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10/05/2011 | FRANCE | N°10-17679

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 mai 2011, 10-17679


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Honda France (la société Honda) ayant résilié le contrat de concession exclusive qui la liait à la société Automobile pugetoise (la société SAP)en application de la clause résolutoire qui y est stipulée pour violation de certaines obligations essentielles mises à la charge de cette dernière, la société SAP, estimant cette résiliation abusive, l'a assignée en réparation de son préjudice ;
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu

l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour dire fautive la résiliation du cont...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Honda France (la société Honda) ayant résilié le contrat de concession exclusive qui la liait à la société Automobile pugetoise (la société SAP)en application de la clause résolutoire qui y est stipulée pour violation de certaines obligations essentielles mises à la charge de cette dernière, la société SAP, estimant cette résiliation abusive, l'a assignée en réparation de son préjudice ;
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour dire fautive la résiliation du contrat de concession, l'arrêt, après avoir constaté que le hall d'exposition exclusivement réservé aux véhicules de marque Honda ainsi qu'au matériel publicitaire les concernant était séparé, au sein de la concession, de celui consacré aux véhicules de marque Mazda par un "mur d'images", retient que des zones de vente séparées et distinctes ont été organisées au sein du bâtiment concerné ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que l'article 3 du contrat imposait la vente de véhicules automobiles neufs de marques différentes dans des locaux séparés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche qui est recevable :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que la société Honda ne peut valablement reprocher à la société SAP le non-respect de l'obligation qui lui est imposée de détenir à des fins de démonstration un certain nombre de véhicules automobiles qui devait être fixé d'un commun accord entre les parties puisqu'elle ne justifie d'aucun accord préalable ainsi intervenu quant au nombre des véhicules de démonstration nécessaire ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que l'annexe 5 bis du contrat dont se prévalait la société Honda, prévoyait la commande d'au moins trois véhicules de démonstration, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit fautive la résiliation du contrat de concession liant la société Honda France et la société Automobile pugetoise intervenue le 18 mars 2003, l'arrêt rendu le 16 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Automobile pugetoise aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Honda France la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour la société Honda France.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit fautive la résiliation du contrat de concession liant la société Honda France et la société Automobile Pugetoise intervenue le 18 mars 2003 ;
AUX MOTIFS d'une part QUE :
« la société Honda soutient que la société SAP avait ainsi violé de multiples manières les clauses du contrat de concession, l'autorisant de ce fait à mettre en oeuvre la clause résolutoire prévue à l'article 35.1 de la convention aux termes duquel :« le concédant pourra résilier le présent contrat par anticipation à tout moment par l'envoi d'une simple lettre recommandée avec avis de réception, sans aucune formalité judiciaire et sans indemnité pour le concessionnaire dans les cas suivants : 35.1.1 trente (30) jours après une mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception restée sans effet si le concessionnaire n'exécute pas l'une quelconque de ses obligations essentielles aux termes du présent contrat. Constituent des obligations essentielles au sens du présent article, celles visées aux articles 3, 6, 7, 12, 18, 19, 20, 20.1, 21.1, 23, 26, 28, 30, 32 et 33 » ;
(…) si l'article 5-3 du règlement d'exemption CE n°1475/95 alors applicable précise effectivement que le délai de préavis devant être respecté à l'occasion de la rupture d'un contrat de distribution exclusive ou sélective en matière automobile ne préjuge pas « du droit d'une partie d'exercer la résiliation extraordinaire de l'accord en raison d'un manquement de l'autre partie à l'une de ses obligations essentielles » et si la société Honda a, par l'envoi sus-rappelé d'une mise en demeure, respecté la procédure imposée pour la mise en oeuvre de la clause résolutoire précitée, il appartient néanmoins au juge saisi de vérifier la matérialité des manquements aux obligations visées dans la clause résolutoire et, par là même, le bien fondé du recours à la procédure « extraordinaire » de résiliation retenu ;
