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24/05/2011 | FRANCE | N°10-15898

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 mai 2011, 10-15898


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société parisienne d'aménagement de terrains (la SPAT), qui exploite une décharge de déchets ménagers, utilise des déchets inertes qu'elle se procure auprès de tiers pour constituer des talus de séparation entre les zones de stockage des déchets ménagers et pour recouvrir ces derniers ; qu'estimant que cette société était redevable, pour ces déchets inertes, d'une certaine somme au titre de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), pour les année

s 2001 et 2002, l'administration douanière a dressé à son encontre un procè...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société parisienne d'aménagement de terrains (la SPAT), qui exploite une décharge de déchets ménagers, utilise des déchets inertes qu'elle se procure auprès de tiers pour constituer des talus de séparation entre les zones de stockage des déchets ménagers et pour recouvrir ces derniers ; qu'estimant que cette société était redevable, pour ces déchets inertes, d'une certaine somme au titre de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), pour les années 2001 et 2002, l'administration douanière a dressé à son encontre un procès-verbal de constatation d'infraction douanière de fausses déclarations de quantités de déchets réceptionnés puis a émis contre elle un avis de mise en recouvrement (AMR) ; qu'après avoir formé devant l'administration douanière un recours gracieux, resté infructueux, la SPAT l'a assignée en annulation de l'AMR et de la décision administrative de rejet de sa contestation, ainsi qu'en remboursement des frais occasionnés par la garantie avancée ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la Direction générale des douanes et des droits indirects, la Direction régionale des douanes et des droits indirects de Picardie et la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières font grief à l'arrêt d'avoir annulé l'AMR et la décision de rejet du recours gracieux, condamné le directeur régional des douanes de Picardie et le receveur principal des douanes de Compiègne à rembourser à la SPA, sur les justificatifs qu'elle présenterait, les frais de garantie dont elle aurait fait l'avance et ce, avec intérêt de droit à compter de l'assignation jusqu'à complet remboursement, avec capitalisation de ces intérêts par années entières et, rejeté les demandes accessoires de ces derniers, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un résidu de production n'échappe à la qualification de déchet imposable à la TGAP que s'il est réutilisé par le détenteur initial qui l'a produit ; qu'en affirmant que les matériaux inertes reçus par la SPAT échappaient à la TGAP en ce qu'ils étaient réutilisés par cette société, sans rechercher si celle-ci était bien le détenteur initial de ces matériaux et les avait elle-même produits, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 266 sexies et septies du code des douanes, de l'article L. 541-1 du code de l'environnement et de la directive 75/442/CEE du Conseil du 15 juillet 1975 relative aux déchets ;
2°/ qu'un résidu de production n'échappe à la qualification de déchet imposable à la taxe générale sur les activités polluantes que s'il est réutilisé dans la continuité d'un processus de production ; qu'en affirmant que les matériaux inertes reçus par la SPAT échappaient à la TGAP en ce que leur réception intervenait dans la continuité d'un processus d'exploitation de l'ensemble des déchets qu'elle recevait, sans que l'on puisse lui faire grief de ne pas justifier qu'ils s'inscrivaient dans la continuité d'un processus de fabrication par définition étrangère à son activité, la cour d'appel a derechef violé les articles 266 sexies et 266 septies du code des douanes, l'article L. 541-1 du code de l'environnement et la directive 75/442/CEE du Conseil du 15 juillet 1975 relative aux déchets ;
