LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 10 novembre 2009), que la société civile immobilière Océanic (la SCI), propriétaire d'un terrain de 14.457 m2 composé de hangars, entrepôts, bureaux et d' un logement de gardien, donnés à bail, a fait adresser à la mairie par M. X..., notaire, une déclaration d'intention d'aliéner ce terrain, au prix de 6 000 000 euros, outre une commission d'agence de 717 600 euros ; que le 17 juillet 2008, l'Etablissement public foncier de Normandie (EPFN), délégataire du droit de préemption, a fait savoir qu'il exerçait son droit sur cet immeuble au prix de 4 915 000 euros en valeur occupée, fixé par application de la méthode de la récupération foncière, sur lequel le coût de la démolition des constructions ainsi que celui de la dépollution du terrain s'élevant à un total de 1 900 000 euros devaient venir en déduction, soit un prix net vendeur de 3 015 000 euros ; que la SCI ayant fait connaître son intention de maintenir son prix initial, l'EPFN a saisi la juridiction de l'expropriation d'une demande de fixation du prix ;
Sur le moyen unique :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de dire qu'il y a lieu de fixer le prix de l'ensemble immobilier lui appartenant, selon la méthode de récupération foncière, alors, selon le moyen :
1°/ que tenu de réparer l'intégralité du préjudice causé par l'exercice du droit de préemption, le juge de l'expropriation ne peut retenir la méthode de récupération foncière correspondant à la valeur du terrain nu, diminuée du coût de démolition des constructions, que si l'état vétuste ou délabré des constructions justifie leur démolition ou leur remise en état aux frais du vendeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater le caractère insalubre ou impropre à l'usage des constructions édifiées sur le terrain, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation ;
2°/ qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les constructions édifiées sur le terrain litigieux, à usage de hangars, magasin, entrepôts, bureaux et habitation, occupaient 9.170 m2 sur une surface totale de 14.457 m2, soit près de 2/3 de la surface totale de l'ensemble immobilier ; qu'en retenant que la méthode de récupération foncière devait être utilisée, eu égard de l'importance des surfaces non bâties, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article L. 13-13 du code de l'expropriation ;
3°/ que la méthode par comparaison ne peut être écartée pour la circonstance qu'un bien, par ailleurs similaire aux biens vendus et invoqués à titre de comparaison, est occupé ; qu'il s'agit alors seulement de déduire de la valeur du bien préempté, une moins-value résultant de cette occupation ; qu'en écartant les mutations invoquées par la SCI Oceanic à titre d'éléments de comparaison, dès lors qu'elles portaient sur des immeubles libres de toute occupation quand l'ensemble immobilier faisant l'objet du droit de préemption était donné à bail, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation ;
4°/ que la valeur d'un ensemble immobilier peut seulement être déterminée en fonction de son usage et état effectif à la date de référence ; qu'en considérant que l'ensemble immobilier voisin invoquée par la SCI Oceanic à titre d'élément de comparaison, n'était pas comparable à l'ensemble immobilier lui appartenant, faute de contrainte de démolition ou de dépollution, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que pesait sur la SCI à la date de référence, une obligation de démolition et/ ou de dépollution, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation ;
5°/ qu'enfin, en affirmant que les constructions de la SCI Oceanic étaient à usage d'entrepôts, tout en constatant que ces bâtiments étaient utilisés comme bureaux, entrepôts, hangars, logement et garages, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu qu'ayant souverainement retenu que les éléments de référence produits n'étaient pas comparables aux biens faisant l'objet du droit de préemption, la cour d'appel, choisissant la méthode d'évaluation qui lui est apparue la meilleure et la mieux appropriée, compte tenu de l'état des constructions et de l'importance des surfaces non bâties, a, sans se contredire, ni violer l'article L. 13-13 du code de l'expropriation, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Océanic aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, avocat aux Conseils pour la société Océanic
Le moyen unique de cassation reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit qu'il y avait lieu de fixer le prix de l'ensemble immobilier situé au Havre, appartenant à la SCI Oceanic et faisant l'objet du droit de préemption de l'EPFN, selon la méthode de récupération foncière ;
Aux motifs que la société Oceanic soutient que la méthode de récupération foncière ne peut être utilisée que pour l'évaluation d'immeubles insalubres ou menaçant ruine, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Elle invoque le prix de 6.000.000 € correspondant à l'offre d'acquisition de la société civile immobilière DAI à Mérignac en date du 13 mai 2008.
