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31/05/2011 | FRANCE | N°09-42378

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 mai 2011, 09-42378


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mars 2009), que Mme X..., engagée le 15 mars 1976 par la société Le Crédit du Nord et y exerçant en dernier lieu les fonctions de gestionnaire de risques au sein de la direction relations entreprises (DRE), a pris un congé sabbatique du 1er mars 2005 au 31 janvier 2006 ; qu'à son retour, elle a été affectée au poste de "contrôleur de risques" au sein de la même direction ; qu'au motif qu'il s'agissait d'une modification de ses fonctions contractuelles, la salariée

a refusé cette affectation et ne s'est pas présentée à son nouveau po...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mars 2009), que Mme X..., engagée le 15 mars 1976 par la société Le Crédit du Nord et y exerçant en dernier lieu les fonctions de gestionnaire de risques au sein de la direction relations entreprises (DRE), a pris un congé sabbatique du 1er mars 2005 au 31 janvier 2006 ; qu'à son retour, elle a été affectée au poste de "contrôleur de risques" au sein de la même direction ; qu'au motif qu'il s'agissait d'une modification de ses fonctions contractuelles, la salariée a refusé cette affectation et ne s'est pas présentée à son nouveau poste ; qu'elle a été licenciée pour faute grave en raison d'un refus persistant d'exécuter son contrat de travail à son retour de congé sabbatique et d'un abandon de poste ; que contestant son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que l'employeur respecte les obligations mises à sa charge par l'article L. 3142-95 du code du travail lorsqu'il propose au salarié, dont l'emploi n'est plus disponible lors de son retour de congé sabbatique, un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente ; qu'en constatant que Mme X... avait été remplacée définitivement à son poste de gestionnaire de risques et en affirmant néanmoins que face au refus de Mme X... d'accepter le poste de contrôleur de risques, le Crédit du Nord aurait dû rechercher si Mme X... ne pouvait pas être réintégrée dans son précédent emploi avant de lui proposer un autre poste, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 3142-95 du code du travail ;
2°/ que lorsque l'emploi du salarié n'est plus disponible à l'issue de son congé sabbatique, le juge doit vérifier que l'emploi similaire proposé par l'employeur n'emporte pas modification du contrat de travail ; qu'en affirmant que l'employeur n'avait pas respecté son obligation de reclassement, sans avoir recherché, comme elle le devait, si le poste de contrôleur de risques proposé à Mme X... n'était pas été similaire à son emploi précédent de gestionnaire de risques qui n'était plus disponible, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 3142-95 et L. 1235-1 du code du travail ;
3°/ qu'en s'appuyant, pour faire droit à la demande de la salariée, sur le fait qu'elle soutenait que le poste proposé était moins captivant que le précédent, quand il lui incombait uniquement de vérifier si le nouveau poste était objectivement similaire à l'ancien, la cour d'appel a statué d'après des motifs inopérants, en violation des articles L. 3142-95 et L. 1235-1 du code du travail ;
4°/ qu'en exigeant de l'employeur qu'il effectue une recherche de poste disponible de gestionnaire de risques au sein des autres services de l'entreprise avant de proposer à Mme X... le poste similaire de contrôleur de risques, la cour d'appel a imposé au Crédit du Nord une obligation "de reclassement" non prévue par l'article L. 3142-95 du code du travail, qu'elle a ainsi violé ;
5°/ que dans ses conclusions d'appel reprises oralement à l'audience, le Crédit du Nord faisait valoir que les postes de gestionnaire de risques au sein de la direction de la région Ile de France ou de la direction centrale des risques étaient très différents de celui occupé précédemment par Mme X... à la direction relation entreprise et qu'ils exigeaient des compétences particulières ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir effectué une recherche des postes disponibles de gestionnaire de risques au sein des autres services de l'entreprise, sans avoir répondu à ces chefs pertinents des conclusions de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que le juge ne peut se substituer à l'employeur dans son pouvoir de direction ; qu'en reprochant au Crédit du Nord d'avoir définitivement remplacé Mme X... à son poste de gestionnaire de risques pendant son congé sabbatique et d'avoir confié à Mme Y... un poste de gestionnaire de risques disponible au sein de la direction régionale des entreprises, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a ainsi violé les articles L. 1235-1 et L. 3142-95 du code du travail ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement les faits et les preuves, la cour d'appel a relevé que l'employeur avait négligé d'effectuer des recherches de poste similaire dans les autres services ; qu'elle a pu déduire de ces constatations et énonciations qu'en affectant Mme X... au poste de contrôleur de risques, non similaire à celui qu'elle occupait précédemment, l'employeur avait manqué à ses obligations résultant de l'article L. 3142-95 du code du travail et que le refus par la salariée de ce nouveau poste n'était pas constitutif d'une faute ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt de statuer comme il a