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31/05/2011 | FRANCE | N°09-72848

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 mai 2011, 09-72848


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 octobre 2009), statuant en référé, que M. X..., engagé le 1er septembre 1998 par la société Bayer SAS, filiale française de la société mère allemande, Bayer AG, en qualité de directeur des divisions opérationnelles, a été licencié pour motif économique le 13 décembre 2006 ; que le point de départ du préavis a été différé au 31 décembre 2007 ; qu'à compter du 1er juillet 2008, il a été dispensé de l'exécution de son pré

avis ; que par lettre du 23 juillet 2008, la société mère, Bayer AG, lui a notifié une mu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 octobre 2009), statuant en référé, que M. X..., engagé le 1er septembre 1998 par la société Bayer SAS, filiale française de la société mère allemande, Bayer AG, en qualité de directeur des divisions opérationnelles, a été licencié pour motif économique le 13 décembre 2006 ; que le point de départ du préavis a été différé au 31 décembre 2007 ; qu'à compter du 1er juillet 2008, il a été dispensé de l'exécution de son préavis ; que par lettre du 23 juillet 2008, la société mère, Bayer AG, lui a notifié une mutation en Allemagne, en application de l'article 3 du contrat de travail du 23 mars 2004, qui la liait au salarié, et a suspendu le paiement de son préavis à compter du mois d'août 2008 ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale, statuant en référé, d'une demande en paiement du reliquat de l'indemnité de préavis ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une somme à titre de provision sur un reliquat d'indemnité compensatrice de préavis, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en cas de dispense d'exécution du préavis par l'employeur, le droit à indemnisation du préavis est définitivement acquis au salarié à compter de la date de la dispense ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. X..., dont le préavis courait jusqu'au 31 décembre 2008, avait été dispensé d'exécuter ce préavis à compter du 1er juillet 2008 ; qu'il s'en évinçait que le droit de M. X... au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis pour la période du 1er juillet 2008 au 31 décembre 2008 n'était pas sérieusement contestable ; qu'en jugeant néanmoins du contraire, la cour d'appel a violé les articles R. 1455-7 et L. 1234-5 du code du travail ;
2°/ que le salarié ne peut accepter par avance un changement d'employeur, ni renoncer au droit de se prévaloir des règles d'ordre public régissant le licenciement ; qu'est dès lors manifestement inopposable au salarié lié par un contrat de droit français à une filiale française, la clause du contrat de travail de droit étranger conclu avec la société mère du groupe qui accorde à cette dernière la faculté de muter le salarié au sein d'une autre société du groupe et prévoit que cette mutation entraîne la cessation automatique du contrat conclu avec la filiale française ; qu'en l'espèce, pour dire que l'obligation pour la société Bayer SAS de continuer à verser à M. X... une indemnité compensatrice de préavis à compter du 1er août 2008 était sérieusement contestable, la cour d'appel a relevé que la société Bayer AG avait, en application de la «clause de rappel» contenue dans le contrat de travail de droit allemand qui la liait à M. X..., rappelé ce dernier pour le muter en Allemagne par lettre du 23 juillet 2008 et que ce rappel avait pour effet, selon les termes de cette clause, de mettre fin au contrat qui liait M. X... à la société Bayer SAS ; qu'en fondant de la sorte l'existence d'une prétendue contestation sérieuse affectant les sommes réclamées par M. X..., sur une clause manifestement attentatoire à des droits d'ordre public du salarié, et partant manifestement inapplicable, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1231-4, L. 1234-5 et R. 1455-7 du code du travail ;
3°/ que si la découverte ou la commission au cours du préavis d'une faute grave peut entraîner l'interruption de l'exécution de ce préavis, il en est autrement si le salarié est dispensé de l'exécuter ; qu'en cas de dispense, l'indemnisation lui est acquise ; qu'en relevant, par motifs réputés adoptés, que la société Bayer SAS avait mis fin au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis suite aux «agissements surprenants» de M. X..., pour dire que le droit de M. X... au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis était sérieusement contestable, cependant que M. X... avait été préalablement dispensé d'exécuter son préavis, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-5 du code du travail ;
4°/ que lorsque le demandeur établit l'existence de la créance qu'il invoque à l'appui de sa demande de provision, le juge des référés ne peut refuser cette provision au motif que le droit du demandeur est contesté, sans se prononcer sur le caractère sérieux de la contestation opposée par le défendeur ; qu'en se bornant à relever, par motifs réputés adoptés, que la société Bayer SAS invoquait les «agissements qualifiés (par elle) de frauduleux» pour contester le droit de M. X... au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis acquise au salarié préalablement dispensé d'exécuter son préavis, sans nullement se prononcer sur le caractère sérieux ni de l'apparence de réalité de ces agissements, ni de leur caractère prétendument frauduleux, ni enfin des conditions dans lesquelles ils avaient été opposés à M. X... en dehors de toute procédure disciplinaire, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-7 du code du travail ;
