La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/05/2011 | FRANCE | N°10-10556

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 mai 2011, 10-10556


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 18 novembre 2009), que Mme X... a été engagée, le 9 octobre 2000, par la société Le Pré Vert, aux droits de laquelle est venue la société Bastide Médicis, pour exercer les fonctions de pharmacienne au sein d'une pharmacie à usage interne (PUI) d'une maison de retraite exploitée par cette société ; qu'elle a été licenciée pour motif économique, le 8 décembre 2006 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de la rupture de son con

trat de travail ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Bastide Mé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 18 novembre 2009), que Mme X... a été engagée, le 9 octobre 2000, par la société Le Pré Vert, aux droits de laquelle est venue la société Bastide Médicis, pour exercer les fonctions de pharmacienne au sein d'une pharmacie à usage interne (PUI) d'une maison de retraite exploitée par cette société ; qu'elle a été licenciée pour motif économique, le 8 décembre 2006 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Bastide Médicis fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de Mme X... est sans cause réelle et sérieuse et en conséquence de la condamner à lui payer une somme à titre de dommage-intérêts alors, selon le moyen :
1°/ qu'il était constant en l'espèce que, parmi les établissements du groupe GB, seule la société Bastide Médicis dispensait une activité pharmaceutique interne évitant le recours à des officines extérieures, laquelle activité présentait, selon les propres termes de la cour d'appel, «un déficit structurel récurrent», le résultat d'exploitation de la société elle-même accusant un déficit en 2005 qui s'était aggravé en 2006 ; qu'en reprochant à la société Bastide Médicis de ne pas établir que le secteur d'activité des établissements du groupe connaissait des difficultés ou un contexte économique imposant la suppression de l'activité pharmaceutique, sans à aucun moment expliquer en quoi la pharmacie ne constituait pas un secteur d'activité par référence auquel devait être appréhendée la situation économique litigieuse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;
2°/ que l'obligation de reclassement impose seulement à l'employeur de proposer un emploi relevant de la même catégorie ou d'une catégorie inférieure à celui occupé par le salarié ou un emploi équivalent ; qu'en l'espèce, il était constant que la salariée, pharmacienne, était en charge de la pharmacie à usage interne de la société Bastide Médicis et occupait en cela un emploi qualifié dans une spécialité paramédicale ; qu'il était également constant que cette société était la seule à exercer cette activité pharmaceutique, les autres sociétés recourant à des officines extérieures ; qu'il en résultait qu'aucun poste compatible avec la qualification de la salariée, serait-ce de niveau inférieur, ne pouvait lui être proposé ; qu'en se bornant à relever qu'aucune réflexion n'avait été menée en vue du reclassement de la salariée sur un poste équivalent dans le cadre du groupe ou de catégorie inférieure, la cour d'appel, qui a étendu l'obligation de reclassement au-delà des exigences liées à la spécificité de la qualification de la salariée et de l'activité définitivement abandonnée par la société et nulle part ailleurs exercée dans le groupe, a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
3°/ que l'arrêt attaqué a retenu que les conditions de la rupture du contrat de travail (changement de position de l'employeur et dispense de préavis) ne caractérisaient pas de la part de l'employeur un comportement fautif justifiant l'octroi de dommages-intérêts distincts de ceux réparant le préjudice lié à la rupture du contrat de travail ; qu'en tenant néanmoins compte de ces mêmes "conditions de la rupture" pour fixer le montant des dommages-intérêts alloués, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant par là même l'article L. 1235-3 du code du travail, ensemble l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, qu'ayant exactement rappelé qu'en application de l'article L. 1233-4 du code du travail les possibilités de reclassement d'un salarié dont le licenciement pour motif économique est envisagé doivent être recherchées dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, la cour d'appel, qui a constaté que la société n'avait procédé à aucune recherche au sein des établissements du groupe dont elle faisait partie, a décidé à bon droit, abstraction faite du motif critiqué par la première branche du moyen, que l'employeur avait méconnu son obligation de reclassement et que le licenciement était dépourvu de cause économique réelle et sérieuse ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui n'a pas alloué à la salariée des dommages-intérêts distincts de ceux réparant le préjudice lié à la rupture, a souverainement apprécié, au vu des éléments qui lui étaient produits, l'étendue de ce préjudice ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Bastide Médicis fait encore grief à l'arrêt d'ordonner la capitalisation des intérêts selon les modalités prévues à l'article 1154 du code civil alors, selon le moyen, que l'indemnité accordée sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail n'emporte en principe intérêts au taux légal qu'à compter de la décision d'appel qui l'alloue ; que ces intérêts légaux ne portent eux-mêmes intérêts qu'à la condition d'être dus pour une année entière ; qu'en l'espèce, en ordonnant la capitalisation des intérêts sur une indemnité qui n'était due qu'à compter de sa propre décision, la cour d'appel a violé l'article 1154 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant décidé la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil, a nécessairement réservé cette capitalisation aux intérêts dus pour au moins une année entière ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bastide Médicis aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Bastide Médicis
