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31/05/2011 | FRANCE | N°10-24751

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 mai 2011, 10-24751


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 13 juillet 2010), que M. X... est entré au service de la Banque centrale populaire, société de droit marocain établie à Casablanca (BCP) le 6 mai 1970 ; que, devenu salarié d'une filiale de celle-ci, la Banque Chaabi du Maroc, société de droit français, il a été affecté à une succursale ouverte par cette même banque à Strasbourg ; que, le 2 juin 2009, il a été licencié pour motif disciplinaire par la Banque Chaabi du Maroc avant d'être affecté par la Banque ce

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 13 juillet 2010), que M. X... est entré au service de la Banque centrale populaire, société de droit marocain établie à Casablanca (BCP) le 6 mai 1970 ; que, devenu salarié d'une filiale de celle-ci, la Banque Chaabi du Maroc, société de droit français, il a été affecté à une succursale ouverte par cette même banque à Strasbourg ; que, le 2 juin 2009, il a été licencié pour motif disciplinaire par la Banque Chaabi du Maroc avant d'être affecté par la Banque centrale populaire au siège social de celle-ci à Casablanca ; qu'ayant refusé cette mutation, il a été licencié pour abandon de poste par la Banque centrale populaire par lettre du 3 novembre 2009 ; que, préalablement à ces mesures de licenciement, M. X... avait fait citer les deux banques devant le conseil de prud'hommes de Strasbourg aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail ; que celles-ci ont fait valoir l'immunité de juridiction des Etats étrangers ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la Banque centrale populaire et la Banque Chaabi du Maroc font grief à l'arrêt de déclarer le contredit formé par M. X... à l'encontre du jugement d'incompétence du conseil de prud'hommes recevable, alors, selon le moyen :
1°/ que le contredit doit, à peine d'irrecevabilité, être motivé ; que la motivation exigée du contredit s'entend d'une motivation opérante, susceptible de justifier la compétence demandée, et non d'une motivation sans lien avec cette demande ; qu'au cas présent, l'arrêt attaqué constate lui-même que "le contredit formé par M. X... est principalement motivé par l'invocation de la loi française", constatation à propos de laquelle la cour d'appel dira que "la question de la soumission du contrat de travail de M. X... à la loi française ou la loi marocaine est sans incidence sur la compétence ou l'incompétence des tribunaux français" ; qu'en considérant comme recevable le contredit motivé "principalement", et en réalité uniquement, de cette façon, la cour d'appel a violé l'article 82 du code de procédure civile ;
2°/ que le contredit doit, à peine d'irrecevabilité, être motivé ; que la présence dans les conclusions aux fins de contredit d'un chef de dispositif revendiquant la compétence internationale des tribunaux français ne constitue pas un motif, et n'a donc pas à être prise en compte pour l'application de l'article 82 du code de procédure civile ; qu'au cas présent, en retenant, à l'appui de sa décision de dire recevable le contredit de M. X..., par référence au dispositif des conclusions prises par ce dernier, que "il tend aussi à voir dire et juger que le juge français est compétent", la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, en violation de l'article 82 du code de procédure civile ;
3°/ que dénature le sens des conclusions adverses, et viole ainsi les articles 4 et 5 du code de procédure civile la cour d'appel qui retient que "de plus, M. X... invoque au soutien de son contredit le lieu d'exécution du contrat de travail situé en France", cependant qu'à lire les conclusions formées par le demandeur au contredit, cette réflexion sur le lieu d'exécution du contrat de travail était formulée à l'appui de sa demande inopérante tendant à voir la loi française être appliquée au litige ;
4°/ que en déclarant recevable un contredit qui n'était pas motivé, la cour d'appel l'a accueilli au moyen de motifs qui étaient nécessairement relevés d'office, sans appeler les parties à formuler des observations, et donc en violation du principe de la contradiction, ensemble l'article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu que, dès lors qu'il comporte une motivation, le contredit est recevable ; qu'ayant retenu que M. X... demandait dans le dispositif du contredit de déclarer le juge français compétent et faisait valoir dans les motifs de ce même contredit qu'il exécutait son contrat de travail en France, la cour d'appel en a exactement déduit, hors toute dénaturation et sans relever un moyen d'office, que le contredit était motivé au sens de l'article 82 du code de procédure civile et dès lors recevable ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu que la Banque centrale populaire et la Banque Chaabi du Maroc font enfin grief à l'arrêt de déclarer le contredit fondé, alors, selon le moyen, que lorsqu'un agent diplomatique ou consulaire est investi de fonctions qui le font participer au service public consulaire, et que ledit agent est investi d'une responsabilité particulière dans l'exercice dudit service public, son licenciement constitue un acte de souveraineté, pour lequel l'employeur dispose d'une immunité de juridiction, et non un acte de gestion ; qu'au cas présent, en considérant que l'immunité de juridiction ne serait pas invocable par les exposantes, sans expliquer en quoi les fonctions exercées par M. X..., et la responsabilité précise assumée par celui-ci dans lesdites fonctions, excluraient qu'il participe activement à un service public consulaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de droit international relatif à l'immunité de juridiction ;
