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04/05/2011 | FRANCE | N°09-17393

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 mai 2011, 09-17393


Attendu que par acte authentique du 11 juin 1990, la Société générale a conclu avec M. X..., entrepreneur en chaudronnerie, une convention de compte courant garantie par une hypothèque sur un immeuble situé... ; que par acte notarié du 21 août 1996, M. X... a consenti à son épouse, Mme Y..., un bail emphytéotique d'une durée de quatre vingt dix-neuf ans sur l'immeuble hypothéqué moyennant une redevance annuelle de 152, 44 euros ; qu'à la suite de divers incidents de paiement, la Société générale et M. X... ont conclu le 13 septembre 1999 un protocole transactionnel, réitér

é devant notaire le 23 septembre 1999, portant sur le remboursement ...

Attendu que par acte authentique du 11 juin 1990, la Société générale a conclu avec M. X..., entrepreneur en chaudronnerie, une convention de compte courant garantie par une hypothèque sur un immeuble situé... ; que par acte notarié du 21 août 1996, M. X... a consenti à son épouse, Mme Y..., un bail emphytéotique d'une durée de quatre vingt dix-neuf ans sur l'immeuble hypothéqué moyennant une redevance annuelle de 152, 44 euros ; qu'à la suite de divers incidents de paiement, la Société générale et M. X... ont conclu le 13 septembre 1999 un protocole transactionnel, réitéré devant notaire le 23 septembre 1999, portant sur le remboursement échelonné de la dette, dont le paiement était garanti par une hypothèque sur l'immeuble situé... et une seconde hypothèque sur un autre immeuble situé... à Limoges ; que Mme Y... est intervenue à l'acte pour donner son consentement à l'affectation hypothécaire de l'immeuble de la... ; que M. X... a été mis en liquidation judiciaire le 13 décembre 2000 ; que la Société générale a déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire ; que le 6 décembre 2006, elle a assigné les époux X... sur le fondement de l'article 1167 du code civil pour que lui soit déclaré inopposable le bail emphytéotique consenti à Mme Y... en 1996 ; que celle-ci a contesté la validité de l'hypothèque consentie sur l'immeuble situé... en faisant valoir que ce bien constituait le logement de la famille ; que le liquidateur est intervenu volontairement à l'instance aux fins de voir déclarer le bail litigieux inopposable à la liquidation judiciaire ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches :
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt attaqué (Limoges, 15 octobre 2009) d'avoir rejeté la demande d'annulation de l'hypothèque et d'avoir déclaré inopposable à la Société générale le bail emphytéotique consenti à Mme Y... sur l'immeuble, alors, selon le moyen :
1°/ que l'exception de nullité est perpétuelle ; qu'en estimant que Mme Y... aurait dû agir en nullité de l'hypothèque consentie par son époux sur le logement de la famille dans le délai d'un an à compter du jour où elle avait eu connaissance de cette constitution d'hypothèque, quand, défenderesse à l'action de la Société générale en inopposabilité du bail emphytéotique concernant cet immeuble, Mme Y... pouvait invoquer par voie d'exception la nullité de l'hypothèque sans condition de délai, la cour d'appel a violé l'article 215, alinéa 3, du code civil ;
2°/ qu'en estimant, en toute hypothèse, que Mme Y... avait eu connaissance de la sûreté prise sur l'immeuble de ... au plus tard en 1999, à l'occasion de l'acte passé devant M. A... auquel elle était intervenue, tout en constatant qu'elle n'était intervenue à l'acte qu'en ce qui concernait l'immeuble situé..., d'où il résultait nécessairement que Mme Y... n'avait pas eu à connaître de la situation de l'immeuble de ... et que le délai d'action n'avait pu courir à compter de la signature de l'acte établi par M. A..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 215, alinéa 3, du code civil ;
Mais attendu que la règle selon laquelle l'exception de nullité est perpétuelle ne peut être invoquée qu'en tant que moyen de défense opposé à une demande d'exécution d'un acte irrégulièrement passé ; qu'après avoir relevé que l'action de la banque ne tendait qu'à l'inopposabilité du bail emphytéotique tandis que les époux X... sollicitaient à titre reconventionnel l'annulation de l'hypothèque consentie sur l'immeuble situé
... à Limoges, la cour d'appel, qui a estimé, par une appréciation souveraine, que Mme Y... avait eu connaissance de cette hypothèque en signant et paraphant chacune des pages de l'acte notarié du 23 septembre 1999, a décidé à bon droit que l'action en nullité, engagée plus d'un an après cette date, était prescrite ;
Sur le second moyen :
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré inopposable à la Société générale le bail emphytéotique consenti le 21 août 1996 à Mme Y..., alors, selon le moyen, que, seuls les créanciers antérieurs à l'acte litigieux peuvent exercer l'action paulienne ; qu'en faisant droit à l'action paulienne de la Société générale, tendant à ce que soit déclarée inopposable à son égard le bail emphytéotique consenti par M. X... à son épouse le 21 août 1996, portant sur l'immeuble de ... à Limoges, au motif que la banque se trouvait créancière hypothécaire de M. X... dès le 11 juin 1990, date de la constitution sur cet immeuble d'une hypothèque assortissant le découvert en compte consenti à l'intéressé, tout en relevant que, par acte notarié conclu avec la banque le 23 septembre 1999, le débiteur avait consenti " une nouvelle hypothèque sur l'immeuble situé avenue de la Révolution à Limoges ", d'où il résultait nécessairement que la première hypothèque était caduque et que la banque détenait ses droits sur l'immeuble litigieux en vertu d'un acte du 23 septembre 1999, postérieur au bail emphytéotique attaqué en date du 21 août 1996, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1167 du code civil ;