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR infirmé le jugement déféré, d'AVOIR dit que le licenciement de Madame Sylvie X... était sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, d'AVOIR condamné la SAS BASTIDE MEDICIS à payer à celle-ci la somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts, ordonnée la capitalisation des intérêts selon les modalités prévues à l'article 1154 du Code civil et condamné la SAS BASTIDE MEDICIS à payer à la salariée une indemnité de 3 800 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « - sur la réalité de la cause invoquée à l'appui du licenciement : Même si l'arrêté préfectoral autorisant la fermeture de la pharmacie à usage interne est intervenu le 6 avril 2007, il apparaît cependant que la convention tripartite, qui retenait le tarif de soins partiel et excluait donc le recours à la pharmacie à usage interne prenait effet au 1er décembre 2006, ce qui a conduit à la cessation d'activité de ce service dès cette date. Cet événement est donc bien la vraie cause du licenciement de Mme Sylvie X....- sur l'élément causal du licenciement :Le motif économique invoqué à I'appui d'un licenciement, qu'il s'agisse des difficultés économiques, ou de la nécessité de sauvegarder la compétitivité, s'apprécie au niveau de I'entreprise, ou, lorsque celle-ci appartient à un groupe, au niveau du groupe, dans la limite du secteur d'activité auquel appartient I'entreprise. En I'espèce, il est établi que la pharmacie à usage interne, qui constitue un service interne à l'établissement géré par la S.A.S BASTIDE MEDICIS, présentait un déficit structurel récurrent. ll apparaît également qu'à la date à laquelle cette société a fait le choix de fermer ce service, son résultat d'exploitation accusait un déficit qui s'était aggravé par rapport à I'année 2005, et qui était de I'ordre de 536.000 € soit plus de 20 % du chiffre d'affaires, contre 386.400 € I'année précédente. Pour autant, alors que le groupe BASTIDE auquel appartient la S.A.S BASTIDE MEDICIS dispose de plusieurs EHPAD relevant donc du même secteur d'activité, elle ne démontre à aucun moment que ce secteur connaissait soit des difficultés, soit un contexte de nature à justifier la suppression du service déficitaire en vue de sauvegarder la compétitivité de ce secteur. Dès lors, la S.A.S BASTIDE MEDICIS n'établit pas le caractère sérieux du motif économique allégué, ce qui rend le licenciement de Mme Sylvie X... sans cause réelle et sérieuse.- sur le reclassement :De plus, en application de l'article L 1233-4 du Code du travail, le licenciement pour motif économique ne doit être notifié qu'après que I'employeur a épuisé les possibilités de reclassement interne, ces possibilités devant être recherchées dans le cadre du groupe dont les activités, I'organisation ou le lieu de travail ou d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel. Alors que I'article précité impose la recherche d'un reclassement sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'occupe le salarié, ou Sur un emploi équivalent, voire, à défaut, et sous réserve de I'accord exprès du salarié, Sur un emploi d'une catégorie inférieure, la S.A.S BASTIDE MEDICIS s'est bornée à constater I'impossibilité de tout reclassement au motif qu'elle ne disposait pas d'autre poste de pharmacien, c'est-àdire de poste de même catégorie. Ce constat résulte des termes mêmes de la lettre de licenciement dans laquelle I'employeur justifie ainsi de la vanité de ses recherches : "en vain, puisque aucun autre emploi équivalent, relevant de votre qualification n'était disponible, et pour cause puisque la pharmacie à usage interne constituait une spécificité de la société BASTIDE MEDICIS, spécificité qui ne se retrouve dans aucun autre des établissements de notre société et plus avant de notre groupe. Aucune solution par conséquent ne pouvait 'être proposée dans ce cadre, fut-ce par adaptation ou modification de votre contrat de travail, au demeurant impossible compte tenu de votre qualification professionnelle de pharmacienne."L'absence de toute réflexion en Vue du reclassement de Mme Sylvie X... sur un poste équivalent, notamment dans le cadre du groupe parmi les établissements médicaux gérés, voire sur un poste de catégorie inférieure est ainsi avérée, et la production du registre du personnel du seul établissement dans lequel travaillait Mme Sylvie X... est insuffisante à démontrer I'impossibilité de tout reclassement.Ainsi et également pour ce motif le licenciement de Mme Sylvie X... est dénué de cause réelle et sérieuse.