(…) la société Honda reproche en premier lieu à la société SAP d'avoir exploité la marque Mazda sans que les conditions autorisant un concessionnaire à vendre plusieurs marques ne soient remplies en l'espèce ; (…) cependant, l'article 3 du contrat de concession stipule à ce titre que : « le concessionnaire s'interdit de vendre sans l'accord préalable écrit du concédant des véhicules automobiles neufs offerts par d'autres que le concédant dans les exploitations commerciales dans lesquelles sont offerts les produits sauf s'il démontre l'existence de justifications objectives et donne toute garantie au concédant que la suppression de cette obligation ne portera pas atteinte à l'exécution de ses autres obligations aux termes du présent contrat. Le concessionnaire pourra cependant vendre des véhicules automobiles neufs offerts par d'autres concédants dans des locaux de vente séparés soumis à une gestion distincte et de manière telle que toute confusion de marques soit exclue » ;
(…) en l'occurrence, il ressort du constat d'huissier effectué le 19 mars 2003 à la demande même de l'intimée que dans la concession exploitée par la société SAP un hall d'exposition d'une superficie d'environ 120m² était exclusivement réservée aux véhicules de marque Honda ainsi qu'au matériel publicitaire les concernant ; (…) par ailleurs, les photographies jointes à la lettre adressée par l'appelante à la société Honda le 1er mars 2003 révèlent qu'un « mur d'images » séparait, au sein même de la concession, l'espace d'exposition réservé à la marque Honda de celui consacré à la marque Mazda de telle sorte qu'aucune confusion ne pouvait en résulter pour le client potentiel et qu'ainsi des zones de vente séparées et distinctes avaient été organisées au sein du bâtiment concerné ; (…) de même, et conformément aux exigences imposées par l'article 3 précité, la commercialisation des véhicules portant la marque Mazda était effectuée au travers de la société News, laquelle avait seule conclu un contrat de concession avec cet autre constructeur ; (…) i pour contester la réalité d'une « gestion distincte » au sens de l'article 3 sus rappelé l'intimée invoque l'existence de refacturation de salaires et de charges entre les sociétés SAP et News, ces éléments, à les supposer même établis, ne sont aucunement démonstratifs d'une quelconque fictivité de la société News et de l'absence de personnalité morale et d'autonomie financière de cette dernière ;
(…) en revanche, l'appelante verse aux débats les bulletins de salaire de M. X..., préposé de la société News et précisément chargé d'assurer la responsabilité de la vente des produits Mazda ; (…) dans ces conditions, la société SAP, justifiant, par les pièces produites et ci-dessus analysées, de la distribution de véhicules de la marque Mazda dans des locaux séparés, soumis à une gestion distincte et sous la forme d'une entité juridique propre, n'avait ni à solliciter l'autorisation préalable du concédant pour assurer la distribution d'une telle marque concurrente ni à devoir apporter une justification objective à la nécessité d'adjoindre celle-ci à son activité » ;
1°) ALORS QU'en déduisant l'absence de confusion possible entre les marques Honda et Mazda de la séparation prétendue des locaux de vente dédiés à chacune de ces marques, la cour d'appel a violé les articles 3.3 du Règlement d'exemption CE 1475/95 applicable à l'espèce et 1134 du code civil ;
2°) ALORS QU'en ne procédant pas, comme elle y était invitée, à l'examen du risque de confusion entre les deux marques Honda et Mazda par une appréciation de la situation dans son ensemble en relevant les facteurs pertinents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3.3 du Règlement d'exemption CE 1475/95 et 1134 du code civil ;
3°) ALORS QU'en ne recherchant pas comme elle y était invitée si l'affaire Charlot, dont il résultait qu'une compagnie d'assurance avait refusé à une cliente de la société SAP la prise en charge des frais de remise en état d'un véhicule Honda au motif que l'entretien de ce véhicule n'était pas assuré dans le réseau Honda, ne démontrait pas la confusion entre les marques Honda et Mazda, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3.3 du Règlement d'exemption CE 1475/95 et 1134 du code civil ;
4°) ALORS QU'en considérant qu'un simple « mur d'images » aurait pu suffire à séparer les espaces consacrés à la vente des véhicules Honda et des véhicules Mazda, quand l'article 3 du contrat de concession liant les parties impose la vente de véhicules de marques différentes dans des « locaux séparés », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
AUX MOTIFS d'autre part QUE :
« (…) la société Honda reproche en deuxième lieu à la société SAP de ne pas avoir respecté les obligations stipulées par les articles 21-1 et 23 du contrat de concession concernant la présentation d'un nombre déterminé de véhicules d'exposition et de démonstration ; (…) si elle souligne à cet effet le non-respect par l'appelante de son obligation, rappelée par la lettre de la mise en demeure, de « commander et payer au minimum quatre véhicules de démonstration pour lui permettre de faire essayer des véhicules aux clients de sa marque », il sera rappelé que l'article 23 susvisé prévoit que : « le concessionnaire détiendra à des fins de démonstration le nombre et la gamme de véhicules automobiles fixé d'un commun accord entre les parties ou à défaut d'accord, par un tiers expert en tenant compte notamment des ventes précédemment réalisées dans le territoire ainsi que des objectifs commerciaux du concédant et des estimations prévisionnelles des ventes de véhicules automobiles dans le territoire et au niveau national. L'expert sera choisi d'un commun accord ou, à défaut d'accord, par le président du tribunal de grande instance de Paris statuant en référé à la requête de la partie la plus diligente. L'avis du tiers expert liera les parties et ne sera susceptible d'aucun retour. Les conditions d'utilisation, les remises et les modalités de règlement pour ces véhicules automobiles seront fixées par le concédant par voie de circulaire » ; (…) en l'occurrence, l'intimée ne justifie d'aucun accord préalable entre les parties quant au nombre des véhicules de démonstration nécessaires ; (…) elle ne rapporte pas davantage la preuve du recours à un tiers expert ; (…) elle ne peut donc se fonder pour justifier le prononcé de la résiliation litigieuse sur le non respect d'un chiffre minimum de véhicules dont il n'est pas établi qu'il eût été arrêté antérieurement à la mise en demeure dont s'agit ; (…) si la société Honda soutient également que la société SAP n'aurait pas disposé du nombre de véhicules neufs requis par le contrat de concession dès lors que l'un d'eux aurait déjà été affecté à un client qui en avait passé commande, il échet de souligner qu'aucune disposition contractuelle ne prévoit qu'un véhicule doit être considéré comme exclu des stocks avant même qu'il soit effectivement livré à son acheteur ; (…) 'intimée a ainsi ajouté aux obligations contractuelles liant les parties et directement méconnu, de ce fait même, les dispositions de l'article 1134 du code civil ;
5°) ALORS QU'en estimant qu'aucun accord préalable n'aurait été conclu entre les parties quant au nombre de véhicules de démonstration sans rechercher, comme elle y était conviée, si l'annexe 5 bis du contrat litigieux n'imposait pas la commande d'au moins trois véhicules de démonstration, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
AUX MOTIFS enfin QU' :
« (…) en troisième lieu dans sa mise en demeure du 10 février 2003, la société Honda a exigé de son concessionnaire de régler les échéances dans les délais afin d'en revenir « au respect intégral de ses obligations contractuelles » et a fait référence à cet effet à deux lettres de change revenues impayées pour provision suffisante, d'un montant total de 26.847,85 euros ; (…) cependant, à la date de la mise en demeure, ledit incident avait été régularisé et la société SAP n'était débitrice d'aucune somme d'argent ; (…) par ailleurs, il sera observé qu'aucun impayé n'est intervenu entre la mise en demeure et l'intervention de la résiliation ; (…) par suite, l'intimée ne saurait utilement se prévaloir d'un quelconque impayé pour justifier la rupture du contrat de concession ; (…) un risque potentiel de défaillance d'un débiteur n'est pas constitutif d'un motif de résiliation ; (…) » ;
6°) ALORS QU'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'exposante ne démontrait pas l'existence de nombreux incidents de paiement – dont des commandes impayées en février et mars 2003 - justifiant, en vertu de l'article 35.1.2 du contrat unissant les parties, la résiliation immédiate sans préavis ni mise en demeure du contrat litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-17679
Date de la décision : 10/05/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 septembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 mai. 2011, pourvoi n°10-17679


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Defrenois et Levis, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.17679
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