fait, alors, selon le moyen, que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et que le juge doit examiner tous les griefs qui y sont mentionnés ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement du 20 mars 2006 reprochait à la salariée un refus persistant d'exécuter son contrat de travail depuis son retour de congé sabbatique et un abandon de poste caractérisé par une absence injustifiée au poste de travail depuis le 2 février 2006 ; qu'en accordant à la salariée diverses sommes liées à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement prononcé à son encontre, motifs pris de ce que la société Crédit du Nord n'aurait pas tenu compte de son obligation de reclasser Mme X... dans son emploi précédent avant de lui proposer un autre poste, sans se prononcer sur l'abandon de poste visé par l'employeur dans la lettre de rupture, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6, L. 1235-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Mais attendu que l'abandon de poste reproché à la salariée n'étant que l'expression du refus par celle-ci de se conformer à la décision illicite de l'employeur, le rejet du premier moyen emporte nécessairement le rejet du second ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Crédit du Nord aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par de SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour la société Crédit du Nord
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Le Crédit du Nord à payer à Mme X... les sommes de 8.014,56 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 801,45 euros à titre de congés payés y afférents, 57.475 euros à titre d'indemnité de licenciement et 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs qu'il résulte de l'article L. 3142-95 du code du travail qu'à l'issue du congé sabbatique, le salarié retrouve son précédent emploi ou à défaut un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente ; que le seul fait pour l'employeur de ne pas respecter les dispositions de ce texte en ne réintégrant pas son salarié dans l'emploi qu'il avait avant son départ en congé sabbatique ou en ne lui proposant pas un emploi similaire, donne lieu à l'attribution de dommages et intérêts ; que le Crédit du Nord soutient que le poste contrôleur risque est similaire au poste gestionnaire risque et qu'en conséquence le refus de Mme X... est injustifié ; qu'en effet, s'agissant de gérer le niveau de risques des concours financiers accordés par la banque aux entreprises, les deux postes relèvent de la même famille de métiers ; que par ailleurs ils se situent au même niveau de responsabilité, sous la direction unique du directeur régional ; que les tâches techniques mises en oeuvre sont identiques et nécessitent les mêmes qualités et capacités ; que le poste contrôleur risque est le poste « logique » après l'exercice du poste de gestionnaire risque ; que la seule différence réside dans le fait que le contrôle de l'un est « a priori » et le contrôle de l'autre « a posteriori », le rôle du contrôleur risque qui ne peut remettre en cause la décision du directeur du centre d'affaires, n'étant pas purement administratif, ni réellement itinérant ; que la société Crédit du Nord fait encore valoir que si elle a confié à Mme Y... un poste de gestionnaire risque disponible à la fin de l'année 2005, Mme X... ne s'était pas manifestée à cette période là ; que l'employeur n'avait pas l'obligation de proposer à Mme X... un poste de gestionnaire risque dans les autres directions qui supposent d'autres compétences ; que Mme X... a protesté dès le 11 janvier 2006 contre l'affectation qui lui avait été proposée au cours d'un entretien du 6 janvier, en illustrant la raison pour laquelle elle considérait que les postes n'étaient pas similaires : « … lourdes vérifications inhérentes au contrôle…intellectuellement moins captivant que celui de Gestionnaire-Risques que j'occupais précédemment. Le poste que j'ai quitté comporte un aspect décisionnel et d'anticipation très fort sur les engagements, avec la satisfaction de participer concrètement au financement des projets industriels de nos clients » ; que face au maintien par Mme X... de sa protestation, la société Crédit du Nord aurait dû rechercher si celle-ci ne pouvait pas être réintégrée dans son précédent emploi ; que l'absence de Mme X... était temporaire et pour une durée limitée connue de l'employeur depuis le départ de cette dernière, expirant au 31 janvier 2006 ; que néanmoins, Mme X... a été remplacée définitivement à son poste de gestionnaire risque par un salarié de l'entreprise sans qu'il soit justifié de la nécessité pour l'employeur de procéder à cette affectation de manière définitive ; qu'au surplus l'employeur a confié « fin 2005 » à Mme Y..., responsable du contrôle, un poste de gestionnaire risque disponible au sein de la direction régionale des entreprises ; que ces circonstances, ajoutées au fait que la société n'a effectué aucune recherche de poste disponible de gestionnaire de risques au sein des autres services, établissent que la société le Crédit du Nord n'a pas tenu compte de son obligation de reclasser Mme X... dans son emploi précédent avant de lui proposer un autre poste ; que la demande de dommages et intérêts est fondée ; que Mme X... avait trente années d'ancienneté et était âgée de 53 ans au moment du licenciement ; qu'elle a retrouvé un travail en décembre 2006 avant d'être à nouveau au chômage ; qu'au vu de ces éléments la cour fixé à 30.000 euros le montant des dommages et intérêts ;