- sur le préjudice :Mme Sylvie X... établit le brusque changement de position de I'employeur quant à I'avenir de son service, puisque, alors qu'il avait obtenu en février 2006 I'autorisation de rendre la pharmacie à usage interne commune aux deux EHPAD de la région, il a demandé sa fermeture le 23 novembre à effet du 1er décembre 2006 et a licencié Mme Sylvie X... Ie 8 décembre en la dispensant de I'exécution de son préavis. Ces circonstances ont nécessairement contribué à accroître le préjudice de Mme Sylvie X... sans pour autant caractériser de la part de I'employeur un comportement fautif justifiant I'octroi de dommages-intérêts distincts de ceux qui réparent le préjudice lié à la rupture du contrat de travail. Ainsi, au regard notamment de la durée de la relation de travail et de I'emploi perdu, de l'âge de Mme Sylvie X..., de ses chances de retrouver un emploi, des conditions de la rupture, la Cour dispose des éléments justifiant de fixer à la somme de 35.000 € le montant des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement illégitime.La capitalisation des intérêts qui est réclamée, est ordonnée, conformément aux dispositions de I'article 1154 du Code civil. En application de l'article 700 du Code de procédure civile, il est alloué à Mme Sylvie X... I'indemnité fixée au dispositif de cette décision» ;
1. ALORS QU' il était constant en l'espèce que, parmi les établissements du groupe GB, seule la société BASTIDE MEDICIS dispensait une activité pharmaceutique interne évitant le recours à des officines extérieures, laquelle activité présentait, selon les propres termes de la Cour d'appel, « un déficit structurel récurrent », le résultat d'exploitation de la société elle-même accusant un déficit en 2005 qui s'était aggravé en 2006 (arrêt p.3) ; qu'en reprochant à la société BASTIDE MEDICIS de ne pas établir que le secteur d'activité des établissements du groupe connaissait des difficultés ou un contexte économique imposant la suppression de l'activité pharmaceutique, sans à aucun moment expliquer en quoi la pharmacie ne constituait pas un secteur d'activité par référence auquel devait être appréhendée la situation économique litigieuse, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1233-3 du Code du travail ;
2. ALORS QUE l'obligation de reclassement impose seulement à l'employeur de proposer un emploi relevant de la même catégorie ou d'une catégorie inférieure à celui occupé par le salarié ou un emploi équivalent ; qu'en l'espèce, il était constant que la salariée, pharmacienne, était en charge de la pharmacie à usage interne de la société BASTIDE MEDICIS et occupait en cela un emploi qualifié dans une spécialité paramédicale ; qu'il était également constant que cette société était la seule à exercer cette activité pharmaceutique, les autres sociétés recourant à des officines extérieures ; qu'il en résultait qu'aucun poste compatible avec la qualification de la salariée, serait-ce de niveau inférieur, ne pouvait lui être proposé ; qu'en se bornant à relever qu'aucune réflexion n'avait été menée en vue du reclassement de la salariée sur un poste équivalent dans le cadre du groupe ou de catégorie inférieure, la Cour d'appel, qui a étendu l'obligation de reclassement au-delà des exigences liées à la spécificité de la qualification de la salariée et de l'activité définitivement abandonnée par la société et nulle part ailleurs exercée dans le groupe, a violé l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
3. ALORS subsidiairement QUE l'arrêt attaqué a retenu que les conditions de la rupture du contrat de travail (changement de position de l'employeur et dispense de préavis) ne caractérisaient pas de la part de l'employeur un comportement fautif justifiant l'octroi de dommages-intérêts distincts de ceux réparant le préjudice lié à la rupture du contrat de travail ; qu'en tenant néanmoins compte de ces mêmes "conditions de la rupture" pour fixer le montant des dommages et intérêts alloués, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant par là même l'article L. 1235-3 du Code du travail, ensemble l'article 1147 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
, invoqué à titre subsidiaire
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR ordonné la capitalisation des intérêts selon les modalités prévues à l'article 1154 du Code civil ;
AUX MOTIFS QU' « au regard notamment de la durée de la relation de travail et de l'emploi perdu, de l'âge de Mme Sylvie X..., de ses chances de retrouver un emploi, des conditions de la rupture, la Cour dispose des éléments justifiant de fixer à la somme de 35.000 € le montant des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement illégitime. La capitalisation des intérêts qui est réclamée, est ordonnée, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil » ;
ALORS QUE l'indemnité accordée sur le fondement de l'article L. 1235-3 du Code du travail n'emporte en principe intérêts au taux légal qu'à compter de la décision d'appel qui l'alloue ; que ces intérêts légaux ne portent eux-mêmes intérêts qu'à la condition d'être dus pour une année entière ; qu'en l'espèce, en ordonnant la capitalisation des intérêts sur une indemnité qui n'était due qu'à compter de sa propre décision, la Cour d'appel a violé l'article 1154 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-10556
Date de la décision : 18/05/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 18 novembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 mai. 2011, pourvoi n°10-10556


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.10556
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award