Mais attendu qu'ayant retenu que le seul fait que M. X... ait été affecté dans des locaux du consulat marocain à Strasbourg ne confère pas à l'activité pour laquelle il a été recruté le caractère d'une activité liée au service public de la représentation diplomatique marocaine et que la gestion d'intérêts financiers de cette banque auprès d'employés de la représentation diplomatique ne fait pas bénéficier la Banque Chaabi du Maroc elle-même du statut d'agent diplomatique ou d'employé du consulat, ce dont il résultait nécessairement que les fonctions de M. X... ne participaient pas par leur nature ou leur finalité à l'exercice de la souveraineté de l'Etat, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Banque Chaabi du Maroc et la société Banque centrale populaire aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Banque Chaabi du Maroc et la société Banque centrale populaire à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Banque Chaabi du Maroc et la société Banque centrale populaire.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevable le contredit de M. X... ;
Aux motifs que « le contredit formé par M. X... est principalement motivé par l'invocation de la loi française, applicable selon lui aux obligations réciproques des parties ; mais qu'il tend aussi à voir dire et juger que le juge français est compétent ; que de plus, M. X... invoque au soutien de son contredit le lieu d'exécution du contrat de travail situé en France ; que l'existence d'une motivation, même sommaire, rend le contredit de M. X... recevable au sens de l'article 82 du code de procédure civile » (arrêt p. 3, dernier alinéa, et p. 4, alinéa 1er) ;
1°/ Alors que le contredit doit, à peine d'irrecevabilité, être motivé ; que la motivation exigée du contredit s'entend d'une motivation opérante, susceptible de justifier la compétence demandée, et non d'une motivation sans lien avec cette demande ; qu'au cas présent, l'arrêt attaqué constate lui-même que « le contredit formé par M. X... est principalement motivé par l'invocation de la loi française », constatation à propos de laquelle la cour d'appel dira plus loin (p. 4, alinéa 2), que « la question de la soumission du contrat de travail de M. X... à la loi française ou la loi marocaine est sans incidence sur la compétence ou l'incompétence des tribunaux français » ; qu'en considérant comme recevable le contredit motivé « principalement », et en réalité uniquement, de cette façon, la cour d'appel a violé l'article 82 du code de procédure civile ;
2°/ Alors que le contredit doit, à peine d'irrecevabilité, être motivé ; que la présence dans les conclusions aux fins de contredit d'un chef de dispositif revendiquant la compétence internationale des tribunaux français ne constitue pas un motif, et n'a donc pas à être prise en compte pour l'application de l'article 82 du code de procédure civile ; qu'au cas présent, en retenant, à l'appui de sa décision de dire recevable le contredit de M. X..., par référence au dispositif des conclusions prises par ce dernier, que « il tend aussi à voir dire et juger que le juge français est compétent », la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, en violation de l'article 82 du code de procédure civile ;
3°/ Alors que dénature le sens des conclusions adverses, et viole ainsi les articles 4 et 5 du code de procédure civile la cour d'appel qui retient que « de plus, M. X... invoque au soutien de son contredit le lieu d'exécution du contrat de travail situé en France », cependant qu'à lire les conclusions formées par le demandeur au contredit, cette réflexion sur le lieu d'exécution du contrat de travail était formulée à l'appui de sa demande (inopérante) tendant à voir la loi française être appliquée au litige (v. ainsi p. 2, in fine, et p. 4, in limine) ;
4°/ Alors que en déclarant recevable un contredit qui n'était pas motivé, la cour d'appel l'a accueilli au moyen de motifs qui étaient nécessairement relevés d'office, sans appeler les parties à formuler des observations, et donc en violation du principe de la contradiction, ensemble l'article 16 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré le contredit de M. X... bien fondé, d'y avoir fait droit, d'avoir réformé le jugement entrepris et, statuant à nouveau, d'avoir déclaré le conseil de prud'hommes de Strasbourg compétent ;
Aux motifs que « M. X... a été engagé par un contrat de travail de droit privé du 6 mai 1970 par une société de droit privé, la Banque centrale populaire, et a été ensuite affecté par une filiale de celle-ci, la Banque Chaabi du Maroc, société privée de droit français ayant son siège à Paris ;que le seul fait qu'il ait été affecté dans des locaux du consulat marocain à Strasbourg ne confère pas à l'activité pour laquelle il a été recruté le caractère d'une activité liée au service public de la représentation diplomatique marocaine ; que la gestion d'intérêts financiers de cette banque auprès de la représentation diplomatique ne fait donc pas bénéficier la Banque centrale du Maroc elle-même du statut d'agent diplomatique ou d'employé du consulat ; qu'aucun accord particulier n'est d'ailleurs produit à cet égard par les défenderesses au contredit ; que la convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques et sur l'immunité de juridiction du personnel des représentations diplomatiques n'est donc pas applicable à l'espèce » (arrêt attaqué, p. 4, al. 3 à 5) ;
Alors que lorsqu'un agent diplomatique ou consulaire est investi de fonctions qui le font participer au service public consulaire, et que ledit agent est investi d'une responsabilité particulière dans l'exercice dudit service public, son licenciement constitue un acte de souveraineté, pour lequel l'employeur dispose d'une immunité de juridiction, et non un acte de gestion ; qu'au cas présent, en considérant que l'immunité de juridiction ne serait pas invocable par les exposantes, sans expliquer en quoi les fonctions exercées par M. X..., et la responsabilité précise assumée par celui-ci dans lesdites fonctions, excluraient qu'il participe activement à un service public consulaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de droit international relatif à l'immunité de juridiction.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-24751
Date de la décision : 31/05/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 13 juillet 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 mai. 2011, pourvoi n°10-24751


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.24751
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