3°/ que la réception de déchets inertes n'est exonérée de taxe générale sur les activités polluantes dans la limite de 20 % de la quantité annuelle totale des déchets reçus qu'à compter du 1er janvier 2003 ; qu'en considérant que la SPAT aurait suffisamment prouvé que tous les déchets inertes reçus pendant la période contrôlée étaient destinés à être réutilisés, dans la mesure où la proportion de déchets inertes reçus en 2001 et 2002 était inférieure ou égale à la franchise forfaitaire de 20 %, tout en relevant que cette franchise n'avait été officialisée pour ce type de déchets qu'à compter de l'année fiscale 2003, de sorte qu'elle ne pouvait être appliquée à la réception de déchets au cours d'années antérieures, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 266 sexies du code des douanes et de l'article 24, II de la loi de finances rectificative pour 2002 n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 ;
Mais attendu que les produits inertes, reçus par les exploitants d'installations de stockage de déchets ménagers et assimilés, ne relèvent pas de la TGAP ; que par ces motifs substitués à ceux critiqués, suggérés par la défense, l'arrêt se trouve justifié ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais, sur le second moyen :
Vu l'article 367 du code des douanes ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, en matière de douanes, en première instance et sur appel, l'instruction est verbale sur simple mémoire et sans frais de justice à répéter de part ni d'autre ;
Attendu qu'en condamnant le directeur régional des douanes de Picardie et le receveur principal des douanes de Compiègne aux dépens de la procédure d'appel, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné le directeur régional des douanes de Picardie et le receveur principal des douanes de Compiègne aux dépens de la procédure d'appel, l'arrêt rendu le 26 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Laisse les dépens d'appel et de cassation à la charge de chacune des parties ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la Direction générale des douanes et droits indirects, la Direction régionale des douanes et droits indirects de Picardie et la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR annulé l'avis de mise en recouvrement notifié à la société SPAT le 7 septembre 2004 pour un montant de euros et la décision de rejet du recours gracieux du 12 mai 2005, d'AVOIR, au titre de la procédure d'appel, condamné le Directeur régional des douanes de PICARDIE et le Receveur principal des douanes de COMPIEGNE à rembourser à la société SPAT, sur les justificatifs qu'elle présenterait, les frais de garantie dont elle aurait fait l'avance et ce, avec intérêt de droit à compter de l'assignation jusqu'à complet remboursement, avec capitalisation de ces intérêts par années entières et d'AVOIR débouté le Directeur régional des douanes de PICARDIE et le Receveur principal des douanes de COMPIEGNE de leurs demandes accessoires ;
AUX MOTIFS QUE la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) a été créée par la loi de finances pour 1999 (loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998) en vue de regrouper diverses taxes qui existaient jusque là ; qu'elle a été codifiée dans les articles 266 sexies et suivants du Code des douanes (titre X « Taxes diverses perçues par les douanes », chapitre I « Taxes intérieures »), cette administration ayant été chargée de son recouvrement ; que l'article 266 sexies, exposant le principe de cette taxe et ses redevables, est ainsi libellé : « I. Il est institué une taxe générale sur les activités polluantes qui est due par les personnes physiques ou morales suivantes : 1. Tout exploitant d'une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés… 2. Etc… (suivent d'autres assujettis) » ; que cet article contient un paragraphe II excluant de cette taxe certaines personnes physiques ou morales et certaines activités (paragraphe ne concernant pas la présente affaire) ; que l'article 266 septies dudit Code, exposant le fait générateur de la taxe, est ainsi libellé : « Le fait générateur de la taxe mentionné à l'article 266 sexies est constitué par : 1. La réception des déchets par les exploitants mentionnés au n° 1 I de l'article 266 sexies ; 2. Le transfert etc… (la suite ne concerne pas la présente affaire) » ; que l'article 266 octies régissant l'assiette de cette taxe est ainsi libellé : « La taxe mentionnée à l'article 266 sexies est assise sur : 1. Le poids des déchets reçus… (les