Alors, d'une part, que l'employeur respecte les obligations mises à sa charge par l'article L. 3142-95 du code du travail lorsqu'il propose au salarié, dont l'emploi n'est plus disponible lors de son retour de congé sabbatique, un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente ; qu'en constatant que Mme X... avait été remplacée définitivement à son poste de gestionnaire de risques et en affirmant néanmoins que face au refus de Mme X... d'accepter le poste de contrôleur de risques, le Crédit du Nord aurait du rechercher si Mme X... ne pouvait pas être réintégrée dans son précédent emploi avant de lui proposer un autre poste, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 3142-95 du code du travail ;
Alors, de deuxième part, que lorsque l'emploi du salarié n'est plus disponible à l'issue de son congé sabbatique, le juge doit vérifier que l'emploi similaire proposé par l'employeur n'emporte pas modification du contrat de travail ; qu'en affirmant que l'employeur n'avait pas respecté son obligation de reclassement, sans avoir recherché, comme elle le devait, si le poste de contrôleur de risques proposé à Mme X... n'était pas été similaire à son emploi précédent de gestionnaire de risques qui n'était plus disponible, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 3142-95 et L. 1235-1 du code du travail ;
Alors, de troisième part, qu'en s'appuyant, pour fait droit à la demande de la salariée, sur le fait qu'elle soutenait que le poste proposé était moins captivant que le précédent, quand il lui incombait uniquement de vérifier si le nouveau poste était objectivement similaire à l'ancien, la cour d'appel a statué d'après des motifs inopérants, en violation des articles L. 3142-95 et L. 1235-1 du code du travail ;
Alors, de quatrième part, qu'en exigeant de l'employeur qu'il effectue une recherche de poste disponible de gestionnaire de risques au sein des autres services de l'entreprise avant de proposer à Mme X... le poste similaire de contrôleur de risques, la cour d'appel a imposé au Crédit du Nord une obligation « de reclassement » non prévue par l'article L. 3142-95 du code du travail, qu'elle a ainsi violé ;
Alors, de cinquième part, que dans ses conclusions d'appel reprises oralement à l'audience (cf. p. 11 et 12), le Crédit du Nord faisait valoir que les postes de gestionnaire de risques au sein de la direction de la région Ile de France ou de la direction centrale des risques étaient très différents de celui occupé précédemment par Mme X... à la direction Relation Entreprise et qu'ils exigeaient des compétences particulières ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir effectué une recherche des postes disponibles de gestionnaire de risques au sein des autres services de l'entreprise, sans avoir répondu à ces chefs pertinents des conclusions de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, de sixième part, que le juge ne peut se substituer à l'employeur dans son pouvoir de direction ; qu'en reprochant au Crédit du Nord d'avoir définitivement remplacé Mme X... à son poste de gestionnaire de risques pendant son congé sabbatique et d'avoir confié à Mme Y... un poste de gestionnaire de risques disponible au sein de la direction régionale des entreprises, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a ainsi violé les articles L. 1235-1 et L. 3142-95 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Le Crédit du Nord à payer à Mme X... les sommes de 8.014,56 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 801,45 euros à titre de congés payés y afférents, 57.475 euros à titre d'indemnité de licenciement et 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs que la société le Crédit du Nord n'a pas tenu compte de son obligation de reclasser Mme X... dans son emploi précédent avant de lui proposer un autre poste ; que la demande de dommages et intérêts est fondée ; que Mme X... avait trente années d'ancienneté et était âgée de 53 ans au moment du licenciement ; qu'elle a retrouvé un travail en décembre 2006 avant d'être à nouveau au chômage ; qu'au vu de ces éléments la cour fixé à 30.000 euros le montant des dommages et intérêts ;
Alors que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et que le juge doit examiner tous les griefs qui y sont mentionnés ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement du 20 mars 2006 reprochait à la salariée un refus persistant d'exécuter son contrat de travail depuis son retour de congé sabbatique et un abandon de poste caractérisé par une absence injustifiée au poste de travail depuis le 2 février 2006 ; qu'en accordant à la salariée diverses sommes liées à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement prononcé à son encontre, motifs pris de ce que la société Crédit du Nord n'aurait pas tenu compte de son obligation de reclasser Mme X... dans son emploi précédent avant de lui proposer un autre poste, sans se prononcer sur l'abandon de poste visé par l'employeur dans la lettre de rupture, la cour d'appel a violé les articles L.1232-6, L.1235-1, L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-42378
Date de la décision : 31/05/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 mars 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 mai. 2011, pourvoi n°09-42378


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.42378
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