Mais ce prix qui est celui mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner et qui ne correspond pas à une vente effective ne peut être retenu à titre d'élément de comparaison.
La société Oceanic invoque aussi à titre d'éléments de comparaison, la vente d'un ensemble immobilier voisin sis 58, rue du général Chanzy au Havre, d'une surface de 15.443 m2, moyennant un prix de 9.179.301 €.
Mais il convient d'observer que les immeubles à usage de bureaux, situés rue Chanzy, sans aucune contrainte de démolition de bâtiments, ni de dépollution des terrains, ne sont aucunement comparables aux immeubles à usage d'entrepôts de la société Oceanic concernés par la présente procédure.
Enfin, les autres mutations citées par la société Oceanic portent sur des immeubles libres de toute occupation alors que l'ensemble immobilier faisant l'objet du droit de préemption est loué, en vertu de baux commerciaux, à sept locataires.
Faute d'éléments de comparaison probants, il y a lieu d'utiliser, eu égard de l'importance des surfaces non bâties (5.287 m2) par rapport aux surfaces bâties, la méthode de récupération foncière pour évaluer le bien faisant l'objet du droit de préemption.
L'utilisation de la méthode de récupération foncière pour l'évaluation d'un bien suppose que soient déduits au préalable les coûts de démolition des bâtiments et les frais éventuels de dépollution des terrains ;
Alors, d'une part, que tenu de réparer l'intégralité du préjudice causé par l'exercice du droit de préemption, le juge de l'expropriation ne peut retenir la méthode de récupération foncière correspondant à la valeur du terrain nu, diminuée du coût de démolition des constructions, que si l'état vétuste ou délabré des constructions justifie leur démolition ou leur remise en état aux frais du vendeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater le caractère insalubre ou impropre à l'usage des constructions édifiées sur le terrain, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation ;
Alors, en tout état, qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les constructions édifiées sur le terrain litigieux, à usage de hangars, magasin, entrepôts, bureaux et habitation, occupaient 9.170 m2 sur une surface totale de 14.457 m2, soit près de 2/3 de la surface totale de l'ensemble immobilier ; qu'en retenant que la méthode de récupération foncière devait être utilisée, eu égard de l'importance des surfaces non bâties, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article L. 13-13 du code de l'expropriation ;
Alors, ensuite, que la méthode par comparaison ne peut être écartée pour la circonstance qu'un bien, par ailleurs similaire aux biens vendus et invoqués à titre de comparaison, est occupé ; qu'il s'agit alors seulement de déduire de la valeur du bien préempté, une moins-value résultant de cette occupation ; qu'en écartant les mutations invoquées par la SCI Oceanic à titre d'éléments de comparaison, dès lors qu'elles portaient sur des immeubles libres de toute occupation quand l'ensemble immobilier faisant l'objet du droit de préemption était donné à bail, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation ;
Alors, encore, que la valeur d'un ensemble immobilier peut seulement être déterminée en fonction de son usage et état effectif à la date de référence ; qu'en considérant que l'ensemble immobilier voisin invoquée par la SCI Oceanic à titre d'élément de comparaison, n'était pas comparable à l'ensemble immobilier appartenant à l'exposante, faute de contrainte de démolition ou de dépollution, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que pesait sur l'exposante à la date de référence, une obligation de démolition et/ ou de dépollution, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation ;
Alors, enfin, qu'en affirmant que les constructions de la SCI Oceanic étaient à usage d'entrepôts, tout en constatant que ces bâtiments étaient utilisés comme bureaux, entrepôts, hangars, logement et garages, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.