LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que Mme X..., salariée de la société Goss international Montataire, a été licenciée pour faute grave le 18 mars 2010 ; que par ordonnance de référé en date du 11 mai 2010, dont appel a été formé, le président du tribunal de grande instance de Senlis a constaté que ce licenciement constituait un trouble manifestement illicite et ordonné sous astreinte la réintégration de la salariée ; que le 9 juillet 2010, l'union locale des syndicats CGT du Bassin Creillois et de la région de Senlis a désigné Mme X... en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise ;
Attendu que pour dire la désignation de Mme X... frauduleuse, le tribunal d'instance relève, d'une part, que Mme X... n'établit pas l'existence d'une activité syndicale antérieure, et d'autre part, que la désignation est intervenue à une période où l'emploi de la salariée était remis en cause par la décision de licenciement du 18 mars 2010 et se trouvait donc " menacé " ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que la réintégration de Mme X... avait été ordonnée en référé en raison de " l'évidente discrimination syndicale " que représentait ce licenciement, ce dont il résultait que Mme X... avait une activité syndicale antérieurement à sa désignation et d'autre part, que la procédure de licenciement étant antérieure à la désignation, cette dernière ne pouvait avoir d'incidence sur le conflit opposant la salariée à l'employeur à cet égard, le tribunal d'instance a statué par motifs inopérants ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 8 septembre 2010, entre les parties, par le tribunal d'instance de Senlis ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Compiègne ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils pour Mme X... et l'union Locale des syndicats CGT du Bassin Creillois et de la région de Senlis.
Ce moyen reproche au jugement attaqué d'avoir annulé, comme entachée d'une fraude la désignation de Madame Faïza X... en qualité de représentante syndicale auprès du comité d'entreprise de la société GOSS INTERNATIONALE MONTATAIRE effectuée le 9 juillet 2010 par l'Union Locale des Syndicats CGT du Bassin Creillois et de la Région de SENLIS
AUX MOTIFS QUE l'article L. 2131 du Code du travail dispose que les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts ; que le Tribunal d'instance apprécie souverainement les faits susceptibles de donner à la désignation d'un délégué syndical un caractère frauduleux ; que la fraude est le fait de se faire désigner représentant syndical dans l'unique but de s'assurer une protection ; que la société GOSS soutient que Madame X... n'a jamais eu aucune activité syndicale ; que cette dernière ne dément pas cette affirmation et n'établit pas l'existence d'une activité syndicale antérieure ; que l'absence d'activité syndicale ne suffit certes pas à établir le caractère frauduleux d'une désignation, mai elle est accompagnée d'une situation conflictuelle mettant en péril l'emploi, elle peut établir ce caractère frauduleux ; que Madame X... est licenciée le 18 mars 2010 ; que sa réintégration est ordonnée en référé le 11 mai 2010, la Cour d'appel est saisi d'un recours contre cette décision ; que peu de temps après, soit en juillet 2010, Madame X... est élue déléguée syndicale ; que l'emploi de Madame X... est remis en cause par la décision de licenciement du 18 mars 2010 ; qu'il est donc « menacé » ; que l'intérêt syndical de la salariée apparaît de manière concomitante avec une situation conflictuelle avec la hiérarchie ; que l'application de l'adage « nemo auditur » est inappropriée ; qu'une entrave au fonctionnement du comité d'entreprise et une discrimination syndicale par l'employeur ne justifie pas la commission d'un acte frauduleux en retour ; qu'il convient par conséquent d'annuler la désignation de Madame X... en qualité de représentant syndical au Comité d'entreprise, en raison de la fraude manifeste ;
ALORS D'UNE PART QUE la désignation d'un délégué ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise ne peut être jugée frauduleuse qu'à la condition qu'elle ait pour but exclusif de conférer une protection au salarié contre une menace certaine de licenciement ; que le Tribunal d'instance qui a relevé que la réintégration de Madame X..., licenciée le 18 mars 2010, avait été ordonnée par une ordonnance de référé du 11 mai 2010 qui faisait l'objet d'un appel et que la désignation était intervenue postérieurement à la notification du licenciement, ce dont il s'évinçait que même en cas de réformation de la décision de réintégration, elle ne pouvait entraver la procédure de licenciement déjà menée à son terme, n'a pas caractérisé la menace de licenciement contre laquelle la salariée aurait voulu se prémunir grace la protection du statut protecteur ; qu'il n'a pas dès lors légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 2324-2 du Code du travail
ALORS D'AUTRE PART QU'il incombe à celui qui prétend qu'une désignation est frauduleuse d'en apporter la preuve et que la seule absence d'activité syndicale antérieure à la désignation n'est pas nature à elle seule à caractériser la fraude. qu'en déclarant frauduleuse la désignation de Madame X... au motif que cette dernière n'établissait pas l'existence d'une activité syndicale antérieure à sa désignation, le Tribunal d'instance a statué par un motif qui ajoute à la loi en violation de l'article L. 2324-2 du Code du travail
ALORS DE TROISIEME PART, et en tout état de cause, Que Madame X... et le syndicat CGT faisaient valoir, pour contredire le fait que la salariée n'avait jamais eu d'activité syndicale antérieure à sa désignation, que quelques mois avant cette dernière, la direction de la société s'était exprimée en ces termes dans un mail interne qui était produit aux débats : « vu sa position dans l'entreprise, si Faïza décide de jouer avec la CGt, son pouvoir de nuisance est infini » et que quatre jours après de tels propos, la salariée était mise à pied à titre conservatoire avant d'être licenciée, ce qui avait été qualifié de voie de fait par le juge des référés ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions dont il s'évinçait clairement que la société GIM avait connaissance d'un rapprochement de Madame X... avec le syndicat CGT qui se concrétiserait par la formalisation d'un engagement syndical, le Tribunal d'instance n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.