5°/ subsidiairement, que le non paiement de la rémunération due au salarié constitue un trouble manifestement illicite justifiant l'intervention du juge des référés, même en présence d'une éventuelle contestation sérieuse ; qu'en l'espèce, en considérant que, quelles que soient les violations de la règle de droit invoquées à l'encontre de l'employeur, le non-paiement à M. X... de l'indemnité de préavis à laquelle il avait droit ne constituait pas un trouble manifestement illicite, au motif inopérant qu'il avait déjà des sommes importantes au titre du plan de départ volontaire, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du code du travail ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a constaté que compte tenu des circonstances du départ du salarié de la société filiale, sa demande se heurtait à une contestation sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la société BAYER SAS à lui verser la somme de 137.163,55 euros à titre de provision sur reliquat d'indemnité compensatrice de préavis ;
AUX MOTIFS QU' «En application des articles R.1455-5 et R.1455-6 du Code du travail, dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence du conseil de prud'hommes, ordonner toute mesure qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend; même en présence d'une contestation sérieuse, elle peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite; en outre, selon l'article R.1455-7 du même code, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire; Le fait qu'une partie qualifie sa contestation de sérieuse ne suffit pas à priver la formation de référé de ses pouvoirs; aucune démonstration d'urgence n'est nécessaire si l'obligation n'est pas sérieusement contestable; En l'espèce, la demande porte sur le paiement d'une somme; elle ne peut être que provisionnelle et est expressément soumise aux dispositions de l'article R1455-7 susvisé; les pouvoirs de la cour, statuant en appel de référé sur le fondement de ce texte, sont limités par l'existence d'une contestation sérieuse; Au demeurant, Monsieur X... ne saurait alléguer d'un trouble illicite établi par une situation précaire causée par le défaut de paiement de la somme réclamée, alors qu'il est constant qu'il a été effectivement rempli, par versement de sommes très importantes, d'un ensemble de droits résultant par ailleurs de l'adhésion au plan de départs volontaires en cause; le trouble illicite s'apprécie en effet au regard des conséquences de la violation alléguée comme évidente de la règle de droit; les moyens de violation soutenus sont en tout état de cause inopérants lorsque les conséquences n'en sont pas démontrées; Quant à l'évidence d'un droit à paiement, ou à la contestation sérieuse, il résulte de l'article 3 du contrat de travail du 2 mars 2004 passé entre l'appelant et la société BAYER AG, dont la validité n'est pas contestée, pas plus que le caractère exécutoire au jour des faits en litige, que les parties se sont accordées sur les modalités suivantes: "D'un commun accord ... .il est convenu que nous pouvons vous rappeler à tout moment si ce rappel est, en toute équité, dans l'intérêt du groupe . Nous procéderons à votre rappel en tenant compte des droits vous revenant aux termes de la législation et du contrat, tout en faisant intervenir les organes compétents en la matière. Vous délivrerez les déclarations nécessaires pour mettre un terme aux relations contractuelles avec la société du groupe; le cas échéant, vous remettrez une déclaration de démission aux organes compétents. Il en ira de même pour les emplois et les contrats en résultant ;
Qu'en cas de rappel, le contrat de travail ou de prestation de services conclu avec la société du groupe prend fin à la date communiquée. Parallèlement, le contrat de travail préalablement à nous est pleinement continué. Nous vous affectons alors au sein du siège ou d'un autre domaine d'activité du groupe, à des missions prenant en compte votre statut contractuel" ; Monsieur X... met en avant "les dispositions finales" du contrat suivant lesquelles celui-ci "s'applique à côté du contrat qui préexiste avec une société du groupe dans le pays où vous travaillez" ; elles sont toutefois strictement conformes à celles de l'article 3 retranscrites, qui visent ce cumul et en prévoient les conséquences en cas de rappel ; En l'espèce, il y a bien eu rappel, et il n'appartient en aucun cas au juge des référés, spécialement en l'absence de la société BA YER AG aux débats, d'en analyser le bien fondé, notamment quant à "l'équité" et à "l'intérêt du groupe", dès lors au surplus qu'en la forme, ce rappel est conforme à la convention, en ce que le salarié a été invité à rejoindre une affectation au siège avec stipulation d'une rémunération; le débat éventuel, quoique non posé explicitement, sur le montant de cette rémunération ne peut non plus être tranché par le juge de l'évidence, s'agissant d'accords librement consentis dès l'origine, se référant à une législation étrangère dont le contenu demeure ignoré; De ce rappel est résulté en toute apparence la fin du contrat de travail avec la société filiale; la contestation opposée par la société BA YER est ainsi sérieuse quant à son obligation de continuer à servir l'indemnité compensatrice de préavis» ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE par courrier du 23 juillet 2008 la société BAYER AG a notifié à Monsieur X... son retour au siège de la société avec effet au premier août 2008 suite à des agissements «qualifiés de frauduleux» par la société BAYER ; que ces agissements ont été découverts pendant la période de préavis ; que la société BAYER a supprimé le paiement du préavis de M. X... suite «aux agissements surprenants» de celui-ci ; que le conseil de prud'hommes dans sa formation de référé n'a pas compétence pour statuer sur les agissements «qualifiés de frauduleux» de M. X... envers la société BAYER.