Mais attendu que l'exercice de l'action paulienne n'est pas subordonné à la constitution préalable d'une sûreté ; que le moyen est inopérant ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que M. B..., ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. X..., fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir déclarer le bail emphytéotique inopposable à la liquidation judiciaire, alors, selon le moyen, que si en principe, l'acte critiqué doit être postérieur à la naissance de la créance, il n'en est plus ainsi lorsqu'il est démontré que la fraude a été organisée à l'avance en vue de porter préjudice à des créanciers futurs ; qu'au soutien de sa demande tendant à voir déclarer inopposable à la liquidation judiciaire le bail emphytéotique consenti par M. X... au profit de son épouse, le 21 août 1996, le liquidateur faisait précisément valoir que M. X... avait ainsi, à l'avance, organisé une fraude pour priver ses créanciers futurs des garanties sur lesquelles ceux-ci pouvaient légitimement compter ; qu'ainsi, en se prononçant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si M. X... et son épouse n'avaient pas, à l'avance, organisé une fraude en concluant le bail emphytéotique au profit cette dernière, en vue de porter préjudice aux créanciers futurs du premier, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1167 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant exactement énoncé que la circonstance que le liquidateur se soit associé à la procédure engagée par l'un des créanciers n'avait pas, à elle seule, pour effet de rendre l'acte litigieux inopposable à l'ensemble des créanciers, la cour d'appel qui a effectué la recherche prétendument omise, a souverainement estimé qu'à défaut pour le liquidateur de justifier que les créanciers qu'il représente disposaient d'un principe certain de créance lors de la conclusion du bail emphytéotique, M. X... avait seulement eu conscience du préjudice qu'il causait à la Société générale en consentant un tel bail ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux X... à payer à la Société générale la somme de 2 500 euros, rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils pour les époux X..., demandeurs au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Madame Monique Y... tendant à l'annulation de l'hypothèque constituée au profit de la SOCIETE GENERALE par Monsieur Serge X... sur l'immeuble situé... et déclaré inopposable à la banque le bail emphytéotique consenti le 21 août 1996 sur cet immeuble par Monsieur X... au profit de Madame Y..., épouse X... ;
AUX MOTIFS QUE s'il ressort des dispositions de l'article 215 du Code civil que celui des deux époux qui n'a pas consenti à l'acte peut en demander la nullité, cette action ne lui est ouverte que dans l'année à partir du jour où il en a eu connaissance ; que Monique Y... a bien eu connaissance de l'hypothèque au plus tard en 1999, à l'occasion de l'acte passé devant Maître A..., auquel elle est intervenue ; qu'il importe peu à cet égard qu'elle ne soit intervenue à l'acte qu'en ce qui concerne l'immeuble situé... ; qu'il y est rappelé en effet page 3 que l'immeuble situé avenue de la Révolution est grevé d'une hypothèque conventionnelle prise au bureau des hypothèques de LIMOGES le 29 juin 1990 au profit de la SOCIETE GENERALE en sorte qu'il est constant que Monique Y..., qui a signé et paraphé à chaque page ledit acte notarié et a ainsi eu connaissance de l'hypothèque précédemment consentie par son conjoint, n'a pas agi dans le délai prévu par l'article 215 du Code civil (arrêt p. 4 al. 2) ;
ALORS, d'une part, QUE l'exception de nullité est perpétuelle ; qu'en estimant que Madame Y... aurait dû agir en nullité de l'hypothèque consentie par son époux sur le logement de la famille dans le délai d'un an à compter du jour où elle avait eu connaissance de cette constitution d'hypothèque, quand, défenderesse à l'action de la SOCIETE GENERALE en inopposabilité du bail emphytéotique concernant cet immeuble, Madame Y... pouvait invoquer par voie d'exception la nullité de l'hypothèque sans condition de délai, la cour d'appel a violé l'article 215, alinéa 3, du Code civil ;
ALORS, d'autre part, QU'en estimant, en toute hypothèse, que Madame Y... avait eu connaissance de la sûreté prise sur l'immeuble de ... au plus tard en 1999, à l'occasion de l'acte passé devant Maître A... auquel elle était intervenue, tout en constatant qu'elle n'était intervenue à l'acte qu'en ce qui concernait l'immeuble situé..., d'où il résultait nécessairement que Madame Y... n'avait pas eu à connaître de la situation de l'immeuble de ... et que le délai d'action n'avait pu courir à compter de la signature de l'acte établi par Maître A..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 215, alinéa 3, du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré inopposable à la SOCIETE GENERALE le bail emphytéotique consenti le 21 août 1996 par Monsieur X... au profit de Madame Y..., épouse X... sur l'immeuble situé... ;
AUX MOTIFS QUE l'action paulienne peut être exercée par le créancier hypothécaire en dehors même de l'insolvabilité du débiteur dès lors que par l'acte frauduleux le débiteur réduit la valeur de ses biens, diminuant ainsi l'efficacité de la sûreté dont le créancier s'était aménagé l'avantage ; que le bail emphytéotique du 21 août 1996 ayant été consenti au mépris des droits de la banque, créancière de Serge X... selon acte du 11 juin 1990, la banque est fondée en son action paulienne dès lors que Serge X..., qui n'ignorait pas que le bail qu'il consentait avait pour effet de rendre inefficace l'hypothèque préalablement consentie par lui à la banque, ne peut sérieusement soutenir ne pas avoir eu conscience du préjudice qu'il causait à son créancier ; qu'à cet égard, la publication du bail au bureau des hypothèques ne prive pas le créancier d'exercer, dans le délai de prescription, l'action paulienne ; que la publication a au contraire pour objet de porter à la connaissance des tiers des actes de nature à interférer sur leurs droits, ce qui leur ouvre toutes actions, telle l'action paulienne, prévues par la loi en vue de les faire respecter ; qu'ainsi, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré inopposable à la banque le bail emphytéotique consenti le 21 août 1996 par Serge X... à Monique Y..., épouse X... (arrêt p. 4 al. 3 à 5) ;
ALORS QUE seuls les créanciers antérieurs à l'acte litigieux peuvent exercer l'action paulienne ; qu'en faisant droit à l'action paulienne de la SOCIETE GENERALE, tendant à ce que soit déclarée inopposable à son égard le bail emphytéotique consenti par Monsieur X... à son épouse le 21 août 1996, portant sur l'immeuble de ... à LIMOGES, au motif que la banque se trouvait créancière hypothécaire de Monsieur X... dès le 11 juin 1990, date de la constitution sur cet immeuble d'une hypothèque assortissant le découvert en compte consenti à l'intéressé, tout en relevant que, par acte notarié conclu avec la banque le 23 septembre 1999, le débiteur avait consenti « une nouvelle hypothèque sur l'immeuble situé avenue de la Révolution à LIMOGES », d'où il résultait nécessairement que la première hypothèque était caduque et que la banque détenait ses droits sur l'immeuble litigieux en vertu d'un acte du 23 septembre 1999, postérieur au bail emphytéotique attaqué en date du 21 août 1996, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1167 du Code civil. Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils pour M. B..., ès qualités, demandeur au pourvoi incident

