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31/05/2011 | FRANCE | N°10-17869

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 31 mai 2011, 10-17869


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 18 mars 2010) que le Crédit industriel de Normandie de Caen-St Pierre, devenu la banque Scalbert Dupont-CIN puis la banque CIC Nord Ouest (la banque) a consenti à la société Mohaja (la société) l'ouverture d'un compte courant professionnel, un découvert ainsi qu'un prêt, dont Mme Y... (la caution), gérante de la société, s'est rendue caution solidaire ; qu'après avoir, le 18 décembre 2006, dénoncé son concours en demandant rembours

ement du découvert, et le 19 mars 2007, prononcé la déchéance du terme du prê...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 18 mars 2010) que le Crédit industriel de Normandie de Caen-St Pierre, devenu la banque Scalbert Dupont-CIN puis la banque CIC Nord Ouest (la banque) a consenti à la société Mohaja (la société) l'ouverture d'un compte courant professionnel, un découvert ainsi qu'un prêt, dont Mme Y... (la caution), gérante de la société, s'est rendue caution solidaire ; qu'après avoir, le 18 décembre 2006, dénoncé son concours en demandant remboursement du découvert, et le 19 mars 2007, prononcé la déchéance du terme du prêt et les avoir mises en demeure, la banque a assigné en paiement, la société et la caution, du solde du prêt et, la société seule, du solde du compte courant ; que ces dernières ont formé appel du jugement ayant accueilli ces demandes ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire, M. Z..., désigné mandataire liquidateur, est intervenu à l'instance ;

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes en paiement dirigées contre la société et la caution, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 313-12 du code monétaire et financier dispose que tout concours à durée indéterminée ne peut être rompu que sur notification écrite et avec préavis ; qu'il n'impose pas, comme condition de fond, que la notification écrite soit faite par lettre recommandée avec accusé de réception ; qu'il faut mais il suffit que la volonté du banquier d'interrompre le concours bancaire soit clairement exprimée par écrit, fût-ce dans une lettre simple, s'il est établi qu'elle a bien été envoyée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la banque ne prouve pas avoir envoyé, comme elle le prétend, une lettre recommandée avec accusé de réception le 18 décembre 2006, mais que les lettres simples envoyées le lendemain au débiteur et à la caution ne saurait suppléer au nécessaire courrier recommandé pour la cessation d'un concours bancaire ; qu'en exigeant, comme condition de fond, que la notification soit faite par lettre recommandée avec accusé de réception, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ que l'article L. 313-12 du code monétaire et financier n'exige pas que la banque qui met fin à un concours financier à durée indéterminée justifie d'un juste motif dès lors qu'elle respecte le préavis prévu par le texte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a décidé que le motif de la banque n'était pas convaincant, qu'en exigeant un juste motif de résiliation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

3°/ qu'en vertu de l'article 1134, alinéa 1 et 3 du code civil, les contrats doivent être respectés et exécutés de bonne foi, qu'il en résulte qu'une caution ne peut prétendre n'avoir pas été touchée par une notification faite à l'adresse indiquée dans l'acte de cautionnement où elle a élu domicile, que si elle a au moins informé le créancier de son changement d'adresse ; qu'en décidant néanmoins que la banque était responsable pour avoir envoyé un courrier recommandé à la caution pour la prévenir de la déchéance du terme, à une adresse périmée, ce que la banque ne pouvait prétendument ignorer, sans rechercher si la caution établissait avoir informé la banque de son changement d'adresse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

4°/ qu'en tout état de cause, celui qui est responsable doit réparer le préjudice qu'il a causé ; qu'en décidant que la banque devait être déboutée de ses demandes envers la société, la cour d'appel a déchu la banque de ses droits sans texte et violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant constaté que le compte de la société présentait un solde nul depuis la clôture du PEA en mars 2008, ce qui n'était contesté ni par la banque, ni par le liquidateur, la cour d'appel a pu en déduire que la banque ne justifiait pas de sa créance au titre du solde débiteur du compte courant ; que, par ce seul motif, abstraction faite de ceux critiqués par les première et deuxième branches, elle a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant relevé que le courrier du 18 décembre 2006 ne visait que le découvert en compte courant et non le prêt et qu'à la date de la déchéance du terme du prêt, les échéances mensuelles étaient acquittées, l'arrêt en déduit exactement que l'exigibilité du prêt n'était pas justifiée ; que par ces seuls motifs, abstraction faite de ceux critiqués par la quatrième branche du moyen, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en troisième lieu, que l'arrêt n'a pas déclaré la banque responsable pour avoir envoyé, à une adresse périmée, la lettre prononçant la déchéance du terme du prêt à la caution ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, ne peut être accueilli pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société banque CIC Nord Ouest aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme Y... la somme globale de 2 500 euros et rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux conseils pour la banque CIC Nord Ouest

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la banque SCALBERT DUPONT CIN, devenue Banque CIC NORD OUEST, de toutes ses demandes en paiement dirigées contre l'EURL MOHAJA et sa caution Melle Y....

Aux motifs qu' «un an après l'ouverture du compte courant professionnel de l'EURL Mohaja en date du 8 décembre 2005, la banque a, par courrier recommandé du 18 décembre 2006, notifié à cette société sa décision de mettre fin au concours accordé, soit un découvert de 10.000 € et son remboursement avant le 18 février 2007. Il en ressort que la banque avait autorisé un tel découvert, lequel est pris en compte à l'article 2-2 de la convention de compte courant évoquant les conséquences d'une position débitrice non autorisée

Cependant la banque ne justifie pas de l'envoi de cette lettre recommandée à l'EURL Mohaja qu'à Mme Y... ne sauraient suppléer au nécessaire courrier recommandé pour la cessation d'un concours accordé et la demande de son remboursement.