1. ALORS QU' en cas de dispense d'exécution du préavis par l'employeur, le droit à indemnisation du préavis est définitivement acquis au salarié à compter de la date de la dispense ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Monsieur X..., dont le préavis courait jusqu'au 31 décembre 2008, avait été dispensé d'exécuter ce préavis à compter du 1er juillet 2008 ; qu'il s'en évinçait que le droit de Monsieur X... au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis pour la période du 1er juillet 2008 au 31 décembre 2008 n'était pas sérieusement contestable ; qu'en jugeant néanmoins du contraire, la cour d'appel a violé les articles R. 1455-7 et L. 1234-5 du Code du travail ;
2. ALORS QUE le salarié ne peut accepter par avance un changement d'employeur, ni renoncer au droit de se prévaloir des règles d'ordre public régissant le licenciement ; qu'est dès lors manifestement inopposable au salarié lié par un contrat de droit français à une filiale française, la clause du contrat de travail de droit étranger conclu avec la société mère du groupe qui accorde à cette dernière la faculté de muter le salarié au sein d'une autre société du groupe et prévoit que cette mutation entraîne la cessation automatique du contrat conclu avec la filiale française ; qu'en l'espèce, pour dire que l'obligation pour la société BAYER SAS de continuer à verser à Monsieur X... une indemnité compensatrice de préavis à compter du 1er août 2008 était sérieusement contestable, la cour d'appel a relevé que la société BAYER AG avait, en application de la «clause de rappel» contenue dans le contrat de travail de droit allemand qui la liait à Monsieur X..., rappelé ce dernier pour le muter en Allemagne par lettre du 23 juillet 2008 et que ce rappel avait pour effet, selon les termes de cette clause, de mettre fin au contrat qui liait Monsieur X... à la société BAYER SAS ; qu'en fondant de la sorte l'existence d'une prétendue contestation sérieuse affectant les sommes réclamées par M. X..., sur une clause manifestement attentatoire à des droits d'ordre public du salarié, et partant manifestement inapplicable, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1231-4, L. 1234-5 et R. 1455-7 du Code du travail ;
3. ALORS QUE si la découverte ou la commission au cours du préavis d'une faute grave peut entraîner l'interruption de l'exécution de ce préavis, il en est autrement si le salarié est dispensé de l'exécuter ; qu'en cas de dispense, l'indemnisation lui est acquise ; qu'en relevant, par motifs réputés adoptés, que la société BAYER SAS avait mis fin au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis suite aux «agissements surprenants» de Monsieur X..., pour dire que le droit de Monsieur X... au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis était sérieusement contestable, cependant que Monsieur X... avait été préalablement dispensé d'exécuter son préavis, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-5 du Code du travail ;
4. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE lorsque le demandeur établit l'existence de la créance qu'il invoque à l'appui de sa demande de provision, le juge des référés ne peut refuser cette provision au motif que le droit du demandeur est contesté, sans se prononcer sur le caractère sérieux de la contestation opposée par le défendeur ; qu'en se bornant à relever, par motifs réputés adoptés, que la société BAYER SAS invoquait les «agissements qualifiés (par elle) de frauduleux» pour contester le droit de Monsieur X... au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis acquise au salarié préalablement dispensé d'exécuter son préavis, sans nullement se prononcer sur le caractère sérieux ni de l'apparence de réalité de ces agissements, ni de leur caractère prétendument frauduleux, ni enfin des conditions dans lesquelles ils avaient été opposés à M. X... en dehors de toute procédure disciplinaire, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-7 du Code du travail ;
5. ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE le non-paiement de la rémunération due au salarié constitue un trouble manifestement illicite justifiant l'intervention du juge des référés, même en présence d'une éventuelle contestation sérieuse ; qu'en l'espèce, en considérant que, quelles que soient les violations de la règle de droit invoquées à l'encontre de l'employeur, le nonpaiement à M. X... de l'indemnité de préavis à laquelle il avait droit ne constituait pas un trouble manifestement illicite, au motif inopérant qu'il avait déjà des sommes importantes au titre du plan de départ volontaire, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-72848
Date de la décision : 31/05/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 27 octobre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 mai. 2011, pourvoi n°09-72848


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.72848
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