autres alinéas ne concernant pas la présente affaire) » ; que par ailleurs la loi de finances pour 2003 (loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002) a ajouté à l'article sexies précité un paragraphe III ainsi libellé : « Sont exonérés de la taxe mentionnée au I, dans la limite de 20 % de la quantité annuelle totale de déchets reçus par installation, les réceptions de matériaux ou déchets inertes. Sont considérés comme déchets inertes les déchets qui ne se décomposent pas, ne brûlent pas et ne produisent aucune autre réaction physique ou chimique, ne sont pas biodégradables et ne détériorent pas d'autres matières avec lesquelles ils entrent en contact d'une manière susceptible d'entraîner une pollution de l'environnement ou de nuire à la santé humaine » ; que selon l'administration des douanes, les 41.236 tonnes de matériaux taxés au titre des exercices 2001 et 2002 par l'avis de mise en recouvrement contesté sont des matériaux qui ont la nature de déchets, ils ont été réceptionnés sur le site de l'exploitant, lui-même soumis à la TGAP par l'article I, 1° de l'article 266 sexies, ils sont donc soumis à ladite TGAP à raison de 9,15 € la tonne ce qui justifie le redressement de 377.309 € (sans surtaxe pour retard ou mauvaise foi) opéré au titre de ces deux exercices, le fait que ces déchets soient inertes ne leur ôte en rien la qualification de déchets taxables, dans la mesure où la dérogation prévue par le paragraphe III de l'article 266 sexies précité n'est pas applicable à l'exercice qui les concerne ; que la Cour observe cependant, conformément à l'argumentation de la société SPAT et à la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes (arrêts du 18 avril 2002, Palin Granits e. a., C-9/00, point 36 ; du 11 septembre 2003, Avesta Polarit Chrome, C-114/01, point 33 et 40 à 42 ; du 11 novembre 2004, Niselli, C-457/02, points 44 et 45 ; du 18 décembre 2007, Commission c. Italie, C-194/05, points 38 et 46) et de la Cour de cassation (Com., 21 octobre 2008, « Caoeb »), qu'échappent à la qualification de « déchets » des résidus de production « dont la réutilisation sans transformation préalable est certaine, dans la continuité du processus de production » ; qu'en l'occurrence la société SPAT expose que ces déchets inertes étaient utilisés par elle pour les agencements de son installation, soit pour fabriquer des « casiers ou alvéoles » destinés à recevoir les divers déchets ménagers qu'elle réceptionnait, soit pour recouvrir ces déchets ménagers afin que ces derniers ne polluent pas l'environnement, soit à des fins préventives dans le cadre de la lutte contre l'incendie ; qu'elle justifie que l'utilisation (notamment comme matériaux de couverture à raison d'une couche de 20 cm chaque semaine) et la détention d'une quantité minimale (1.000 m3 par alvéole) de ces déchets inertes lui est imposée par son autorisation administrative d'exploitation ; qu'il suit de ces affirmations non contestées que ces déchets inertes étaient réutilisés par la société redressée ; que le simple fait que certains de ces matériaux étaient agrégés avec du mortier pour constituer les murets des alvéoles ou des bacs d'entreposage des déchets ménagers, ne saurait s'analyser comme une « transformation » leur faisant perdre le bénéfice de leur non-imposabilité, comme l'invoque l'administration des douanes ; que de même s'agissant d'une entreprise ayant pour objet non la fabrication de ces produits mais leur seule réception, leur stockage et leur traitement, on ne saurait lui faire grief, comme le soutiennent les douanes, qu'elle ne justifie pas que la production de ces déchets s'inscrive dans la continuité d'un processus de fabrication, cette « fabrication » étant par définition étrangère à son activité ; qu'à tout le moins doit-on considérer la réception de ces déchets inertes comme intervenant dans la continuité d'un processus d'exploitation de l'ensemble des déchets qu'elle reçoit ; et qu'à ce titre elle remplit les conditions imposées par la jurisprudence communautaire pour échapper à la TGAP ; que reste à déterminer la quantité des déchets inertes ainsi remployés et donc insusceptibles d'être soumis à la TGAP ; qu'en l'occurrence il est exposé par la société SPAT, sans être démentie par l'administration, que