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de Me B..., ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. X..., tendant à voir déclarer inopposable à la liquidation judiciaire le bail emphytéotique consenti le 21 août 1996 par M. Serge X... à Mme Monique Y..., épouse X..., portant sur l'immeuble situé 33 ter avenue de la Révolution, à Limoges ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'inopposabilité d'un acte résultant de l'action paulienne exercée contre le débiteur par un créancier n'a d'effet qu'à l'égard de ce dernier ; qu'ainsi la circonstance que le liquidateur s'associe à la procédure engagée par l'un des créanciers n'a pas à elle seule pour effet de rendre l'acte inopposable à l'ensemble des créanciers ; qu'à défaut de justification par le liquidateur que les créanciers qu'il représente disposaient de créances antérieures au bail, il ne peut être fait droit à sa demande tendant à voir juger le bail inopposable à la liquidation ;
ET AUX MOTIFS NON CONTRAIRES ADOPTES QUE Me B... sollicite que l'inopposabilité du bail soit étendue à la liquidation judiciaire ; que Me B... n'établit pas que les autres créances de la liquidation judiciaire soient antérieures au bail ; que dès lors les conditions de l'action paulienne ne sont pas réunies ; qu'il convient de rejeter la demande ;
ALORS QUE si en principe, l'acte critiqué doit être postérieur à la naissance de la créance, il n'en est plus ainsi lorsqu'il est démontré que la fraude a été organisée à l'avance en vue de porter préjudice à des créanciers futurs ; qu'au soutien de sa demande tendant à voir déclarer inopposable à la liquidation judiciaire le bail emphytéotique consenti par M. X... au profit de son épouse, le 21 août 1996, Me B..., ès qualités, faisait précisément valoir que M. X... avait ainsi, à l'avance, organisé une fraude pour priver ses créanciers futurs des garanties sur lesquelles ceux-ci pouvaient légitimement compter ; qu'ainsi, en se prononçant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si M. X... et son épouse n'avaient pas, à l'avance, organisé une fraude en concluant le bail emphytéotique au profit cette dernière, en vue de porter préjudice aux créanciers futurs du premier, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1167 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 09-17393
Date de la décision : 04/05/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 15 octobre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 mai. 2011, pourvoi n°09-17393


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.17393
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