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31/05/2011 | FRANCE | N°10-10430

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 mai 2011, 10-10430


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 octobre 2009), qu'engagée en qualité d'assistante export marketing par la société Créations et parfums (la société), Mme X... a été licenciée le 19 juin 2006 pour fautes lourdes ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner à diverses sommes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en vertu de l'article 49 du code de procédure civile

, une juridiction saisie d'une demande de sa compétence ne peut connaître des moyens de défens...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 octobre 2009), qu'engagée en qualité d'assistante export marketing par la société Créations et parfums (la société), Mme X... a été licenciée le 19 juin 2006 pour fautes lourdes ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner à diverses sommes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en vertu de l'article 49 du code de procédure civile, une juridiction saisie d'une demande de sa compétence ne peut connaître des moyens de défense qui relève de la compétence exclusive d'une autre juridiction, de sorte qu'en prétendant caractériser, pour justifier le refus non contesté de la salariée d'obéir aux ordres de son employeur et écarté ainsi la faute, un prétendu système de " fausse facturation " et à une " pratique délictueuse ", faits nullement avérés en l'absence de preuve d'une quelconque poursuite ou condamnation par le juge répressif, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa compétence en violation du texte susvisé et des articles L. 1411-1 du code du travail, R. 321-1 du code de l'organisation judiciaire et les articles 4 et 381 du code de procédure pénale ;

2°/ que le droit dont dispose tout salarié de formuler des critiques et des réclamations en ce qui concerne sa situation personnelle dans l'entreprise trouve sa limite lorsque son exercice dégénère en abus ; qu'en l'espèce, qu'au soutien du licenciement, la société Créations et parfums visait dans la lettre de licenciement, indépendamment de l'insubordination de Mme X..., son courrier du 30 mai 2006 par laquelle, la salariée accusait son employeur de se livrer à des pratiques illégales ; qu'en s'abstenant de rechercher si ces accusations qui, peu important leur caractère réel ou supposé, mettaient en cause la probité du chef d'entreprise, n'avaient par pour objet de nuire à l'employeur et, à tout le moins, pour effet de rendre impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1235 et L. 2281-4 du code du travail ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, les juges sont tenus d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, et forment leur conviction au vu des éléments fournis par les parties ; qu'en retenant, au vu des pièces produites, dont elle a souverainement apprécié la portée, que les agissements illicites de l'employeur dénoncés par la salariée étaient avérés, la cour d'appel, qui s'est ainsi bornée à remplir son office, et n'était pas tenue de statuer sur le grief évoqué par la seconde branche que ses énonciations rendaient inopérant, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Créations et parfums aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Créations et parfums à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour la société Créations et parfums

-IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Madame X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné en conséquence la société CREATIONS ET PARFUMS à lui payer les sommes de 4. 100 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 410 € au titre des congés payés afférents, 3. 075 € à titre d'indemnité légale de licenciement et 34. 600 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- AUX MOTIFS QUE « dans sa lettre de licenciement, l'employeur a reproché à Mme X... : 1. de s'être mise en arrêt de travail pour maladie sans que sa situation de santé ne le justifie ; 2. d'avoir commis de graves erreurs dans l'établissement des factures, portant sur les tarifs ; 3. d'avoir laissé disparaître des originaux de factures et d'avoir négligé de faire livrer des clients ; 4. d'avoir été l'objet de plaintes de clients, qui ont demandé son remplacement ; 5. d'avoir adressé à la direction un courrier à la tonalité inadmissible, contenant des menaces déguisées ; 6. d'avoir refusé de suivre les instructions qui lui étaient données ; que Mme X... conteste les reproches qui lui sont faits ; qu'elle explique son licenciement par son refus de participer à un système de fraude fiscale mis en oeuvre par l'employeur et consistant à minorer fictivement les factures destinées à l'exportation pour permettre aux clients étrangers d'éluder une partie des droits de douane ; que, pour établir la réalité de ses griefs, la société CREATIONS ET PARFUMS produit des échanges de correspondances avec la salariée ayant précédé le licenciement ; que, dans une lettre du 30 mai 2006, Mme X... accuse son employeur d'avoir des pratiques illégales et de lui avoir intimé l'ordre de rectifier une facture ; que l'employeur produit encore une lettre d'un transitaire ivoirien, datée du 4 septembre 2006, qui se plaint de n'avoir pas reçu un certains nombre de documents ; qu'il verse au débat les originaux de ces documents censés avoir été retrouvés dans le tiroir de Mme X... plusieurs mois après son licenciement ; qu'il produit encore une lettre de réclamation d'un client sénégalais, déclarant n'avoir été livré qu'avec cinq mois de retard ; qu'enfin, il produit trois courriers d'un client égyptien, M. Yousri Z..., mettant en cause la salariée pour les nombreuses erreurs qu'elle aurait commises dans le cadre de ses fonctions et l'accusant d'être très raciste à l'égard des Egyptiens en particulier et des arabes en général ; que l'employeur ne justifie pas des trois premiers reproches susvisés ; qu'aucun élément de preuve n'est apporté au soutien du premier grief ; que les pièces versées au débat (à l'exception des courriers de M. Z..., qui feront l'objet d'un examen spécifique) n'établissent pas la réalité des erreurs et négligences alléguées aux deuxième et troisième griefs ; que par ailleurs, que le système de fausse facturation dénoncé par la salariée est établi par la production :- d'un accord de transaction conclu entre la direction générale des douanes et le gérant de la société employeur, faisant ressortir que celui-ci a été interpellé à la frontière par les services des douanes, le 30 septembre 2005, porteur d'une somme de 40. 000 € en espèces ;- par la production de deux factures portant le même numéro, établies à la même date et concernant le même client, dont les tarifs diffèrent dans des proportions incompatibles avec la pratique de rabais commerciaux (de 47 € à 2 € unitaire pour le même article) ;- par le témoignage de Mme A..., qui a occupé les mêmes fonctions que la salariée et a été obligée par l'employeur de rédiger des factures minorées ;- par l'une des lettres de M. Z..., qui écrit à l'employeur en ces termes : « La feuille NO. 3 contenait les corrects prix et non pas les prix diminués et cela peut me faire une catastrophe avec les douanes et l'administration des impôts car ils peuvent me faire une comptabilité depuis le début de mon travail avec Créations et Parfums et comme ça je serai dû à la prison » ; Qu'en l'état de cette pratique délictueuse, ni refus par la salariée de déférer aux instructions, ni sa dénonciation des agissements de l'employeur n'encourent les critiques formulés aux cinquième et sixième griefs ; Que les dénonciations émanant de M. Z...et contenues dans les courriers susvisés ne suffisent pas à établir la matérialité des deuxième et quatrième griefs ; Qu'en effet, M. Z..., ainsi que cela ressort de la correspondance susmentionnée, est directement associé aux agissements frauduleux de l'employeur ; que cette seule circonstance conduit à douter de la sincérité des doléances contenues dans ses courriers ; Que, par ailleurs, les critiques formulées contre Mme X... dans la lettre du 5 juin 2006 (postérieurement à l'engagement des poursuites disciplinaires) ont été purement et simplement reproduites, à la virgule près, dans la lettre du 14 juin 2006, de sorte que l'auteur de ces courriers paraît les avoir rédigés pour les besoins de la cause ; Qu'enfin, une lettre de M. Mehdi B..., ressortissant tunisien, fait litière des accusations de racisme proférées par M. Z...; Qu'il s'ensuit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse » ;

- ALORS, DE PREMIÈRE PART, QU'en vertu de l'article 49 du Code de Procédure Civile, une juridiction saisie d'une demande de sa compétence ne peut connaître des moyens de défense qui relève de la compétence exclusive d'une autre juridiction, de sorte qu'en prétendant caractériser, pour justifier le refus non contesté de la salariée d'obéir aux ordres de son employeur et écarté ainsi la faute, un prétendu système de « fausse facturation » et à une « pratique délictueuse », faits nullement avérés en l'absence de preuve d'une quelconque poursuite ou condamnation par le juge répressif, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa compétence en violation du texte susvisé et des articles L. 1411-1 du Code du Travail, R. 321-1 du Code de l'Organisation Judiciaire et les articles 4 et 381 du Code de Procédure Pénale ;

- ALORS, DE SECONDE PART, QUE le droit dont dispose tout salarié de formuler des critiques et des réclamations en ce qui concerne sa situation personnelle dans l'entreprise trouve sa limite lorsque son exercice dégénère en abus ; qu'en l'espèce, qu'au soutien du licenciement, la société CREATIONS ET PARFUMS visait dans la lettre de licenciement, indépendamment de l'insubordination de Madame X..., son courrier du 30 mai 2006 par laquelle, la salariée accusait son employeur de se livrer à des pratiques illégales ; qu'en s'abstenant de rechercher si ces accusations qui, peu important leur caractère réel ou supposé, mettaient en cause la probité du chef d'entreprise, n'avaient par pour objet de nuire à l'employeur et, à tout le moins, pour effet de rendre impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1235 et L. 2281-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-10430
Date de la décision : 31/05/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 26 octobre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 mai. 2011, pourvoi n°10-10430


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.10430
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