les 41.236 tonnes taxées correspondaient, pour l'année 2001 à 14 % de l'ensemble des déchets reçus et pour l'année 2002 à 20 % de cet ensemble ; que la Cour en déduit que cette proportion étant inférieure ou égale à la franchise forfaitaire de 20 % officialisée pour ces types de déchets par l'article 266 sexies III à compter de l'année fiscale 2003, la société SPAT a suffisamment prouvé que tous les déchets inertes objets de l'avis de mise en recouvrement critiqué étaient destinés à être réutilisés, et donc non assujettis à la TGAP ; qu'aussi, pour ces motifs substitués à ceux du premier juge, la Cour annulera l'avis de mise en recouvrement du 7 septembre 2004 ainsi que la décision de rejet de recours gracieux du 12 mai 2005 ;
1°) ALORS QU'un résidu de production n'échappe à la qualification de déchet imposable à la taxe générale sur les activités polluantes que s'il est réutilisé par le détenteur initial qui l'a produit ; qu'en affirmant que les matériaux inertes reçus par la société SPAT échappaient à la TGAP en ce qu'ils étaient réutilisés par cette société, sans rechercher si celleci était bien le détenteur initial de ces matériaux et les avait elle-même produits, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 266 sexies et septies du Code des douanes, de l'article L.541-1 du Code de l'environnement et de la directive 75/442/CEE du Conseil du 15 juillet 1975 relative aux déchets ;
2°) ALORS QU'un résidu de production n'échappe à la qualification de déchet imposable à la taxe générale sur les activités polluantes que s'il est réutilisé dans la continuité d'un processus de production ; qu'en affirmant que les matériaux inertes reçus par la société SPAT échappaient à la TGAP en ce que leur réception intervenait dans la continuité d'un processus d'exploitation de l'ensemble des déchets qu'elle recevait, sans que l'on puisse lui faire grief de ne pas justifier qu'ils s'inscrivaient dans la continuité d'un processus de fabrication par définition étrangère à son activité, la Cour d'appel a derechef violé les articles 266 sexies et 266 septies du Code des douanes, l'article L.541-1 du Code de l'environnement et la directive 75/442/CEE du Conseil du 15 juillet 1975 relative aux déchets ;
3°) ALORS QUE la réception de déchets inertes n'est exonérée de taxe générale sur les activités polluantes dans la limite de 20 % de la quantité annuelle totale des déchets reçus qu'à compter du 1er janvier 2003 ; qu'en considérant que la société SPAT aurait suffisamment prouvé que tous les déchets inertes reçus pendant la période contrôlée étaient destinés à être réutilisés, dans la mesure où la proportion de déchets inertes reçus en 2001 et 2002 était inférieure ou égale à la franchise forfaitaire de 20 %, tout en relevant que cette franchise n'avait été officialisée pour ce type de déchets qu'à compter de l'année fiscale 2003, de sorte qu'elle ne pouvait être appliquée à la réception de déchets au cours d'années antérieures, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 266 sexies du Code des douanes et de l'article 24, II de la loi de finances rectificative pour 2002 n° 2002-1576 du 30 décembre 2002.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné le Directeur régional des douanes de PICARDIE et le Receveur principal des douanes de COMPIEGNE aux dépens de la procédure d'appel ;
AUX MOTIFS QUE succombant en sa demande principale, la Douane ne sera pas reçue en ses demandes accessoires concernant les dommages et intérêts, les frais irrépétibles ou les dépens et sera condamnée aux dépens ;
ALORS QUE l'instruction de première instance et d'appel en matière douanière est faite sans frais de justice à répéter de part ni d'autre ; qu'en condamnant néanmoins le Directeur régional des douanes de PICARDIE et le Receveur principal des douanes de COMPIEGNE aux dépens de la procédure d'appel, la Cour d'appel a violé l'article 367 du Code des douanes.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-15898
Date de la décision : 24/05/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 26 janvier 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 mai. 2011, pourvoi n°10-15898


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.15898
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