compétente n'étant ainsi tenue que d'une obligation de remboursement et non d'une obligation d'avance des frais ; qu'en condamnant les ACM à payer à l'UCM des frais futurs qu'elle n'a ni payés, ni remboursés, ni avancés, la cour d'appel a violé les articles 96 et suivants du règlement communautaire d'application n°574/72, ensemble les articles 29 et 30 de la loi du 5 juillet 1985 et l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale ;