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04/05/2011 | FRANCE | N°10-14586

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 mai 2011, 10-14586


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 décembre 2009), que Mme X..., engagée le 11 mars 1991 par la société ENP en qualité de secrétaire sténo-dactylo, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en invoquant notamment le défaut de paiement d'heures supplémentaires ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée un rappel de salaire au titre des heures

supplémentaires et des congés payés afférents, alors, selon le moyen :
1°...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 décembre 2009), que Mme X..., engagée le 11 mars 1991 par la société ENP en qualité de secrétaire sténo-dactylo, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en invoquant notamment le défaut de paiement d'heures supplémentaires ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties, de sorte que le juge ne peut, pour accueillir une demande formulée à ce titre, se fonder exclusivement sur les éléments de preuve fournis par le salarié sans examiner ceux produits par l'employeur de nature à justifier les horaires de travail effectivement réalisés par l'intéressé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui s'est exclusivement fondée, pour présumer le dépassement d'horaire, sur les bulletins de paie fournis par la salariée, sans analyser, quitte à les réfuter, les éléments contraires produits par la société ENP, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
2°/ que l'employeur peut rapporter la preuve des heures accomplies par tous moyens ; que le seul fait qu'il soit fait mention dans les bulletins de paie d'une base mensuelle de 169 heures ne saurait le priver du droit d'apporter cette preuve ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel a constaté que les bulletins de paie délivrés par la société ENP à Mme X... jusqu'au mois de juin 2006 inclus mentionnaient une base de 169 heures par mois, soit 39 heures par semaines ; qu'en retenant, sur cette base, une majoration de salaire de 25 %, sans permettre à l'employeur d'apporter la preuve par un autre moyen que la salariée travaillait, en réalité, 35 heures par semaine, la cour d'appel a, de nouveau, violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Mais, attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a, examinant les éléments de fait et de preuve produits par ces dernières et dont elle apprécie souverainement la portée, retenu que la salariée avait, pour la période en litige, effectué des heures supplémentaires ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt de prononcer, à ses torts exclusifs, la résiliation du contrat de travail de la salariée, alors, selon le moyen :
1°/ que la résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être prononcée aux torts de l'employeur qu'à la condition que soient caractérisés à sa charge des manquements suffisamment graves ; que le fait pour l'employeur de devoir à la salariée la seule somme de 534, 33 euros brute au titre des heures supplémentaires réalisées de juillet 2001 à juillet 2006 n'est pas suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts ; qu'en se fondant cependant sur ce seul fait pour prononcer la résiliation judiciaire aux torts de la société ENP, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1184 du code civil ;
2°/ qu'en décidant de résilier le contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si cette demande de résiliation n'avait pas pour origine le refus opposé par la société ENP de procéder à un licenciement de complaisance au bénéfice de Mme X..., laquelle souhaitait, en réalité, être licenciée pour des motifs personnels, la cour d'appel a, de nouveau, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble au regard de l'article 1184 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a retenu le défaut de paiement d'heures supplémentaires pour un montant de 534, 33 euros, a caractérisé l'existence d'un manquement imputable à l'employeur dont elle a souverainement apprécié la gravité ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société ENP aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société ENP à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour la société ENP.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société ENP à payer à Mme X... la somme de 534, 33 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour la période du 26 juillet 2001 au 6 juillet 2006 et de 53, 43 euros au titre des congés payés afférents et d'avoir, en conséquence, prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société ENP ;
Aux motifs que « sur les heures supplémentaires et sur les congés payés afférents ; Considérant que Mme X... soutient qu'elle travaillait du lundi au vendredi de 8H45 à 12H15 et de 13H30 à 18H, soit 40 heures par semaine ; que depuis le mois de janvier 2000, la société ENP, qui emploie plus de vingt salariés aurait dû appliquer la loi sur la réduction du temps de travail et lui permettre d'effectuer 35 heures par semaines ; qu'elle est donc bien fondée à obtenir le paiement des heures effectuées entre la 36ème et la 40ème heures de travail, majorées de 25 %, pour la période allant du 26 juillet 2001 au 6 juillet 2006 ;
Considérant que la société ENP fait valoir que, même si les bulletins de paie mentionnaient un horaire mensuel de 169 heures, les horaires des salariés administratifs avaient été portés à 35 heures par semaine ;
Considérant que s'il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail (article L. 212-1-1 selon l'ancienne codification) que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à é1ayer sa demande ;
Considérant que la salariée ne fournit aucun élément de nature à étayer qu'elle travaillait 40 heures par semaine, ses déclarations au cours de l'entretien préalable telles que rapportées par le conseiller qui l'assistait, ne pouvant constituer un tel élément ;
Considérant qu'en revanche, il résulte des bulletins de paie délivrés par l'employeur à Mme X... jusqu'au mois de juin 2006 inclus que celle-ci était employée sur la base de 169 heures par mois, soit 39 heures par semaine, ce qui est de nature à étayer la demande de la salariée, et que l'employeur ne fournit aucun élément établissant, comme il le soutient, que les salariés de l'entreprise occupant un poste administratif travaillaient 35 heures par semaine depuis le 1er janvier 2000 ;
Considérant que la société ENP employant plus de vingt salariés, Mme X... peut en conséquence prétendre à une majoration de salaire de 25 % pour les heures supplémentaires effectuées de la 36ème heure à la 39ème heure et qu'il convient, au vu des éléments du dossier, de lui allouer la somme de 534, 33 € brute, outre celle de 53, 43 € brute au titre des congés payés afférents ;
Considérant que le jugement entrepris sera infirmé en ce sens » ;
1/ Alors que, d'une part, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties, de sorte que le juge ne peut, pour accueillir une demande formulée à ce titre, se fonder exclusivement sur les éléments de preuve fournis par le salarié sans examiner ceux produits par l'employeur de nature à justifier les horaires de travail effectivement réalisés par l'intéressé ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui s'est exclusivement fondée, pour présumer le dépassement d'horaire, sur les bulletins de paie fournis par la salariée, sans analyser, quitte à les réfuter, les éléments contraires produits par la société ENP, a violé l'article L. 3171-4 du Code du travail ;
2/ Alors que, d'autre part, l'employeur peut rapporter la preuve des heures accomplies par tous moyens ; que le seul fait qu'il soit fait mention dans les bulletins de paie d'une base mensuelle de 169 heures ne saurait le priver du droit d'apporter cette preuve ; qu'au cas d'espèce, la Cour d'appel a constaté que les bulletins de paie délivrés par la société ENP à Madame X... jusqu'au mois de juin 2006 inclus mentionnaient une base de 169 heures par mois, soit 39 heures par semaines (arrêt, p. 6, 1er alinéa) ; qu'en retenant, sur cette base, une majoration de salaire de 25 %, sans permettre à l'employeur d'apporter la preuve par un autre moyen que la salariée travaillait, en réalité, 35 heures par semaine, la Cour d'appel a, de nouveau, violé l'article L. 3171-4 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame Nicole X... aux torts exclusifs de la société ENP et d'avoir en conséquence condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes de 16. 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2. 744, 08 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 274, 40 euros au titre des congés payés afférents et 3. 928, 11 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
Aux motifs que « sur la résiliation judiciaire du contrat de travail et sur ses conséquences ; Considérant que le non-paiement par l'employeur des majorations pour les heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures par semaine constituent la violation d'une obligation essentielle lui incombant qui justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée à ses torts, laquelle doit être fixée à la date du jugement du conseil de prud'hommes qui l'a prononcée, soit le 5 juillet 2007 ;
Considérant que lorsque la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Considérant qu'au moment de la rupture de son contrat de travail, Mme X... avait au moins deux années d'ancienneté et que la société ENP employait habituellement au moins onze salariés ;
Considérant qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail (article L. 122-14-4 selon l'ancienne codification), Mme X... peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'elle a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement ;
Considérant qu'en raison de l'âge de la salariée au moment de son licenciement (57 ans), de son ancienneté et du préjudice matériel et moral qu'elle a nécessairement subi, il convient de lui allouer la somme de 16 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Considérant que Mme X... peut en outre prétendre au paiement d'une indemnité de préavis égale à deux mois de salaire, soit la somme de 2 744, 08 € brute outre celle de 274, 40 € brute au titre des congés payés afférents ;
Considérant qu'aux termes de la convention collective applicable, Mme X... a droit a une indemnité de licenciement égale à 3/ 20ème de mois par année d'ancienneté entre la première et la quinzième année et de 3/ 20ème de mois + 1/ 20ème de mois au-delà de quinze années, avec une majoration de 10 %, la salariée étant âgée de plus de 55 ans ;
Considérant qu'il convient donc d'allouer à Mme X... la somme de 3 928, 11 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
Considérant qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail (article L. 122-14-4 alinéa 2 selon l'ancienne codification), il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société ENP aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont versées à Mme X... à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de deux mois » ;
1/ Alors que, d'une part, la résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être prononcée aux torts de l'employeur qu'à la condition que soient caractérisés à sa charge des manquements suffisamment graves ; que le fait pour l'employeur de devoir à la salariée la seule somme de 534, 33 euros brute au titre des heures supplémentaires réalisées de juillet 2001 à juillet 2006 n'est pas suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts ; qu'en se fondant cependant sur ce seul fait pour prononcer la résiliation judiciaire aux torts de la société ENP, la Cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du Code du travail, ensemble l'article 1184 du Code civil ;
2/ Alors que, d'autre part, en décidant de résilier le contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si cette demande de résiliation n'avait pas pour origine le refus opposé par la société ENP de procéder à un licenciement de complaisance au bénéfice de Madame X... laquelle souhaitait, en réalité, être licenciée pour des motifs personnels, la cour d'appel a, de nouveau, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du Code du travail, ensemble au regard de l'article 1184 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-14586
Date de la décision : 04/05/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 18 décembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 mai. 2011, pourvoi n°10-14586


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.14586
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