Au surplus, dans ce courrier du 18 décembre 2006, la banque n'expose aucunement pour quelle raison elle met fin à ce concours financier, la seule mention « votre compte professionnel ne fonctionne pas à notre convenance » étant insuffisante pour permettre à l'EURL Mohaja de connaître les raisons d'une telle décision, importante pour son fonctionnement. Dans ses écritures devant la Cour, la banque ne fournit pas plus de précisions convaincantes.

En outre, ce retrait du concours accordé intervient justement à une période où, après avoir, notamment à raison de travaux plus coûteux que prévu à réaliser, été largement et pendant plusieurs mois important (jusqu'à plus de 29.000 € en mai 2006), le solde débiteur se trouvait, après une diminution progressive, revenu sous la barre des 10.000 € autorisés.

De plus, la banque bénéficiait d'un gage sur le PEA de Melle Y... sur lequel se trouait placés 30.000 €.

Se référant à cette lettre du 18 décembre 2006, la banque a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 mars 2007, prononce la déchéance du terme du prêt accordé à l'EURL Mohaja et l'a mise en demeure, sans aucun délai, de rembourser la somme totale de 62.926,50 €.

Pour ce courrier, la banque justifie de son envoi par son retour non réclamé.

Il y a lieu de relever que pareil courrier recommandé n'a pas été envoyé ce jour-là à Melle Y..., en sa qualité de caution dudit prêt, mais seulement le 3 avril 2007, en outre à une adresse périmée, ce que la banque ne pouvait ignorer.

Mais surtout, alors que le courrier du 18 décembre 2006, dont l'envoi en recommandé n'est pas formellement prouvé comme dit ci-dessus, ne concernait que le découvert de 10.000 € accordé sur le compte courant professionnel, la lettre recommandée avec accusé de réception du 19 mars 2007 est relative au prêt dont la déchéance du terme et l'exigibilité sont immédiatement décidées, la somme de 69.926,50 € devant être remboursée sans délai.

Or, il s'avère qu'à cette date les remboursements mensuels de ce prêt était à jour, puisque le décompte de la créance relative à ce prêt montre que, au 14 mars 2007, le capital indiqué comme restant dû était de 53.107,98 €, celui-là même qui figure sur le tableur d'amortissement à la date de l'échéance qui devait être réglée le 20 mars 2007.

De l'ensemble de ces éléments, et quelles qu'aient été les relations postérieures entre les parties, il ressort que la banque a abusivement mis fin à son concours et a décidé de la déchéance immédiate du terme du prêt en outre dans des circonstances non prévues à l'article 7 du contrat de prêt listant les cas d'exigibilité immédiate de celui-ci.

L'attitude fautive de la banque, préjudiciable pour l'EURL Mohaja mise en liquidation peu après, justifie qu'elle soit déboutée de toutes ses demandes envers cette société, et par voie de conséquence envers la caution.

Au surplus, à la date du 15 mai 2009, certes après clôture du PEA de Melle Y..., le compte de l'EURL Mohaja présente un solde nul. » (cf. arrêt p. 4 et 5).

Alors, d'une part, que l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier dispose que tout concours à durée indéterminée ne peut être rompu que sur notification écrite et avec préavis ; qu'il n'impose pas, comme condition de fond, que la notification écrite soit faite par lettre recommandée avec accusé de réception ; qu'il faut mais il suffit que la volonté du banquier d'interrompre le concours bancaire soit clairement exprimée par écrit, fût-ce dans une lettre simple, s'il est établi qu'elle a bien été envoyée ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que la banque ne prouve pas avoir envoyé, comme elle le prétend, une lettre recommandée avec accusé de réception le 18 décembre 2006, mais que les lettres simples envoyées le lendemain au débiteur et à la caution ne saurait suppléer au nécessaire courrier recommandé pour la cessation d'un concours bancaire ; qu'en exigeant, comme condition de fond, que la notification soit faite par lettre recommandée avec accusé de réception, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Alors, d'autre part, que l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier n'exige pas que la banque qui met fin à un concours financier à durée indéterminée justifie d'un juste motif dès lors qu'elle respecte le préavis prévu par le texte ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a décidé que le motif de la banque n'était pas convaincant, qu'en exigeant un juste motif de résiliation, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Alors encore qu'en vertu de l'article 1134 al. 1 et 3 du Code civil, les contrats doivent être respectés et exécutés de bonne foi, qu'il en résulte qu'une caution ne peut prétendre n'avoir pas été touchée par une notification faite à l'adresse indiquée dans l'acte de cautionnement où elle a élu domicile, que si elle a au moins informé le créancier de son changement d'adresse ; qu'en décidant néanmoins que la banque était responsable pour avoir envoyé un courrier recommandé à la caution pour la prévenir de la déchéance du terme, à une adresse périmée, ce que la banque ne pouvait prétendument ignorer, sans rechercher si la caution établissait avoir informé la banque de son changement d'adresse, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Alors enfin, qu'en tout état de cause, celui qui est responsable doit réparer le préjudice qu'il a causé ; qu'en décidant que la banque devait être déboutée de ses demandes envers la société EURL Mohaja, la Cour d'appel a déchu la banque de ses droits sans texte et violé l'article 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-17869
Date de la décision : 31/05/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 18 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 31 mai. 2011, pourvoi n°10-17869


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Roger et Sevaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.17869
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